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SOMMAIRE
INTRODUCTION ............................................................................................... 2
PREMIERE PARTIE : LE PHENOMENE DU TERRORISME .................. 5
CHAPITRE 1 : QU’EST-CE QUE LE TERRORISME ? ............................................................. 6
Section 1 : Un phénomène polymorphe. ....................................................................... 6
Section 2 : Le 11 septembre 2001 et la construction d’un mythe............................... 20
CHAPITRE 2 : L'ARABIE SAOUDITE ACCUSEE ................................................................. 28
Section 1 : Les accusations .......................................................................................... 28
Section 2 : Al-Qaïda : vecteur du terrorisme en Arabie saoudite ............................. 40
DEUXIEME PARTIE : L’ARABIE SAOUDITE ET LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME ......................................................................... 48
CHAPITRE 1 : L’ARABIE SAOUDITE VICTIME DU TERRORISME ...................................... 48
Section 1 : Les attentats contre l’Arabie saoudite ...................................................... 49
Section 2 : La réponse au défi terroriste ..................................................................... 55
CHAPITRE 2 : CONCEPTION SAOUDIENNE DU TERRORISME............................................ 62
Section 1 : L’Islam et le terrorisme ............................................................................. 62
Section 2 : Un pays en mouvement ............................................................................. 74
CONCLUSION .................................................................................................. 82
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 84
1
Introduction
Depuis le 11 septembre 2001, le terrorisme est devenu une question
majeure des relations internationales. Dans le
Rapport, intitulé « dans une
liberté plus grande » présenté par le Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi
Annan, le 21 mars 2005, devant l'Assemblée générale, il est exposé que « Au
XXIe
siècle, les menaces pour la paix et la sécurité ne sont pas seulement la
guerre et les conflits internationaux, mais aussi la violence civile, la criminalité
organisée, le terrorisme et les armes de destruction massive. Nous devons faire
en sorte que le terrorisme catastrophique ne devienne jamais réalité ».
Le terrorisme est donc promu ennemi numéro un de la communauté
internationale. Mais de nombreuses réalités se cachent derrière ce mot qui fait
l’objet d’interprétations variées. Le terrorisme mérite d’être mieux défini tant il
est vrai que ce mot peut recouvrir des réalités très différentes. Il faut donc se
méfier des amalgames qui conduisent à une confusion ou à une représentation
inexacte ou partiale de ce phénomène. Ainsi, certains parlent habituellement de
terrorisme «islamiste », « djihadiste », « salafiste », ou encore « wahhabite »,
ce dernier terme permettant de renvoyer à l’Arabie saoudite. Il est donc
indispensable à une bonne compréhension des événements d’étudier les
relations entre le terrorisme et le Royaume Saoudien.
Il est clair que, depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’Arabie
saoudite se trouve prise en tenaille entre ceux qui l’accusent de complaisance à
l’égard du terrorisme et ceux qui commettent des actes terroristes qui la visent.
A cet égard, il est important de bien préciser quels sont les tenants et
aboutissants de l’organisation désignée sous le nom d’Al-Qaïda dont les
origines, aussi bien pour ce qui concerne l’idéologie que les méthodes, sont trop
souvent méconnues. Il est réducteur et inexact de lier d’une façon ou d’une
2
autre cette nébuleuse à l’Arabie Saoudite ou à ce qu’on appelle le
« wahhabisme ».
Face à la désinformation qui la vise et au terrorisme qui la frappe,
l’Arabie saoudite doit donc combattre sur plusieurs fronts. D’une part, celui de
l’information et de son image de marque, d’autre part contre les extrémistes et
les terroristes.
En effet, l’Arabie saoudite est elle-même victime du terrorisme. Durant
les trois dernières années, 2003-2005, l’Arabie saoudite a subi plus de 25
opérations terroristes (attentats, meurtres , prises d’otages…) , elle a déploré
144 victimes (simples citoyens, agents de la sécurité, travailleurs étrangers ) et
plus
500 blessés. Les forces de sécurité saoudiennes ont
exécutés 120
terroristes, et blessés et arrêtés 52. Les efforts des autorités saoudiennes dans la
lutte contre le terrorisme ne se limitent pas à l’intérieur du pays. Ils s’étendent
également sur la scène internationale. Par exemple, c’est à Riyad, en février
2005, que la conférence internationale pour la lutte contre le terrorisme a eu
lieu. Elle a réuni une soixantaine de pays et de nombreuses organisations
mondiales et des experts. Le 17 janvier 2006, l’ambassade d’Arabie saoudite à
Londres a organisé avec l’Institut royale pour les services unis en Grande
Bretagne
une conférence sur
le thème : « Terrorisme internationale –
Confrontation mondiale ». Le royaume saoudien coopère également avec tous
les Etats concernés par la lutte contre le terrorisme. .
Les Saoudiens refusent l’appellation « islamistes » donnée à des
groupuscules terroristes qui n’ont d’islamique que le nom qu’ils usurpent.
L’islam doit clairement être dissocié des activités de ces groupes dont les chefs,
qui n’ont d’ailleurs aucune qualification religieuse,
interprètent l’islam de
manière erronée en vue de légitimer leurs exactions.1 Pour leur part, les
Saoudiens, autorités gouvernementales et citoyens, rejettent l’emploi d’une
violence aveugle et réaffirment qu’il faut clairement distinguer l’Islam de celleci. Par ailleurs, ils sont aujourd’hui plus conscients de la nécessité de faire
mieux connaître la réalité saoudienne, une réalité qui est marquée par le souci
Voir : entretien avec le Dr Mohammed Al-Asheik, Ambassadeur du Royaume d’Arabie
Saoudite en France, dans la revue France-Pays arabes, juin 2004.
1
3
de préserver son identité et ses valeurs tout en promouvant les réformes qui
s’imposent. La réussite de cette combinaison sera le meilleur moyen de désarmer
à la fois la propagande contre le Royaume et celle des terroristes.
L’objet de ce mémoire est d’étudier de quelle manière le terrorisme est devenu
un problème crucial pour l’Arabie Saoudite et quelles réponses elle peut apporter aussi
bien au niveau de sa politique extérieure que de sa politique intérieure. Dans une
première partie notre étude examinera le phénomène terroriste dans son
contexte global et au regard de l’Arabie saoudite. La deuxième partie
s’intéressera à la lutte contre le terrorisme engagée par l’Arabie saoudite.
4
Première partie : Le phénomène du terrorisme
Dans son rapport présenté à l’assemblée générale des Nations Unies en
mars 2005, le Secrétaire général déclarait : « Il nous faudra pour cela adopter une
nouvelle stratégie mondiale, dont le point de départ sera que les États Membres
s’accordent sur une définition du terrorisme et l’inscrivent dans une convention
globale ». Le 7 octobre 2005 s'est tenue la Sixième Commission, chargée des
questions juridiques, de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui avait pour
but de proposer une définition du terrorisme et préparer une résolution intitulée
« Mesures visant à éliminer le terrorisme international ».
Mais l’objectif visant à donner une « définition claire » du terrorisme est
encore loin d’être atteint. Une tentative de définition du terrorisme conduit à
constater la polymorphie de ce concept (chapitre 1). Il faut également constater
que l’interprétation du terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001 a
conduit à de nombreux amalgames aussi bien pour ce qui concerne les termes
que la confusion établie entre le groupe terroriste Al-Qaïda et l’Arabie saoudite.
Nous examinerons dans quelles conditions l’Arabie saoudite s’est retrouvée en
situation d’accusée. (chapitre 2)
5
Chapitre 1 : Qu’est-ce que le terrorisme ?
Le droit international n'a pas encore réussi à définir le terrorisme, il se
contente de dénoncer des crimes précis comme le détournement ou l'attaque
d'avions. Des conventions internationales visent à réprimer certains actes
terroristes : Convention internationale pour la répression des attentats terroristes
à l'explosif du 15 décembre 1997, et Convention internationale pour la
répression du financement du terrorisme du 8 décembre 1999. Cette dernière
vise « tout (...) acte destiné à causer la mort ou des dommages corporels graves
à toute personne civile, ou à toute autre personne qui ne participe pas
directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa
nature ou son contexte, cet acte est destiné à intimider une population ou à
contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou
à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ».
De fait aucune définition ne s'aventure à préciser les choses, chacun restant
libre de définir le terrorisme à sa guise. Cela s'explique par le fait que « le
terrorisme n'est pas une idéologie, une philosophie politique, c'est un moyen.
Selon le général prussien Carl von Clausewitz (1780-1831) "La guerre est la
continuation de la politique par d'autres moyens". On pourrait dire la même chose
du terrorisme »2
Section 1 : Un phénomène polymorphe.
Si la définition claire du terrorisme est difficile à établir, la seule
certitude dans ce domaine est que le terrorisme est un phénomène
polymorphe.Le géopoliticien français Charles Saint-Prot note qu’il y a « une
multiplicité de significations possibles. Le monde a connu, et connaît encore,
des terrorismes idéologiques – révolutionnaires d’extrême gauche ou de type
2
Voir SAINT-PROT, Charles. Motivations et Causes du terrorisme. Saudi and Terrors. Cross
cultural views. Riyad : Ghainaa publications, 2005
6
fasciste ; des terrorismes ethniques ; des terrorismes sectaires ou religieux ; des
terrorismes mafieux ; des terrorismes d’Etat, etc. »3. Cet auteur précise que le
mot terrorisme « est apparu pour la première fois à la fin du
XVIIIe
siècle
pendant la révolution française dont l’une des périodes la plus noire est appelée
la Terreur. Cette terreur est le régime mis en place par la tendance la plus
fanatique et la plus extrémiste des révolutionnaires, dont l’un des principaux
chefs est Robespierre. Il est intéressant de noter que la première manifestation
du terrorisme est celle d’un terrorisme d’Etat […] Au cours du
XIXe
siècle, une
autre forme de terrorisme apparaît. Il ne s’agit plus de maintenir un pouvoir en
place par la répression et l’intimidation mais d’avoir recours à la violence la
plus spectaculaire afin de semer la panique dans une société, de créer un climat
d’insécurité pour affaiblir ou renverser un régime en place».
C’est ainsi que la deuxième partie du
XIXe
siècle sera marquée par le
terrorisme révolutionnaire en Russie et le terrorisme anarchiste en France, en
Autriche ou en Italie. Au
XXe
siècle d’autres mouvements terroristes se
manifesteront : ceux liés aux conflits balkaniques (assassinat, le 9 octobre 1934
à Marseille,
d’Alexandre de Yougoslavie) ; ceux liés à des idéologies
d’extrême gauche (Bande à Bader en Allemagne, Action directe en France,
Brigades rouges en Italie) ou néonazies ; ceux des groupes séparatistes (par
exemple l’ETA). Il faut aussi préciser que les mouvements de résistance luttant
contre des occupations étrangères seront appelés terroristes par les occupants,
par exemple en France sous l’occupation, en Irlande ou en Palestine.
La définition du terroriste est donc influencée par les multiples formes
que revêt ce phénomène. Le mot étant souvent utilisé pour dénigrer un
adversaire. François-Bernard Huyghe note que « l’usage du terme terrorisme,
c’est un combat pour la légitimité, donc c’est un label qu’on accole à des actes
ou à des groupes par rapport auxquels on veut indiquer qu’ils sont en marge de
la société »4. La question du terrorisme qui est devenue l’une des premières
préoccupations du monde, conduit à constater que le mot s'est imposé comme un
terme d'usage courant dans les milieux politiques et scientifiques. Cependant, la
3
SAINT-PROT, Charles. Motivations et Causes du terrorisme. Op. cit.
4
HUYGHE, François-Bernard. Quatrième guerre mondiale Faire mourir et faire croire. Paris :
Éditions du Rocher, 2004
7
diffusion du terme terrorisme n'a pas eu comme résultat logique la mise en place
d'une définition précise à laquelle le monde entier souscrirait. De même, il existe des
interprétations souvent divergentes des causes du terrorisme.
§1 - Une définition du terrorisme.
Le Cheikh Taki al Din Ahmad Ibn Taimiya (1263-1328) qui est, sans
aucun doute, l’un des plus importants penseurs de l’Islam5, a écrit: « Une
grande partie de la mésentente entre les gens est due aux termes ambigus
nouvellement inventés dont les sens diffèrent d'une personne à l'autre. […] Dans
ces cas, il faut toujours veiller à éviter les termes vagues et utiliser les termes
simples et clairs. Tout terme qui comporte une double connotation de vrai et de
faux, ne doit pas être utilisé à moins de l'accompagner d'autres termes explicatifs
qui soient clairs et précis et qui expriment bien le vrai sens. Les différends entre
les hommes de bon sens viennent en majeure partie des termes qui portent
plusieurs sens ou qui sont mal définis, et les litiges qui se créent entre les gens
sont dus aux termes vagues… »
Le mot terrorisme est sans aucun doute du nombre de ces termes qui
peuvent prêter à confusions. Terrorisme vient du mot latin terror qui signifie
effroi, épouvante. En arabe, le terrorisme est défini par le mot Irhab. Il est
intéressant de comparer quelles sont les définitions du terrorisme proposées
dans le monde musulman et dans les pays occidentaux.
a) Définition dans le monde musulman.
Les terroristes qui sévissent dans des groupes qualifiés d’ «islamistes »
prétendent trouver leur justification dans le Coran où figure le mot Irhab, qui
indique l’action d’effrayer et qui, dans son usage moderne, signifie terrorisme.
Dans le texte sacré, le mot est employé d’une façon bien précise pour qualifier le
fait que les gens injustes ou mécréants doivent être effrayés par la colère de
Dieu. Il s’agit très clairement de la crainte de la colère et du châtiment de Dieu. Il
s’agit aussi d’effrayer les ennemis qui menacent la communauté des croyants. Rien
5
Sur Ibn Taimiya voir LAOUST, Henri. Essai sur les doctrines sociales et politiques de Taki-dDin Ahmad b. Taimiya. Le Caire : coll. Mélanges de philologie et d’histoire de l’IFAO,
1939/ Le Hanbalisme sous les Mamlouks Bahrides, Revue des Études Islamiques, t. XXVIII,
1960.
8
dans le Coran ne permet de pratiquer des actes de violence au nom de la religion
contre des personnes innocentes. Au contraire, la violence est formellement bannie.
Ces principes ont constamment été rappelés par les savants de l’Islam.6
Dès les débuts de l’Islam des sectes dissidentes ont pratiqué des actes
que l’on pourrait qualifier de terroristes, en menaçant et en tuant des gens pour
tenter d’imposer leurs idées.7 C’est le cas des Kharidjites, qui se révoltèrent
contre le calife Ali après l’arbitrage de Siffin (657) et que l’un d’eux assassina.
