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Francis WURTZ
Ouverture conférence
"Climate Change and
Developing countries
- who pays the price?"
PE - Bruxelles
13/6/2007
Mesdames, Messieurs,
Pour notre groupe de la GUE-NGL, la question du changement
climatique est, depuis longtemps, une priorité. Il y a plusieurs années, alors
que le "groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat"
(IPCC) était encore inconnu de la plupart des parlementaires, nous avions
tenus à suivre de près ses travaux, puis à inviter son président, Dr. Pachaury,
au Parlement européen.
Aujourd'hui, fort heureusement, les rapports de l'IPCC font autorité
dans le monde entier: citoyens et responsables politiques semblent enfin
prendre conscience de l'importance vitale de l'enjeu climatique et de
l'exigence absolue de mesures radicales, tant pour éviter le pire à terme que
pour nous adapter aux effets d'ores et déjà inévitables.
Seuls quelques dinosaures refusent encore d'admettre l'évidence et
une poignée de dirigeants continuent cyniquement de placer des intérêts
économiques privés à court terme devant l'exigence universelle de
sauvegarde de la planète. Mais ils sont de plus en plus sur la défensive.
L'UE a pris des engagements, certes trop timides, mais qui vont dans
la bonne direction, en particulier celui de diminuer de 20% au moins les
émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020.
Pourtant, cet éveil de la conscience du danger est bien tardif et encore
très insuffisant. Au lendemain du cri d'alarme lancé par l'IPCC en janvier de
cette année, nous avions relayé, dans le cadre d'un débat en séance plénière
du PE, le message, à la fois lucide et motivant, des experts, en insistant à la
fois sur une mauvaise nouvelle et une double note d'espoir.
La mauvaise nouvelle, c'est le constat de la situation présente: dans le
monde, elle a encore empiré depuis six ans; dans l'Union européenne, nous
ne remplirons pas nos engagements de Kyoto, déjà très insuffisants.
Continuer sur cette lancée conduirait la planète à des bouleversements
insoutenables, non seulement pour les générations futures, mais pour celle
qui émerge. Voilà pour la mauvaise nouvelle. Et elle est sérieuse!
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La première note d'espoir, c'est qu'il est possible de renverser cette
tendance. Mais il s'agit d'une ritable volution. Les objectifs de réduction
des émissions sont connus: - 50% dans le monde, - 75% dans nos pays, d'ici
2050. Cela passe non seulement par l'accroissement substantiel de la part
d'énergie propre, mais également par un nouveau rapport à l'efficacité
énergétique: un développement impétueux du chemin de fer et des
autoroutes de la mer; l'imposition de normes antipollution ambitieuses aux
constructeurs automobiles; la construction massive de logements plus
économes en énergie; la formation à des technologies plus sobres; des
échanges internationaux reposant bien plus sur la coopération que sur la
concurrence; des investissements massifs sur le long terme; la prise en
compte de la notion de bien commun... autant dire quelques sérieux accrocs
à la mondialisation libérale!
Les résultats du récent G8 illustrent le chemin qui reste à parcourir
pour faire admettre leurs responsabilités aux principaux pollueurs: un
engagement, certes, pour une ouverture formelle, en décembre prochain, à
Bali, de négociations internationales sur l'après-Kyoto, en 2012, dans le cadre
de l'ONU. Mais les objectifs fixés sont non contraignants en ce qui concerne
la réduction des émissions de gaz à effet de serre; il y a une absence totale
de précision sur la période de référence qui servira de base au calcul des
réductions des émissions (pour l'UE, c'est 1990 - pour le G8, c'est le mystère);
enfin, il n'y a pas trace d'une référence à la nécessité de contenir la hausse
des températures à Celsius au-dessus du niveau atteint avant la révolution
industrielle - condition sine qua non, selon les experts, pour éviter que le
changement climatique n'atteigne des proportions dramatiques.
C'est dire si la mobilisation des opinions publiques va être décisive,
dans la prochaine période, pour arracher aux décideurs les mesures
drastiques qui s'imposent.
Encore ne s'agit-il que d'objectifs globaux. Or, si les effets du
changement climatique concernent toute l'humanité, ils touchent
inégalement le Nord et le Sud. Le niveau d'émissions par tête d'habitant en
2030 sera significativement plus élevé dans les pays développés que dans les
pays en développement, mais, à l'inverse, l'ampleur des dommages subis par
les populations risque d'être incommensurablement plus grande dans les pays
en développement que dans les pays développés. C'est cette dimension du
problème que nous souhaitions mettre en avant lors de cette conférence,
dont l'initiative revient à la composante "gauche verte nordique" de notre
groupe.
