Les revues francophones d’économie-gestion sur Internet
Dossier Urfist-Paris réalisé par Marie Lissart sous la direction de Ghislaine Chartron, décembre 2003
Poursuivant l’étude menée sur les revues francophones, nous nous intéressons, après la
géographie, aux revues d’économie-gestion.
Élaboration de la liste
Trois listes répertoriant les revues d’économie-gestion ont servi de base au recensement qui
suit.
Il s’agit tout d’abord de deux travaux réalisés par la Section 37 « Économie et Société » du
CNRS.
- En novembre 2002, Patrick Roussel, professeur de Sciences de Gestion à l’Université de
Toulouse 1, publie un document intitulé Proposition de classement des revues scientifiques
pour la GRH dans lequel il élabore un classement des revues utilisées dans la Gestion des
Ressources humaines selon trois catégories correspondant aux niveaux d’exigence, de
reconnaissance et de diffusion dans la communauté scientifique internationale.
- En avril 2003, une autre liste est produite au sein de la Section 37 « Économie et Société »
du CNRS intitulée Classement des revues à comité de lecture en économie et en gestion. Le
domaine couvert, plus large que dans le document précédent, a été divisé en quinze thèmes
actifs aujourd’hui dans la recherche française. Le nombre de revues (anglo-saxonnes et
françaises) citées est donc plus important.
Enfin, Philippe Jeannin de l’IUT de Tarbes, dans une enquête auprès des économistes
français, établit une liste de revues d’économie reconnues par la communauté utilisatrice
comme revues à caractère scientifique. Le parallèle effectué entre la liste obtenue et les
citations de ces revues dans le SSCI (Social Science of Citation Index) lui permet de conclure
à une reconnaissance minorée des revues francophones au niveau international.
Ces trois travaux sont majoritairement composés de titres anglophones. La part francophone y
demeure minime ; elle a permis de faire émerger 52 titres francophones ou bilingues (en
particulier pour les revues canadiennes) dont l’objet d’étude est l’économie et/ou la gestion.
Un recoupement de cette liste avec les revues présentes en bibliothèques (recherche effectuée
dans le SUDOC) n’a pas permis de rajouter de nouveaux titres. Sans prétendre à
l’exhaustivité, il semble donc que cette liste soit représentative de la production scientifique
francophone en économie-gestion.
Spécificités de la discipline
Domaine de recherche au carrefour de nombreuses disciplines, l’économie-gestion suscite des
réflexions issues aussi bien de l’organisation des entreprises, de la psychologie sociale, de la
sociologie du travail, du droit, des sciences politiques, du management, de la finance… C’est
dire que les revues peuvent avoir des contenus très divers.
Les revues se veulent le carrefour de la théorie et de la pratique. Leur lectorat est aussi bien
composé de chercheurs, d’universitaires que d’acteurs de l’économie-gestion. Le graphisme
soigné, la facilité de navigation, la mise à jour régulière, les objectifs déclarés des revues
montrent une plus grande prise en compte du support électronique par les éditeurs que leurs
confrères géographes.
Mais si l’on regarde de plus près les réalisations effectives, qu’en est-il ?
Quelles appropriations d’Internet ?
Mode d’appropriation du support électronique
Pas de site / site inactif ou abandonné
4
7,7%
Liste des numéros parus / simple
présentation de la revue
4
7,7%
Sous-total
8
15,4%
Sommaires des numéros et/ou résumés
des articles
25
[dont 1
abandonné]
48,1%
Accès libre au texte intégral
9
17,3%
Accès payant ou réservé aux abonnés
à la version papier
8
15,4%
Autres supports électroniques (CD-
Rom)
2
3,8%
Sous-total
44
84,6%
Total
52
100%
Les revues qui n’ont pas de site Internet ou dont le site est inactif sont une minorité (4) :
les Annales Africaines, REGARDS, la Revue française d’économie et la Revue française de
gestion industrielle. Cependant, en pourcentage et au regard de leur importance dans la
communauté scientifique, le résultat peut paraître étonnant.
D’autres revues présentent sur Internet leur projet éditorial et leur fonctionnement. Les
pages précisent souvent la composition du comité de lecture et les modalités de soumission
des articles. Sous forme synthétique ou très élaborée, la présentation de la revue correspond à
un usage restreint et statique d’Internet qui ne tient pas compte de la dynamique de la revue.
De même, d’autres sites se contentent de répertorier les numéros publiés sans pousser plus
loin la description.
