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INTRODUCTION.
Quand je dis le Christ, j’affirme plusieurs choses. Je n’en cite que trois, dans le cadre de
cette étude. D’abord, j’exprime ma foi en ce juif de Nazareth qui s’appelait Jésus et qui,
par Dieu, a été oint, fait par lequel il est devenu le Rois des rois, le Seigneur des
Seigneurs. Son onction s’est faite à partir de son baptême par Jean le Baptiste (Mt 3, 13-
17), s’est poursuivie dansa transfiguration (Mt 17, 1-9) et est arrivée à son paroxysme
dans l’événement de sa Résurrection par Dieu le Père. Celui-ci a reconnu l’authenticité
de son message et approuvé la manière dont il a conduit sa mission, montrant ainsi à
ceux qui l’ont combattu qu’ils se sont fourvoyés.
Le Christ est face aux nations. Cela veut dire que ce Jésus n’est plus simplement
membre d’un peuple, mais il est la lumière de toutes les nations. Son message est donc
adressé à tous les peuples, sans distinction de races, de religions, de système
économique ou idéologique. Ce message doit être exprimé dans toutes les langues du
monde, et chaque langue a suffisamment de ressources pour l’intégrer. Tout est donc
appelé à être christifié : les cultures africaines, les cultures gabonaises, toutes les
cultures du monde, les hommes, les animaux, le plantes, tout le cosmos, bref toutes les
créatures. Paul l’exprime en termes précis en déclarant, dans son épître aux Romains
« Nous le savons en effet : la création tout entière gémit maintenant encore dans les
douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas seule : nous aussi, qui possédons les prémices
de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance de notre
corps » (Rm 8, 22-23) (Mt 28, 18-20 ; Mc 16, 15).
A partir du moment on se réclame du Christ, on est tenu de s’impliquer dans la
proclamation de son message, lequel n’a rien d’ésotérique. Il doit être enseigné à tous
les hommes, quelles que soient leurs conditions, dans leur système linguistique,
politique, économique, social et culturel. C’est indispensable.
Mais attention, Jésus n’est ni une idole, ni une vedette, ni un plat. Il n’est pas une idole
que l’on définit, dans la Bible, comme une image gravée dans le bois, la pierre, le métal.
L’idolâtrie est une abomination. Elle condamnée dans le deuxième commandement :
« Tu n’auras pas d’autres Dieu que moi. Tu ne te feras pas d’idole, ni de représentation
quelconque de ce qui en haut dans le ciel, de ce qui est bas sur la terre. Tu ne te
prosterneras pas devant elles, et tu ne leur rendras pas de culte « (Ex 20, 3-5). Il n’est
pas non plus une vedette, personnage à qui l’on donne le premier rôle dans une pièce de
théâtre ou dans un film. L’oeuvre de Jésus est le don de sa vie pour ses amis. Ce n’est
pas seulement une idée, mais une réalité vécue. Il est encore moins un plat que l’on
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goûte pour voir s’il est bon ou pas. Il est le fondement de l’Eucharistie, point de rencontre
de Dieu et de l’humanité transfigurée et divinisée.
Parler de Jésus aux hommes n’a rien à voir avec nos propagandes modernes le but
n’est pas la vérité, mais la duction. Et tant pis pour celui qui se laissent séduire. Les
promesses, dit-on, n’engagent que ceux qui y croient ! Il y a une certaine manière de
parler de Jésus qui doit différer avec d’autres discours. L’on est bien obli de rester
collé à lui, de voir comment il a fait, en exemple pour nous. Lui-même ne dit-il pas, après
avoir lavé les pieds de ses disciples « Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le
Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres, car c’est
un exemple que je vous ai donné… » (Jn 13, 14-15). Pour transmettre efficacement le
message de Jésus aux nations, nous nous sommes d’abord référé à la Tradition des
apôtres, rapportée dans les Actes des apôtres au chapitre 15, à la Tradition des Pères
de l’Eglise nous avons des enseignements riches sur la transmission de l’évangile :
Clément d’Alexandrie (150-216), Jean Chrysostome (344-407), Saint Augustin (354-
430), Saint Grégoire le Grand 540-604). A ces quatre Pères, nous avons ajouté le
fondateur de la congrégation missionnaire du Saint-Esprit et du Saint Cœur de Marie, le
Père François Marie Paul Libermann. Nous nous sommes, après les pères abreuvés de
l’enseignement de Vatican II (1962-1965). Ensuite, nous avons dégagé ce qui nous
paraît être la méthode de Jésus que nous appelons la méthode christique. Enfin, en
dernier lieu, nous avons souligné les exigences pour celui qui veut transmettre
efficacement le message de Jésus, selon cette méthode.
