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Histoire, TS
3ème partie ; La France depuis 1958
Chapitre 2
Economie, Société et pratiques culturelles sous la Ve République
Problématique :
Comment la France s’est –elle modernisée sous la Ve République ?
I. Les Mutations économiques
A. La France de l’expansion
Le taux annuel moyen de croissance du PIB, qui n'avait été que de 0,7% de 1913 à 1950, atteint 4,8
% de 1950 à 1970. À l'exemple de l'industrie automobile, le recours au taylorisme et au fordisme se
généralise. L'augmentation de la production est soutenue par la progression régulière du pouvoir d'achat
des Français.
Surtout, la période est marquée par l’accroissement du rôle de l’Etat dans l’économie.
En 1950, l'État instaure un salaire minimum, le SMIG, salaire minimum interprofessionnel garanti, indexé sur
la hausse des prix (il ne permet donc pas vraiment la hausse du pouvoir d’achat puisqu’il suit mécaniquement
la hausse des prix ; aussi en 1970, sous le gouvernement de Chaban-Delmas, on passe au SMIC, salaire
minimum interprofessionnel de croissance, indexé sur la hausse de prix et des salaires : les Smicards voient ainsi leur
pouvoir d’achat augmenter).
L’Etat augmente les prestations sociales (allocations familiales par exemple). L'expansion de l'économie s'est
accompagnée d'une inflation de l'ordre de 5 % par an en moyenne sur la période 1949-1973 (du fait du
poids des dépenses publiques en partie). Les pouvoirs publics donnent alors la priorité à la croissance et au
plein emploi plutôt qu'à la lutte contre l'inflation. L’inflation profitera aux salariés au début des années
1970 : les salaires augmenteront plus vite que les prix d’où une hausse du pouvoir d’achat (accès à la
propriété se démocratise dans les années 1970 pour les classes moyennes).
Enfin, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle génération de hauts fonctionnaires,
d'hommes politiques et de chefs d'entreprise s'accorde pour faire de l'État l'instrument de la
modernisation du pays. Ils mettent en œuvre les grandes réformes de structure, qui accroissent
l'intervention de l'État dans l'économie (nationalisations, planification) et dans le domaine social
(Sécurité sociale en 1945). La France entre ainsi dans l'ère de la modernité et de l'État-providence.
Les nationalisations sont l’œuvre du GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française) entre
1944 et 1946 et font l’objet d’un consensus entre gaullistes et communistes ; certaines, comme celle des
usines Renault, sanctionnent la collaboration avec l’ennemi.
La planification n’a pas un caractère contraignant (nous ne sommes pas en URSS ! Attention à ne pas
confondre le dirigisme à la française et l’économie collectivisée ; en France, la propriété privée est un droit
inviolable !) : elle vise à accélérer la reconstruction du pays (Jean Monnet fut le 1er Haut Commissaire au
Plan : il favorisera la mise en commun du charbon et de l’acier avec l’Allemagne de l’Ouest, c’est le début de
l’aventure européenne…)
Le dirigisme s'assouplit sous la Ve République, mais l'intervention de l'État reste toutefois déterminante dans
certains secteurs stratégiques. Dans le domaine énergétique, l'État réoriente l'approvisionnement en
faveur du pétrole : la part des hydrocarbures dans le bilan énergétique passe de 18 % en 1950 à 75 % en
1973. Dans l'industrie aéronautique, la France s'illustre par le lancement du Concorde en 1969 (une initiative
de l’Etat).
Dans les années 1950-1970, la société industrielle est à son apogée. Entre 30 et 40 pour cent des
actifs travaille dans le secteur II. Les branches les plus anciennes déclinent dans les années 1960
(charbonnages, textile, chantiers navals : premières fermetures de mines de charbon dès les années 1960,
grande grève de 1963). La croissance est tirée par les secteurs de pointe (pétrole, chimie, automobile,
aéronautique) où la concentration donne naissance à de grands groupes de taille européenne, comme
Péchiney ou Saint-Gobain.
