GIRIER David 2006-2007 Externe dans le service d’oncologie médicale du Pr.Favres Diagnostic et Bilan préthérapeutique du cancer de l’œsophage I/Épidémiologie En France, le cancer de l’œsophage est au 7e rang des cancers chez l’homme. Son incidence baisse depuis 5ans chez l’homme alors qu’il reste stable chez la femme. Sa répartition en fonction du type histologique est variable : 80% de carcinome épidermoïde contre 20% d’adénocarcinome. On note une augmentation relative de la fréquence des adénocarcinomes : 5% il y a quelques années jusqu’à 30% aujourd’hui selon les régions (aux États-Unis chez l’homme de race blanche l’incidence de l’adénocarcinome dépasse les 50%) Le risque de cancer de l’œsophage est faible avant 40ans et voit son pic d’incidence vers 60ans. Quel que soit le type histologique, le pronostic est terrible avec une survie à 5ans ne dépassant pas les 2 à 5%. II/Étiologie On retrouve de nombreux facteurs de risque suivant le type histologique. 1. Carcinome épidermoïde : -Facteurs exogènes : Intoxication alcoolo tabagique : dose dépendante et multiplicative (Risque de K multiplié par 150 si associés). Elle explique l’incidence plus élevée chez l’homme que chez la femme et l’association fréquente de ce cancer à d’autres cancers de la sphère ORL. Exposition aux nitrosamines Carences nutritionnelles (rétinoïdes, riboflavines, zinc…) Boissons absorbées très chaudes (Asie et Moyen-Orient) -Facteurs endogènes : Achalasie du sphincter inférieur de l’œsophage ou mégaoesophage avec stase et irritation de la muqueuse du tiers inférieur de l’œsophage favorisant la cancérisation. Lésion cicatricielle après oesophagite caustique : développement du cancer sur 40ans. Syndrome de Plummer-Vinson : association d’un rétrécissement de l’œsophage cervical et d’une carence en fer Maladie coeliaque : risque multiplié par 12 sans régime sans gluten Tylose (kératodermie palmo-plantaire héréditaire) : association d’une hyperkératose des mains et des pieds avec risque de cancer de l’œsophage proche de 100% à 65ans (Syndrome de Howel-Evans) 2. Adénocarcinome : Tabac Endobrachyoesophage : anomalie de réparation de la muqueuse oesophagienne liée à un reflux gastro oesophagien chronique. La muqueuse apparaît rougeorangé, de type gastrique. Risque de cancérisation = 15%. III/ Diagnostic positif 1. Signes fonctionnels : Dysphagie +++ (révèle la maladie dans 90% des cas) : la sensation de blocage alimentaire apparaît pour une réduction de la lumière oesophagienne supérieure à 50%. C’est donc un signe tardif. Au début la dysphagie porte sur les aliments solides et progresse rapidement vers l’impossibilité de manger y compris des aliments moulinés, voire liquides. Douleurs rétrosternales (10%) qui signent en général un envahissement médiastinal. Régurgitation, hypersialorrhée, haleine fétide conséquences de la stase alimentaire en amont de la sténose. Toux, étouffement, fausses routes : en cas de fistule oeso-trachéale, d’inhalation de liquides ou de paralysie récurentielle. Syndrome de compression médiastinale : dysphonie, dyspnée avec wheezing, œdème en pèlerine, turgescence jugulaire et circulation veineuse collatérale. Anorexie, amaigrissement 2. Signes d’examen : (signes de gravité/d’extension) Dénutrition par anorexie et aphagie Hépatomégalie tumorale, sensible, multinodulaire en cas de métastase Nodule péritonéal au toucher rectal Ascite Adénopathie sus-claviculaire gauche de Troisier 3. Examens complémentaires : Fibroscopie Oeso-gastro-duodénale (FOGD) : c’est l’examen clé, de première intention. Il permet de déterminer : o l’aspect macroscopique de la tumeur : ulcéré, végétante, ulcérovégétante ou infiltrante ; o le diamètre de la lumière oesophagienne et le caractère sténosant ou non de la tumeur ; o l’extension en hauteur et en circonférence ; o la distance par rapport aux arcades dentaires du pôle supérieur de la tumeur ; o la recherche d’une seconde localisation o le diagnostic de certitude par la réalisation de biopsies et leur étude anatomopathologique Transit oeso-gastro-duodénal (TOGD) par ingestion de produit de contraste baryté. Cet examen est de moins en moins réalisé et ne comporte que quelques indications : sténose endoscopiquement non franchissable, suspicion de fistule oeso-trachéale, à visée préopératoire, ou dans le bilan d’extension. Peu d’intérêts des bilans biologiques : anémie par carence martiale (saignements chroniques, élévation