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Semaine du 12 au 17 août 2012
IRAN : LE DEBAT SUR UNE EVENTUELLE ATTAQUE ISRAELIENNE MONTE DUN CRAN
Cette semaine a été marquée par de nouvelles polémiques sur une éventuelle attaque
israélienne unilatérale en Iran. Pour la première fois, la possibilité d’une telle attaque semble
devenir concrète pour les Israéliens. Par conséquent les tribunes et éditoriaux soutenant ou
s'opposant à une attaque, ont envahi les médias cette semaine. Les termes du débat portent
sur la capacité israélienne à mener à bien une frappe sans le soutien des États-Unis, sur son
utilité même, et sur l’état de préparation de la défense civile en cas de riposte iranienne qui
prendrait la forme de tirs de dizaines de milliers de missiles et roquettes sur Israël. Deux
points principaux ressortent de ce débat : (a) une attaque israélienne autonome ne ferait que
retarder le programme iranien d’un ou deux ans et ne parviendrait pas à le détruire
totalement; l’état de préparation de la défense civile laisse à désirer et laisse craindre une
tragédie en cas de riposte iranienne qui pourrait dégénérer en une guerre régionale.
Si le débat est monté d’un cran cette semaine, c’est notamment parce qu'il a été
alimenté par un échange de déclarations inédites entre responsables américains et israéliens.
Mardi 14 août, le ministre américain de la Défense, Leon Panetta, et le chef d’état-
major, Martin Dempsey, ont participé à une conférence de presse conjointe au Pentagone au
cours de laquelle ils ont évoqué le dossier iranien. A cette occasion, le général Dempsey a
tenu des propos sans précédent contre une attaque israélienne unilatérale : « Je ne sais peut-
être pas tout [sur leurs capacités], mais je crois qu’il serait juste de dire qu’ils sont capables
de retarder mais pas de détruire le programme nucléaire iranien ».
Le lendemain, l’ambassadeur israélien aux États-Unis, Michael Oren, a donné la
réponse israélienne officielle à la critique des chefs américains de la fense, indiquant qu
« un, deux, trois ou quatre ans, c’est beaucoup de temps au Proche-Orient, il suffit d’observer
ce qui s’est passé l’année écoulée [les printemps arabes Ndt] ». M. Oren a ajouté qu’en
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1981, lorsqu’Israël avait attaqué la centrale nucléaire irakienne, les estimations militaires
prévoyaient comme résultat un délai d’un ou deux ans dans le calendrier du programme
nucléaire d’Irak. Or, à ce jour, l’Irak n’avait toujours pas l’arme nucléaire.
Jeudi 16 août, la polémique a atteint son apogée lorsque le président Shimon Pérès a
rompu son silence médiatique sur le dossier iranien. Lors d’interviews accordées à plusieurs
quotidiens et chaînes de télévision à l’occasion de son 89ème anniversaire, il a exprimé son
opposition catégorique à une attaque israélienne unilatérale : « il est évident que nous ne
pouvons pas le faire tout seuls. Si Israël attaque l’Iran tout seul, il restera isolé, sans amis.
Pourquoi attaquer seuls alors que nous avons un partenaire ? ». M. Pérès a également
exprimé sa confiance dans l’engagement de Barack Obama à empêcher la nucléarisation de
l’Iran, laissant entendre qu’il était convaincu que les États-Unis lanceraient leur propre
opération dans un avenir proche, après les présidentielles. Cette intervention inédite du
président a entraîné un déluge de réactions, notamment de la part de proches du Premier
ministre Netanyahu, qui s’en sont pris au président de l’État l’accusant d’avoir outrepassé
son rôle protocolaire en s’exprimant sur un sujet politique. Les proches de Netanyahu se sont
empressés de rappeler les « multiples erreurs historiques » de Shimon Pérès en matière
d’analyse stratégique, et notamment son opposition à l’attaque contre la centrale irakienne
en 1981.
D’anciens responsables israéliens de la Défense ont eux aussi multiplié les
déclarations publiques. Si jusqu’alors on entendait surtout la voix des opposants à l’attaque
autonome, cette semaine ce sont deux hautes figures sécuritaires qui se sont exprimées en sa
faveur. Shabtaï Shavit, ancien chef du Mossad, a ainsi appelé lors d’une interview à la chaîne
2 à ne pas faire confiance aux États-Unis car les Américains pourraient vivre avec un Iran
nucléaire contrairement à Israël; le général Giora Eiland, ancien président du Conseil
National de Sécurité, s’est exprimé lui aussi dans le même sens dans la presse (article ci-
dessous) et lors d’une interview à Galeï Tsahal, l’une des deux radios nationales.
La nomination d’Avi Dichter (Kadima) comme ministre de la Défense civile, en
remplacement de Matan Vilanï, nommé ambassadeur en Chine, a également été interprété
par les médias comme un signe supplémentaire des intentions belliqueuses du Premier
Ministre. Avi Dichter, ancien ministre, ancien chef du Shin Beth (service de sécurité intérieure)
et spécialiste hautement estimé de la Défense, a été également invité par Netanyahu à
rejoindre le « Forum des Huit », désormais baptisé « Forum des Neuf » (forum des 8 ministres
concernés par les questions stratégiques et de défense). La presse estime en effet que M.