L'agriculture a, elle aussi, adopté des méthodes de production industrielles. Par le recours intensif à la
mécanisation et par l'introduction de nouvelles méthodes de culture (maïs hybride, sélection des races,
engrais). Un actif agricole, qui nourrissait environ cinq Français en 1946, en nourrit plus de trente
dans les années 1980 (« révolution silencieuse » : le nombre d’actifs dans l’agriculture s’effondre en partie à
cause de l’augmentation de la productivité et du regroupement des entreprises ; rôle de la PAC).
La croissance économique et la consommation de masse suscitent l'essor du secteur tertiaire.
Cette tertiarisation est le reflet du passage progressif d’une société industrielle à une société de
consommation. Le premier hypermarché Carrefour est inauguré en 1963. Le nombre des hypermarchés
passe de 4 en 1965 à 387 en 1979, celui des supermarchés de 600 à 3500. Les films de Jacques Tati traduisent
avant même les hypermarchés l’inquiétude des petits commerçants devant la concentration de la grande
distribution (même si ce n’est pas à votre programme, on en a un reflet sous la IVe République avec le
mouvement poujadiste, protestation populiste de petits commerçants et artisans qui fait une percée aux
élections de 1956).
Enfin, la France sort du protectionnisme. Avec les débuts du Marché commun en 1957, la CEE remplace
l'empire colonial comme partenaire privilégié de la France. L'impact du choc pétrolier de 1973 sur la
croissance est le révélateur de l'insertion croissante de la France dans l'économie mondiale.
B. Les mutations de l'économie française depuis 1973
À partir du milieu des années 1970, l'économie française s'enlise dans la stagflation (conjugaison de
l’inflation et d’une faible croissance économique ou stagnation) sous l'effet conjugué de la crise du système
monétaire international (1971) et du choc pétrolier (1973). Le ralentissement de la croissance entraîne la
montée du chômage qui passe de 3 % de la population active en 1974 à 10 % en 1986 (l’inflation ne sera
maîtrisée que sous le gouvernement Fabius, entre 84 et 86).
D’une manière générale, la crise accélère les mutations économiques apparues dès les années 1960.
La société de communication n’est pas apparue du jour au lendemain : simplement, de la fin des
années 1950 au début des années 1970, la tertiarisation coexiste avec un secteur industriel fort.
Le déclin du monde industriel n’est vraiment net que dans les années 1970. La crise industrielle frappe
d'abord le vieux monde industriel qui s'était édifié depuis la fin du XIX siècle. Creusot-Loire, grande
entreprise métallurgique héritière de l'empire Schneider, sombre en 1984. Le dernier puits de charbon
encore en activité dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais ferme en 1990. L'industrie perd le tiers
de ses salariés entre 1974 et 2001. Le choc est tout autant culturel qu’économique et social. La
tertiarisation de l'économie progresse encore : la production des services marchands a été multipliée par
cinq entre 1960 et 1995.
Les deux chocs pétroliers, en 1973 et en 1979, ont brusquement accru le poids des importations et
entraîné un déficit de la balance commerciale, qui était régulièrement excédentaire depuis la fin des
années 1950. Depuis le contre-choc pétrolier de 1986 et grâce aux économies d'énergie et au
nucléaire (les débuts de l’industrie nucléaire remontent aux années 50-60 mais c’est le gouvernement de
Pierre Messmer qui accélère le programme entre 73-74), la part des importations énergétiques dans les
achats à l'étranger a été ramenée de 25 % du total au début des années 1980 à 6 % en 1995. L'Europe
devient la première destination des exportations françaises (43% en 1961, 63 % en 1995). Le solde des
échanges extérieurs est à nouveau excédentaire entre 1992 et 2003. Plus que par le passé, la
croissance dépend des performances des entreprises françaises à l'exportation. La France a donc
surmonté les difficultés liées au contexte concurrentiel de la mondialisation ; avec un coût social : à
l'heure de la mondialisation, les grandes entreprises délocalisent une partie de leur production, tandis que
les investisseurs étrangers détiennent une part croissante du capital des sociétés françaises. Mais la
concurrence est si vive que la balance commerciale est à nouveau déficitaire depuis 2004 (+ hausse du
pétrole qui alourdit poids des importations) : la France invoque l’euro fort mais l’Allemagne bat record
sur record (du moins jusqu’à la crise de 2008) et demeure 1er exportateur mondial devant les Etats-Unis
et la Chine ! ! Il faut sans doute chercher les raisons de ces mauvaises performances dans une absence de
spécialisation industrielle, d’industries motrices (l’Allemagne est, quant à elle, spécialisée dans els
machines-outils).