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I.- La Tradition Apostolique
Le Concile de Jérusalem
Cette période commence avec le premier Concile de Jérusalem. C’est la première
grande assemblée tenue par les disciples après la montée au ciel du Seigneur. Il fallait
traiter du cas des païens qui embrassaient la foi chrétienne.
En effet, le problème de la foi chrétienne et des cultures des peuples se pose depuis les
origines de l’Eglise. Le chapitre 15 des Actes des Apôtres en témoigne. Nous y lisons, en
effet, « certaines gens descendirent alors de Judée, qui voulaient endoctriner les
frères : »Si vous ne vous faites pas circoncire selon la règle de Moïse, disaient-ils, vous
ne pouvez pas être sauvés ». Un conflit en résulta et des discussions assez graves
opposèrent Paul et Barnabas à ces gens. Paul rapporte cela, dans l’épître aux Galates
« Mais lorsque Céphas vint à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, car il s’était
mis dans son tort. En effet, avant que soient venus des gens envoyés par Jacques, il
prenait ses repas avec les païens ; mais après leur arrivée, il se mit à se dérober et se
tint à l’écart, par crainte des circoncis ; et les autres juifs entrèrent dans le jeu, de sorte
que Barnabas lui-même fut entraîné dans ce double jeu.
Il est difficile d’imaginer le contenu de tous les débats et les arguments des uns et des
autres pour défendre leurs différents points de vue. Il apparaît, en tout cas, que les
arguments de Paul ont prévalu. Paul dit, en effet, à Pierre : Si toi qui es Juif, tu vis à la
manière des païens et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à se
comporter en Juifs ? » (Ga 2, 11-14). Paul a dit défendre la vérité de l’Evangile. Nous
reviendrons sur cette expression « vérité de l’Evangile ». Toujours est-il qu’on décida
que Paul, Barnabas et quelques autres monteraient à Jérusalem pour régler ce différend
avec les apôtres et les anciens.
A Jérusalem, un consensus se dégagea comme en témoigne ce texte : « Les apôtres,
les anciens et les frères d’origine païenne qui se trouvent à Antioche, en Syrie et en
Cilicie. Nous avons appris que certains des nôtres étaient allés vous troubler et
bouleverser == vos esprits par leurs propos ; ils n’en étaient pas chargés. Nous avons
décidé unanimement de choisir des délégués que nous vous enverrions avec nos chers
Barnabas et Paul, des hommes qui ont livré leur vie pour le nom de notre Seigneur
Jésus Christ. Nous vous envoyons donc Judas et Silas pour vous communiquer de vive
voix les mêmes directives. L’Esprit Saint et nous-mêmes, nous avons en effet décidé de
ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables : vous abstenir des
viandes de sacrifices païens (1Co 8, 1-10), du sang, des animaux étouffés (Lv 17, 10-16
et de l’immoralité (Lv 18, 6-18). Si vous évitez tout cela avec soin, vous aurez bien agi.
Adieu » (Ac 15, 23-29).
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Pour une bonne compréhension des textes auxquels nous nous référons, il est
nécessaire de les situer dans le temps, en accord avec la plupart des exégètes : les
Actes des apôtres, écrits vraisemblablement par Luc, disciple de Paul : vers 80 ; l’épître
aux Romains : entre 54 et 57; l’épître aux Galates : entre 56-57.
Ces trois textes sont ceux qui, plus explicitement, font mention des crises d’adaptation
de la foi chrétienne dans le monde païen gréco-romain. Notons que les Actes des
apôtres ont été écrits en 80, donc bien après la mort de Pierre et de Paul, martyrisés, à
Rome, vers 72. Il s’agit donc d’un texte rétrospectif qui rassemble les différents
souvenirs. L’auteur du troisième évangile en a l’habitude et la méthode. De même que
pour l’écriture de l’évangile, « il s’est soigneusement informé de tout à partir des origines,
pour écrire un récit ordonné…afin que le croyant puisse constater la solidité des
enseignements qu’il a reçus » (Lc 1, 3-4), de même il s’est renseigné pour la rédaction
des Actes. Son lecteur, dans les deux cas, est Théophile « l’aimant Dieu ».
