4.7. La peau et les organes superficiels 4.7.1. Du derme et de l'épiderme Des dermatites spécifiques et non spécifiques (y compris celles de l'oreille externe), peuvent être décrites chez les différentes espèces d'animaux domestiques (voir aussi la maladie de la crasse du porcelet, 2.3.4.1.). D'autres problèmes du derme et de l'épiderme sont représentés par les infections de plaies et par les lésions ulcératives (voir aussi 4.7.4. et les lymphangites 4.5.2.2.). 4.7.1.1. Les pyodermites chez le chien (et le chat) Trois catégories de bactéries peuvent être isolées de la peau du chien: la flore résidente (staphylocoques coagulase négatifs et positifs (=intermedius), Micrococcus spp, streptocoques a-hémolytiques, Acinetobacter spp, anaérobies Gram positifs et négatifs), la flore transitoire (E.coli et coliformes, Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa...), la flore isolée de problèmes cliniques (Staphylococcus intermedius, flore transitoire, anaéerobies strictes). 4.7.1.1.1. L'impétigo ou pyodermite du chiot. A - Agent étiologique Staphylococcus intermedius, essentiellement, mais éventuellement Staphylococcus aureus. B - Clinique Il s'agit d'une pyodermite superficielle non contagieuse des jeunes chiens secondaire, le plus fréquemment, à des problèmes de nutrition, d'hygiène générale, d'infections virales ou parasitaires (superficielles et intestinales). Les animaux atteints ne sont pas pubères. Ils montrent des pustules sur les régions abdominales, inguinales et parfois axillaires. Comme ces lésions ne sont pas prurigineuses, leur observation est accidentelle. C - Traitement et prophylaxie Il faut avant tout remédier à la cause primaire: diète, hygiène, parasitisme. Un shampooing à base d'iodophore ou de chlorhexidine aide à la résorption des lésions, si nécessaire. En effet, ces lésions régressent d'elles-mêmes après la disparition de la cause primaire. 4.7.1.1.2. Les pyodermites récidivantes Des pyodermites récidivantes sont relativement fréquentes chez le chien. En fait, ces pyodermites sont secondaires à d'autres causes infectieuses ou non infectieuses. A - Agents étiologiques. Sur le plan bactérien, l'agent étiologique le plus fréquent est Staphylococcus intermedius. Cependant, avec le temps et les traitements antibiotiques successifs, d'autres bactéries, résistantes aux antibiotiques sont isolées (E.coli, Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa). La cause première peut être parasitaire (puces, poux, demadex, gale), allergique (puces, contact, nourriture), atopique (temps, séborrhée), iatrogène (traitement antibiotique inadéquat, corticoïdes). B - Clinique Les signes cliniques classiques sont ceux d'une folliculite (pustules, papules à hauteur des follicules pileux) et d'une furonculose (idem suivies d'exsudation, de formation de croûtes et de fistulisation). Du prurit est souvent présent. Les lésions sont localisées aux endroits atteints par la cause primaire, mais peuvent ensuite s'étendre aux autres régions du corps. C - Traitement Le traitement aux antibiotiques doit tenir compte de l'isolement et de l'antibiogramme effectué au laboratoire. En cas d'insuccès, la cause primaire doit être recherchée et éliminée. En cas d'insuccès répété et de présence continue de Staphylococcus intermedius, un autovaccin peut être tenté à titre curatif. 4.7.1.1.3. Les infections de plaies Les infections de plaies sont dues soit à des bactéries de la cavité buccale lors de morsure, de léchage (Pasteurella spp, groupes EF4a, EF4b, M5), de la griffe lors de combat (bactéries de la griffe du chat), de l'environnement, de la peau (voir flore résidente) etc... En général, l'infection d'une plaie comprend une composante bactérienne aéroanaérobie stricte. Le traitement aux antibiotiques doit s'accompagner des mesures d'antisepsie classique d'une plaie. 