Après les flottements du franc et les dévaluations des années 1980, le renforcement de la coopération
monétaire au niveau européen a permis une plus grande stabilité monétaire, confortée par le passage à
l’euro.
Quel État face à la crise ?
Depuis les années 1970, les politiques économiques ne parviennent pas à restaurer un haut niveau de
croissance et d'emploi. En 1981, la politique de relance (nationalisations, hausse des salaires et des
minima sociaux pour relancer la consommation) engagée par la gauche au pouvoir échoue : le déficit
commercial se creuse et le franc doit être dévalué à plusieurs reprises. Avec le tournant de la rigueur, qui
amène le gouvernement à bloquer les prix et les salaires en 1982-1983, la lutte contre l'inflation
devient prioritaire. L'investissement des entreprises et le commerce extérieur se redressent, au prix d'une
forte aggravation du chômage.
L'État doit renoncer à une partie de ses moyens d'action sur l'activité économique. Le contrôle des prix est
supprimé en 1986. La politique monétaire est transférée en 1998 à la Banque centrale européenne et l'euro
remplace le franc en 1999.
Depuis 1986, les privatisations ont fait reculer le poids du secteur public dans la sphère productive. Trois
vagues de privatisations : entre 1986 et 1988 (Jacques Chirac est PM), entre 1993 et 1995 (gouvernement
d’Edouard Balladur) et surtout entre 1997 et 2002 (le gouvernement de gauche plurielle de Lionel
Jospin a le plus privatisé, preuve de l’évolution de la gauche sur cette question depuis les
nationalisations de 1981). En 2002, les entreprises publiques ne représentent plus que 8 % de l'emploi total
et 11 % du PIB (contre respectivement 19 % et 25 % en 1985). Parler d'un désengagement de l'État serait
toutefois excessif : les dépenses publiques représentent encore la moitié du PIB en 2002. La dernière
campagne électorale de 2007 montre encore de forts clivages politiques au sujet du rôle de l’Etat dans
l’économie : désengagement accéléré pour Nicolas Sarkozy ou déconcentration dans le cadre d’une
régionalisation accrue pour Ségolène Royal, la question de l’Etat en France est au cœur de tout débat sur les
réformes non seulement économiques et sociales mais aussi touchant à l’éducation et à la vie culturelle
(habile transition vers les parties suivantes)… De toute façon, les aspirations libérales de Nicolas Sarkozy se
sont heurtées dès 2008 à la nécessité pour la puissance publique d’intervenir dans la vie économique pour
enrayer les effets de la crise : le désengagement étatique n’est donc plus au programme, au contraire, certains
estiment que cette crise offre une revanche aux keynésiens, partisans d’un réarmement étatique
(renforcement de l’Etat-Providence).
II. Les mutations sociales
A. Les classes moyennes, entre affirmation et crise
-
Les chocs pétroliers font passer la France d’une situation de quasi-plein-emploi (1,6% de la
population active au chômage en 1966) où la pauvreté est passagère, à une situation de chômage
de masse (10,4% en 1986) et structurel : il plombe la croissance et crée une nouvelle pauvreté à
partir des années 1990. La crise dans les bastions industriels finit de décomposer le parti
communiste et démantèles les banlieues rouges. Le chômage marginalise une partie de la
population active non préparée aux mutations dus système technique qui privilégie désormais les
services associés à la troisième phase de l’industrialisation. L’exclusion n’est plus seulement liées
à la perte de l’emploi mais aussi à une « désafiliation » (Robert Castel), à savoir une exclusion des
cercles de sociabilités formés par la famille, les amis, le quartier, le voisinage.
