1 Cours: En quoi consiste la compréhension ? Martine Nida-Rümelin Automne 2007 26.9.2007 1ier cours Introduction/ début du premier thème : saisir une pensée (Frege) Introduction (remarque sur le plan du cours, le style du cours, quelques remarques pratiques….) Le cours est une - introduction à la philosophie systématique - introduction à la philosophie contemporaine analytique - introduction à la philosophie du langage/ philosophie des sciences/ philosophie de l’esprit - une introduction à l’analyse de textes philosophiques Le thème au centre : les différentes aspects de la compréhension. La manière de procéder : Combinaison de présentation systématique et d’analyse de textes centraux d’origine. Très important : Lisez les textes en avant la séance dans laquelle ils seront traités !!! Les textes sont à télécharger depuis le site du département (gestens). Programme provisoire : (1) La compréhension d’une phrase Lecture de passages choisis de Gottlob Frege 3-4 séances (2) La phénoménologie de la compréhension d’un texte Lecture de passages choisis chez Galen Strawson et Charles Siewert 1 séance (3) La compréhension de l’intention d’un locuteur Lecture de passages choisis chez Paul Grice 2-3 séances (4) Explication et compréhension dans les sciences Lecture de passages choisis chez Carl Hempel et chez Michael Friedman 3 séances (5) Explication et compréhension en psychologie Lecture de passages choisis chez van Wright 2 séances (6) Compréhension de la nature d’une chose Lecture de passages choisis du débat contemporain sur la nature de la conscience 2 séances 2 William G. Lycan: Philosophy of Language. A Contemporary Introduction. Routledge, 2000. Kenneth Allan Taylor: Truth and Meaning. An Introduction to the Philosophy of Language. Blackwell,1999. Pascal Ludwig : Le langage, 1997 Premier thème : Saisir le contenu d’une phrase (saisir la pensée qui est exprimée par une phrase) Remarque introductoire : Quelques idées centrales chez Frege : La distinction entre sens et dénotation. La dénotation d’un nom : l’objet auquel il fait référence. Le sens d’un nom : la manière dont l’objet est donné ‘par ce mot’. La dénotation d’une phrase : sa valeur de vérité. Le sens d’une phrase : la pensée qu’elle exprime. La pensée est abstraite et objective. Comprendre une phrase c’est saisir la pensée qu’elle exprime. 1. Le problème des assertions d’identité informatives comme point de départ Gottlob Frege (1848-1925) Professeur de mathématique à l’Université de Jena Fondateur de la logique contemporaine et de la philosophie du langage contemporaine Articles à lire (qui seront traités en détail dans le cours) : Der Gedanke (La pensée), 1918/19. Über Sinn und Bedeutung, (Sens et référence), 1892. Terminologie: La chose à la quelle on fait référence lorsqu’on utilise un mot de manière correcte est sa référence (ou sa dénotation). Deux noms sont coréférentiels ssi ils ont la même référence la même dénotation. Exemple de noms coréférentiels : « Hespérus » et « Phosporus » (« étoile du matin », « étoile du soir ») La référence (la dénotation) de tous ces noms est la planète Vénus. Hypothèse sur la signification des noms: Les noms propres ont seulement la fonction de désigner (référer à) une chose. La seule contribution des noms à la phrase dans laquelle ils apparaissent est celle d'établir la référence à l’objet dont il est question. Cette hypothèse n’est pas sans problème et elle est controversée. 3 (A1) L’étoile du matin est identique à l’étoile du soir. (A2) L’étoile du matin est identique à l’étoile du matin. (1) Il y a une différence importante dans la valeur épistémique de (A1) et (A2). On peut en conclure : (2) Les deux phrases (A1) et (A2) n’ont pas la même signification. (3) Mais si les noms ont seulement la fonction de faire référence, alors on devrait pouvoir remplacer « l’étoile du matin » par « l’étoile du soir » dans chaque phrase sans changer la signification de la phrase. (4) Selon (3), (A1) et (A2) devraient avoir la même signification (mais ceci contredit (2)). Conclusion : - Les noms n’ont pas seulement la fonction sémantique de faire référence. La raison : Le remplacement d’un nom par un nom coréférentiel peut changer la signification de la phrase entière. - On doit développer une théorie de la signification des noms qui explique la différence entre (A1) et (A2). (le but de Frege et sa motivation pour introduire la distinction entre sens et dénotation). 2. La solution de Frege du problème des assertions d’identité informatives Première solution tentative: On peut paraphraser (A1) par (A1’) “l’étoile du matin“ et “l’étoile du soir“ réfèrent au même objet. et on peut paraphraser (A2) par (A2’) “l’étoile du matin“ et “l’étoile du matin“ réfèrent au même objet. A discuter : Pourquoi cette paraphrase (si elle était bonne) résoudrait le problème ? Un argument contre cette solution (cp. Taylor, 1998, p.2-5, usage d’une idée de Church) Prémisse de cet argument: Si une phrase P2 est une bonne paraphrase d’une phrase P1, alors la traduction de P2 dans une autre langue est aussi une bonne paraphrase de la traduction de P1 dans la même langue. (Cette objection sera discuté au 2ième cours.) 2. La solution de Frege Les noms n’ont pas seulement une dénotation, mais aussi un sens. Le sens est lié à un certain mode de présentation. Exemple: Soient a,b, c les droites joignant les sommets d’un triangle aux milieux des côtés opposés. Alors “point d’intersection de a et b“ et „point d’intersection de b et c“ ont deux sens différents, mais la même référence. 4 Selon Frege « L’étoile du matin » et « l’étoile du soir » ont la même dénotation mais deux sens différents. La différence de sens explique pourquoi (A1) et (A2) n’ont pas la même signification. Cette différence explique aussi la différence dans la valeur cognitive des deux phrases en question.