4.7.1.2. La dermatite mycotique (Streptothricose, "Lympy wool") A - Etiologie Dermatophilus congolensis est une bactérie Gram positive, anaérobie facultative, branchée, formée de chaînes de coques. Elle est aussi responsable du "Strawberry Foot Rot" (voir 3.2.5.). B - Incidence Les animaux de tous âges des différentes espèces animales (sauf semble-t-il le porc) sont susceptibles. Cependant, les moutons sont les plus atteints. Il apparaît, d'ailleurs, que nombre d'individus dans un troupeau fassent une affection bénigne. L'affection est présente sur tous les continents mais les problèmes pour la santé des individus varient: mortalité en Afrique tropicale, perte de conditions et de laine en climats tempérés. Les carnivores domestiques ne représentent pas un hôte normal mais ils peuvent être infectés tout comme l'homme (dermatite pustuleuse exsudative qui dure 2 semaines). C - Pathogénie La source d'infection est un animal malade ou porteur sain. La forme coccoïde de D.congolensis se retrouve dans les sols et peut persister pendant plusieurs mois, mais il ne semble pas qu'il s'agisse là d'une source importante de contamination. La transmission se fait par contact direct, par des vecteurs animés (tiques, mouches) par l'intermédiaire du padiluve. Des facteurs climatiques (temps chaud et humide) et hygiéniques (humidité élevée, peau mouillée, abrasions, petites blessures) influencent fortement le déclenchement des problèmes cliniques et l'extension des lésions. Les abrasions cutanées et les points de moindre résistance sont envahis par la bactérie qui provoque une réaction inflammatoire du derme. D - Signes cliniques et lésions Trois stades de cette dermatite sont décrits. Dans un premier temps, les poils sont raides et un exsudat graisseux apparaît. Des croûtes adhérentes se forment. Dans un deuxième stade, des croûtes jaune-grisâtres se forment qui craquent aux endroits de flexion. Dans un troisième stade, les croûtes sont dures, cornées et confluentes. L'alopécie est présente. Du tissu de granulation est présent sous la croûte. La maladie peut se développer de manière aiguë ou chronique, guérir spontanément ou persister pendant des mois à tous les traitements possibles. Des invasions bactériennes secondaires compliquent le tableau clinique. Les lésions sont localisées à des endroits différents selon les espèces: bovins: nuque, dos, mamelle, puis abdomen veaux: mufle, tête, nuque chèvres: mufle, lèvres, pieds, scrotum moutons: sur toute la longueur du dos avec extension progressive aux flancs et au ventre. La laine tombe. chevaux: tête ou bas des membres, dos, flancs chiens: tête, corps, oreilles. Si les lésions sont étendues sur tout le corps, des problèmes vont apparaître qui peuvent conduire à la mort de l'animal après une perte progressive de condition. Chez le chat, D.congolensis cause des problèmes légèrement différents: abcès sous-cutanés, musculaires et ganglionnaires avec fistulisation possible. Des signes cliniques généraux de fièvre et d'anorexie sont fréquents. E - Diagnostic Le diagnostic clinique (croûtes) apporte une suspicion qui peut être étayée au laboratoire par l'observation de la bactérie sur frottis parès coloration de Gram. Le diagnostic de laboratoire est plus aisé à partir d'une cas aigu que d'un cas chronique. F - Traitement et contrôle Le traitement est à la fois hygiénique (assèchement de la peau, éviter les abrasions, attention aux sources de contamination), et médicamenteux (tétracyclines ou pénicilline/streptomycine à très fortes doses). A l'échelle du troupeau de moutons, des bains de 0,2% de sulfate de zinc ou de calcium représentent la meilleure solution. Chez le cheval, le traitement inclut du chloramphénicol en solution à 2,5%, ou l'association de pénicilline/streptomycine en IM. Chez le chat, l'ampicilline a donné les meilleurs résultats. La prophylaxie passe par le contrôle des facteurs prédisposants. 4.7.1.3. Granulomes ulcéreux (ulcères nécrotiques) A - Agent étiologique et incidence Il s'agit d'une maladie infectieuse des porcs due à Borrelia suilla, caractérisée par le développement d'ulcères chroniques de la peau et des tissus sous-cutanés. L'hygiène des exploitations où l'affection existe est relativemnet médiocre. Cette affection a été décrite en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-uni. B - Clinique Il est probable que l'infection débute à hauteur d'abrasions cutanées. Dans un premier temps, les lésions sont des tuméfactions de petite taile, dures et fibreuses. Après 2 à 3 semaines, elles forment un ulcère qui persiste avec des bords élevés et un centre formé de tissu de granulation couvert de pus épais, grisâtre. Les lésions sont localisées à hauteur du ventre des truies et du groin et de la face des porcelets. Chez la truie, la taille del'ulcère peut atteindre 20 cm. Chez les porcelets, une nichée entière peut être atteinte. Les pertes proviennent de mortalité chez les jeunes porcelets, de retard de croissance chez des porcelets à l'engrais. C - Diagnostic Le diagnostic clinique est confirmé au laboratoire (DD actinomycose de la mamelle, morsure, gale...) D - Traitement et prophylaxie Une injection de pénicilline et des topiques de tétracycline en spray représentent les meilleurs traitements. Cependant une véritable amélioration passe par une meilleure hygiène générale et la désinfection des plaies. 