-
Après 1945, c’est l’âge d’or des classes moyennes. Les catégories de cadres et des employés
prennent de l’importance ;on a parlé de « classe tampon », qui s’élargit au fur et à mesure de son
accession à la propriété. Certains sociologues (Alain Touraine) estime que dans la société
postindustrielle le conflit central (le conflit de classes) laisserait place à une multitude de
nouveaux mouvements sociaux (féminisme, mvt gay, écologisme, régionalisme, étudiants) à
partir des années 1970 (en fait, 1968 semble ici marquer une charnière). Les historiens
reprennent l’image de la montgolfière pour décrire la société française jusqu’aux années 1980,
puis l’image du sablier ; non seulement la précarité et le chômage touchent les moins qualifiés et
s’étendent aux classes moyennes mais ils rendent de plus en plus difficile la promotion sociale
des couches les moins favorisées. Mobilité sociale freinée, comme le montre la stagnation du
nombre de bacheliers depuis quelques années (64% d’une classe d’âge en 2008, à comparer à
l’objectif de 80% annoncé en 1985 par le ministre de l’Education Nationale Jean-Pierre
Chevènement (PS) ; notons aussi la fermeture des grandes écoles qui reproduisent de plus en
plus les inégalités sociales, ce qui a conduit certaines écoles comme Sciences Po à développer la
discrimination positive)
-
L’affirmation des classes moyennes a accompagné l’épanouissement d’une société de
consommation, à partir des années 1960. La croissance a entraîné une salarisation progressive
des actifs qui participe à la hausse du niveau de vie. La mensualisation des salaires, à partir de
1969 (gouvernement de Jacques Chaban-Delmas), facilite les achats à crédit. Le pouvoir d’achat a
été multiplié par quatre depuis 1950. L’augmentation des salaires, l’assurance d’un salaire
minimum, les revenus sociaux (allocations etc.) participent à la hausse régulière du pouvoir
d’achat. Les taux d’équipement progressent (électroménager dans les années 60-70, informatique
dans les années 90-2000)), l’accès à la propriété immobilière augmente nettement dans la période
1955-1975 (pour les ouvriers, 19% en 1954 mais 38% en 1975). Enfin, les supermarchés
deviennent les nouveaux palais de la consommation de masse, au grand dam des petits
commerçants (mouvement poujadiste dans les années 1950). Cette prospérité change les
mentalités : le rentier fait place au consommateur à crédit, changement qui annonce le
développement de comportements hédonistes.
-
Cependant, cette croissance a creusé des clivages au sein de la société, particulièrement à partir
des années 1980. L’accès à la propriété immobilière s’est tari après la flambée des prix
immobiliers (années 1998-2008), les écarts de salaires se sont creusés dans des proportions
considérables au cours des années 1990-2000.
B. Les mutations démographiques et leurs conséquences sociales
-
Premier constat, rupture à partir de 42-43 et le baby boom ; une France nataliste qui succède à
une France malthusienne ; à partir des années 1970, l’indice de fécondité se stabilise autour de
1,8 (il est même à 2 aujourd’hui, donc n’expliquez pas la chute de la natalité depuis les années
1940 par la généralisation de la contraception ou l’IVG)
-
Les lois Neuwirth (1967) et Veil (1975) sont davantage l’expression d’une avancée démocratique
pour l’égalité des femmes que des mesures pour réguler un non-désir d’enfant. Ces lois
s‘inscrivent dans un mouvement plus vaste d’émancipation féminine, avec la loi simplifiant le
divorce (1974). Après 1968 les mouvements féministes se structurent et gagnent en audience
(création du MLF ; manifeste des 343 « salopes » en 1971 et retentissant procès de Bobigny en
1972). De leur côté, les mouvements d’émancipation homosexuelle militent pour la
dépénalisation (création du FHAR, Front Homosexuel d’Action révolutionnaire, c’est toute une
époque, en 1971) et se joignent le plus souvent aux mouvements féministes ; les homosexuels
s’invitent au défilé traditionnel du 1er mai en 1971, malgré l’opposition du PCF et de la CGT ; des
manifestations indépendantes voient le jour dès 1977, mais on considère historiquement que la
première Gay Pride moderne fut celle du 4 avril 1981, quelques semaines avant l’élection de
François Mitterrand qui promit à cette occasion de dépénaliser l’homosexualité (chose faite en
1982) ; en revanche, il faudra attendre le gouvernement Jospin pour l’adoption du PACS (1999).
CF DOSSIER pp.330-331
-
Parallèlement, les hommes et les femmes s’éloignent de la norme conjugale. Un enfant sur deux
naît ainsi hors mariage, les familles recomposées se multiplient, le concubinage puis surtout le
succès croissant du PACS, offrent des alternatives au mariage.