Plus tard, en 695, des kharidjites se livrèrent à un grand massacre dans la mosquée
de Koufa. On pourrait également citer la secte chiite dite des assassins (Hashâchines)
fondée au XIe siècle qui assassinaient ses adversaires.8 Dans tous les cas, ces sectes très
minoritaires furent dénoncées par l’Islam. Ce sont elles, et non l’Islam, qui ont pu
influencer certains extrémistes modernes.9 Les terroristes des groupes qualifiés
d’islamistes ne peuvent donc en aucun cas se référer au Coran ou à la religion pour
justifier leurs actes que réprouve l’Islam. Par exemple, ce point est clairement affirmé
par les savants religieux d’Arabie saoudite qui relèvent que l’Islam condamne les actes
visant des personnes innocentes, « en particulier les femmes, les enfants et les noncombattants » et que les auteurs de tels actes « ne peuvent en aucun cas se réclamer de
la religion musulmane ».10
Par ailleurs, pour clarifier les choses, les instances arabes et musulmanes ont
proposé une définition du terrorisme. Ainsi l’Organisation de la conférence
islamique qui réunit tous les pays musulmans a adopté une Convention pour
combattre le terrorisme, dès
Réaffirmant qu’il faut distinguer le
1999.
terrorisme du « droit légitime des peuples à lutter, par tous les moyens, contre
l'occupation étrangère et les systèmes colonialistes et répressifs, y compris la
lutte armée pour la libération de leurs territoires et pour leurs droits à
l'autodétermination et à l'indépendance, conformément aux principes du droit
international et aux dispositions de la Charte des Nations Unies » ; se fondant
« sur les enseignements de la Charia islamique qui rejettent toutes les formes de
Voir Muhammad Ibn Husayn al QAHTANI. Que disent les savants de l’Islam sur le
terrorisme ?, traduit de l’arabe. Riyad : éditions Anas, 2005
6
7
Voir LAOUST, Henri. Les schismes dans l'Islam. Paris : Payot, 1965
8
LEWIS, Bernard. The Assassins. A Radical Sect in Islam. Londres : 1967
9
Voir BURGAT, François. L'islamisme à l'heure d'Al-Qaida. Paris : La Découverte, 2005.
Egalement KEPPEl, Gilles. Jihad. Paris : Gallimard, 2000
10
Al QAHTANI. Que disent les savants de l’Islam sur le terrorisme ?, op. cit.
9
violence et de terrorisme, en particulier celles reposant sur l'extrémisme et
exhortent à la protection des droits de l'homme; ce qui est conforme aux
principes du droit international qui se fondent sur la coopération entre les
peuples pour l'instauration de la paix »,
la Convention stipule que « le
terrorisme constitue une violation grave des droits de l'homme, en particulier, le
droit à la vie, à la liberté et à la sécurité et entrave la liberté d'action des
institutions ainsi que le développement économique et social à travers la
déstabilisation des Etats ».
La Convention propose la définition suivante du terrorisme : « est
considéré comme terrorisme, tout acte de violence ou de menace de violence
quels qu'en soient les mobiles ou objectifs, pour exécuter individuellement ou
collectivement un plan criminel dans le but de terroriser les populations, de leur
nuire, de mettre en danger leur vie, leur honneur, leurs libertés, leur sécurité ou
leurs droits, de mettre en péril l'environnement, les services et biens publics ou
privés, de les occuper, ou de s'en emparer, de mettre en danger une des
ressources nationales ou des facilités internationales ou de menacer la stabilité,
l'intégrité territoriale, l'unité politique ou la souveraineté des Etats
indépendants ». Sont également considérés comme crimes terroristes, les crimes
visés dans les conventions internationales, par exemple les conventions de
Tokyo sur les crimes et actes perpétrés à bord des avions, signée le 14 décembre
1963 : de La Haye sur la lutte contre le détournement d'avions signée le 16
décembre 1970 ; de Montréal sur les répressions d'actes illégaux menés contre
la sécurité de l'aviation civile signé le 23 septembre 1971 et son protocole signé
le 10 mai 1984 à Montréal, de New York sur la prévention et la punition des
crimes perpétrés contre des personnes jouissant de la protection internationale
signée le 14 décembre 1973 : etc.11
La commission chargée par le conseil de la Ligue des Etats arabes de
mettre en place une définition arabe commune sur le terrorisme, en 1989, a donné
du terrorisme la définition suivante : « il s'agit de tout acte organisé de violence et de
menace de violence qui vise à semer la terreur et la panique en ayant recours au
meurtre, l'assassinat, l'enlèvement, la séquestration, le détournement des avions
11
Al MIDANI, Mohammed Amin. Les droits de l'homme et l'Islam, textes des organisations
arabes et islamiques. Strasbourg : Association des publications de la Faculté de théologie
protestante, Université Marc Bloch de Strasbourg, 2003, 141 p.
10
et des bateaux, l'usage des explosifs et tout autre acte qui crée la panique et le
désordre dans le but de réaliser des objectifs politiques » 12.
Ces définitions rejoignent en partie celles adoptées par les Etats et
organisations occidentales.
b) Définitions occidentales.
Les législations occidentales ont tenté de donner une définition du
terrorisme, notamment sur le plan pénal. 13
L’article 421-1 du Code pénal français stipule :
« Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en
relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler
gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la
personne, l'enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d'aéronef, de
navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;
2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que
les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ;
3° Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous
définies par les articles 431-13 à 431-17 et les infractions définies par les
articles 434-6 et 441-2 à 441-5 ;
4° La fabrication ou la détention de machines, engins meurtriers ou
explosifs…
5° Le recel du produit de l'une des infractions prévues aux 1° à 4° ci-dessus ;
6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III
du présent code ;
7° Les délits d'initié prévus à l'article L. 465-1 du code monétaire et
financier. »
L’article 421-2 du même Code dispose également :
12
ibidem
13
Voir GUBERT, Romain. Le Terrorisme International. La guerre des temps modernes. Paris :
Milan, col. Les essentiels, 2005.
11
« Constitue
également
un
acte
de
terrorisme,
lorsqu'il
est
intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective
ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la
terreur, le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans
les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre
en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel ».
Les articles 421-2-1 et 421-2-2 ajoutent :
« Constitue également un acte de terrorisme le fait de participer à un
groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée
par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme mentionnés aux
articles précédents. »
« Constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une
entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des
valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans
l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont
destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque
des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la
survenance éventuelle d'un tel acte. »
Selon la Commission juridique de l'Organisation des Etats Américains,
il
s'agit « d'actes qui sont en eux-mêmes identiques aux actes criminels
traditionnels dont le meurtre, l'incendie délibéré et l'usage des explosifs, niais
diffèrent dans la mesure où ils sont commis avec intention préméditées de
répandre la terreur, le chaos et la peur dans une société organisée afin d'aboutir à
des résultats qui se manifestent par la perturbation de l'ordre social, la violente
réaction,, la misère et la souffrance dans la société ».
Le département d'Etat des Etats-Unis utilise la définition donnée dans le
titre 22 du Code des Etats-Unis : « violence préméditée, à motivations
politiques, exercée contre des cibles non-combattantes par des groupes subnationaux ou des agents clandestins, dont le but est généralement d'influencer
une opinion » Le Federal Bureau of Investigation (FBI) se réfère quant à lui au
Code of Federal Regulations et définit le terrorisme comme « l'usage illégal, ou
12
la menace de faire usage de la force ou de la violence, par un groupe ou un
individu basé et opérant entièrement à l'intérieur des Etats-Unis et de ses
territoires sans ordre venu de l'étranger, contre des personnes ou des biens, pour
intimider ou contraindre un gouvernement, la population civile, ou une partie de
celle-ci, dans le but de promouvoir des objectifs politiques ou sociaux »14
Ces
définitions
légales
sont
largement
reprises
par
ouvrages
encyclopédiques. Le Larousse propose la définition suivante « un ensemble
d'actes de violence commis par une organisation pour créer un climat
d'insécurité ou renverser le gouvernement établi ».
Selon le Dictionnaire
d'Oxford, le terrorisme est « Toute politique, ou approche mise en place pour
terroriser et effrayer les adversaires ou les opposants d'un gouvernement. Le terme
terroriste signifie en général toute personne qui tente de soutenir ses idées par la
force, la menace ou la terreur ». Pour sa part, l'Encyclopédie canadienne le
définit comme étant « le recours à une campagne de violence, apparemment
menée au hasard, pour promouvoir un objectif politique. Les actes de terrorisme
comme les attentats à la bombe, les assassinats et les enlèvements peuvent être
le fait de personnes qui veulent défier le statu quo politique (terrorisme
insurrectionnel) ou le préserver (terrorisme répressif). La distinction entre le
terrorisme et une utilisation justifiée de la force est sujette à controverse, ce
qu'illustre l'expression ‘le terroriste de l'un est le combattant de la liberté d'un
autre »15.
S’il est possible de trouver dans ces définitions un plus petit
dénominateur commun qu’un expert, Walter Laqueur, résume ainsi: «la seule
caractéristique générale communément admise est que le terrorisme met en
œuvre la violence et la menace de la violence »16, il apparaît que les définitions
varient selon les points que veulent mettre en exergue tel ou tel pays, des
valeurs ou des intérêts qui prévalent ici ou là. La raison principale de cette
confusion au sujet de ce terme réside dans la multitude des définitions découlant
des différences de croyances et d’idéologies adoptées par les pays. Quand nous
14
Voir BONDITTI Philippe. L'organisation de la lutte anti-terroriste aux Etats-Unis. Cultures Et
Conflits, numéro 44, hiver 2001.
15
L’Encyclopédie canadienne. www.thecanadianencyclopedia.com
16
LAQUEUR, Walter. The Age of Terrorism. Boston : Little Brown and Company, 1987.
13
lisons les définitions du terrorisme, nous constatons qu'ils portent plusieurs
sens et qu'il n'est pas possible de le déterminer avec précision. Dans une étude de
la section fédérale de la bibliothèque du Congrès, il est précisé qu'un acte qui
est considéré comme étant terroriste aux Etats Unis peut être considéré
autrement dans un autre pays. 17
Devant cette imprécision, la plupart des chercheurs relèvent qu’il est plus
intéressant de s’interroger sur les causes et les motivations du terrorisme pour
mieux comprendre ce phénomène.18
§2 - Les causes du terrorisme.
Le mot « terrorisme » permet tous les amalgames. De nombreux experts
–en particulier, les chercheurs des Etats-Unis
John Esposito ou Noam
Chomsky, les géopoliticiens français François Burgat et Charles Saint-Prot ou le
journaliste Richard Labévière19- exposent qu’il faut d’emblée rejeter l’idée que
le terrorisme aurait des facteurs religieux. Ils insistent sur le fait que le
terrorisme n’est pas quelque chose de nouveau et qu’il s’est manifesté dans
toutes les sociétés et à tous les endroits du monde. Ils s’inquiètent de voir que
cette réalité tend artificiellement à s’estomper pour donner lieu à une notion
unique : celle d’un « terrorisme global », laquelle notion conduit à accuser
l’Islam. Ils insistent également sur le fait qu’on ne peut réduire le terrorisme à
un seul facteur et qu’il convient de distinguer plusieurs causes qui peuvent être
complémentaires. Il faut donc chercher à « comprendre les causes du mal ».20
Celles-ci sont principalement de deux ordres.
D’une part, des raisons internes aux sociétés considérées. Selon Richard
Labévière, le terrorisme « ne relève pas d'une organisation mondiale, mais d'une
17
Département des Recherches fédérales "sociologies et psychologie du terrorisme", septembre
1999, www.loc.gov/rr/frd/sociologie-psycholo
18
ESPOSITO, John. The Islamic Threat: Myth or Reality? New York : Oxford University Press,
1995. CHOMSKY, Noam. Hegemony or Survival, Metropolitan Books, 2003 .
19
Voir la bibliographie
20
RANDAL, Jonathan. Oussama. La fabrication d’un terroriste. Paris : Albin Michel, 2004
14
nébuleuse de réseaux qui s'enracinent localement, dans les économies les plus
inégalitaires et les régimes politiques les plus arbitraires »21. D’autre part des
raisons externes dues à des conflits internationaux.
a) Les causes internes.
Je voudrais résumer les causes qui engendrent le terrorisme et suscitent
la violence. L'homme ne naît pas avec des déviations mais en hérite de la
société dans laquelle il vit, du fait de certaines dérives. Certes, dans toutes les
sociétés le peuple comme les dirigeants éprouvent généralement de l’aversion à
l'égard de la violence et du terrorisme mais certaines situations peuvent
conduire à des états de tension tels que des extrémistes ont l’occasion
d’exploiter ces phénomènes.
« La pauvreté, comme le dit une célèbre parole de l'Imam Ali ben abi
taleb, peut à tout moment faire basculer dans l'incroyance ». Elle est, en effet,
l'une des principales causes du terrorisme et du désir de vengeance, car la
privation sème la rancœur, le sentiment d'injustice et la haine. Les injustices
sociales et la misère sont un terreau sur lequel les idéologies extrémistes
prospèrent traditionnellement. La montée de la misère dans certains pays, l’écart
entre les riches et les pauvres, le fossé entre le Nord et le Sud, l’absence de
politique d’aide sociale et de solidarité peuvent conduire certains à se réfugier
dans l’extrémisme ou à être sensibles à la propagande de ceux qui
instrumentalisent ces maux.
Une société qui prend le risque de négliger les enseignements et les
règles de vie instituées par la religion et, plus généralement par les valeurs de
solidarité, crée les conditions de l'instabilité sociale et voit se multiplier en son
sein les conflits en tous genres, avec tous les risques que cela peut comporter.
Cela est d’autant plus dangereux si le pouvoir politique donne l’impression de
faillir à sa mission ou d’encourager la corruption et l’enrichissement d’un petit
nombre. Toute négligence de la part des responsables politiques à l'égard de
21
LABEVIERE, Richard. Les coulisses de la terreur. Paris : Grasset, 2003
15
leurs citoyens entraîne une dégradation de la situation ainsi qu'une crise de
confiance à l'égard de ces dirigeants. Les dirigeants ne doivent donc pas oublier
la parole du Prophète Mohammad : « Chacun de vous est un responsable et
chacun de vous est en charge de ses sujets »22.