Mon collègue Jens Holm - qui est membre de la commission temporaire
sur le changement climatique du PE - évoquera cette question dans un instant
et il présentera nos éminents invités, qui s'exprimeront demain. Je me
limiterai donc au rappel de quelques données générales à cet égard,
soulignées avec force par les experts, notamment ceux de l'IPCC. Elles sont
terrifiantes!
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Les pays les plus pauvres seraient les plus affectés par les effets du
changement climatique dans la mesure ils dépendent essentiellement de
l'agriculture et de la pêche et qu'ils n'ont pas les moyens, financièrement, de
s'adapter et d'éviter ce qui pourrait l'être.
L'eau y devient, plus que jamais, un enjeu vital! En Asie, notamment
dans le centre, l'est et le sud-est, on estime à 1 milliard le nombre de
personnes, d'ici 2050, à être affectées par la diminution de disponibilité d'eau
douce! En Amérique du sud, le milieu du siècle pourrait voir la forêt
amazonienne laisser place à la savane sous le double effet de températures
en hausse et de ressources en eau en baisse. Dans les zones sèches, la
salinisation et la désertification des sols pourraient compromettre l'agriculture
et, par voie de conséquence, la sécurité alimentaire des populations. D'une
façon générale, d'ici 2080, les scientifiques estiment que jusqu'à plus de 3
milliards d'humains pourraient être exposées à des pénuries d'eau sévères.
Mais la région la plus touchée serait l'Afrique. Or, c'est elle qui a le
moins contribué à la détérioration du climat. Sa vulnérabilité est d'autant plus
grande que sa situation actuelle est déjà très pénalisante. N'oublions pas
qu'un quart de l'Afrique est un désert aride; un tiers jouit d'un climat tropical;
et le reste est constitué de zones sèches et semi-arides. La moitié des ses
quelque 800 millions d'habitants est pauvre. Rurale aux deux tiers, elle vit
d'une agriculture tributaire des pluies. L'aggravation de la sécheresse
réduirait les récoltes. Une pénurie alimentaire pousserait de plus en plus de
ruraux à quitter leur terre et à s'installer dans les villes, avec les
conséquences que l'on imagine.
Mais le réchauffement des masses d'air océaniques peut tout aussi
bien provoquer une intensification des pluies et des vents, avec des effets
tout aussi dramatiques.
Depuis 1990, l'IPCC évoque un triple danger: l'accroissement de la
fréquence des ouragans tropicaux, pluies violentes et inondations; la
multiplication des sécheresses liées à une plus forte évaporation; l'élévation
du niveau des mers résultant de la dilatation de l'eau et de la fonte des
glaces.
Par quelque bout que l'on prenne le problème, il en résulte l'exigence
impérative d'un véritable programme mondial d'aide à l'adaptation et à la
prévention des effets du changement climatique pour les populations
d'Afrique et, plus généralement des pays en développement.
Pour la seule Afrique, on estime, en effet, le coût de l'adaptation à 5 à
10% du PIB du continent! Une charge financière évidemment impossible à
supporter par les pays eux-mêmes!
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Qui va payer? Ou trouver l'argent? Les solutions traditionnelles sont
loin du compte. Ainsi, l'UE prévoit différentes aides aux pays ACP pour la
question de l'eau. Mais la distorsion est grande entre le diagnostic et la
thérapie. Ma conviction est que l'on ne pourra pas faire l'économie de
remises en cause de gaspillages éhontées des richesses. Pensons aux plus de
1000 milliards de dollars de dépenses d'armements ou aux sommes colossales
dilapidées dans des opérations spéculatives (voir presse). Est-il absurde
d'imaginer qu'une petite ponction sur ces sommes astronomiques soit opérée
pour aider à prévenir le pire dans les pays du sud?
On peut encore imaginer une création monétaire spécifiquement
affectée à cette dépense: les mécanismes existent pour cela, avec les "droits
de tirage spéciaux" du FMI. Seule manque la volonté politique.
Un panachage de différentes mesures - réduction des dépenses
d'armement, taxation des opérations financières, création monétaire, en plus
des aides budgétaires traditionnelles - semble être une voie, certes difficile,
mais incontournable. Vous aurez, demain, l'occasion de nous livrer votre avis
sur la façon dont nous devons toutes et tous contribuer au succès de ce
combat. Car c'est d'un enjeu de civilisation qu'il s'agit.
Je vous remercie.
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