4.7.1.4. L'otite externe De nombreux agents infectieux et non infectieux contribuent au développement de l'otite externe chez le chien et, accessoirement, chez le chat. Parmi les causes infectieuses, se retrouvent les bactéries, les levures, les champignons, les virus et les parasites. Les bactéries impliquées dans les otites externes sont, en fait, les mêmes que celles impliquées dans les problèmes de dermatite: Staphylococcus intermedius et Streptococcus canis avant tout, E..coli Proteus mirabilis, Pseudomonas aeruginosa comme compliquants ou dans des cas chroniques traités depuis longtemps aux antibiotiques, bactéries anaérobies strictes (Clostridium perfringens, par exemple) accessoirement. Le traitement doit tenir compte de l'ensemble des causes favorisantes et déclenchantes ainsi que la prophylaxie. 4.7.2. Des follicules pileux et des glandes sébacées. Une infection à hauteur des follicules pileux se remarque par l'apparition d'acné, de folliculite profonde et de furonculose. 4.7.2.1. La folliculite superficielle ou acné A - Agents étiologiques En principe, n'importe quelle bactérie pyogène peut provoquer l'apparition d'acné. Cependant, cette condition sera surtout associée à des staphylocoques (intermedius, aureus) et à Corynebacterium pseudotuberculosis. L'acné à staphylocoques est décrite chez le chien et le cheval, celle à Cor.pseudotuberculosis, chez le cheval (un biotype différent de celui responsable de la lymphadénite caséeuse des petits ruminants) (voir 4.5.4.3.). B - Incidence Chez le chien, cette affection est assez répandue chez les animaux sevrés. Chez le cheval, l'affection à Staphylococcus spp est une maladie sporadique non contagieuse. Celle à Cor.pseudotuberculosis est, au contraire, une affection contagieuse. C - Pathogénie L'affection se développe suite à une interférence avec la vidange des glandes sébacées (trop de sécrétions, débris épithéliaux, pression des harnais). La bactérie n'intervient donc que secondairement en colonisant le follicule pileux. L'infection est d'origine endogène pour les staphylococques, mais Cor.pseudotuberculosis peut se transmettre par l'intermédiaire des harnais, par exemple. D - Signes cliniques et lésions. La folliculite superficielle se marque par l'apparition de pustules et de papules à hauteur des follicules pileux qui peuvent ensuite se rupturer. Chez le chien, les localisations premières sont situées à hauteur des régions abdominales, inguinales et axillaires. Elles peuvent ensuite s'étendre aux flancs et au ventre. Il n'y a pas de prurit, en général. Chez le cheval, les lésions se localisent surtout à hauteur des harnais. Les pustules atteignent 2 cm de diamètre. Après la rupture des pustules, des croûtes apparaissent. La guérison est possible chez le chien mais sera surtout observée chez le cheval, dès que la cause favorisante disparaît. Dans les autres cas, de la pyodermite récidivante peut apparaître (voir 4.7.1.1.2.). E - Diagnostic Le diagnostic clinique est aisé mais seul le laboratoire peut isoler et identifier l'agent étiologique. F - Traitement et contrôle En dehors des mesures sur la cause favorisante et de l'hygiène en général, le traitement est local (pommades antiseptiques et antibiotiques) ou général (pénicillinestreptomycine pendant au moins une à deux semaines chez le chien). Dans le cas de l'acné à Corynebacterium pseudotuberculosis, l'animal doit être isolé et l'équipement désinfecté. Des traitements locaux sont, en général, suffisants. 