Les crises économiques qui favorisent le chômage, l’oisiveté et le
désenchantement d’un grand nombre de gens, notamment chez les jeunes, sont
également au centre du problème. De nombreux jeunes se laissent tenter par des
discours extrémistes à cause du sentiment d'échec qu'ils éprouvent dans leur vie
sociale, intellectuelle, professionnelle ou sentimentale. Ils se réfugient souvent
alors dans des associations ou groupes égarés pour compenser tout ou partie de
ce qu'ils considèrent comme un échec. A cela, il faut ajouter la défaillance de la
cellule familiale ou de l’enseignement et, dans certains cas, le fait que les
dirigeants religieux ne sont pas à la hauteur de leur mission en ne sachant pas
exposer précisément les dogmes, ce qui laisse la porte ouverte à des
interprétations erronées.
Le rôle des élites est également en cause. Intellectuels, experts religieux
et scientifiques
sont responsables de la transmission du savoir et doivent
multiplier les conseils, montrer la voie à suivre, mettre en garde contre les
déviations. Ils doivent contribuer à éveiller les consciences et à neutraliser des
pièges. Si l'élite intellectuelle d'une nation n'assume pas pleinement ces
responsabilités considérables, le pays est en danger de délitement. Toute
idéologie destructrice peut alors avoir libre cours et le mensonge peut aisément
se propager. C’est pour cela que le Coran énonce: "Interrogez les dépositaires
du savoir si vous ne savez pas" (Les abeilles-43)
Le rôle des savants religieux est important. Il ne suffit pas de lire
certains livres, d'appendre quelques versets coraniques, de connaître quelques
récits prophétiques, de maîtriser quelques éléments de la littérature religieuse
pour être un bon croyant. Il est indispensable que les savants, les muftis ou les
enseignants religieux s’attachent à bien expliquer la religion. En effet,
beaucoup de gens se sont écartés de l'orthodoxie à cause d'une interprétation
erronée d'un texte ou une mauvaise compréhension d'un terme, tels que les
22
Hadith rapporté par Boukari et Muslim
16
concepts de Djihad, de Takfir (le fait de jeter l'anathème sur quelqu'un), de
Chahada (le statut de martyr) et bien d'autres concepts.
La naissance d'idées déviationnistes est souvent due à l'existence de
contradictions dans la vie des gens et d'étranges paradoxes entre ce qu'ils
entendent et ce qu'ils voient, entre ce qu'ils apprennent et ce qu'il vivent, entre
ce qui se dit et se qui est fait, entre ce qui est enseigné et ce qui est pratiqué.
Ceci va nécessairement perturber les esprits et créer un véritable malentendu.
L'absence de tribunes et de lieux où les opinions peuvent être
exprimées librement, où la critique constructive n'est pas bannie est de nature à
générer toutes sortes d'inhibitions et de tensions et à pousser les jeunes à passer
à l'acte à défaut de s'exprimer par la parole. C’est pourquoi, les dirigeants
saoudiens qui ont compris l'importance de ce problème ont mis en place des
institutions favorisant le dialogue et ont invité les gens à y débattre.
Mais, tous ces facteurs ne suffiraient pas à expliquer le phénomène du
terrorisme s’il n’existait pas parallèlement des facteurs externes qui exacerbent
les passions. Ce point est, probablement, l’une des plus importantes causes qui
génèrent le terrorisme.
b) Les causes externes.
Le géopoliticien français Charles Saint-Prot écrit « Il faut avant tout
réfléchir sur les causes exactes du terrorisme ou de la violence. Il faut surmonter
la tentation de chercher une solution à des problèmes irrésolus depuis longtemps
par une perpétuelle fuite en avant dans la création de nouveaux rapports de
forces qui arriveront à une confrontation globale avec le monde musulman,
sans résoudre aucun problème. Il faut surtout éviter de diaboliser une religion,
en l’occurrence l’Islam, en restant aveugle sur les causes objectives et politiques
qui conduisent au terrorisme. Comment ignorer l’immense colère que ressent un
Arabe ou un Musulman lorsque chaque matin il entend à la radio que des
dizaines de civils, hommes femmes ou enfants, ont été tués par des
17
bombardements israéliens en Palestine ou par l’armée américaine en Irak ? Et
cela sans que la communauté internationale ne semble s’en émouvoir. Comment
sous-estimer la haine qui peut envahir les peuples lorsqu’il voit le droit
international bafoué, souvent depuis des dizaines d’années ? Comment oser
croire que c’est ainsi que l’on réduira les facteurs d’extrémisme dans le monde
arabo-musulman si ce monde n’a pas le droit à la justice et au respect ? »23
Ce que voient les jeunes musulmans à travers les différentes chaînes de
télévision montrant les formes d'injustice que subissent les musulmans dans le
monde et de quelle manière leurs droits sont bafoués, leurs pays sont occupés,
leur coreligionnaires sont impunément humiliés et opprimés va forcément
susciter en eux une énorme colère.
Après la guerre israélo-arabe de 1967, le général De Gaulle prévoyait,
lors de sa conférence de presse du 27 novembre 1967, que l’occupation des
territoires arabes, notamment les territoires palestiniens, ne pourrait aller « sans
oppression, répressions, expulsions » et conduire à la manifestation d’une
« Résistance » qu’à son tour l’Etat d’Israël qualifierait de terrorisme.24 La crise
de Palestine qui dure depuis un demi-siècle sans que les droits nationaux du
peuple palestinien ne soient véritablement reconnus du fait que les résolutions
des Nations Unies restent inappliquées est un facteur fondamental, relevé par
tous les experts, du sentiment d’exaspération qui s’étend dans le monde arabe et
dans toute la communauté musulmane. Ce sentiment est renforcé par le fait que
les Arabes et les autres musulmans ont l’impression que le droit international
fait l’objet de deux poids et deux mesures. Le journaliste Alain Gresh écrit
« Décidément, on applique à ce petit territoire, la Palestine, d’autres principes,
d’autres règles d’analyse que ceux que l’on utiliserait ailleurs. Je suis toujours
confondu de constater que des intellectuels éminents, prompts à se mobiliser
pour d’innombrables causes, renâclent quand il s’agit de la Palestine. Même un
philosophe comme Jean-Paul Sartre, dont les positions généreuses sont connues,
de la guerre d’Algérie à la lutte des Noirs américains, était pour le moins timoré
23
SAINT-PROT, Charles. Motivations et Causes du terrorisme. Op. cit
Voir SAINT-PROT, Charles. Sur la politique arabe de la France. Mélanges en l’honneur du
professeur Edmond Jouve. Bruxelles : Bruylant, 2006 (à paraître).
24
18
en ce domaine. Souvent inconsciemment, nous appliquons au Proche-Orient la
règle deux poids, deux mesures ».25
Du coup, c’est tout le droit international qui fait l’objet de suspicion et
les peuples arabes et musulmans ont conscience de subir une injustice et un
déni. Ce sentiment a encore été renforcé avec la guerre d’invasion des Étatsunis contre l’Irak. Tout le monde sait aujourd’hui que cette guerre s’est fondée
sur des mensonges, « la menace des armes de destruction massive, et la
collusion entre Saddam Hussein et Al-Qaïda - n'existaient que dans les
fantasmes de pouvoir hégémonique du clan néo-conservateur de George
Bush »26, et a été ponctuée de très nombreuses violations des droits de
l'homme27. Les images des tortures des prisonniers irakiens dans la prison
d’Abou Graieb, les dévastations commises dans ce pays, la situation du peuple
irakien ont fortement ému l’opinion arabe et musulmane qui estime qu’il s’agit
d’une guerre d’agression en violation du droit international.
Plus largement, c’est la politique des États-unis au Proche-Orient qui est
en question. Beaucoup estiment en effet qu’elle est partiale et vise à une
domination du monde arabe et musulman.28 . En outre, la guerre déclarée au
terrorisme par Washington a conduit certains milieux aux États-unis,
notamment les néoconservateurs et les sectes évangéliques, à diaboliser l’Islam
et faire sentir aux musulmans du monde entier qu’ils étaient devenus l’ennemi
numéro un de la super-puissance américaine. Du coup, tout observateur objectif
ne peut que constater qu’il existe dans le monde arabo-musulman un fort
sentiment d’hostilité contre les États-unis, assimilés à tort ou à raison à
25
GRESH, Alain. Israël, Palestine : Vérités sur un conflit. Paris : Fayard, 2002
26
Ritter, scott. Les mensonges de George W. Bush. Paris : Le Serpent à plumes, 2004
27
La guerre en Irak : le livre noir. Documents présentés par Reporters sans frontières. Paris : La
découverte, 2004
Voir KHALIDI, Rashid. L’Empire aveuglé, les Etats-Unis et le Moyen-Orient. Paris/Arles :
Actes Sud, 2004.Saint-Prot, Charles. La politique des Etats-Unis au Proche-Orient. Site Internet
de l’Observatoire d’études géopolitiques : www.etudes-geopolitiques.com. Balta, Paul. « Le
projet politique des Etats-Unis n’est-il pas d’atomiser le Proche-Orient ? ». Interview sur
www.oumma.com/article
28
29 CORM, Georges. Orient-Occident, la fracture imaginaire. Paris : La découverte, 2005
19
l’Occident (tout entier), notion qui, selon Georges Corm, est d’ailleurs fort
contestable et peu précise29.
Chez certains, la colère et le ressentiment peuvent conduire à être
sensibles aux discours des extrémistes terroristes. Mais il ne faut pas confondre
les causes et les effets. Ces discours terroristes n’auraient aucune portée si la
politique des États-unis évoluait d’une façon plus impartiale et s’il était mis un
terme à une politique hégémonique qui en fin de compte fera plus de mal que de
bien. Mais, en attendant, le malentendu persiste et il faut constater qu’il s’est
aggravé depuis les attentats du 11septembre 2001 contre New York et
Washington.
Section 2 : Le 11 septembre 2001 et la construction d’un mythe
Les attentats du 11 septembre 2001 contre New York et Washington ont
constitué un tournant décisif à la fois dans le phénomène du terrorisme et dans
la lutte contre le terrorisme international désormais instrumentalisé par les
États-unis d’Amérique pour conduire une nouvelle diplomatie de l’après guerre
froide. C’est ainsi que le terrorisme va devenir le mythe de l’ennemi mondial
numéro un dans le cadre d’un étrange jeu où chacun poursuit des objectifs fort
différents de ce qu’il proclame.
§1 - Le coup de tonnerre du 11 septembre 2001
Le mardi 11 septembre 2001, le monde est abasourdi par une série
d’attentats destructifs perpétrés contre le World Trade Centre à New York et le
Pentagone à Washington par des terroristes kamikazes revendiquant leur
appartenance au réseau d'Al-Qaïda.
Ces attentats ont profondément choqué les Américains et ont suscité une
émotion sans précédent dans le monde occidental en raison de l'ampleur des
20
actes et du nombre des victimes : au total 2992 personnes dont plus de 2800 à
New York. La portée de l’événement a été accentuée par sa médiatisation
puisque toute la planète a pratiquement pu assister à la destruction des deux
tours de New York en direct à la télévision. En effet, un laps de temps très court
s'est déroulé entre l'impact du Boeing 767 du vol American Air Lines sur la tour
World Trade Center et sa transmission par la chaîne de télévision CNN. Il a
fallu seulement deux
minutes. L'impact a été enregistré à 8 h 46 et sa
transmission a eu lieu à 8 h 48.30
Le
traumatisme psychologique
a donc
été d'une importance
considérable, avec le sentiment pour les sociétés occidentales d’assister à un
événement jamais connue auparavant.
En outre, ces attaques destructrices ont présenté la caractéristique, sans
précédent dans l'histoire, de frapper le cœur des Etats-Unis et de défier d'une
manière significative la sécurité de la plus grande puissance du monde. Le
bombardement de Pearl Harbour, en décembre 1941, avait certes ému l’opinion
des Etats-Unis mais il avait frappé une île lointaine et pas le cœur même du
pays Le choc du 11 septembre 2001 a donc fait naître un besoin de sécurité qui
a rassemblé les citoyens des Etats-Unis dans une même ferveur patriotique
autour de leur président George Bush. Celui-ci a donc pu tenir un discours sur
le thème « le monde civilisé est engagé dans une croisade pour défendre la
démocratie et la liberté ». Et sous le couvert de cet objectif général consensuel,
l’administration Bush a pu utiliser l’horrible événement pour réaliser des
objectifs plus concrets.
Sous l'influence de l'administration Bush, les médias ont entrepris
d’orchestrer la bataille contre le nouvel ennemi mondial, le terrorisme. La
conscience collective du monde occidental, fortement traumatisée par les
images du 11 septembre, a été canalisée contre cet ennemi
d’autant plus
facilement que les gens ont eu un sentiment d’insécurité et ont été traumatisés
par la peur engendrée par le terrorisme international.
Des analystes ont
contribué à cette inquiétude en écrivant que le monde avait basculé dans l'hyper
terrorisme : « Le 11 septembre a marqué une double rupture avec d'une part le
30
CHALLAND, Gérard. L'arme du terrorisme. Paris : éditions Audibert, 2002
21
passage à l'hyper terrorisme et d'autre part la fin brutale de l'après guerre
froide »31.
Selon l’analyse de François Heisbourg, les données géopolitiques ont été
bouleversées : « Auparavant, nous décelions un nouveau style dans la politique
extérieure américaine, un unilatéralisme croissant au fil des ans. Nous étions
entrés dans quelque chose de nouveau, mais ce processus était graduel,
progressif. Tout à coup, on est face à une césure encore plus nette que celle qui
a marqué la fin de la guerre froide »32
Les Etats-Unis ont entrepris de
réorganiser l'ensemble de leurs relations internationales à travers la lecture qu'ils
ont fait de cet événement. A partir du 11 septembre le dogme de la peur et de
l'insécurité s'est imposé en mêlant une certaine réalité, la menace terroriste, et
des objectifs géopolitiques fort peu liés à cette menace. C’est dans cette mesure
que l’on a pu parler d’une instrumentalisation du terrorisme.
§2- Une instrumentalisation du terrorisme
Avant même le 11 septembre 2001 les Etats-Unis menaient une guerre
sans merci contre le terrorisme. Ce qui a changé après cette date c'est l'intensité
et la mise en exécution des stratégies et objectifs.