II.- La Tradition Patriotique
Depuis le Concile de Jérusalem, les prédicateurs de la parole se sont toujours efforcés
de faire de la foi chrétienne le ferment dans la pâte des cultures. Leur souci était double :
la fidélité au message et son adaptation aux formes de vie particulière des peuples qui
embrassaient la foi. L’histoire de l’évangélisation des peuples passe nécessairement par
les Pères de l’Eglise qui constituent ce que les chrétiens catholiques et orthodoxes
appellent la Tradition Patristique ou « Tradition » tout court. Nos frères protestants
n’acceptent pas celle-ci. Ils ne veulent s’en tenir qu’aux seuls textes de la Torah Ecrite à
la manière des Sadducéens (cf Jésus et les partis politico-religieux de son temps). Il y a
un vieux débat fort intéressant qui date du temps de Luther (1483-1546). Pour les
catholiques et les orthodoxes, il ne s’agit pas là des textes qui ont valeur d’évangile, mais
des interprétations du message, à des moments précis de l’évolution de l’expansion de
la Parole de Dieu parmi les peuples païens. Ces textes ont nourri la foi des fidèles, à
certaines époques. Nous pensons qu’on ne peut pas les ignorer purement et
simplement. Ils peuvent, en effet, nous aider à mieux analyser nos situations actuelles, à
éviter certaines interprétations erronées des textes et même certaines hérésies. Mais il
faut se garder d’élaborer, à partir deux, des théories d’évangélisation auxquelles leurs
auteurs n’ont jamais songé, ou de commenter certains d’entre eux selon des façons de
voir étrangères aux expériences qui poussèrent à les écrire.
Cette Tradition, très riche d’enseignements, pour ceux qui ont envie de bien comprendre
l’évolution de l’Eglise, mérite qu’on en tienne compte. Je voudrais, avant tout, faire
mention, ici, de quelques grandes figures qui ont marqué profondément la pensée
chrétienne face aux cultures païennes : quatre Pères de l’Eglise et un fondateur de
congrégation missionnaire. De leur enseignement, je ne soulignerai que ce qui me paraît
essentiel.
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1. Clément d’Alexandrie (150-216)
La vie de Clément d’Alexandrie est peu connue. Païen de naissance, il se familiarisa
avec tous les systèmes philosophiques de son temps. Il se convertit au christianisme et
voyagea successivement en Grèce, en Italie, en Egypte et à Alexandrie il eut pour
maître Pantène, alors Directeur de l’Ecole Théologique d’Alexandrie. Ce dernier, désigné
par le pape Démétrius Ier pour aller mener une mission chrétienne aux Indes, choisit
Clément pour successeur à la tête de l’Ecole d’Alexandrie.
Il est l’auteur de trois livres principaux que la Tradition patristique a gardés. Le premier
est le « Protreptique » il polémique contre les dieux païens et s’efforce de montrer la
grandiose unité de la révélation divine dans l’œuvre des philosophes, des poètes et de
leurs maîtres à tous, les prophètes de l’Ancien Testament. Le logos divin, apparu sous la
forme du Christ, unifie tous ces messages. Le deuxième est le « Pédagogue » où il
affirme que tout chrétien est un « spirituel », capable de percevoir Dieu. Le livre
préconise veut l’éducation chrétienne. Il présente une éthique adaptée aux besoins des
chrétiens de la classe moyenne et fournit au chrétien la règle de vie quotidienne qui doit
s’imprégner de l’exemple évangélique. Le troisième, les Stromates est un ouvrage de
réfutation des hérésies. Dans cette oeuvre, ses démonstrations exégétiques très
allégoriques ont rencontré des réticentes des théologiens des siècles suivants. Clément
d’Alexandrie reste un exemple de ceux qui ont réfléchi pour évangéliser les peuples dans
leur culture. Il voulait « Que la vérité, répandant au loin ses brillantes lumières, illumine
de toutes parts ceux qui sont enfoncés dans les ténèbres ; qu’elle débarrasse les
hommes de l’erreur, leur offrant, comme une main très puissante, l’intelligence pour les
sauver. »
2. Jean Chrysostome (344-407)
Jean Chrysostome a été archevêque de Constantinople et l’un des pères grecs les plus
remarquables. Il a beaucoup prêché et beaucoup écrit. Il ne se borne pas à affirmer
l’obligation qu’ont les fidèles de travailler à la conversion des païens, mais il traite aussi
des moyens et des méthodes à employer pour cela ; il recommande surtout aux
chrétiens une conduite exemplaire et édifiante. Il condamne le recours à la force aussi
bien que les faux accommodements avec le paganisme. Nous avons une orientation
pour ceux qui prêchent l’évangile chez les peuples païens.
3. Saint Augustin (354-430).
Comme tous les Pères de l’Eglise, Saint Augustin estime que l’expansion de l’Eglise doit
se faire et, selon lui, elle est déjà faite en quelque sorte. Non pas qu’il croie qu’elle soit
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