-
Si la question du renouvellement de la population se pose, avec le ralentissement de la natalité
après 1965, le vieillissement de la population est compensé par l’immigration depuis els années
cinquante. Le nombre d’étrangers passe de 1.6 million en 1955 à 3.4 en 1975 ; depuis, ce nombre
est resté stable car après 1974 seuls les regroupements familiaux et l’entrée pour études sont
autorisés (il faut aussi tenir compte des étrangers qui demandent et finissent par obtenir la
nationalité et qui donc ne sont plus comptabilisés parmi les étrangers ; leurs enfants nés en
France obtiennent la nationalité, tradition du droit du sol). Il semble que les populations
immigrées adoptent ensuite très vite le comportement démographique du pays d’accueil. Leur
contribution au rajeunissement est modérée après deux générations. La question de l’intégration
doit être mise en relation avec la disparition d’une culture ouvrière intégratrice, la précarisation
des immigrés après le retournement de 1974-1975 et la ségrégation socio-spatiale dont ces
populations souffrent (autrefois les bidonvilles, aujourd’hui des cités HLM enclavées qui
cumulent les difficultés, comme l’a montrée la révolte spontanée des banlieues en 2005). CF
DOSSIER pp.328-329
-
Dans cette France vieillissante, les jeunes deviennent comme par réaction un groupe social à part
entière, identifiée par des codes, un langage, une culture commune ; ils représentent un nouveau
marché ; je renvoie à l’analyse lucide de Edgar Morin, article publie dans Le Monde, page 344, au
lendemain du concert des « yé-yé » place de la Nation (1963).
-
Enfin, autre mutation socio-démographique, la population est plus mobile. L’endogamie
géographique diminue (voir aussi extraits étudiés du curé de campagne, pp. 334-335) ; l’exode
rural vide les campagnes à partir des années cinquante. Le mode de vie urbain se généralise
tertiarisation va de pair avec urbanisation. Cependant, des retards en matière de logement ont été
pris dans les années 1950, comme en témoignent la persistance de bidonvilles en périphérie
urbaine ou le vibrant appel de l’abbé Pierre l’hiver 1954. Ce retard est dû autant aux destructions
de la 2nde Guerre mondiale (77 départements touchés) qu’à la croissance de la population et à
l’exode rural). A partir de 1955, ce retard est partiellement comblé avec la politique des grands
ensembles (Sarcelles en constitue l’exemple-type, voir article page 343). Après 1970, les classes
moyennes quittent les cités et accèdent à la propriété individuelle. La ségrégation socio-spatiale
devient préoccupante. Le mitage des paysages banalise les périphéries des grandes villes. La
mobilité pendulaire entraînée par la déconnexion croissante entre lieu de travail et domicile
déstructure la journée et émiette les rapports sociaux. Les banlieues dortoirs diluent les
sociabilités et concentrent de plus en plus les populations immigrées ou à faibles revenus (« papy
boom » des cités HLM). La responsabilité de l’Etat et des communes est posée.
III. Evolution des croyances et des pratiques culturelles depuis 1945
A. Les pratiques religieuses en France de 1945 à nos jours (dossier pp.334-335)
Attention : le rôle de l’historien ne doit pas approcher les formes individuelles de la foi religieuse,
mais il doit en revanche analyser les pratiques extérieures (rites, gestes, comportements) qui
permettent d’identifier un nombre de croyants.
D’après le dossier, j’essaie de reconstituer ce que nous avons pu nous dire : d’une manière générale
les interprétations divergent sur le sens général de l’évolution et des manifestations actuelles du
religieux.
Selon certains auteurs, on assisterait au remplacement d’une religion d’obligation à une religion de
choix, plus conforme à nos sociétés démocratiques, voire à l’affirmation d’un religieux dérégulé mais
dynamique et prosélyte (exemple des nouvelles églises protestantes venues des Etats-Unis). D’une
manière générale, les croyances religieuses au cours de la seconde moitié du XXe siècle disparaissent
en tant que mentalités et ne subsistent plus que comme opinions minoritaires. Si 8 à 9 Français sur
10 se disaient catholiques au lendemain de la guerre, ils sont aujourd’hui moins de 1 sur 2. Les
croyances ne peuvent donc structurer la société même si celle-ci reste imprégnée par les valeurs
judéo-chrétiennes.