Il nous semble que dans ces deux cas de figure l’usage d’Internet, limité à sa plus simple
expression, n’est guère intéressant. Loin de contribuer à la visibilité du titre, à sa perception
dynamique, cette utilisation souligne l’absence de flexion et/ou de moyens mis en place. 4
revues pratiquent ce mode de fonctionnement qui nous semble desservir l’image de la revue
contrairement au but recherché.
Si l’on cumule ces deux premiers usages (et non-usages) d’Internet, on atteint 17,3% des
revues considérées. Il s’agit d’un pourcentage élevé pour des revues dont on déplore par
ailleurs (P. Jeannin) le manque de reconnaissance dans la communauté scientifique
internationale et qui peuvent trouver grâce à Internet un moyen de se rendre plus visibles.
Quant aux autres revues, que proposent-elles ? Comment accommodent-elles leurs pratiques à
Internet ?
Près de la moitié (48,1%) s’attache à mettre en valeur leur fonds, laissant l’accès libre aux
sommaires des numéros parus et la plupart du temps également aux résumés (bilingues
ou non). Cette approche, simple à réaliser techniquement, permet de valoriser la production
sans avoir à se confronter à une réflexion plus approfondie sur le modèle éditorial et son
évolution. C’est une première approche intéressante car elle permet une réelle valorisation du
fonds et une orientation précise des recherches pour les internautes. Les modalités de
consultation varient considérablement d’un site à l’autre : nombre d’années d’archives
disponibles, délai entre la parution papier et la parution électronique…
L’accès au texte intégral est soit libre (17,3%) soit payant ou servé aux abonnés (15,4%).
Il y a donc près de 33% des revues qui s’attachent à proposer sous une forme ou sous une
autre un accès aux articles édités. Cet accès au texte intégral se surajoute à la présentation des
sommaires et résumés. L’internaute a ainsi la possibilité d’avoir l’information secondaire pour
cibler ses recherches et l’information primaire à portée de main.
L’accès gratuit aux ressources électroniques ne remet pas en question la viabilité des revues.
En effet, ont accès aux ressources électroniques des utilisateurs qui n’appartiennent pas tous,
pour diverses raisons (économiques, géographiques…), aux acheteurs potentiels de la version
papier.
L’accès payant ou réservé au texte intégral permet d’établir un lien privilégié avec l’abonné.
Il ne s’agit pas d’une offre à part entière mais d’un service supplémentaire, complément utile
de la version papier. L’accès payant ou réservé fait de chaque revue le centre d’une sorte de
club dont serait exclu le reste des internautes.
Enfin, deux revues, le Journal des économistes et des études humaines et la Revue Sciences
de gestion, proposent un CD-Rom dont, pour le Journal, la mise à jour annuelle peut être
téléchargée sur Internet.
Si l’on cumule ces usages divers, c’est plus de 80% des titres recensés qui s’attachent à
valoriser leur fonds même si l’accès au texte intégral (gratuit ou payant) peut encore
largement se développer.
Comment mettre l’offre en valeur ?
Différentes solutions sont proposées qui s’engagent principalement dans trois directions.
D’une part, l’offre d’une version anglaise (20 revues). L’accès à une version du site en
anglais ou à des résumés en anglais peut aider à valoriser la production francophone en faisant
découvrir l’existence de nouvelles ressources. Les revues consultées ne proposent pas de
résumés dans une troisième langue.
D’autre part, 9 revues proposent la possibilité de s’abonner ou commander des numéros en
ligne. Le lien direct établi entre l’internaute et la revue permet de pallier les difficultés liées
aux distances et (en théorie) de diminuer les délais des tractations.
Enfin, 11 revues sur 52 sont présentées et consultables à des degrés divers sur deux sites
simultanément : le site de la collectivité-auteur et le site de la maison d’édition. Ce double
référencement montre une implication de tous les acteurs de la revue. Il permet d’en
augmenter la visibilité.
Dans la majorité des cas, les revues se contentent de privilégier un axe de développement de
l’offre. Seules 10 d’entre elles diversifient leur utilisation d’Internet en combinant plusieurs
critères : version anglaise et abonnement/commande en ligne, référencement double et version
anglaise, référencement double et abonnement/commande en ligne. Cette tactique concerne
surtout les titres donnant accès aux sommaires et/ou résumés. En effet, parmi ces 10 revues,
seules Futuribles et Relations Industrielles ont une politique d’accès libre au texte intégral et
vont donc au bout de leur conception d’un large accès.