Michael Meacher, ancien ministre du gouvernement britannique dirigé
par Tony Blair, écrit que la guerre au terrorisme est une duperie : « les attaques
du 11septembre ont permis aux Etats unis d’appuyer sur le bouton GO d’une
stratégie, correspondant au plan PNAC (Projet for the New American
Century) ». Il ajoute que
ce plan qui vise à instaurer la Pax Americana
mondiale « fut préparé en septembre 2000 par Dick Cheney, Paul Wolfowitz,
Jeb Bush, Lewis Lebby. Il prévoyait le contrôle militaire de l’Irak… Il indiquait
que le processus visant à faire des Etats Unis la force dominante de demain sera
de longue durée en l’absence d’un événement catastrophique et catalysant,
comme Pearl Harbour. […] Le 11 septembre fournit le prétexte pour mettre en
action le plan PNAC. […] La guerre globale contre le terrorisme a l’apparence
31
HEISBOURG François. Hyperterrorisme. La nouvelle guerre. Paris : Odile Jacob, 2001
32
ibidem
22
d’un mythe politique propagé, d’un prétexte pour installer l’hégémonie mondiale
des Etats Unis» 33.
Ainsi, le 11 septembre aurait été le déclencheur de la mise en route
d'une stratégie élaborée depuis longtemps. Selon de nombreux auteurs, la
menace, certes non négligeable, du terrorisme a été surdimensionnée pour
remplacer l’ancien ennemi communiste et devenir le prétexte d’une nouvelle
politique états-unienne.34 Selon Pascal Boniface : « Après le choc initial,
l’Amérique s’est ressaisie, profitant de l’effet d’aubaine pour exporter
rapidement un agenda stratégique dont les grandes lignes avaient été esquissées
avant les attentats »35
Les faucons de l'administration américaine, néoconservateurs ou ultra
évangéliques, ont utilisé les attentats du 11 septembre 2001 pour atteindre des
objectifs élaborés depuis plusieurs années. Après le 11 septembre, il devenait
tout à fait légitime pour les Etats-Unis de répondre à la terreur des attentats. La
première riposte a été la guerre en Afghanistan, le pays qui abritait Oussama
Ben Laden, leur ancien allié contre l'URSS, et les combattants d’Al-Qaïda,
responsable présumé des attaques contre le Pentagone et le World Trade Center.
Deux mois de guerre, en octobre et novembre 2001, ont mis fin au régime des
Talibans qui étaient d’ailleurs au ban de la communauté internationale en raison
de ses excès. Mais, aux yeux des géopoliticiens, l’objectif apparent – approuvé
par une grande partie de la communauté internationale – visant à mettre fin à ce
régime et à pourchasser les membres d’Al-Qaïda, se doublait d’un autre objectif
visant, celui-ci, à permettre l’implantation de bases américaines dans une région
stratégique. En effet, l'Afghanistan devait devenir une base arrière pour le projet
des États-unis visant à établir une sorte de périmètre de sécurité autour des
33
This war on terrorism is bogus. The 9/11 attacks gave the US an ideal pretext to use force to
secure its global domination. Londres : The Guardian, 6 septembre 2003
34
Voir SAINT-PROT, Charles. Motivations et Causes du terrorisme Saudi and Terrors. Cross
cultural views. Riyad : Ghainaa publications, 2005/ CHOMSKY, Noam. Dominer le monde ou
sauver la planète ? : L'Amérique en quête d'hégémonie mondiale. Paris : 10/18, Faits et causes,
CHOSSUDOVSKY, Michel. America’s « War on Terrorism ». Pincourt (Québec) : Global
Research, 2005.
35
Le 11 septembre n’a pas changé le monde. Genève : Le temps, 11 septembre 2002
23
oléoducs des pays limitrophes, les anciennes Républiques soviétiques très riches
en ressources naturelles.
Micheline Ladouceur, analyste au Centre de recherche sur la
mondialisation au Québec, écrit : « La montée en puissance des pétrolières
américaines et le renforcement de l’arsenal militaire se confirment dans
plusieurs régions du monde. Centrée sur l’axe pétrolier de la mer Caspienne,
plusieurs accords militaires furent signés dans la perspective du contrôle des
ressources, notamment pétrolières et gazières. Cet espace stratégique dominé
par les majors anglo-américains du pétrole (entre autres BP, Exxon, Chevron,
Unocal) constitue désormais un des territoires hautement surveillés (incluant
désormais la région kurde de la Turquie). Au détriment des populations,
l’ambition pétrolière implique la «sécurité» des zones de production et
d’acheminement des hydrocarbures. Cette stratégie de militarisation de l’Asie
centrale s’inscrit non seulement dans le cadre des plans de guerre visant l’Irak,
mais aussi dans le cadre de la militarisation de plusieurs espaces stratégiques à
l’échelle globale »36.
Une semaine après leur intervention en Afghanistan, les Etats-Unis se
sont tournés vers les Républiques d'Asie centrale : le Kazakhstan, le
Kirghizstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan. Les contacts ont
été intensifiés afin de parvenir, sous couvert de la lutte contre le terrorisme, à
ce que ces Etats acceptent un « devoir d'assistance » dans la guerre contre le
terrorisme. Ce devoir a impliqué une sorte de soumission entraînant la mise à
disposition des bases militaires, des échanges de données, ou plutôt une remise
unilatérale de ces données.
Le phénomène du terrorisme, aussi ignoble soit-il, a donc servi de
prétexte pour réaliser des objectifs qui n'auraient pu l’être en d’autres
circonstances. Plus concrètement l'illégalité du terrorisme sert à légitimer des
ambitions et enfreindre les règles traditionnelles des relations internationales.
Ainsi, tandis que les terroristes travestissent une cause et instrumentalisent cette
36
LADOUCEUR, Micheline. La Militarisation des corridors de pipelines en Amérique latine.
Centre de recherche sur la mondialisation (Canada), mai 2003.
http://globalresearch.ca/articles/LAD305A.htm.
24
cause ou la religion, certains profitent-ils des agissements criminels des
terroristes pour réaliser leurs desseins plus ou moins avouables.
§3- Un jeu de dupes ?
Le terrorisme politique se pare toujours de justifications idéologiques
destinées à justifier ses actes. Jadis, les terroristes anarchistes prétendaient
justifier leurs attentats au nom de la lutte contre la dictature. Naguère, le
terrorisme d’extrême gauche (Action Directe en France, Brigades Rouges en
Italie, Fraction Armée Rouge en Allemagne) affirmait combattre au nom de
l’anti-capitalisme et d’une certaine idée du socialo-marxisme.
Depuis la fin du XXe siècle, un certain terrorisme, en particulier celui qui
est revendiqué par la mouvance Al-Qaïda, se drape sous le manteau de la
religion islamique. Ce terrorisme révolutionnaire est improprement appelé
« islamisme » car « il ne peut trouver aucune justification religieuse et
s’apparente à des sectes traditionnellement en marge de l’Islam, par exemple le
kharidjisme
ou
la
secte
des
assassins »37.
Selon
Gérard
Chaliand
« l'islamisme » n'est pas une doctrine théologique «mais un concept qui fait une
utilisation politique de l'Islam. Il rejette résolument l'Occident et ses valeurs »38.
Dans ces conditions, la religion est ici prise en otage et les actes commis par
ceux qui s’en réclament vont à l’encontre de ses valeurs et des ses principes, en
particulier lorsqu’il s’agit d’attentats frappant aveuglément des civils innocents
comme ce fut, par exemple, le cas à New York en septembre 2001, à Madrid en
mars 2004 ou à Londres en juillet 2005, sans compter les innombrables attentats
commis dans les pays arabes (Arabie saoudite, Jordanie, Egypte…) et
musulmans.
L’ampleur même des crimes commis, et l’organisation que ces actes
requièrent, l’existence réelle ou supposée d’un « commandement occulte », en
l’espèce Oussama ben Laden et ses lieutenants, ou encore le fait que ces actions
ont lieu à différents endroits de la planète, permettent d’évoquer une menace
37
Entretien avec Charles Saint-Prot, directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques à Paris
38
CHALIAND, Gérard. Terrorismes et guérillas. Paris : Flammarion, 1985.
25
globale justifiant une réponse globale. La menace est d’autant plus redoutable
qu’elle est non seulement physique, avec la peur bien compréhensible éprouvée
par les gens, que matérielle. En effet, après chaque acte terroriste, surtout s'il
touche une grande puissance, le monde est hanté par le spectre d'une nouvelle
crise économique, au point que certains évoquent la perspective
d’un
« naufrage de l'économie mondiale »39. Du coup se profile le spectre de la
récession de la croissance, d’un ralentissement de la consommation et des
investissements engendrant des fermetures d'unités de fabrications et des
licenciements d'employés. On l'a vu lors des attentats du 11 septembre 2001 que
les effets ont été ressentis très nettement sur les transports aériens. Ce qui a bien
sûr des effets néfastes sur les échanges commerciaux. Une autre conséquence a
été la fermeture des frontières. Prétextant le contrôle des mouvements des
terroristes certains Etats ont entravé sérieusement la libre circulation des
personnes. On sait également les conséquences que peuvent avoir les actes
terroristes sur l’industrie touristiques.
Menace politique, menace sécuritaire, menace économique. C’est tout
cela qui a permis de parler d’une menace globale. Et c’est dans cette brèche que
les Etats-Unis se sont engouffrés pour bâtir un nouvel ordre mondial qui repose
à la fois sur la prise en compte des intérêts américains et sur un certain
messianisme que l’on retrouve dans des cercles religieux proches de la Maison
Blanche.40 La guerre globale servirait ainsi à faire progresser les intérêts des
Etats-Unis dans les régions jugées hautement stratégiques, notamment celles qui
produisent des énergies vitales comme le pétrole et le gaz. Dans ces conditions
on pourrait avoir le sentiment d’assister à un jeu dont les cartes sont truquées,
un jeu de dupes puisque ni les imprécations des uns ni les prétextes des autres
ne sont crédibles. Les terroristes fanatiques instrumentalisent l’Islam et le
trahissent. Les Etats-Unis instrumentalisent le terrorisme.
Parallèlement, cela conduit à une remise en cause du droit international
dont certains principes sont mis entre parenthèses sous prétexte de combattre la
nouvelle menace mondiale. Et, en même temps, un certain nombre de
39
Déclaration à l'AFP le 18/09/2001 de Chia Woon Khien, une économiste de la Banque anglonéerlandaise ING Barings.
40
TREMBLAY, Rodrigue. Le nouvel empire américain. Paris : L’Harmattan, 2004
26
problèmes bien réels sont occultés ou travestis sous couvert de la lutte contre le
terrorisme. Ainsi voit-on l’Etat d’Israël renforcé sa politique de répression et
d’occupation de la Cisjordanie au nom de la guerre contre le terrorisme. Le fait
que de nombreux mouvements de Résistance palestiniens (Hamas) ou libanais
(Hezbollah) soit également des mouvements d’inspiration religieuse permettant
aux dirigeants israéliens et à leurs alliés états-uniens d’entretenir une confusion.
Mais la confusion semble bien être ce qui caractérise l’ensemble de ce
phénomène puisque l’on voit se multiplier les approximations et les amalgames.
L’un de ces amalgames, le plus contestable, est celui qui a pu être établi entre le
terrorisme révolutionnaire et l’Arabie saoudite.
27
Chapitre 2 : L'Arabie saoudite accusée
En utilisant certains termes pour qualifier les terroristes auteurs des
attentats du 11 septembre 2001 et leurs émules, une confusion s’est établie.
Cette confusion concerne d’abord l’idéologie des terroristes, qui sont ainsi
rattachés abusivement à une certaine tradition musulmane. Elle a également
permis un amalgame avec l’Arabie saoudite. La confusion est également
remarquable pour ce qui concerne le mouvement Al-Qaïda et de ses prétendues
ramifications en Arabie saoudite.
Section 1 : Les accusations
§1-
Des
mots
pris
en
otage
:
« salafisme »,
« djihad »,
« wahhabisme »
Le poids des mots est important, surtout lorsqu'il s'agit de questions
aussi délicates que celles touchant au terrorisme. La précision est en effet un
préalable essentiel à toute réflexion géopolitique raisonnée. Or, il semble que de
nombreux termes soient assez utilisés pour matérialiser un certain sentiment
dans l'inconscient collectif bien que leurs contours restent finalement flous. Ce
manque de clarté brouille les pistes de la compréhension du monde car elle
substitue
des
termes
comme
« salafisme »,
« djihad »
ou
encore
« wahhabisme » à la sphère des phénomènes pouvant être soumis à
l'entendement scientifique. On bascule alors dans une irrationalité où ces termes
désignent un « autre », incompréhensible par essence, qu'il serait vain de
soumettre à l'analyse des sciences humaines. Par ailleurs le halo de suspicion
qui est le corollaire des concepts énigmatiques et abscons laisse planer le doute
sur toute personne qui en serait affublée. Il suffit alors pour discréditer
quelqu'un de le taxer de salafiste ou wahhabite, cette seule épithète -à défaut
d'être plus précise- signifiant dans les consciences ce qu'il ne faut pas être.
28
Selon Charles Saint-Prot, un certain nombre de mots ont été pris en
otages, en particulier les terme de salafiya, jihad et wahhabisme.41 Ainsi nous
semble-t-il important d'explorer les significations de ces trois termes. Nous
tenterons d'en décortiquer les différentes significations, à commencer par le sens
étymologique puis en étudiant de façon critique les acceptions dont ils firent
ensuite l'objet, en dégageant la nature du lien, fictif ou réel, entre ces notions et
le terrorisme.
a) Le Salafisme
Le terme arabe est As-Salafiyya, il s'agit d'une référence à AsSalaf qui signifie les Anciens ou les prédécesseurs, la racine trilitère est en effet
: s-l-f qui désigne ce qui précède. Les salafistes sont donc étymologiquement
ceux qui suivent et prennent pour référence religieuse les premiers musulmans,
en l'occurrence les trois premières générations de l'islam, en vertu d'un hadith
dans lequel le prophète dit : « Les meilleurs des gens sont ceux de ma
génération, puis celle qui suivra, puis la troisième ». Le salafisme est donc en ce
sens étymologique un synonyme du sunnisme qui a pour racine s-n-n désignant
notamment la voie tracée pour être suivie. Le salafisme autant que le sunnisme
expriment donc linguistiquement le souci de s'en tenir à l’exemple des premiers
musulmans, il s'agit donc d'une orthodoxie face aux déviations par rapport à
l'islam originel qui sont apparues au fil de l'histoire dans les différents domaines
de la religion. Il doit être souligné que la référence aux Salaf s’inscrit dans la
doctrine du sunnisme traditionnel. Il paraît donc évident que ceux qui se
nomment salafistes, dans son acception étymologique, ne se considèrent pas
comme une secte hérétique ou dissidente mais bien au contraire comme ceux
qui tentent de résister à l'érosion des principes de l'islam. Charles Saint-Prot
rappelle que « le salafisme n’est d’ailleurs pas une idéologie mais une
méthodologie, un moyen de comprendre la religion en revenant aux sources et
en écartant les interprétations plus ou moins contestables qui on pu en être faites
au fil des siècles ».