4.7.2.2. La folliculite profonde et la furonculose du chien. A - Etiologie Il s'agit, en fait, d'une complication et de l'extension d'un problème de folliculite superficielle. La bactérie primaire est Staphylococcus intermedius, mais au fur et à mesure de l'extension de l'infection (et des traitements antibiotiques), E coli, Proteus mirabilis et Pseudomonas aeruginosa interviendront dans le processus pathologique. D'autres bactéries sont impliquées: des staphylocoques coagulase négatifs, des bactéries anaérobies strictes. B - Pathogénie L'infection débute telle une folliculite superficielle qui s'étend en profondeur dans le follicule pileux. Ultérieurement, le processus inflammatoire s'étend au- delà du follicule pileux et les bactéries colonisent le derme avoisinant. La réponse inflammatoire pyogranulomateuse qui en est la conséquence provoque la formation d'un furoncle. Les complications sont, d'une part, l'extension diffuse avec cellulite et, d'autre part, l'extension en profondeur avec pyémie, bactériémie, voire septicémie. C - Signes cliniques et lésions Les lésions initiales sont des papules et pustules comme dans la folliculite superficielle avec rupture et formation de croûtes. Lors du développement en profondeur l'exsudation peut reprendre avec apparition de fistules et formation de croûtes. Des nodules indurés se forment en profondeur (pyogranulomes). Les lésions sont localisées aux mêmes endroits: dos, régions inguinales et axillaires puis flancs et ventre. Le prurit est rare. Lors d'extension diffuse et de cellulite, les nodules ne sont pas présents. Lors de généralisation, les signes cliniques d'anorexie, dépression, léthargie, perte de poids et fièvre sont observés (Dalmatien, Boxer, Grand danois, Berger allemand, Golden retriever, Irish setter, Doberman). D - Traitement et contrôle Etant donné la durée du problème, son caractère envahissant et probablement quelques tentatives préalables de traitement, il faut passer par le laboratoire (culture, identification et antibiogramme). Dans l'attente des résultats du laboratoire, une antibiothérapie empirique à large spectre peut être débutée. Les antibiotiques suivants sont habituellement actifs: amoxycilline + acide clavulanique, céfalosporines de 2ème génération, chloramphénicol, macrolides, gentamycine. Des traitements topiques peuvent aussi être considérés. L'utilisation des quinolones urinaires doit être réservée à une souche multirésistante de Proteus mirabilis ou une souche de Pseudomonas aeruginosa. Le traitement doit être poursuivi longtemps (parfois plusieurs semaines) afin d'éviter les récidives. Dans certains cas à récidives, seul un autovaccin (sur Staphylococcus intermedius) à titre curatif donnera des résultats. Le contrôle passe par le traitement des causes favorisantes. 4.7.3. Les problèmes interdigités des biongulés 4.7.3.1. Les abcès et furoncles interdigités. A - Agents étiologiques Différentes bactéries sont responsables de ce genre d'affections: Fusobacterium necrophorum et Actinomyces pyogenes, en premier lieu mais aussi E.coli et divers staphylocoques. B - Incidence L'abcès interdigité apparaît chez les moutons adultes lors de saisons humides et suite à des abrasions locales. Il peut faire suite à une dermatite interdigitée. Chez le porc, il y a souvent une association de problèmes d'érosion de la sole des ongles et une hygiène générale déficiente. Pour le bétail voir 4.7.3.2. C - Pathogénie et clinique Les bactéries colonisent les lésions cutanées et les tissus sous-jacents et produisent de la suppuration. Chez le mouton, une forte boîterie apparaît suite à de la suppuration sous-cornée avec inflammation aiguë de la région de la couronne, et suppuration entre les 2 onglons. Dans certains cas les structures plus profondes peuvent être entreprises (articulations, par exemple). Chez le porc, la sole est abrasée, hémorragique mais les boîteries sont rares. Cependant, à l'examen local et à la pression, les éléments classiques de l'inflammation aiguë sont observés: chaleur, douleur. Du pus va apparaître dans la région de la couronne. L'extension en profondeur suivie de fistulisation est possible. Dans ces cas plus étendus, des problèmes de productivité apparaissent. D - Diagnostic Le diagnostic clinique est relativement évident. Par rapport au piétin, il y a peu de mortalité chez le mouton. Le diagnostic différentiel inclut toutes les causes de boîteries (arthrites, méningites) sans lésion du pied. E - Traitement et contrôle Le traitement passe par l'injection de sulfamidés, pénicilline/streptomycine ou lincomycine/spectinomycine pendant plusieurs jours. Des applications locales de sulfate de cuivre ou de zinc (5%) ou de formaline (5 à 10%) une ou deux fois par semaine sont recommandées