Dichter est favorable à l’attaque unilatérale en Iran, et que son adhésion au Forum bouscule
l’équilibre qui y prévalait : il y aurait désormais 5 ministres favorables à une attaque contre 4
ministres opposés. Bien que ce Forum ait un statut uniquement consultatif, le soutien d’Avi
Dichter pourrait jouer en faveur des partisans de l’attaque si le Premier ministre devait
soumettre cette décision au gouvernement.
Diagramme : les rapports de force au sein du Forum des Neuf
Pour l’attaque :
Binyamin Netanyahu, Ehud Barak, Avigdor Liberman, Yuval Steinitz, Avi Dichter
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Contre l’attaque :
Beni Begin, Moshé Yaalon, Dan Meridor, Eli Yishaï
devienne e, œuvre soit devnue les Israéliens Alors que l’imminence d’une attaque
semble plus que jamais
manifestée d’une part par un échange de déclarations entre officiels israéliens,
américains et iraniens, et, d’
Lundi
LA FENETRE SE FERMERA EN DECEMBRE / ALEX FISHMAN
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YEDIOT AHRONOT
En décembre prochain, les Iraniens imposeront au monde entier un impressionnant échec
au roi. A partir de ce moment, il ne leur suffira plus que de quelques coups avant d’annoncer
échec et mat. En décembre, l’Iran aura mené à bien la fortification de tous les aspects de son
programme nucléaire ses centres scientifiques, industriels et militaires. En Israël, cette
situation est décrite par le terme de « zone d’immunité ». A partir de l’Iran sera capable
de poursuivre son programme nucléaire sans avoir à craindre une véritable attaque
Israélienne.
Certains commentateurs et bloggeurs estiment au contraire que des signes indiquent
que Netanyahu et Barak pourraient bientôt mettre fin à leur campagne belliqueuse,
orchestrée dans le but de faire pression sur les Etats-Unis et la communauté internationale
dans son ensemble, afin qu’ils renforcent les sanctions contre l’Iran et empêchent sa
nucléarisation. En effet, la presse rapportait cette semaine qu’Israël attend qu'Obama
s'engage publiquement contre la nucléarisation de l'Iran, lors de l’assemblée générale des
Nations Unis par exemple, en échange d’un engagement de sa part à mener une attaque seul
en Iran.
LA FENETRE SE FERMERA EN DECEMBRE / ALEX FISHMAN
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YEDIOT AHARONOT
En décembre prochain, les Iraniens imposeront au monde entier un impressionnant
échec au roi. A partir de ce moment, il ne leur suffira plus que de quelques coups avant
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Commentateur militaire du Yediot Aharonot
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d’annoncer échec et mat. En décembre, l’Iran aura mené à bien la fortification de tous les
aspects de son programme nucléaire ses centres scientifiques, industriels et militaires. En
Israël, cette situation est décrite par le terme de « zone d’immunité ». A partir de l’Iran
sera capable de poursuivre son programme nucléaire sans avoir à craindre une véritable
attaque Israélienne.
Cela ne signifie pas que la capacité israélienne à mener des opérations clandestines contre le
programme nucléaire iranien sera neutralisée En revanche, cela implique une réduction
significative et quasiment totale de la capacité israélienne à lancer une attaque massive avec
des tonnes d’explosifs visant à détruire les implantations nucléaires.
Les Israéliens ne sont pas les seuls à donner cette date butoir : des renseignements
occidentaux à travers le monde partagent cette évaluation. Plus important encore, cette
date est apparemment citée dans le dernier rapport NIE [National Intelligence Estimates]
composé par les agences de renseignement américaines et remis récemment au Président
Obama avant d’être prochainement présenté au Congrès et rendu public.
Du point de vue israélien, la fenêtre d’opportunité pour une attaque militaire se fermera en
décembre. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’elle ne se rouvrira pas à l’avenir, dans
une année ou deux, si Israël acquiert les capacités militaires qui lui manquent actuellement.
Le problème est que l’Iran en sera alors à un autre stade d’avancement de ses capacités
nucléaires.
Ces éléments ont par nature une signification stratégique : à partir de décembre Israël se
trouvera dans une situation de totale dépendance envers l’extérieur, la puissance
américaine, pour le libérer de ce qu’Israël définit comme une « menace existentielle ».
Tous les responsables israéliens au fil des ans ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour
ne pas se retrouver ainsi acculés au pied du mur.
Les Américains font de leur mieux pour apaiser les inquiétudes d’Israël. La zone d’immunité
iranienne à l’épreuve de nos propres capacités, disent-ils, est une toute autre histoire. Faites
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nous confiance, quand le jour viendra nous ferons le boulot. Le problème est qu’il n’existe
aucune garantie qu’ils tiendront leurs promesses. Et l’Etat d’Israël n’aura pas le droit moral
d’exiger d’eux qu’ils agissent si c’était contraire à leur intérêt.
Ce que nous pouvons apprendre des rapports publics sur l’emploi du temps politique et
militaire entre aujourd’hui et décembre est que, d’un point de vue militaire, il serait plus
commode d’attaquer avant novembre. D’un point de vue politique, il faudrait attaquer après
novembre. L’Etat d’Israël est supposé prendre une décision fatidique concernant son avenir
en tenant compte de ces deux agendas et de l’inquiétude populaire. C’est un état des choses
qui pourrait paralyser n’importe quel dirigeant : la chose la plus aisée à faire dans une telle
situation serait de décider de ne pas décider.
« C’est un SMS des Israéliens, ils nous enverront une alerte par
téléphone au cas où ils attaqueraient notre centrale nucléaire »
(Caricature de Moshik, Maariv, 16/8/2012)
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