Les éditeurs
Les éditeurs responsables de la publication de ces 52 revues proviennent majoritairement du
milieu public :
- universités : universités de Laval, Montréal, Toronto
- écoles : Ecole des Hautes études commerciales (Montréal), Ecole des Mines
- institutions : CNRS, INSEE, INRA, Institut de Sciences mathématiques et
économiques appliquées (ISMEA), Institut des sciences économiques de Louvain,
Centre d’analyses économiques, IRES, la Documentation française…
- organismes : OCDE, OFCE
- ministères : ministère de l’Economie (direction de la prévision), ministère du Travail
- presses universitaires : Presses universitaires de France, Presses universitaires de
Grenoble, Presses de Sciences Po
Les éditeurs traditionnels issus du privés sont moins nombreux. Ils sont 12 à éditer, seuls ou
en partenariat, 19 revues :
- l’Harmattan édite les Cahiers d’Economie politique, Psychologie du travail et des
organisations et Région et développement. Le fonctionnement de l’Harmattan, maison
d’édition à compte d’auteur explique pourquoi trois revues sont éditées chez elle alors
qu’elle n’est pas spécialisée dans ce domaine.
- De Boeck, éditeur présent dans la production universitaire, édite la Revue d’économie
du développement, la Revue internationale de droit économique, La Recherche
économique de Louvain
- Economica s’occupe pour sa part de la Revue d’économie régionale et urbaine et de
REGARDS
Les autres éditeurs n’ont qu’un titre recensé parmi la liste ci-dessous. Il s’agit de maisons
d’édition comme Fayard, A. Pedone, ESKA ou encore de maisons plus proches du droit
(Dalloz, EJA). Elsevier n’est mentionné qu’une fois.
Les associations sont assez nombreuses à se constituer autour d'une revue afin d'en assurer le
bon fonctionnement. Une dizaine apparaît dans la liste ci-dessous dont l'Association
internationale Futuribles, l'Association canadienne des sciences économiques, la Société
française d'économie rurale, l'Association Gestion, l'Association d’Economie financière…
Parmi tous ces éditeurs, les Presses universitaires de France se détachent qui éditent cinq
revues :
- Economies et sociétés
- Finance
- la Revue d’études comparatives est-ouest
- la Revue Tiers-Monde
- le Travail humain.
Des partenariats (8) s’élaborent entre plusieurs maisons édition :
- Economies et Sociétés, éditée conjointement par les Presses universitaires de France,
les Presses universitaires de Grenoble et par l’ISMEA
- Psychologie du travail et des organisations, coéditée par l'Harmattan et l'Association
internationale de psychologie du travail de langue française (AIPTLF)
- Recherches économiques de Louvain, éditée par l'Institut des sciences économiques et
par De Boeck
- REGARDS, édité par le CNESSS (Saint-Etienne) et Economica
- La Revue d’Economie de développement, éditée par les Presses universitaires de
France et De Boeck
- La Revue de l’OFCE, éditée par l’OFCE et les Presses de Sciences Po
- La Revue française de gestion, éditée par Hermès Sciences Publications et Lavoisier
- La Revue internationale de droit économique, éditée par De Boeck et Wesmael
Ces partenariats associent indistinctement les éditeurs publics et privés et montrent une
complémentarité des différents acteurs.
La séparation éditeurs publics/éditeurs privés n’est pas très opérante dans ce domaine. En
effet, si l’on observe les politiques d’accès, on constate que l’accès payant n’est pas
uniquement pratiqué par les éditeurs privés. Inversement, l’accès libre n’est pas le seul fait
des éditeurs publics. Le ministère de l’Economie, Direction de la prévision, réserve aux
abonnés l’accès au texte intégral des articles de la revue Economie et Prévision alors
qu’ESKA laisse l’accès libre à la revue Gestion des ressources humaines. Les politiques
d’accès sont élaborées en fonction de ce que chaque éditeur pense être dans l’intérêt de sa
revue : accès libre pour diffusion plus large et qui bénéficie à la version papier ou accès
réservé pour protéger l’information et favoriser la viabilité de la version papier.
On peut donc dire la mise en valeur reste encore trop timide même s’il y a une prise de
conscience de l’intérêt de l’outil Internet. Cela peut être à une peur de la perte de contrôle
de l’information par l’accès libre. On sent, à visiter ces sites, une attention portée à Internet et
au site de la revue mais également une difficulté à mettre en place de nouveaux mécanismes.
La démarche reste encore trop individuelle. En géographie, la revue de sommaires de
Cybergéo conduisait à rendre visibles des revues dont les sites étaient plus ou moins bien
conçus et actualisés. En économie-gestion, le travail est plus régulier au niveau individuel
mais l’absence d’espace fédérateur se fait sentir. La complémentarité des éditeurs est
cependant un atout qui peut permettre de construire cet espace commun.
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