aussi bien en traitement qu'en prophylaxie. Le traitement chirurgical avec ablation de l'onglon affecté est une mesure radicale, bien sûr. 4.7.3.2. La pododermite infectieuse du bétail ("Footrot of cattle"). A - Agent étiologique L'agent bactérien pricipal est Fusobacterium necrophorum, mais d'autres bactéries interviennent: Dichelobacter (Bacteroides) nodosus, et certaines espèces pigmentées de Bacteroides (Prevotella melaninogenicus, par exemple). B - Incidence L'affection est plus fréquente pendant des périodes très humides en général, ou à tout le moins, pour le bas des membres. Des causes prédisposantes sont des abrasions des onglons (sols, graviers, pierrailles). Les animaux adultes sont plus atteints que les jeunes. La pododermite infectieuse est présente dans la plupart des pays et régions. Cependant, il est commun de remarquer qu'elle n'apparaît pas avec la même fréquence dans toutes les fermes. Les pertes sont rares et dues à l'extension aux articulations. C - Pathogénie La source de l'infection est constituée des animaux infectés. Si Fus.necrophorum peut survivre quelques semaines dans le milieu extérieur infecté, les autres bactéries sont beaucoup plus fragiles. L'entrée des bactéries se fait à hauteur des abrasions cutanées des pieds. La suite de la pathogénie n'est pas bien connue mais il y a production d'une inflammation surperficielle (derme) et sous-cutanée, et extension diffuse avec cellulite nécrosante. L'extension aux gaines tendineuses, articulaires ou par voie hématogène est possible. D - Signes cliniques et lésions Le signe clinique typique est l'apparition soudaine d'une boîterie localisée à un membre avec peu de répercussions sur l'état général (légère fièvre, chute de la production laitière, baisse de la fertilité). Les signes d'une inflammation aiguë sont visibles à hauteur de la couronne: tuméfaction, chaleur, douleur. Une fissure à bords épais apparaît à la hauteur de l'espace interdigité et représente la lésion typique. Elle peut, bien sûr, s'étendre dans l'espace interdigité. Le pus n'est pas abondant mais la fissure est couverte de matériel nécrotique. La guérison spontanée existe mais la boîterie va persister le plus souvent si aucun traitement n'est appliqué. De plus l'extension aux gaines tendineuses et articulaires peut obliger à l'abattage. Lors du passage à chronicité, il peut y avoir développement d'un fibrome. E - Diagnostic Le diagnostic clinique est basé sur l'apparition d'une boîterie localisée à un membre avec une lésion localisée à l'espace interdigité. L'association avec un temps humide et la possibilité de blessures des pieds est un élément supplémentaire. F - Traitement et contrôle Une antibiothérapie générale et un traitement local sont indispensables. Les antibiotiques à utiliser sont les tétracyclines, les sulfamidés, la pénicilline/streptomycine ou la lincomycine/spectinomycine. Au plus tôt le traitement est entrepris, au plus grandes sont les chances de succès en quelques jours. Les traitements locaux débutent par le parage et le nettoyage du pied. Des bandages et des topiques contenant des antibiotiques sont indiqués. En ce qui concerne les antiseptiques, du sulfate de cuivre à 5% est à recommander. Il ne faut pas oublier bien sûr de maintenir l'animal à l'intérieur, au sec et sur un sol propre. La prophylaxie passe par le contrôle des conditions favorisantes et des bains de sulfate de cuivre à 5-10% ou de formaldéhyde (5 à 10%). Des antibiotiques dans la nourriture peuvent aussi réduire l'incidence de l'affection. 4.7.3.3. Le piétin du mouton ("Footrot") Il s'agit d'une inflammation de la peau à hauteur de la jonction peau-onglon. A - Agent étiologique La cause principale est Dichelobacter (Bacteroides) nodosus, un habitant des sabots des ruminants qui agit en synergie avec Fusobacterium necrophorum. Dichelobacter nodosus produit des adhésines fimbriaires et des enzymes protéolytiques. B - Incidence Les moutons et chèvres au-delà de 2 mois sont les principales victimes de cette affection. La susceptibilité varie selon les races. D'autres facteurs de l'environnement jouent un rôle important: climat, température. Comme pour la pododermite interdigitée du bétail, l'incidence est la plus forte lors de conditions prolongées d'humidité et de température douce (>10°C). Le piétin existe dans toutes les régions d'élevage ovin (sauf conditions climatiques arides). Jusqu'à 75% du troupeau peuvent être affectés dans les cas les plus graves. C - Pathogénie La source d'infection est le pied malade et celui du porteur guéri. Dichelobacter nodosus ne survit que très peu (quelques jours) dans le milieu extérieur. La peau humide permet l'infection à Fusobacteriumm necrophorum, a fortiori lorsqu'il y a des abrasions locales. Une réaction inflammatoire en est la conséquence =pododermite interdigitée ovine, cf 4.7.3.2. Dichelobacter nodosus colonise ensuite les lésions grâce à ses adhésines et provoque l'extension de l'infection sous l'onglon grâce, probablement, à ses enzymes protéolytiques. Des bactéries envahissent secondairement les lésions, aggravant le tableau clinique. D - Signes cliniques et lésions Les signes cliniques et lésions initiaux sont comparables à ceux de la pododermite interdigitée aiguë du bétail. Après l'infection à Dichelobacter nodosus, l'extension de l'inflammation sous l'onglon provoque une boîterie très sévère allant jusqu'à ne plus poser le membre et à marcher sur les genoux ou à rester coucher si plus d'un membre est entrepris. Le pus, peu abondant, a une odeur nauséabonde. L'onglon n'est plus adhérent et peut être enlevé morceau par morceau. Les signes généraux sont de la fièvre et de l'anorexie. Comme les animaux ne se nourrissent plus, leur état général se dégrade progressivement. Les animaux qui guérissent peuvent rester porteurs pendant plusieurs mois, voire années. Ces animaux ont souvent une poche purulente sous le sabot. E - Diagnostic Le diagnostic clinique est basé sur l'apparition d'une boîterie et de lésions typiques. Comme pour le problème de la pododermite interdigitée, il y a une association avec un temps doux et humide et avec des blessures au pied. Néanmoins, le laboratoire doit confirmer les données cliniques et épidémiologiques. Les autres causes de boîterie (rouget par exemple) ne montrent pas de lésions au pied. F - Traitement et contrôle Le traitement est comparable à celui de la pododermite interdigitée mais devant se faire à l'échelle d'un troupeau, certaines particularités sont à noter. Par exemple, il n'est pas nécessaire de parer le pied, les antiseptiques seront appliqués en bains. Selon les régions, l'un ou l'autre types de traitement est préféré. 4.7.4. Des tissus sous-cutanés Divers types d'affections peuvent se développer dans les tissus sous-cutanés: - gangrènes gazeuses (voir 4.6.3.3.) - lymphangites (voir 4.5.2.2.) - lymphadénites (voir 4.5.4.) - des abcès et nodules (actinomycose, nocardiose, mycobactériose cutanée, lèpre du chat, morve). 4.7.4.1. Actinomycose et nocardiose cutanée du chien La forme thoracique de ces deux affections a déjà été décrite (voir 4.2.4.2.). La forme cutanée consiste en le développement d'abcès granulomateux localisés dans le tissu sous-cutané. L'actinomycose cutanée se caractérise par le développement de lésions sur la nuque et la tête. Dans la nocardiose, ces formations, qui ont reçu le nom de mycétomes, se trouvent localisées à hauteur des blessures qui ont permis à la bactérie de pénétrer dans l'organisme. Elles sont localisées surtout à une extrémité du corps. Le nom de mycétomes est aussi donné à des lésions cutanées similaires causées par des Actinomyces et des champignons dans d'autres espèces animales. Pour les autres données, il faut se référer au chapitre 4.2.4.2. 4.7.4.2. Mycobactérioses cutanées A - Agents étiologiques et incidence Des mycobactéries atypiques sont responsables de ces affections. Les espèces les plus souvent isolées sont Mycobacterium fortuitum et chelonae; viennent ensuite Myc smegmatis et phlei et d'autres non typées. La lèpre féline est causée par une bactérie non cultivable ressemblant à Myc lepraemurium. Elles sont ubiquistes dans le milieu extérieur et normalement non pathogènes. Le chat paraît plus susceptible que le chien. B - Pathogénie Une infection se développe suite à un trauma (morsure, griffures). Les lésions sont constituées de réactions locales inflammatoires. C - Signes cliniques et lésions Les lésions principales sont des abcès, des granulomes et des nodules (1 à 3 cm de diamètre) qui se développent dans le tissu sous-cutané. Ils sont indolores, non adhérents. Dans un second temps, ils peuvent se fistuliser, voire s'ulcérer. L'état général reste excellent. Tout au plus peut-on