41
Entretien avec Charles Saint-Prot
29
D'un point de vue musulman, le salafisme
est un gage
d'authenticité, de pureté originelle et de conformité aux sources de l'Islam. Il n’a
rien à voir avec un quelconque extrémisme. De nombreux groupes
contemporains42, bien qu'ils soient parfois antagonistes, se sont donc attribués
l'appellation salafiste.
En
effet,
certains
chercheurs
distinguent
les
« cheikhistes » et les « djihadistes ». Les premiers sont ceux qui s'inscrivent
dans la lignée de la tradition orthodoxe. Ils ont pour référence des savants
officiels ou de grande renommée qui condamnent tous le terrorisme et
notamment la logique des attentats kamikazes. Parmi ces cheikhs on peut
distinguer quatre figures de proue, récemment décédées ; Al-Albânî, Syrien
d'origine albanaise, spécialiste du hadith. Ibn Bâz, ancien Moufti d'Arabie
Saoudite. Al-'Uthaymîn, ex-membre du Comité des Grands Savants d'Arabie
Saoudite, et Muqbil Al-Wâdi'î, Yéménite, qui fut à la tête d'un important centre
d'études religieuses à Dammâj près de San'â'.
Les djihadistes se démarquent radicalement des salafistes dits
« cheikhistes » par leur légitimation de la prise des armes contre des
gouvernements musulmans qu'ils déclarent impies et leur recours à la violence
terroriste. Ils autorisent également le recours à l'attentat suicide, une des formes
du terrorisme devenue une caractéristique du modus operandi de la mouvance
appelée Al-Qaïda. Ces radicaux extrémistes utilisent un terme propre à la
tradition sunnite orthodoxe mais leurs véritables références idéologiques sont
toutes autres. Il est clair que le salafisme est ici pris en otage par des gens dont
les véritables inspirateurs sont des penseurs révolutionnaires du
XX e
siècle,
notamment Sayyid Qutb43, exécuté par Nasser en 1966, ou encore Abû Qatâda,
palestinien réfugié en Grande Bretagne jusqu'aux attentats de Londres en
2005.44
42
On ne s'attardera pas sur le mouvement de « renaissance » religieuse (nahda) de la fin du 19
ème siècle et début 20 ème dans lequel se sont illustrés Muhammad 'Abdu et Muhammad
Rashîd Ridâ, appelé également salafiyya mais dont le rapport avec l'actualité est moins
important.
43
Animateur d’un courant extrémiste et révolutionnaire de l’organisation égyptienne des Frères
musulmans.
44
Voir Burgat, François. L’islamisme à l’heure d’Al-Qaida. Paris : La Découverte, 2005.
30
Les médias ne semblent pas faire de différences entre ces deux
tendances qui sur la question du terrorisme qui nous intéresse ici sont en total
désaccord. On observe ainsi que sous l'étiquette du salafisme certains
journalistes recensent tous ceux qui cherchent à fonder leur religion sur une
lecture dite « littéraliste » des textes en opposition a ceux qui selon un schéma
de pensée occidental adopterait un « Islam des lumières » prenant ses distances
avec les sources scripturaires. Or les différences qu'il y a entre « cheikhistes » et
« djihadistes » sont de taille et portent sur des questions de fond. L'originalité
des premiers dans la lutte contre le terrorisme est de réfuter les arguments que
les « djihadistes » avancent pour justifier le terrorisme en descendant sur leur
propre terrain, celui des pures références scripturaires, les autres arguments
n'ayant d'ailleurs que peu de valeur aux yeux des terroristes se réclamant de
l'Islam.
On peut ainsi citer parmi la littérature salafiste anti-terroriste les
ouvrages du cheikh Rabî' Al-Madkhalî réfutant les thèses révolutionnaires de
Sayyid Qutb ou encore le recueil des fatwas 45 d'Ibn Bâz, Al-Albânî et Al'Uthaymîn condamnant la prise des armes par les mouvements islamistes en
Algérie, compilées par 'Abd Al-Mâlik Ramadânî et traduit partiellement par la
Grande Mosquée de Paris. C'est d'ailleurs l'intervention de cheikhs salafistes
comme le Saoudien Al-'Uthaymîn qui a incité de nombreux maquisards
algériens à déposer les armes. Ramadânî réfuta également théologiquement les
arguments d'Abû Qatâda dans un ouvrage nommé tahdhîru-l-'ibâd (Mise en
garde).
Le lien entre salafisme et terrorisme doit donc être rejeté
catégoriquement dans la mesure où les terroristes sont très précisément en
contradiction avec l’islam traditionnel et ses valeurs. En effet, l’opposition n’est
pas ici relative à des différends de méthode ou d’action mais bien de pensée
fondamentale. Selon les grandes figures de l’orthodoxie, il y aurait de la part des
révolutionnaires extrémistes un détournement du salafisme destiné à légitimer
des idéologies et des actions qui sont en contradiction avec l’islam. Il semble donc
45
Abd Al-Malik Ramadani, Fatwas des grands savants au sujet de l'effusion de sang en
Algérie, Maktabatu-l-Asala-l-athariyya, Djedda, 2002- 1423 (hégire), 6ème édition.
31
être imprécis de regrouper sous la même bannière tous ceux qui se proclament salafistes
(ex : le GSPC - groupe salafiste pour la prédication et le combat- algérien). La
barrière entre cheikhistes et jihadistes est également bien plus étanche que le pensent
certains chercheurs.
b) Le Djihad
Le terme est dérivé de la racine j-h-d qui évoque la notion d'effort, il
s'agit donc de l'effort que chaque musulman est censé produire dans la voie de
Dieu. Cet effort peut être fourni pour lutter contre les ennemis aussi bien
intérieurs (les mauvais penchants de l'âme) qu'extérieurs, il s'agit dans ce
dernier cas des ennemis de l'Islam. La doctrine traditionnelle distingue le Jihad
Al-Akbar, ou grand djihad, qui consiste à ce que chacun fasse l’effort sur soimême afin de s’améliorer, et le djihad mineur qui est la lutte légitime pour
soutenir la religion.
Cette lutte peut ainsi être spirituelle, idéologique ou armée. Les
différents textes religieux du Coran et de la Sunna au sujet de ce dernier aspect
du djihad ont amené les savants de l'Islam a émettre des avis différents :
certains restreignent le djihad armé à la lutte défensive en cas d'invasion de
l'ennemi tandis que d'autres lui donnent une portée plus large permettant la lutte
offensive dans le but d'accroître la suprématie de l'islam, sans pour autant
imposer la conversion. Beaucoup considèrent également que le djihad ne saurait
être un moyen de propagation de la religion par conversion forcée, laquelle
propagation relève du domaine de la prédication (da’wa) pacifique. Le Cheikh
Mohammad Abdou écrit : « Les Musulmans ont l'obligation d'inviter au bien
par la douceur, mais ils n'ont ni le droit ni le devoir d'employer une contrainte
quelconque pour attirer les gens à l'Islam, car sa lumière est assez puissante
pour pénétrer les coeurs »46.
46
ABDOU, Mohammed. Rissalat al Tawhid. Exposé de la Religion Musulmane. Traduit de
l'arabe avec une introduction sur la vie et les idées du Cheikh Mohammed Abdou par B. Michel
et Moustapha Abdel Razik. Paris : Paul Geuthner, 1925.
32
Il semble néanmoins que ce soit l’interprétation la moins courante et la
plus discutable qui est retenue dans les écrits contemporains consacrés au lien
présumé entre l'islam et le terrorisme. Le concept de djihad, improprement
traduit par « guerre sainte », signifie dans l'inconscient collectif la volonté
qu'ont les islamistes de convertir le monde manu militari, notamment par l'usage
du terrorisme. Pourtant, il n’est pas possible de qualifier de djihad des actes
purement terroristes.
En effet, selon le droit islamique, le djihad armé doit être déclaré par une
autorité légale, il est strictement réglementé, il doit se réduire au nécessaire et
ne peut viser les populations civiles. Il est censé être mené après que tous les
arguments et moyens de persuasion nécessaires aient été utilisés. Le djihad ne
peut être mené contre des non-musulmans se trouvant en pays musulman
lorsque leur présence est autorisée par les autorités ou par n'importe quel
musulman ; ils bénéficient dans ce cas-là du statut de musta'man (personne
bénéficiant d'une protection). Egalement, le djihad ne peut être déclaré contre
des pays lorsque des conventions internationales établissent des liens pacifiques
avec ces derniers, ils appartiennent alors à la catégorie des mu'âhad (personne
ou état auquel on est lié par un pacte). En cas d’agression manifeste, il
s’apparente au droit à la légitime défense ou à la résistance, lequel droit est
largement reconnu par le droit international, y compris dans la Charte des
Nations Unies. Si à l’origine, le djihad a un caractère religieux affirmé, la
défense de la religion, il est clair qu’on peut le considérer comme un droit de la
guerre classique, avec le respect des règles des conflits armés. Il se distingue
très nettement du terrorisme, notamment par le fait qu’il ne vise que les
participants au conflit armé et sa finalité -de même que la modalité- n'est pas de
semer la terreur parmi les populations.
Une des raisons pour lesquelles le « djihadisme » est souvent assimilé
au terrorisme est que certains groupes terroristes agissent abusivement au nom
du djihad et inscrivent parfois ce terme dans le nom de leurs organisations. Les
oulémas ayant une autorité morale, officielle ou de fait, condamnent fermement
cette assimilation
47
et insistent sur les différences de fond et de forme entre
djihad et terrorisme. Le manque de précision dans l'utilisation du mot djihad
47
Voir Ce que disent les savants de l'Islam au sujet du terrorisme. Riyad : éditions Anas, 2004.
33
tient notamment au fait que sa condamnation indistincte gomme toutes les
nuances du terme. Le djihadisme se trouve donc d'emblée discrédité alors qu'il
peut signifier la lutte contre l'oppresseur, la guerre classique ou les actes
terroristes de certains activistes.
c) Le « Wahhabisme »
Le wahhabisme est l’un des termes les plus controversés. Il trouve son
origine dans le nom de Muhammad ibn Abd Al-Wahhab (1702-1792), savant
religieux de la région centrale de l'Arabie (le Najd) qui a mené, avec l'appui de
l’émir Muhammad ibn Saoud., un vaste mouvement de réforme religieuse,
faisant notamment table rase de toutes les pratiques idolâtres qui avaient cours
dans l'Arabie du
XVIIIe
siècle. Ce mouvement religieux et politique a donné
naissance au premier Etat saoudite, en 1844, qui est l’ancêtre de l’actuelle
Arabie saoudite.
Il est notable que Muhammad ibn Abd Al-Wahhab n’a jamais
proclamé qu’il voulait fonder une nouvelle école ou un nouveau mouvement
religieux. Il s’inscrit dans la tradition orthodoxe qu’il veut simplement régénérer
par une stricte application du monothéisme (tawhid) et un retour aux sources, le
Coran et le hadith, afin de nourrir un effort de réflexion (ijtihad) et de réforme
(islah). Selon Charles Saint-Prot, le terme de wahhabisme est « un contresens. Il
n’a jamais été employé par les adeptes d’Ibn Abdel Wahhab qui s’appelaient les
monothéistes (muwahhidun). Le « wahhabisme » est une invention des
observateurs et voyageurs occidentaux de l’époque, -par exemple le Français
Corancez48 ou le Suisse Burckhardt49- et ce terme a ensuite été utilisé par la
propagande ottomane pour tenter de discréditer le mouvement de réforme
islamique et d’émancipation arabe. Mais il convient de préciser que la pensée d’
Ibn Abdel Wahhab s’inscrit dans la ligne de l’Islam orthodoxe et comme la
première manifestation du courant réformiste qui se développera ensuite au XIXe
siècle.
de CORANCEZ, Louis Alexandre Olivier. Histoire des Wahabis, depuis leur origine jusqu’à la
fin de 1809. Paris, 1810
49
BURCKHARDT, John Lewis. History and Origins of the Wahabis. Notes on the Wahabis
collected during his travels in the East. Londres: 1831
48
34
Le terme wahhâbiya a donc un caractère péjoratif et il a été employé
pour discréditer le mouvement réformiste et le faire apparaître comme étant une
secte extrémiste. Il continue pourtant à être utilisé aujourd'hui dans les sciences
humaines censées être objectives. Il semble que sous la dénomination
« wahhabisme » plusieurs critères se bousculent.
De nos jours, certains
chercheurs distinguent au moins sept phénomènes tous désignés par
l'appellation « wahhabisme » :
1.La version saoudienne du salafisme,
2. La doctrine proclamée par les théologiens se réclamant, à un titre ou à
un autre, de la réforme de Muhammad ibn ‘Abd Al-Wahhâb,
3.L’Islam professé par l’institution religieuse saoudienne,
4. Les pratiques religieuses des Saoudiens,
5. Le rayonnement de l’Arabie saoudite dans le monde,
6. Certaines des opinions religieuses revendiquées par des groupes
islamistes,
7. La référence théologique de comportements jugés déviants
De fait, aucune de ces définitions ne correspond à la réalité. Le fondateur
du troisième Etat saoudien, le roi Abdul Aziz Ibn Saoud qui régna de 1902 à
1953, d’abord sur le Najd puis sur le vaste territoire qui est aujourd’hui l’Arabie
saoudite50, déclarait « On nous a donné l'étiquette de wahhabites, et on a
appelé notre mouvement wahhabite le considérant comme un école spécifique.
C’est une grosse erreur, qui est due à la propagande répandue par les gens
malveillants. Nous ne sommes pas les partisans d'un nouveau courant de pensée
ou d’un nouveau dogme ».
Si l'on devait toutefois employer le mot wahhabisme, pour des raisons
pratiques, on pourrait reprendre la définition de Guido Steinberg qui soumet
l'usage du terme à plusieurs critères : « Par wahhabisme, on entend [...] le
50
Le Royaume d’Arabie saoudite fut fondé en 1932
35
mouvement de réforme né dans le Nadjd et fondé par le pacte du chef de la
famille Sa‘ûd et du théologien réformiste Muhammad ibn Abd Al-Wahhab. Ce
n’est que pour désigner le mouvement dans son ensemble, c’est-à-dire
l’ensemble formé par les dirigeants politiques et les dignitaires religieux, qu’il
peut être question de wahhabisme ; on doit sinon les désigner séparément51 ».
