Jean-Pierre Minaudier. Lycée La Bruyère, Versailles, avril 16, 2017. RI A3.2
malcommodément écrite en alphabet arabe
. La population était très mêlée:
sur les côtes d'Asie mineure il y avait autant de Grecs que de Turcs (plus
pas mal d'Arméniens dans les villes); en Asie mineure intérieure il y avait
de nombreux Arméniens, surtout à l'est
, et, à l'est aussi, des Kurdes (qui
parlent une langue persane, sans lien avec le turc ni avec l'Arabe); plus
au sud, en Mésopotamie, en Arabie et en Égypte, les Arabes dominaient,
humiliés par des siècles de joug étranger, mais fiers toujours, au moins la
majorité musulmane, d'être le peuple de la Révélation. D'un point de vue
religieux, les musulmans dominaient partout dans la partie asiatique de
l'Empire, sauf dans quelques régions arabes (essentiellement celle du Mont-
Liban, en gros le sud du Liban actuel sauf Bayrouth), dans les rares
régions rurales d'Anatolie orientale où les Arméniens étaient majoritaires,
et dans les villes où Grecs, Arméniens et Juifs faisaient à eux tous la
majorité. Les chrétiens étaient quand même assez nombreux en Syrie, en
Palestine et en Égypte. Il y avait aussi des juifs à peu près partout dans
les villes; il n'y en avait ni plus ni moins en Palestine qu'ailleurs;
contrairement à ceux d'Europe centrale, ils parlaient généralement la même
langue que les autres habitants de la région où ils vivaient
.
L'alphabet arabe ne note pas les voyelles brèves, ce qui n'est pas
trop gênant pour une langue sémitique comme l'arabe, car dans ces langues
le sens des racines est contenu dans les consonnes, les voyelles ayant, en
gros, un rôle grammatical. Mais en turc, langue sans aucune parenté avec
l'arabe, comme en français les voyelles font partie de la racine: c'st prq
dns ctt lng c'st xtrmmnt mlcmmd d'crr sns ls vylls, n n' cmprnd prtqmnt rn.
Sur les Arméniens, voyez l'annexe au chapitre 11 du cours sur la
France.
Note sur la situation religieuse du Proche-Orient:
Parmi les chrétiens la situation est très complexe, car il n'y a
jamais eu d'État chrétien puissant pour "faire le ménage": Byzance a été
très contestée dans ces régions, et après leur victoire les musulmans ne
sont pas intervenus dans les querelles des dhimmi (monothéistes non
musulmans vivant sous l'autorité de l'islam — sur ce mot, voyez un peu plus
bas dans le texte).
Les chrétiens d'Égypte sont des coptes: ce sont des monophysites,
c'est-à-dire qu'ils se sont séparés des autres chrétiens, les futurs
orthodoxes, catholiques et protestants, au concile de Chalcédoine en 451
sur le problème de la dualité (humaine et divine) de la nature du Christ:
ils insistent sur l'unicité de la nature du Christ (lequel est pour eux
"une physis du Verbe de Dieu incarné), ce qui les conduit à insister sur le
caractère spécifique de l'humanité du Christ — celui-ci n'est pas pour eux
un homme comme les autres. L'Église arménienne, Église nationale des
royaumes d'Arménie depuis le IVe siècle, est également une Église
monophysite. Les chrétiens du Mont-Liban sont des maronites, une Église
dont l'origine est à rechercher dans des tentatives médiévales (au VIIIe
siècle) de conciliation entre les monophysites et les chalcédoniens; depuis
les Croisades, ils se sont fortement rapprochés du catholicisme, au point
d'être souvent assimilés aujourd'hui à des catholiques de rite oriental.
Ailleurs au Proche-Orient, on trouve un cocktail fort complexe des grandes
confessions chrétiennes chalcédoniennes (des catholiques, dont certains ont
conservé leurs anciens rites orientaux — on les appelle les uniates,
l'uniatisme remonte au XVIIe siècle —; des orthodoxes, dont les melkites de
Syrie et du Liban — mais les monophysites s'appellent eux-mêmes orthodoxes
pour ajouter à la confusion —; des protestants depuis le XIXe siècle, à
cause de l'influence britannique puis américaine) et de ce qui reste des
petites Églises orientales, parfois très divergentes par rapport à
l'orthodoxie chalcédonienne (mais il existe aussi des uniates melkites,
arméniens et coptes, entre autres!). Ainsi en Syrie il existe une autre
Église monophysite, l'Église jacobite ou syrienne occidentale, "syrienne"
étant à prendre dans un sens géographique large; en Irak, en Syrie et dans
l'est de l'Anatolie, ainsi que plus à l'est en Iran et en Inde, on trouve
des chaldéens (ou syriens orientaux) et/ou des assyriens (j'ignore si c'est
exactement la même chose ou non), qui représentent ce qui reste des anciens