Comme on pouvait s’y attendre, il y a eu une grande agitation autour de ces protocoles la
semaine dernière parmi les partis politiques d’opposition tant en Arménie qu’en Turquie. De
plus, certains responsables azéris ainsi que des analystes ont critiqué les dirigeants turcs qui
semblent revenir sur leurs promesses répétées de ne pas ouvrir la frontière avec l’Arménie
tant que le conflit du Karabagh ne serait pas résolu.
Le 22 avril, lorsque l’Arménie et la Turquie ont rendu publique une "feuille de route" qui
régulerait leurs relations conflictuelles et permettrait l’ouverture de leur frontière commune,
l’Azerbaïdjan avait fortement protesté, menaçant de se venger de la Turquie en prenant toute
une série de mesures, y compris celle d’interrompre les livraisons de pétrole. Les dirigeants
turcs avaient immédiatement interrompu l’application de la "feuille de route" afin d’apaiser
leur "petit frère" l’Azerbaïdjan.
Les responsables turcs ont maintes fois annoncé qu’ils n’ouvriraient pas la frontière avec
l’Arménie à moins que le conflit du Karabagh ne soit réglé selon les desideratas de
l’Azerbaïdjan. Le Premier ministre Erdogan s’était senti obligé de s’envoler pour Bakou en
mai, pour faire cette même promesse devant le Parlement azéri.
Mais la pression internationale sur l’Arménie et la Turquie se faisant de plus en plus forte
pour que cette "feuille de route" gelée progresse, les responsables turcs ont fait très attention à
ne pas s’aliéner de nouveau l’Azerbaïdjan. Cette fois-ci, ils ont parfaitement briefé le
Président Aliyev à chaque étape de leurs discussions avec l’Arménie, rassurant constamment
l’Azerbaïdjan sur le fait que ses intérêts seraient protégés et qu’aucun accord ne serait conclu
avec l’Arménie tant que le conflit du Karabagh ne serait pas d’abord réglé.
Juste avant l’annonce des deux protocoles le 31 août, le Premier ministre Erdogan avait briefé
le Président Aliyev par téléphone et une délégation de hauts responsables turcs s’était rendue
à Bakou pour des discussions complémentaires.
Une lecture attentive du long texte des deux protocoles professionnellement élaboré et des
calendriers en annexe, révèle que le détail le plus critique – la date prévue de leur ratification
– est ommise !
Les documents expliquent avec une grande précision les conditions des accords ainsi que la
date butoir spécifique pour chacune des "mesures à prendre." Par exemple, ils déclarent qu’à
partir du 31 août, l’Arménie et la Turquie ont six semaines pour achever leurs "consultations
politiques internes" avant que les protocoles ne soient soumis à leurs Parlements pour
ratification. Les documents précisent également le calendrier exact des événements pour
l’ouverture de la frontière et la formation de diverses commissions.
Cependant, toutes ces étapes dépendent d’une condition cruciale qui est celle de la ratification
des protocoles par les deux Parlements, mais pour laquelle il n’est indiqué ni délai ni date
butoir. L’annonce conjointe faite le 31 août par l’Arménie et la Turquie, appelle simplement
les deux parties à "faire tous les efforts possibles" pour une ratification "dans les temps" des
protocoles. La date butoir manquante n’est certainement pas due à une erreur d’inattention !
Après s’être assuré l’accord de l’Arménie sur les deux conditions préalables posées – la
formation d’une commission "historique" et la reconnaissance de son intégrité territoriale –
Ankara a trouvé une solution intelligente à sa troisième condition préalable. La Turquie a
conditionné l’ouverture de la frontière à la résolution du conflit de l’Artsakh, sans inclure de
référence directe à cette exigence dans les protocoles.