Cette définition met l'accent sur deux critères : la notion de réforme et la dualité
entre les Saoud et les savants religieux qui n’exercent pas de fonctions
politiques.
La notion de réforme est importante. Ibn Abdel Wahhab est un
réformateur dans la mesure où il a rouvert les « portes de l'ijtihâd », cet effort de
réflexion effectué dans le but d'apporter à des questions nouvelles des réponses
non explicites dans les textes. C'est un aspect fondamental dans la mesure ou la
doctrine d’ Ibn Abd Al-Wahhab est souvent perçue comme étant une école de
pensée où « la réflexion autonome de l’homme, l’esprit critique sont
abhorrés52 ». Or, c’est précisément le contraire puisque le cheikh Ibn Abd al
Wahhab invite chaque croyant à s’éduquer et légitime l’effort de réflexion.
Le fait que la définition proposée ne soit pas toujours celle qui est
entendue lorsque le terme wahhabisme est employé, en raison des incidences
historiques et socio-économiques, d'une part, et de la volonté de l'utiliser à des
fins polémiques, d’autre part, permet au chercheur Pascal Ménoret d’écrire que
le terme a perdu de sa pertinence descriptive. 53 D’où la tentation de dépasser ce
concept qui semble historiquement figé en est un autre témoin, on parle
maintenant de « vieux wahhabisme », de « néo-wahhabisme54 » ou encore de
« post-wahhabisme55 ». En conclusion, on peut émettre des doutes sur la
pertinence du terme wahhabite employé à tort et à travers et citer Pascal
Ménoret : « les contempteurs occidentaux du wahhabisme s’inscrivent - peut-
51
Ménoret, Pascal. Le "wahhabisme", arme fatale du néo-orientalisme. Revue Mouvements,
novembre 2004, n° 36, p. 54-60 (jeudi 9 décembre 2004 sur le site www.oumma.com)
52
KEPEL, Gilles. Fitna, Guerre au cœur de l’islam. Paris, 2004, p. 193.
53
MENORET, Pascal. Le "wahhabisme", arme fatale du néo-orientalisme. Revue Mouvements,
novembre 2004, n° 36, p. 54-60
54
ibidem
55
LACROIX, Stéphane. Between Islamists and Liberals : Saudi Arabia’s new « islamo-liberal »
reformists. Middle East Journal, 58, 3, 2004, p. 352
36
être à leur insu - dans une histoire qui les dépasse et les englobe, à côté de tous
ceux pour qui, depuis le 18e siècle, wahhabisme a signifié « ennemi ».
§2- Pourquoi l'Arabie saoudite est-elle accusée ?
Notre étude porte exclusivement sur le terrorisme et son lien présumé
avec le Royaume d’Arabie saoudite. Cela nous conduit à nous intéresser aux
accusations dont il a fait l’objet. Nous verrons toutefois que les projecteurs
braqués sur l'Arabie critiquent ce qui est présenté comme un tout. Il s'agit bien
souvent d'une critique de fond plus que d'une accusation d'un terrorisme
conjoncturel. Il faut tenter de comprendre les tenants et les aboutissants des
accusations dont le Royaume saoudien est victime en situant le contexte, en
identifiant les accusateurs, les motifs invoqués et en cernant l'intérêt qu'ils
pourraient avoir à pointer l'Arabie du doigt.
« Notre amitié a occupé un tiers de l'existence des Etats-Unis et deux
tiers de celle de l'Arabie saoudite ». Par ces propos le prince Saud Al Fayçal,
ministre des Affaires étrangères du royaume, montre à quel point les intérêts
entre les deux pays ont été communs durant le siècle passé. Le 11 septembre
2001 semble avoir tourné une page de cette histoire. Lorsque les Américains
découvrirent que 15 des 19 terroristes étaient Saoudiens, les familles des
victimes portèrent plainte contre le Royaume. Celui-ci ne fut pas inscrit sur la
liste de « l'axe du mal », il n'empêche que, dans leur argumentation, les experts
néoconservateurs désignent désormais la monarchie saoudienne comme étant la
matrice nourricière de la « haine » contre l’Amérique et l’Occident.
Le Royaume est donc accusé de diffuser le « wahhabisme », désigné
comme étant la doctrine des terroristes islamistes. Il est accusé de mener, à
l'image de l'ancien régime soviétique, une puissante action subversive à travers
le monde en propageant un message de haine contre tout ce qui ne serait pas
musulman et de financer des organisations extrémistes et dangereuses, dont AlQaïda. C’est ainsi que Laurent Murawiec, un proche de Richard Perle qui est
l'un des principaux « faucons » ayant entouré le secrétaire-adjoint à la Défense
Paul Wolfowitz, a écrit un livre explicitement anti-saoudien .Cet auteur affirme
37
: « Avec leurs milliards, les Saoudiens ont financé mosquées, madrasa, médias,
pouvoirs dans l'ensemble du monde arabo-islamique »56. Au fond c'est la religion
adoptée et diffusée par l'Arabie, terre des deux lieux saints de l'islam, qui est
elle-même mise en cause. De nombreuses critiques de l'Arabie sont finalement
des réquisitoires d'une religion dont « l'emprise [...] sur la société civile et
politique n'a nul équivalent au monde »57. Le wahhabisme étant assimilé par
lien de causalité au terrorisme, les activités prosélytes du Royaume deviennent
pour certains un financement du terrorisme. Ces accusations ont été qualifiées
de « loufoques » par de nombreux responsables aux Etats-Unis, mais elles ont
fait le tour du monde.
Les accusations anti-saoudiennes font d’ailleurs flèche de tout bois. Le
plus souvent, la religion est souvent citée comme étant un frein à l'élan des
réformes démocratiques. Les critiques portent sur la doctrine religieuse de
l'Arabie saoudite, voire sur l'incapacité des Saoud à se défaire de l'influence des
religieux et sur le manque de contrôle des activités des organisations religieuses.
Mais il semble que ces critiques soient orchestrées par des milieux qui
poursuivent des objectifs précis. On peut trouver une piste dans les déclarations
de Laurent Murawiec selon lequel « S'il n'est aucun substitut à court terme au
pétrole saoudien, il est des substituts au régime saoudien. Le scénario est en
voie d'exploration à Washington ». L’auteur fait sans doute allusion au scénario
irakien. Il se montre très explicite en menaçant l’Arabie saoudite de prendre le
contrôle de son complexe pétrolier. De nombreux observateurs, estiment que
ces menaces sont à rapprocher de la volonté des Etats-Unis de construire un
Grand Moyen-Orient remodelé selon leurs intérêts. Enfin, la désignation du
terrorisme comme étant l'ennemi n° 1, est intervenue après la chute de l'empire
soviétique. On a très vite glissé de la lutte, légitime, contre le terrorisme à une
vision anti-musulmane. L’islam a été désigné comme un ennemi par certains.
Cela s'inscrit dans la logique du choc des civilisations dont la théorie,
développée par Samuel Huntington, avance que la ligne des conflits se situerait
désormais aux frontières séparant les différentes civilisations du monde. La
désignation de la civilisation islamique comme étant le nouvel ennemi permet
de reconvertir les systèmes de pensée naguère axés sur le communisme et de
56
Interview de Laurent Murawiec, Les Saoudiens sont présents dans tous les maillons du
terrorisme. Propos recueillis par Jean Guisnel, Le Point 13 septembre 2002.
57
Les démons de l'Arabie saoudite, Christophe Deloire, le point 25/04/03 - N°1597 - Page 48.
38
maintenir la dualité entre le Bien opposé au Mal. C'est-à-dire finalement à
justifier une politique hégémonique des Etats-Unis.
Il est remarquable que les accusations portées contre l’Arabie saoudite
ne reposent sur aucune preuve. Elles sont bâties sur la supposée corrélation
entre « wahhabisme » et terrorisme. Or, il doit être souligné que cette
corrélation aurait brusquement été découverte au début du
même que, depuis le
XVIIIe
XXIe
siècle alors
siècle, personne n’avait jamais assimilé au
terrorisme le mouvement initié par Ibn Abdel Wahhab. Il est donc difficile de
prétendre que le terrorisme est intrinsèquement lié au « wahhabisme ».
Par ailleurs, un élément important est que l'Etat saoudien est lui-même
visé par le terrorisme qu'il est accusé de financer ! L’Arabie saoudite a subi sur
son sol des attentats contre ses propres intérêts, ses bâtiments officiels et sa
population. Il est impossible d’imaginer que le Royaume se soit délibérément
auto-attaqué. C’est pourquoi l’argumentation du gouvernement saoudien est la
suivante : « Ben Laden est un danger pour la sécurité des Etats-Unis, mais il
constitue une menace pour la pérennité de notre régime ; il est un ennemi encore
plus terrible pour Riyad que pour Washington »58.
Concernant le souhait affiché par certains de « démocratiser » l'Arabie
saoudite il est légitime de poser la question suivante : pourquoi les Etats-Unis se
sont si longtemps accommodés de cette monarchie ? Pourquoi vouloir changer
maintenant ? Ce changement de cap correspond également à ce que certains
interprètent comme un divorce entre le Royaume et les Etats-Unis qui ne
verraient plus en lui l'allié d'antan. Toutefois, la dernière visite en avril 2005
du prince Abdullah lors de laquelle il a été chaleureusement accueilli laisse
entendre que le partenariat entre les deux pays continuera même s’il n’a plus le
même caractère exclusif que par le passé. Ces relations devraient être plus
équilibrées et, en tout cas exclure toute ingérence dans les affaires intérieures.
Comme le souligne le Roi Abdallah, alors Prince-héritier, « la démocratie et la
réforme ne sauraient être imposées de l’extérieur. Elles doivent émaner du
peuple. Quelqu’un vous a-t-il imposé vos propres réformes ? »59.
Il faut
d’ailleurs constater que les accusations anti-saoudiennes se sont espacées et,
sans doute en raison des difficultés rencontrées par Washington en Irak, de
58
59
DELOIRE, Christophe. Les démons de l'Arabie saoudite. Le Point, 25 avril 2003, n°1597
Interview dans le journal Le Monde, 13 avril 2005
39
nombreux dirigeants américains ont compris qu’ils avaient plus à perdre qu’à
gagner en attisant les braises de la discorde.
Section 2 : Al-Qaïda : vecteur du terrorisme en Arabie saoudite
Le nom d’Al-Qaïda a connu une célébrité mondiale après les attentats du
11 septembre 2001 à New York et contre le Pentagone. Mais, malgré cette
célébrité, ce mouvement, ou plutôt cette mouvance, reste fort mal connu. C’est
pourquoi il est utile de préciser ce que recouvre ce terme. Par ailleurs, compte
tenu d’une certaine confusion, il convient d’étudier la question des relations
entre Al-Qaïda et l’Arabie saoudite.
§1- Qu’est-ce que Al-Qaïda ?
Depuis le 11 septembre 2001 une multitude d'actions terroristes furent
attribuée à « Al-Qaïda » ; les attentats de Madrid en mars 2004, les actions
menées en Irak par Abou Moussab Al-Zarkaoui (mis en cause dans l’attaque de
Madrid), les attentats de Bali (octobre 2002), de Casablanca (mai 2003),
d’Istanbul (novembre 2003), ceux qui ont touché l’Arabie saoudite (mai 2003)
et
ceux de
Londres, le 7 juillet 2005. Al-Qaïda serait une organisation
internationale qui « chapeauterait des réseaux dormants prêts à agir sur
instruction des cadres dirigeants ».
Le terme signifie « la base » en arabe. Ce que l’on appelle Al-Qaïda est
une organisation assez informelle qui s’est constituée à partir du Maktab-AlKhadamat (MAK), ou « bureau des services » fondé en 1985 par Oussama Ben
Laden et le Palestinien Abdullah Azam pour le transit des fonds destinés à la
résistance, pour construire des tunnels et des hôpitaux, créer des moyens de
communication et des publications et susciter le soutien des moudjahiddins
afghans. Selon le rapport du juge antiterroriste espagnol Baltasar Garzon60 :
« Vers 1989, Ben Laden se rend compte qu'il faut conserver les coordonnées des
60
Publié par Le Monde daté du 16 mars 2004
40
personnes qui passent par sa "résidence", par ses camps et par l'Afghanistan. Il
veut pouvoir retrouver la trace des amis et compagnons combattants
moudjahidins, et également pouvoir répondre aux familles qui regrettent leur
absence ou aux amis avec lesquels ils ont cessé le contact. Ce réseau est appelé
Al-Qaida, ou la base. Ce nom fait référence à la base de données où sont
enregistrés les combattants volontaires qui sont passés par la "résidence" de Ben
Laden. De 1989, environ, à 1991, Al-Qaida reste cantonnée à Peshawar ». AlQaïda est d’abord fondé sur une association de combattants de la guerre
d’Afghanistan à la fin des années 1980, « déjà politisés, souvent impliqués dans
les mouvements radicaux de leur pays d’origine et venant de milieux très
croyants, (des militants) ont suivi Oussama Ben Laden dans ses pérégrinations
au Yémen et au Soudan, pour revenir en même temps que lui, en 1996, en
Afghanistan »61. De fait, c’est plus en raison de ses moyens financiers
considérables que pour son idéologie que Ben Laden a exercé le premier rôle
dans la constitution de cette nébuleuse. Le réseau sera totalement contrôlé par
Ben Laden après que Azam ait été assassiné. La base aura pour noyau dur les
anciens combattants arabes désormais appelés « les Afghans ».
Oussama Ben Laden né
en
1957, a été déchu de sa nationalité
saoudienne en 1994 alors qu’il était réfugié au Soudan. Il a fait des études de
management et de sciences économiques. Il est important de souligner que le
parcours scolaire de Ben Laden ne mentionne pas d'études religieuses et que
celui-ci n’a aucune légitimité en matière théologique ou juridique. Il en est
d’ailleurs de même des autres responsables de ce mouvement. Par exemple, le
Palestinien Abdullah Azam ou du médecin égyptien Ayman Al-Zawahiri qui
est issu d'un milieu intellectuel bourgeois. Il aurait fait connaissance avec Ben
Laden en Afghanistan. Il est présenté comme étant le n° 2 de la mouvance. Rien
dans leur formation ne préparait donc ces hommes à s’ériger comme des maîtres
à penser en matière religieuse, il semble qu’ils ont glané quelques concepts au
contact de membres dissidents des Frères musulmans égyptiens inspirés du
radical révolutionnaire Sayyid Qutb, exécuté au Caire en 1966. Cette tendance
n’appartient ni à l’école hanbalite traditionnelle ni au courant « wahhabite ». Il
61
Olivier Roy, Al-Qaida, label ou organisation ? Le monde diplomatique septembre 2004.