-
Parmi les causes de ce recul, il faut mentionner les progrès de l’esprit démocratique (qui
s’accommode mal de dogmes intangibles, nombre de religieux défroqueront dans les années 6070, défrayant la chronique), l’accélération des progrès scientifiques et techniques, et enfin
l’urbanisation accéléré (voir le journal du curé de campagne à ce sujet très éloquent).
Il faut enfin noter que l’Eglise catholique entame un aggiornamento avec le concile Vatican II (19621965), voulu par le pape Jean XXIII et son successeur Paul VI : abandon de la messe en latin, prêtres
en costume civil etc. qui ne parvient cependant pas à enrayer le recul amorcé antérieurement. De
plus, des dissensions entre catholiques apparaissent à l’issue de ce concile (le schisme des
lefebvristes, qui n’ont jamais accepté l’engagement de l’Eglise dans la voie de la modernité ; d’autres
catholiques en revanche critiquent les positions frileuses de l’Eglise en matière de morale sexuelle, et
notamment la condamnation répétée de la contraception à partir de l’encyclique Humanae vitae, 1968).
-
Le modèle catholique romain clérical, centralisé, hiérarchisé, ne correspond pas aux autres
religions organisées sur un modèle fédérant des communautés de base, souvent sans véritable
clergé (protestants, musulmans et juifs). A côté des catholiques qui représentent peu ou prou 1
français sur deux (le nombre de pratiquants réguliers ne dépasse pas les 10%), on trouve donc
d’autres familles confessionnelles.
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Le protestantisme français d’origine calviniste (luthérienne aussi en Alsace) semble touché par un
déficit de visibilité alors même que des protestants appartiennent à l’élite politique française
(comme Michel Rocard, Lionel Jospin). L’Eglise réformée de France qui fédère les communautés
protestantes historiques ne représente plus que la moitié du nombre total de protestants, car, en
revanche, les Eglises protestantes évangéliques, pentecôtistes et baptistes connaissent un essor
significatif (influence américaine très forte).
-
L’islam constitue numériquement la deuxième religion de France (environ 5 millions de
musulmans dont la moitié de nationalité française). La communauté est majoritairement sunnite,
très diverse, et conserve des liens fort avec le pays d’origine des immigrés d’où proviennent
d’ailleurs les imams. Souffrant du handicap de n’avoir pas été présents durant le siècle où la
laïcité a été mise en place, connaissant des difficultés d’intégration sociale, sensibles aux
problèmes du Proche-Orient, des musulmans ont pu chercher dans le Coran des réponses à une
modernité qu’ils jugent contraire à leurs traditions (exemple du voile islamique ; tout de même,
ce phénomène est archi minoritaire, le voile à l’école n’a concerné que 48 cas…). Je reste pour
ma part convaincu qu’il n’y a pas plus d’intégristes chez les musulmans que chez les catholiques,
comme le montrent toutes les études sociologiques.
-
Les juifs sont environ 700 000 en France, renforcés par l’installation d’une communauté séfarade
d’Afrique du Nord (les juifs d’Algérie, qui ont la nationalité française depuis le décret Crémieux
de 1871, à la différence des Musulmans : les tensions entre les deux communautés sont à resituer
dans un angle un peu plus large que le seul conflit israélo-palestinien. Les Juifs de France ont
longtemps privilégié la démarche de l’assimilation, même après les persécutions antisémites
menées par l’Etat français entre 1940 et 1944 ; après 1967 (guerre des Six Jours condamnée par
De Gaulle), ils ont entrepris une montée en visibilité qui a coïncidé avec le réveil de la mémoire
de la Shoah et un soutien renforcé à Israël. Cependant, cette évolution est aussi dénoncée par de
nombreux juifs qui ne se reconnaissent pas dans le rigorisme religieux qui gagne du terrain
(comme dans les autres religions) ni dans les prises de positions du Conseil représentatif des
institutions juives de France, très favorable à la droite israélienne et américaine. Tous cependant
partagent avec inquiétude le sentiment d’une montée de l’antisémitisme en France, comme le
montrent certains signes (sépultures violées, inscriptions, violences faites aux personnes, insultes,
ou encore le discours « antisioniste » de Dieudonné, dont le contenu antisémite ne fait aucun
doute).