noter une légère fièvre intermittente. La généralisation est rarissime. D - Diagnostic Le diagnostic n'est pas facile. Le laboratoire peut aider au diagnostic par des frottis colorés par la méthode de Ziehl-Neelsen à partir de l'exsudat ou d'une biopsie. Mais les bactéries sont rares dans les tissus. Le diagnostic différentiel inclut bien sûr la nocardiose et l'actinomycose. La culture demande des milieux sélectifs spécifiques des mycobactéries. E - Traitement Le meilleur traitement est chirurgical. Les mycobactéries atypiques sont résistantes aux antibiotiques classiques. On peut cependant recommander: Tsu, Chloramphénicol, Fluoroquinolones. En ce qui concerne la lèpre féline, la dopsone est réputée efficace dans certains cas. 4.7.4. De l'oeil Les problèmes oculaires (conjonctivite, kératite) ont des causes multiples: mécaniques, physiques, chimiques et biologiques. Les causes biologiques sont des virus, des champignons, des parasites, des bactéries et des chlamydies/rickettsies. Nombre d'agents infectieux responsables de troubles respiratoires vont provoquer une conjonctivite qui représente le plus souvent un des premiers signes cliniques. Cependant, certains atteignent spécifiquement les muqueuses oculaires. Enfin, des conjonctivites et kératites secondaires à une irritation mécanique ou physique sont extrêmement fréquentes. 4.7.4.1. Les infections secondaires Chez le chien surtout mais aussi le chat, les conjonctivites bactériennes secondaires sont dues à divers types de bactéries membres de la flore banale de la muqueuse conjonctivale et de la peau. Lors de conjonctivite et de kératoconjonctivite purulente, l'espèce Staphylococcus intermedius est la plus fréquemment isolée suivies de Streptococcus canis (ß-hémolytique), et de streptocoques -hémolytiques. Diverses autres bactéries membres de la flore commensale peuvent aussi être isolées au laboratoire: streptocoques -hémolytiques, corynébactéries, diverses espèces de Bacillus et de mycoplasmes ainsi que des coques Gram négatifs tels Neisseria, Branhamella et Moraxella. Certaines de ces espèces peuvent intervenir dans l'entretien du processus pathologique. Enfin, d'autres bactéries telles de coliformes (E coli, Klebsiella spp, Enterobacter spp), des Proteus, Providencia ou Morganella, ou encore Pseudomonas aeruginosa, qui ne sont pas des membres de la flore classique peuvent être isolés de cas chroniques déjà traités aux antibiotiques. Le signe clinique est l'écoulement oculaire purulent uni- ou bilatéral. La conjonctive est congestionnée. Les mêmes lésions peuvent s'observer sur la sclérotique et la cornée. Le traitement consiste à remédier à la cause primaire (par exemple, irritation par un cil) et à traiter avec une pommade antibiotique à large spectre (tétracyclines, chloramphénicol). 4.7.4.2. Les infections systémiques Sans parler de nombreuses infections virales responsables d'atteintes oculaires profondes et superficielles, rappelons encore une fois que nombre de bactéries responsables d'affections respiratoires causeront simultanément une conjonctivite. Nombre d'infections septicémiques ou systémiques sont dans le même cas (conjonctivite, uvéite). Citons la leptospirose, la brucellose, la tuberculose, la listériose et différentes ehrlichioses, rickettsioses et hémobartonnelloses, en renvoyant aux différents chapitres. La chlamydiose oculaire sera décrite plus loin (voir 4.9.3.4.). 4.7.4.3. Les infections à mycoplasmes Parmi les nombreuses espèces de mycoplasmes auxquelles l'on attribue un rôle pathogène, certaines ont pour cible privilégiée la conjonctive. 4.7.4.3.1. Chez le chat Chez le chat par exemple, l'espèce Mycoplasma felis est responsable d'une conjonctivite uni- ou bilatérale séreuse puis mucoïde. La muqueuse est congestionnée et oedémateuse. La cornée n'est pas impliquée. Sans traitement cette affection peut durer jusqu'à 2 mois. Tout prélèvement par écouvillonnage doit être acheminé au laboratoire dans un milieu de transport Amies ou pour mycoplasmes avec une demande spécifique. Le prélèvement doit être refroidi voire congelé. Le meilleur traitement consiste en macrolides - lincosamides ou en tétracyclines pendant une à 2 semaines. 