de l’antigène SCC, syndrome cholestatique si métastase hépatique, hypercalcémie si métastase osseuse ou syndrome paranéoplasique IV/ Bilan préthérapeutique Le bilan préthérapeutique doit permettre de déterminer le stade tumoral suivant la classification TNM, afin de prévoir la prise en charge thérapeutique ou palliative. T- Tumeur primitive Elle est classée à l'aide d'un examen clinique, de l'imagerie, de l'endoscopie (incluant une fibroscopie bronchique) et/ou de l'exploration chirurgicale. T0 Pas de signe de tumeur primitive Tis Carcinome in situ T1 Tumeur envahissant la lamina propria ou la sous-muqueuse T2 Tumeur envahissant la musculeuse T3 Tumeur envahissant l’adventice T4 Tumeur envahissant les structures adjacentes N- Adénopathies régionales NX Renseignements insuffisants pour permettre le classement de l'atteinte des ganglions lymphatiques régionaux N0 Pas de signe d’atteinte des ganglions lymphatiques régionaux N1 Métastases ganglionnaires lymphatiques régionales Oesophage cervical : ganglions cervicaux et/ou sus-claviculaires Oesophage thoracique : ganglions médiastinaux et périgastriques Notes : Les Ganglions coeliaques sont toujours cotés M (M1a pour les cancers thoraciques inférieurs et M1b pour les autres). L'examen d'au moins 6 ganglions médiastinaux est nécessaire à l'évaluation correcte du statut ganglionnaire (pN). M- Métastases Mx Informations insuffisantes M0 Pas de métastases à distance M1 Présence de métastase(s) à distance Pour les tumeurs de la partie supérieure de l’œsophage thoracique M1a Métastases dans les ganglions cervicaux M1b Autres métastases Pour les tumeurs de la partie moyenne de l’œsophage thoracique M1a Non applicable M1b Métastases dans les ganglions lymphatiques non régionaux ou autres métastases à distance Pour les tumeurs de la partie inférieure de l’œsophage thoracique M1a Métastases dans les ganglions lymphatiques coeliaques M1b Autres métastases à distance Il est ainsi nécessaire de déterminer si la tumeur est RÉSÉCABLE, CURABLE et OPÉRABLE. 1. Bilan de résécabilité : Le bilan de résécabilité détermine l’extension locorégionale de la tumeur et doit évaluer la possibilité d’une résection chirurgicale. Echo-endoscopie oesophagienne : c’est l’examen clé pour déterminer l’extension locorégionale de la tumeur. Elle permet d’évaluer l’extension pariétale du cancer et son extension ganglionnaire médiastinale. En cas de sténose non franchissable on utilisera l’IRM ou la TDM thoracique Examen ORL spécialisé à la recherche d’un cancer associé et d’une paralysie récurentielle de mauvais pronostic Fibroscopie bronchique à la recherche d’un cancer bronchique associé, ou d’une extension tumorale à la trachée ou aux bronches souches 2. Bilan de curabilité : Le bilan de curabilité détermine l’extension métastatique de la tumeur et doit évaluer la possibilité d’une rémission à long terme. Examen clinique : hépatomégalie multinodulaire, ascite ou nodule de carcinose péritonéale au toucher rectal, adénopathie sus-claviculaire gauche de Troisier TDM abdominale à la recherche d’extensions ganglionnaires coeliaques, de métastases hépatiques et de carcinose péritonéale TDM thoracique à la recherche d’adénopathies médiastinales, d’extension aux organes de voisinage (voies respiratoires, péricarde, plèvre, diaphragme), et de métastase pulmonaire Échographie des creux sus-claviculaires à la recherche d’adénopathies infra clinique, avec analyse par cytoponction Scintigraphie osseuse et IRM cérébrale en cas de signe d’appels Le Scan-TEP prend une place de plus en plus importante dans le bilan d’extension 3. Bilan d’opérabilité : Le bilan d’opérabilité détermine l’état général du patient et doit exclure d’éventuelles contreindications à un acte chirurgical. Bilan cardiovasculaire : au minimum un examen clinique et un ECG devront rechercher une insuffisance coronarienne et une artériopathie oblitérante des membres inférieurs. En cas de suspicion clinique on procédera à une épreuve d’effort, une coronarographie ou un écho-Doppler des membres inférieurs. Bilan pulmonaire : on recherche une insuffisance respiratoire chronique par un examen clinique bien conduit, une radiographie thoracique, une fibroscopie bronchique, une gazométrie sanguine et par des EFR Bilan hépatique à la recherche d’une cirrhose alcoolique : examen clinique, bilan hépatique et dosage du TP. En cas de doute, la ponction-biopsie hépatique pourra être discutée