41
convient également de rappeler que les Talibans afghans sont des adeptes de
l'école déobandie qui a vu le jour en Inde et n’est pas liée au « wahhabisme »62.
A propos de la dimension symbolique qui sous-tend les actes attribués à
cette nébuleuse on peut observer que, plus que la lecture théologique, c'est avant
tout l'aspect tiers-mondiste, révolutionnaire et anti-impérialiste qui prédomine.
Les prédications anti-occidentales de ces groupes trouvent leur origine dans la
situation politique, en particulier la présence militaire étrangère en terre d'Islam
près d'un demi-siècle après les indépendances ou le soutien à des Etats arabes
ou musulmans dont la légitimité serait contestée. Ce qui fait dire à certains
chercheurs que « au-delà d’un discours convenu et de formules creuses, rien
dans la démarche des cadres d’Al-Qaida n’évoque un quelconque souci de
défendre ou de promouvoir la culture et les valeurs de l’islam ou les intérêts des
musulmans 63». L’Islam, ou plutôt l’instrumentalisation de l’Islam, dont les
principes sont dévoyés, servirait tout au plus de moyen de légitimation de
l’action révolutionnaire.
Olivier Roy affirme que l’on tend à « sur-islamiser » Al-Qaida et à
négliger sa dimension globale, anti-impérialiste et tiers-mondiste. La logique du
mouvement sera sans doute d’incarner moins la défense de l’Islam que
« l’avant-garde de mouvements de contestation de l’ordre établi et de
l’hyperpuissance américaine 64». Dans cette optique on remarquera par exemple
la comparaison souvent établie entre Ben Laden et Che Guevara65, figure de la
résistance bolivienne anti-américaine. Ou encore Illich Ramírez Sanchez, alias
Carlos, qui a fait l’éloge de l'ex-saoudien dans son dernier livre, L’Islam
Révolutionnaire66.
Charles
Saint-Prot
note
que
les
mouvements
révolutionnaires dits islamistes « sont constitués comme des sectes et selon des
Ecole religieuse traditionnelle qui a vu le jour au XIXè siècle afin de lutter contre l’influence
de l’hindouisme.
63
CHOUET, Alain. Terrorismes islamistes : la religion en otage ? Les Terrorismes. Revue
Questions Internationales n° 8, juillet 2004, Paris, la Documentation française.
64
ROY, Olivier. Al-Qaïda, label ou organisation ? Le Monde diplomatique, septembre 2004, pp.
24 et 25.
65
ROULEAU, Eric. Le grand écart des dirigeants du Golfe, Le monde diplomatique, décembre
2001, pp. 14 et 15.
66
Paris : Editions du Rocher, 2003.
62
42
méthodes propres aux groupuscules terroristes d’extrême gauche des années
1960-1980. Cela n’a rien à voir avec l’Islam »67.
L’année 1991 semble avoir constitué un tournant dans l'histoire d'AlQaida. La lutte contre l'occupant soviétique est gagnée Mais la présence des
militaires américains sur le sol saoudien lors de la première guerre du Golfe
ainsi que les différends entre Ben Laden et la famille royale va infléchir la
stratégie adoptée par l'organisation qui va désormais internationaliser sa lutte en
visant particulièrement les Etats-Unis et le pouvoir saoudien. C'est ainsi qu'en
novembre 1995 un attentat visant un centre de formation de l'armée à Riyad fit 7
morts, dont 5 Américains, et plus de soixante blessés. En juin 1996 c'est
l'explosion d'un camion-citerne piégé qui causa, à Dhahran, la mort de 19
soldats américains et blessa près de 400 civils. Citons également les attentats de
l'été 1998 contre les ambassades américaines de Nairobi et Dar es Salam.
Concernant le mode organisationnel proprement dit, le lien entre le
noyau dur des « commanditaires » et les hommes de terrain qui mettraient les
ordres à exécution est, selon les chercheurs, plus ou moins lâche. Certains
affirment que l'organisation est à l'image d'une multinationale disposant de
succursales aux quatre coins du globe, d'autres avancent qu'Al-Qaïda agit plus
par sous-traitance avec des structures locales, ayant leurs propres logiques,
auxquelles elles se contenterait de fournir une aide logistique ou financière.
D'autres encore considèrent que la mouvance est une nébuleuse virtuellement
unie autour d'une vague idéologie sans autre forme de lien, l'autorité de Ben
Laden serait donc plutôt « morale » du fait de sa renommée internationale.
Enfin certains voient en Al-Qaïda une espèce de label aussi bien revendiqué par
les terroristes soucieux d'amplifier l'impact de leurs actes que par les
gouvernements souhaitant prouver la gravité d'une menace terroriste structurée
et donc de justifier la répression qui en serait la conséquence. Ces intérêts
croisés compliquent le travail d'analyse et laissent supposer la pérennité
virtuelle de la mouvance. On a intérêt à ce que Al-Qaïda ne disparaisse pas. Sa
survie, même fictive, sert d'un côté de caisse de résonance et de l'autre
d'épouvantail.
67
Entretien avec Charles Saint-Prot
43
Certains chercheurs, par exemple Jason Burke, sont allés jusqu'à se
demander sérieusement si l'organisation en question existait réellement68.
§2- Le gouvernement saoudien et Al-Qaïda
Il est clair que si l’Arabie saoudite a soutenu la Résistance afghane
contre les Soviétiques, à l’instar de nombreux autres Etats musulmans ou
occidentaux, et n’a pas empêché de jeunes saoudiens de se porter volontaires
pour cette cause, elle n’a en revanche aucune implication de près ou de loin,
dans la constitution en Afghanistan même de certains groupes comme AlQaïda. La fin de la guerre contre l'URSS a été le tournant dans l'attitude de Ben
Laden vis-à-vis du gouvernement saoudien, la tension entre les deux ira ensuite
crescendo.
Lorsque la guerre d’Afghanistan s’est terminée la plupart des
combattants sont rentrés au pays mais certains se sont retrouvés sur un nouveau
front à l’occasion de la première guerre contre l’Irak (1991) du fait de la
présence massive de troupes américaines en Arabie. On rapporte que Ben Laden
aurait proposé au ministère de la Défense saoudien les services d'une armée à sa
solde contre le péril irakien69. En tout cas, ces groupes, échappant à tout
contrôle, ont alors entamé une nouvelle guerre, cette fois contre les Etats-Unis,
l’Occident et les régimes arabes. Par ailleurs, parmi certains des « Afghans »
de retour en Arabie saoudite, et dans les autres pays arabes dont ils étaient
originaires, se trouvaient les membres des cellules révolutionnaires qui ont
commencé à s’activer dans leurs pays respectifs. Cet événement se déroule dans
le contexte de la première guerre du Golfe où Ben Laden désapprouvera la
présence militaire américaine sur « le sol sacré de l'Arabie ».
Il s’en est suivi donc d'un choc frontal de la part de la mouvance Al-Qaïda
contre la monarchie au pouvoir. On remarque donc que l'émergence du
phénomène Al-Qaïda a lieu dans un contexte d'opposition au gouvernement
68
ROY, Olivier. Al-Qaïda, label ou organisation ? Le Monde diplomatique, septembre 2004, p.
24 et 25.
69
GERMAIN-ROBIN, Françoise. Al Qaida opère un retour aux sources, L'Humanité du 15 mai
2003.
44
saoudien. Les Saoud sont devenus les cibles privilégiées des révolutionnaires
radicaux embrigadés par Ben Laden. Concernant la spécificité de la branche
saoudienne d'Al-Qaïda, on
peut noter la présence active et l'influence de
quelques jeunes cheikhs locaux, quasiment inconnus du grand public, tels que
Abou Jandal Al-Azdi ou AbdAllah Al-Rashoud. Cette nouvelle génération
d'oulémas clandestins vise explicitement le clan des Saoud. Après
les
nombreuses victimes parmi les extrémistes en 2004, Al-Rashoud appellera à la
vengeance armée en désignant particulièrement le prince Naif Ibn Abd Al-Aziz,
ministre de l'Intérieur.70
L'émergence de ces cheikhs trentenaires met en exergue un autre aspect
du conflit entre les radicaux terroristes et le pouvoir : celui des références
religieuses. Les savants officiels, radicalement opposés au terrorisme, sont
accusés par les extrémistes de complaisance envers l'Etat. Même des cheikhs
comme Al-Awda ou Al-Hawali, naguère connus pour leurs positions critiques,
sont fustigés. Issa Al-Awshan, né à Riyad en 1977, accuse ces derniers d'avoir
rejoint le camp des « collaborateurs ».
Il est vrai que les membres du Comité des Grands Savants ont depuis
longtemps prit leurs marques par rapport aux dérives de la mouvance terroriste,
Abd Al-Aziz ibn Baz, l'ex-Moufti d'Arabie saoudite a ainsi publié en 1997 une
mise en garde nominative contre Oussama Ben Laden dans la presse écrite71.
Les attentats du 11 septembre furent unanimement condamnés par les grands
oulémas dont l'autorité morale est établie72.
La lutte contre Al-Qaïda en Arabie a donc lieu aussi bien sur le plan
sécuritaire qu'idéologique et religieux. Les Saoud et les savants officiels sont
liés dans cette lutte contre le terrorisme et sont donc tous les cibles des
dissidents. Il est vrai que 15 des 19 kamikazes présumés du 11 septembre
étaient saoudiens, Ben Laden fut également saoudien. Doit-on pour autant en
déduire qu'Al-Qaïda et le Royaume sont complices ? Certains auteurs ont
franchit le pas. Laurent Murawiec affirme par exemple que : « La réponse
70
THOMAS, Dominique. Les Hommes d'Al-Qaïda : Discours et stratégie. Paris : Michalon,
2005
71
Al-Muslimûn et Asharq al-Awsat, 22 septembre 1996.
72
AL-QAHTANI, Ce que disent les savants de l'islam au sujet du terrorisme. Riyad : éditions
Anas, 2004.
45
s'impose, qui confirme ce que les services de renseignement de nombre de pays
savent depuis longtemps, il y a un deal entre la famille royale et Ben
Laden »73.Pourtant on remarque bien au contraire que l'émergence puis la
montée en puissance d'Al-Qaïda se fait dans un contexte de totale rupture avec
le gouvernement saoudien. Ce dernier est clairement une cible de la mouvance
terroriste. De fait, affirme Charles Saint-Prot, « le plan diabolique de Ben
Laden aura été de choisir des terroristes saoudiens pour nuire au
Royaume, comme si son combat contre l’Arabie saoudite était devenu sa
priorité ».
Certes, Olivier Roy a pu écrire que : « les attaques menées en Arabie
visent plus les étrangers (y compris arabes) et les symboles de la présence
étrangère que l’appareil d’Etat. Elles s’apparentent donc aux actions menées par
Al-Qaida. Même si les terroristes souhaitent clairement la disparition de la
monarchie, la méthode employée ne va pas dans le sens d’une stratégie
révolutionnaire 74». Cependant, c'est bien le gouvernement saoudien qui est
directement visé, les terroristes visent à le mettre à genoux en l'isolant de ses
partenaires occidentaux. Un article paru dans Questions Internationales fait
remarquer à juste titre que l'objectif d'Al-Qaïda « n’est pas de propager l’islam
mais de provoquer une rupture historique entre le monde musulman et le reste du
monde, de façon à être en mesure d’y prendre le pouvoir et les rentes qui s’y rattachent
sans susciter d’intervention extérieure 75».
Il apparaît que durant la résistance afghane contre les soviétiques une
coopération eut lieu entre le Maktab Al-Khadamat et les services saoudiens et
américains, tous étaient liés par des intérêts communs : les uns combattaient
l'athéisme militant, les autres « l'Empire du Mal » et tous soutenaient une
résistance au demeurant légitime. L'idéologie terroriste Al-Qaïda voit le jour
plus tard, ses visées ne servent pas
l'Arabie Saoudite. Comment serait-il
possible d’accuser le Royaume d'être de connivence avec cette mouvance ? Par
ailleurs, comme le rappelle le rédacteur en chef d'Arabnews la commission
d'enquête sur les attentats du 11 septembre a
73
disculpé le gouvernement
MURAWIEC, Laurent. Amérique-Arabie saoudite : le divorce, Le Figaro, 23 mai 2003.
ROY, Olivier. Al-Qaïda, label ou organisation ? Le monde diplomatique, septembre 2004, p.
24 et 25.
75
Terrorismes islamistes :la religion en otage ? Questions Internationales n° 8, juillet 2004
74
46
saoudien de toute implication dans cet acte terroriste76. Elément important
lorsqu'on sait que les familles des victimes avaient porté plainte contre le
Royaume.
Tout sépare donc Al-Qaïda du gouvernement saoudien. Leurs références
religieuses ne sont pas les mêmes. Les terroristes souhaitent le choc des civilisations
tandis que l'Etat saoudien joue un rôle de modérateur dans les relations internationales
(stabilisateur au sein de l'OPEP, proposition -en mars 2002- d'un règlement de la
question palestinienne, votée par 22 Etats membres de la Ligue arabe, etc.). Les
terroristes veulent la guerre civile alors que l'Etat engage un dialogue national
en vue d'avancer dans la voie de la réforme.
Il apparaît donc clairement qu'Al-Qaïda et le gouvernement sont
diamétralement opposés. Ils sont des ennemis irréductibles. Comme le note
Charles Saint-Prot : « Le peuple saoudien ne s’y trompe pas et il apporte un
soutien massif à la lutte contre les terroristes révolutionnaires tout en adhérant
aux réformes mises en place par le Roi Abdallah »77.
76
AL-MA'INA, Khalid. L'Etat saoudien et l'organisation al-Qaïda. Saudis and Terrorism.
Riyad, Ghainaa Publications, 2005 ;
77
SAINT-PROT, Charles (dir.) L’Arabie saoudite à l’épreuve des temps modernes. Paris : OEGEtudes géopolitiques 3, 2004
47
Deuxième partie : L’Arabie saoudite et la lutte
contre le terrorisme
Non seulement l’Arabie saoudite n’est en rien liée à la mouvance
radicale terroriste mais elle en est l’une des premières victimes. Elle a subi une
vague de menaces et d’attentats sans précédent qui l’a conduit à intensifier le
combat contre le terrorisme. Le peuple et le gouvernement saoudien se sont
trouvés unis dans la guerre contre le terrorisme et sur la réponse à apporter à
cette crise.