4.7.4.3.2. Chez le mouton A - Etiologie Chez le mouton, une autre espèce de mycoplasme, Mycoplasma conjonctiva est tenue pour l'agent responsable, au moins secondaire à une cause favorisante, de l'ophtalmie contagieuse du mouton. Il est en fait possible que la cause première soit Chlamydia psittaci (voir 4.9.3.4.). Ces 2 organismes sont le plus souvent associés. D'autres bactéries et mycoplasmes associés n'ont au contraire aucun rôle dans cette affection. Certaines souches de cette chlamydie sont adaptées au bétail ou au porc, mais l'affection est rare chez ces deux espèces animales. B - Incidence Il s'agit en fait d'une kératoconjonctivite répandue dans le monde entier mais sans conséquence grave pour les animaux, sinon une perte de poids due à l'impossibilité de s'alimenter correctement pendant quelques jours. Le taux de morbidité avoisine 10 à 15% mais peut atteindre 50% du troupeau certaines années. Chez certains animaux les signes cliniques reviennent annuellement car ils restent infectés très longtemps. Elle survient surtout à la saison chaude et sèche. C - Clinique L'infection locale et non parentérale provoque la maladie. Les sécrétions lacrymales sont infectantes. La transmission se fait par contact direct ou par l'intermédiaire d'insectes transporteurs mécaniques. Un écoulement séreux apparaît pendant 2-3 jours puis devient purulent. Les animaux guérissent spontanément en 2 semaines. Cependant, l'opacité de la cornée persiste plusieurs semaines, voire mois, chez certains individus et des ulcères peuvent apparaître. D - Diagnostic voir le chat 4.7.4.4.1. E - Traitement et contrôle Bien que la guérison suivra d'elle-même, l'instillation locale de chloramphénicol et/ou de tétracyclines permet de réduire la sévérité des signes cliniques et des lésions. Les animaux infectés devraient être isolés des animaux encore indemmes. 4.7.4.4. La kératoconjonctivite du bovin A - Etiologie Moraxella bovis est l'espèce bactérienne la plus fréquemment isolée de tels problèmes chez le jeune bétail. Cependant, le terrain est le plus souvent préparé par des causes favorisantes dont font partie des mycoplasmes, uréaplasmes et rickettsies (cf 4.7.4.3.2.), qui diminuent la résistance de la muqueuse conjonctivale. B - Incidence Le jeune bétail surtout (<2 ans) est affecté surtout en feedlots et à la pâture. Le taux de morbidité varie d'année en année mais peut atteindre 80%. La maladie est plus fréquente lors d'un été chaud et sec mais des épisodes aigus peuvent se produire à l'intérieur si la densité de population est élevée. La kératoconjonctivite infectieuse du bétail est répandue dans le monde entier. C - Pathogénie La source d'infection est constituée par les sécrétions lacrymales des animaux malades et des porteurs asymptomatiques. L'infection se produit directement sur la conjonctive par contact direct ou par l'intermédiaire de mouches. Moraxella bovis produit probablement des adhésines ainsi qu'une toxine dermonécrotique capable de causer les lésions typiques. D - Clinique Une conjonctivite aiguë apparaît après 2 à 3 jours d'incubation. La conjonctive est congestionnée et oedémateuse. Un écoulement séreux avec blépharospasme et photophobie sont les signes locaux du début. Les signes généraux sont de l'apathie, de l'inappétence et parfois une légère fièvre. En un à deux jours, la cornée s'opacifie et s'ulcère (une semaine). Toutefois la perforation de la cornée est rare. Cette lésion apparaît le plus souvent sur un oeil seulement. La vision est fortement affectée. L'écoulement devient purulent. L'animal guérit seul en 3 à 5 semaines. Pendant le temps de l'affection, il y a eu chute de la production laitière et du gain quotidien moyen (jusqu'à 10% de différence). E - Diagnostic Le diagnostic clinique de kératoconjonctivite ne peut aisément faire la différence avec celle de l'IBR et d'autres causes virales. Le laboratoire tentera d'isoler et d'identifier Moraxella bovis à partir de sécrétions lacrymales (écouvillons du sac conjonctival). F - Traitement et prophylaxie Le traitement étiologique repose sur l'administration locale de chloramphénicol, oxytétracycline ou pénicilline/streptomycine 3 fois par jour (idéalement!), pendant quelques jours. Le contrôle passe par le traitement précoce des animaux malades et peut-être leur isolement. L'efficacité des vaccins (atténués ou inactivés) n'est pas prouvée. Ils peuvent être injectés avant et à l'arrivée au feedlot. L'infection (et les vaccins atténués) provoquent une immunité suffisante pour l'engraissment.