B. La culture et ses publics
On peut distinguer deux périodes :
-
La période des Trente Glorieuses est caractérisée par la reprise d’un projet de culture militante,
initié au moment du Front Populaire (1936-1938). Ainsi, l’Etat encourage la production
culturelle. En 1947,
Jean Vilar crée le TNP (Théâtre National Populaire) et le festival
d’Avignon ; le Festival de Cannes, consacré au cinéma, est fondé la même année. L’Etat soutient
ces festivals et souhaite encourager la création de spectacles de qualité et les rendre accessibles au
grand nombre. La Ve République reprend cette politique, le général de Gaulle créant même le
premier Ministère des Affaires culturelles qu’il confie à Malraux. Malraux va créer les maisons de
la culture dont huit sur les 20 sont ouvertes entre 59 et 69.
-
Les années 50 et 60 sont aussi marquées par la généralisation de la radio et de la télévision (voir
la campagne des présidentielles pour 1965) ; mais c’est en marge du monopole de la radio
(incarné par l’ORTF) qu’apparaissent les signes d’une mutation culturelle. La création d’Europe 1
en 1955 financée par la publicité introduit la culture jeune (« Salut les copains », émission culte
créée en 1959) ; dans le cinéma, la Nouvelle Vague de François Truffaut ou jean-Luc Godard
entend rompre avec la « qualité française », c’est-à-dire un cinéma marqué par l’adaptation des
chefs d’œuvre de la littérature ; les auteurs de la Nouvelle Vague qui écrivent dans Les Cahiers du
cinéma, font la promotion du western, de cinéma de Hitchcock et se montrent, dans la
provocation, particulièrement corrosif à l’endroit d’une culture officielle (il faut dire qu’à
l’époque, les professionnels du cinéma devaient aussi militer pour faire reconnaître ce dernier
comme un art à part entière).
-
Dans les années 70 et surtout 80, s’affirme le triomphe des medias de masse. Certes l’Etat
n’abandonne pas toute mission culturelle, surtout au début des années 1980. La période Mitterrand
est marquée par le ministère de Jack Lang (1981-1986, puis 1988-1993) qui inaugure avec le Prix
unique du livre, la création de la Fête de la musique, l’encouragement donné à toutes les formes
d’expression artistique ; si Malraux voulait démocratie la culture réservée alors aux élites, Jack Lang
entend encourager toutes les formes d’expression culturelle. Le président Mitterrand relance la
politique de Grands Travaux (Grand Louvre, Bibliothèque, Arche de la défense, Opéra « populaire »
de Bastille), déjà initiée par le président Pompidou (Centre Georges Pompidou) et continuée ensuite
par le président Chirac (musée des arts premiers au Quai Branly).
-
Mais la période est surtout marquée par la suppression du monopole de la radiodiffusion,
reconnaissance des radios libres en 1982, chaînes privées (Canal + en 1984, privatisation de TF1 en
1986 etc.). On assiste donc à une progressive démultiplication de l’offre télévisuelle. La prolifération
de l’offre de programmes conforte le consumérisme culturel, l’allongement du temps passé devant
les écrans, l’individualisation de l’usage de la télévision (plusieurs télés par famille). La réduction du
temps de travail, l’apparition d’internet et la démocratisation de l’informatique ne font que renforcer
cette tendance à la privatisation des pratiques culturelles. Face à cette nouvelle donne, la
fréquentation des cinémas a fortement diminué sur la période, la télévision restant encore le principal
commanditaire de films ; la crise des quotidiens se confirment durant la période.
-
Au risque de schématiser, on aurait donc un public cultivé, qui privilégie les émissions littéraires et
les documentaires à la télévision, est lecteur de magazines hebdomadaires politiques et culturels,
fréquente les expositions, va au théâtre ; on aurait là une assez bonne approche des cadres et des
intellectuels. Reste le grand public, dont on peut se demander s’il est encore concerné par le culturel :
3 français sur 10 ne lisent aucun livre dans l’année, et plus de 9 sur 10 ne vont jamais au théâtre ;
c’est par excellence le public quasiment captif de la télévision.
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