de l’art, ni de liberté de création en tant que telle dans un système où la création est collective.
Son autonomisation n’interviendra que plus tard.
Ce qui nous amène à 4. le caractère interdépendant de la création artistique négro-
africaine. En effet, les différentes formes artistiques nègres sont corrélées. Et cet
entrelacement inter-artistique est au fondement de l’efficacité de l’art négro-africain en tant
que tel. Ainsi, on ne peut considérer la sculpture sans la danse et le chant, tout comme le
travail sans le chant et la danse par exemple : « Car, les chants, voire les dances(sic) rythment
le travail en l’accompagnant : ils aident à l’accomplissement de l’œuvre de l’Homme
. » En
d’autres termes, derrière l’idée de l’interdépendance et de l’intrication des différentes formes
d’art se terre une intuition forte : l’art en Afrique noire est dans la vie et la vie est dans l’art.
Plutôt : l’art, c’est l’expression quasi religieuse de la vie, de sa vitalité, de ses énergies tout
comme de ses mystères. L’art négro-africain épouse la complexité et la diversité de la réalité ;
5. le schématisme et le stylisme de l’art nègre par l’image et par le rythme. Selon L. S.
Senghor : « L’art nègre donc, à l’opposé de l’art grec, schématise, résume, en un mot stylise.
Par l’image, surtout par le rythme
. » L’image dont il est question ici, c’est l’image-symbole,
« l’image-analogie » enracinée dans le concret et porteuse d’émotion. L’image articule « la
surréalité » et la réalité. En réalité, l’image-signifiant suggérée par le mot n’est pas le tout de
la réalité. Ce qui intéresse le Négro-Africain, d’après Senghor, c’est l’au-delà de l’image
signifiant, c’est la vision, la sensation du signifié. Par quoi se dit le paradoxe de l’image : sous
la réalité il y a la surréalité. En vérité, derrière la surréalité gît la sous-réalité de l’objet-signe.
Grâce à « la raison intuitive, la raison-étreinte du Nègre
», celui-ci accède à la profondeur du
signe et en saisit le sens
. En fait, l’art négro-africain opère entre le visible et l’invisible. Et la
raison intuitive permet au Négro-Africain d’atteindre le profond du signe c’est-à-dire le sens
caché ou invisible de l’objet–signe ou « symbole d’une sous-réalité » constitutive de « la
véritable signification du signe qui nous est, d’abord, livré
. »
Ainsi, « le sous-réalisme négro-africain » impliqué dans ce paradoxe peut se décrypter en
termes de mystique, de métaphysique, de vitalisme symbolique ou de symbolisme vitaliste. Il
repose sur le principe de l’existence d’une réalité sous-jacente derrière la réalité et dont la
perception passe par la saisie du sens du signifié. A vrai dire, ce qu’il faut entendre ici sans
entrer dans les détails de l’ontologie ou de la métaphysique de l’image-analogie dans l’art
négro-africain, c’est le fait que l’image est le premier soubassement de la poésie et de la
suggestivité – de l’expressivité – de l’œuvre d’art négro-africaine. A côté, il y a l’élément
primordial : le rythme par quoi l’image trouve toute sa puissance d’évocation, de suggestion
et d’émotion. Comme le remarque fort à propos L.S. Senghor : « Véritablement, c’est le
rythme qui exprime la force vitale : l’énergie créatrice
.» Le rythme est l’âme de l’image. Il
lui donne toute sa vitalité sans laquelle elle est insignifiante et inefficace. Le rythme donc
comme moteur de l’image
. Mais il n’est pas que cela, « le rythme nègre ». Ecoutons L. S.
Senghor une fois de plus : « « le rythme est l’architecture de l’être, le dynamisme interne qui
lui donne forme, le système d’ondes qu’il émet à l’adresse des autres […]. Il s’exprime par les
moyens les plus matériels : lignes, surfaces, couleurs, volumes en architecture, sculpture et
peinture ; accents en poésie et musique ; mouvements dans la danse. Mais, ce faisant, il
ordonne tout ce concret vers la lumière de l’esprit »
. » On le constate : le rythme est cela qui
entrelace les différentes formes de l’art négro-africain. Il est au cœur de tout. Sa valeur
ontologique est indéniable : le rythme est le principe organisateur de toutes ces formes
artistiques. Et notamment de la poésie négro-africaine. Outre le rythme et l’image symbolique
ou l’ « image analogique » du surréalisme il y a la mélodie
qui donne toute sa puissance à la
poésie négro-africaine.
Qu’est-ce donc finalement que le rythme nègre dont L. S. Senghor fait la marque de la
Négritude? C’est l’ensemble « des procédés divers, combinant le parallélisme et l’asymétrie,