Chapitre 1 : L’Arabie saoudite victime du terrorisme
A l'occasion de la Conférence internationale sur le terrorisme organisée
par l'Arabie saoudite, du 5 au 8 févier 2005, à Riyad, le secrétaire général des
Nations unies, Kofi Annan, a transmis un message pour rappeler que tous les
Etats ont le devoir de protéger les droits fondamentaux des hommes et des
femmes pour combattre le terrorisme, et « d'écouter toutes les voix qui
s'expriment dans les pays musulmans », où il fallait « faire échec à une vision
fausse de l'Islam ». Kofi Annam a ajouté : « En vous réunissant ici, dans le
berceau de l'Islam, et en un lieu qui a lui-même, récemment, été victime d'actes
de terrorisme d'une odieuse violence, vous dites haut et fort que le terrorisme est
une menace pour tous les pays civilisés, et une abomination pour toutes les
religions 78».
78
Nations unies, New York, Site : http://www.aidh.org/index.htm consulté le 15 février 2006.
48
Section 1 : Les attentats contre l’Arabie saoudite
§1- Les attentats
A la fin des années 1990, les attentats et les menaces contre l’Arabie
saoudite se sont multipliés. Nous rappellerons ici les actes terroristes les plus
marquants dans le Royaume sans aborder les accrochages entre les groupes
terroristes et les forces de sécurité.
Le 13 novembre 1995, date ou les attentats terroristes commencent en
Arabie saoudite lorsqu’une voiture piégée explose à Riyad devant un bâtiment
de la Garde nationale saoudienne. Cinq soldats américains et deux Indiens sont
tués. La justice saoudienne prend décision d’exécuter les quatre terroristes qui
ont commis cet attentats, ils sont exécutés en public. Sept mois après cet
attentat, le 25 juin 1996, un camion piégé pulvérise l'entrée de la base
américaine de Khobar, près de Dhahran, faisant 19 morts, tous Américains, et
386 blessés.
C’est après l’intervention américaine en Afghanistan et en Irak, que les
terroristes vont intensifier leur action et planifier des attentats sur le sol
saoudien contre des intérêts occidentaux et saoudiens. Le soir du lundi 12
mai 2003, ont été commis des attentats suicide contre des résidences abritant
des occidentaux à Riyad. Le bilan est lourd : 29 morts dont sept Américains,
sept Saoudiens, deux Philippins, deux enfants jordaniens, un Libanais, un
Suisse. Par ailleurs, neuf kamikazes sont tués. On déplore également
200
blessés.
Le 8 novembre 2003 , un attentat suicide à la voiture piégée dans un
ensemble résidentiel de la banlieue ouest de Riyad, le compound alMuhayya, fait 18 morts et plus de 120 blessés. Le ministre de l’Intérieur
49
saoudien, le prince Naïf, réaffirme alors que les criminels qui s’en sont pris à la
sécurité du Royaume ne bénéficieraient d’aucune indulgence79 .
Le mercredi 21 avril 2004, le terrorisme frappe à nouveau l’Arabie
saoudite. Au moins huit personnes, dont un haut responsable de la police et une
enfant de 11 ans, ont été tuées et 113 personnes ont été blessées dans l’attentat
à la voiture piégée devant le quartier général des forces de sécurité, à Riyad.
Des terroristes présumés ont attaqué, le samedi 1er mai 2004, plusieurs objectifs
dans la ville portuaire saoudienne de Yambu, sur la mer Rouge à 350 kilomètres
au nord-ouest de Djedda, tuant cinq Occidentaux et un Saoudien, trois
assaillants ont été tués et le quatrième blessé et arrêté par les forces de sécurité à
Yambu.
Un deuxième attentat en moins d'un mois est commis dans la ville d’alKhobar, à l’Est de l'Arabie saoudite, pendant le week-end du 29-30 mai 2004.
Vingt-deux personnes ont été tuées dans des attentats et une prise d'otages. Le
ministère de l'Intérieur saoudien a indiqué que les victimes sont , un Américain,
un Britannique, un Italien, un Suédois et huit Indiens, deux Sri Lankais, trois
Saoudiens, un Sud-africain, un Egyptien et trois Philippins avaient été tués , 25
autres personnes ont été blessées.
Le 6 décembre 2004 marque la première opération contre une mission
diplomatique en Arabie saoudite. Un commando de cinq terroristes armés a
attaqué le consulat des Etats-Unis à Djedda faisant neuf morts mais aucun
Américain. Selon le bilan diffusé par les autorités saoudiennes, les cinq
membres du personnel du consulat retrouvés morts sont Yéménite, Soudanais,
Philippin, Pakistanais et Sri Lankais. Quatre terroristes ont aussi été tués.
Le 29 décembre 2004, deux attentats à la voiture piégée ont secoué le
centre de Riyad quinze jours après l'appel lancé par le chef d'Al-Qaïda Oussama
ben Laden à la multiplication des attentats dans son pays d'origine. Le premier
attentat, perpétré contre le ministère de l'Intérieur, a fait un mort, un
automobiliste. L'autre visait un centre des forces spéciales. Au total, une
quinzaine d'agents de sécurité et plusieurs passants ont été blessés, mais aucun
79
Source : Arab News, 13 novembre 2003
50
gravement selon la police.
Après ces attaques, au moins sept extrémistes
présumés, dont les deux auteurs du premier attentat, ont été tués et plusieurs
policiers blessés dans le nord de la ville lors d'une fusillade entre les forces de
sécurité et les activistes, qui s'étaient retranchés dans un bâtiment.
Le 6 avril 2005, deux hauts responsables du réseau terroriste Al-Qaïda
ont été tués dans des accrochages avec les forces de sécurité saoudiennes à AlRass, localité située à 320 kilomètres au nord de Riyad, le ministère saoudien
de l'Intérieur a annoncé dans un communiqué que sept activistes présumés
du réseau terroriste d'Al-Qaïda avaient été tués dans cet accrochage avec les
forces de sécurité.80
Le chef de la branche saoudienne d’Al-Qaïda, le 18 août 2005, Saleh
al-Aoufi, a été abattu à Médine au cours d’une fusillade avec les services de
sécurité. C’est un véritable succès que le royaume saoudien vient de remporter
sur le réseau terroriste Al-Qaïda, en tuant, en moins d’une semaine, quinze
militants du réseau.
Riyad continue sa lutte contre le terrorisme avec encore plus de
détermination et une efficacité accrue. Le gouvernement saoudien a publié, le
mardi 28 août 2005, une liste de 36 activistes terroristes recherchés par ses
services de sécurité, 21 d’entre eux étant sensés se trouver à l’extérieur du pays.
Les noms et photographies de ces suspects (29 Saoudiens, 3 Tchadiens, un
Koweïtien, un Mauritanien, un Yéménite et un Marocain) ont été diffusés à la
télévision. Deux terroristes figurant sur cette liste ont été tués (Abdul Aziz alTweijri et Mohammed Saleh al-Gheith) par les services de sécurité saoudiens
qui ont déjoué un attentat suicide, 24 février 2006, contre le site pétrolier
d'Abqaiq, premier centre mondial de traitement du brut par où transitent les
deux tiers de la production pétrolière du Royaume. L'opération terroriste a
impliqué au moins deux voitures bourrées d'explosifs, qui ont été interceptées
par les forces de sécurité alors qu'elles s'approchaient de la principale entrée au
site alors que deux gardes de sécurité ont été tués .Il s'agit de la première
tentative d'attaque connue contre une installation pétrolière en Arabie saoudite,
qui lutte depuis 2003 contre une vague d'attentats menés par la branche
80
Source : Reuters, 4 avril 2005.
51
saoudienne d'Al-Qaïda, qui a revendiqué l’attentat dans un communiqué sur un
site internet.
Quarante huit heurs après l’attentat à Abqaiq, dans la villa située dans le
quartier résidentiel d'al Hamra, dans l'Est de Riyad, les forces de l'ordre
saoudiennes ont tué cinq activistes présumés, parmi eux, Fahd Ben Faraj AlJoweir le chef de la branche saoudienne d'Al-Qaïda. Ces activistes seraient
impliqués dans l'attaque menée contre le site de raffinage pétrolier à Abqaiq.
§2- le combat anti-terroriste
Ainsi, de 2003 à 2005, l’Arabie saoudite a subi plus de vingt-deux
opérations de terrorisme : attentats, meurtres, prises d’otages… Elle a déploré
91 victimes –la plupart de simples citoyens et des travailleurs étrangers- et
plus de 705 blessés. Les victimes parmi les forces de l'ordre saoudiennes
s’élèvent à 93 morts et 312 blessés.
La réaction du gouvernement a été d'une ampleur et d’une efficacité sans
précédent. Faisant preuve d’une grande détermination, il a procédé à plusieurs
centaines d'arrestations sur tout le territoire. De nombreux affrontements se sont
déroulés également entre les extrémistes et les forces de l'ordre. Ces
accrochages se sont soldés, pour la seule année 2004, par la mort d'une
soixantaine d'activistes. Une liste de 26 personnes soupçonnées de liens avec le
terrorisme a été largement diffusée par le biais des médias, suivie d'une autre
liste de 36 personnes recherchées. Cette politique répressive s’est révélée
efficace puisqu'elle a abouti par exemple à la liquidation de chefs extrémistes
comme al-Muqrin en juin 2004, al-Oufi en août 2004 puis d'al-Jweir en février
2006. Ces trois hommes étant les chefs présumés de la branche saoudienne d'alQaïda, leur disparition a constitué
un coup sévère porté à la mouvance
terroriste. La majorité des personnes recherchées ont été tuées ou arrêtées. Le
journal saoudien al Watan
plus de 55 opérations
81
a indiqué que les autorités sécuritaires ont mené
contre les
terroristes des interventions à
81
groupes terroristes
et ont exécuté 81
al Arrass, au Qasim et Dammam. Par ailleurs,
Al Watan n° 1972, 22 février 2006.
52
une cinquantaine de terroristes ont été arrêtés et emprisonnés.
Outre la répression,
les autorités du Royaume ont réussi à faire
condamner par les autorités religieuses compétentes les fatwas extrémistes sur
lesquelles se fondaient les groupuscules
pour commettre leurs actions
terroristes. Les cheikhs qui avaient émis fatwas –par exemple, Ali al-Khadir,
Nasser Alfahd, et Ahmed
ils
Alkhalidi- ont reconnu qu’ils s’étaient trompés et
exprimé leur repentir. De même, beaucoup d’individus des réseaux
extrémistes en Arabie saoudite se sont repentis. C’est ainsi que des personnes
comme Khaled al Farraj ou Abdel Rahman Arrachoud se sont présentés sur
les chaînes saoudiennes et dans d’autres media à l'échelle mondiale. Certains
passages ont été diffusés et commentés afin d’encourager les égarés à revenir
sur le droit chemin.
En contrepartie, la clémence royale a été l'une des plus importantes
mesures prises
pour lutter contre le terrorisme intérieur. Cette mesure a été
instaurée par l'Etat pour donner une chance de se repentir à ceux qui ont été
impliqués dans les acticités terroristes. A cet effet, la décision prise par le Roi
consistait à donner un délai d'un mois à chaque individu impliqué pour se repentir et
se constituer prisonnier. Cette mesure a donné l'occasion à un grand nombre des ces
marginaux de se rendre aux forces de l'ordre. Non seulement il leur a permis de
s'écarter du chemin de la violence mais aussi d'être libérés des prisons et de se
réinsérer dans la société, profitant de la clémence royale qui a été pour eux une bouée
de sauvetage afin de les éloigner totalement de la pensée extrémiste.
En outre, le ministère de l'intérieur a promis une récompense avoisinant les 7
millions de Rials
saoudiens (environ 1, 6 millions d’euros) à tous ceux qui
dénonceraient les auteurs des attentats terroristes en donnant les informations
nécessaires pour aller les traquer dans leurs cachettes. Cette démarche a suscité
l'intérêt des citoyens et des médias qui y ont rapidement adhéré. Cette action a
rencontré un tel succès qu'on a constaté une véritable coopération des citoyens avec
les forces de sécurité pour combattre le terrorisme.
L'Etat a adopté un comportement persuasif pour détourner les jeunes qui
s’étaient laissés égarer. Non seulement, il leur a donné la chance de se repentir
et de se rendre, mais encore il leur a donné une chance de revenir au sein de la
53
société. La télévision saoudienne a diffusé de nombreux entretiens avec ces
repentis. Les oulémas et les intellectuels
ont favorablement accueillis cette
démarche qui va dans le sens de l'union de la oumma et ont considérés ceci
comme étant un grand pas dans la lutte contre le terrorisme. Enfin, certains
prédicateurs radicaux se sont résolus à emprunter la voie du dialogue.
L’initiative est désormais du côté des forces de sécurité. Les autorités
saoudiennes ont arrêté, le mardi 28 mars 2006, 40 personnes soupçonnées de
liens avec le terrorisme, à l’occasion de plusieurs raids menés à travers le pays.
Des explosifs ont également été saisis à Abqaiq où les forces de sécurité avaient
déjoué en février un attentat suicide contre le grand complexe pétrolier. Le
général Mansour al-Turki a déclaré : «Au total, 40 personnes appartenant à
trois groupuscules ont été arrêtées. Comme vous le savez, nous menons une
guerre acharnée contre le terrorisme et notre travail se poursuivra… Il ne s'agit
pas d'une seule opération, mais d'une série d'opérations destinées à prévenir le
terrorisme…. Ces opérations confirment l'aptitude des forces de sécurité à
vaincre les terroristes et montrent que la guerre contre le terrorisme est conduite
dans tout le royaume et non seulement autour des installations pétrolières, mais
aussi dans les grandes villes».Cependant malgré l’affaiblissement incontestable
des groupes révolutionnaires, il est à craindre que des extrémistes clandestins
demeurent encore prêts à passer à l'action. Leur capacité de nuisance constitue
une menace permanente pour le peuple saoudien. La difficulté provient de la
spécificité de la menace puisque les autorités ne font pas face à une armée
régulière, mais à des groupuscules hétérogènes organisés comme des gangs.
En outre, le contexte d'instabilité
du Proche-Orient, notamment
l’occupation de l’Irak et le drame palestinien qui ne trouve pas d’issue, pourrait
être un facteur favorisant le recrutement de nouveaux adeptes. Les anciens
d'Afghanistan se font en effet de plus en plus rares mais le retour des volontaires
saoudiens de Mésopotamie pourrait très bien permettre une relève. Ce scénario
laisse prévoir des conséquences semblables au retour des « Afghans » en Arabie
saoudite dans les années 90. C’est pourquoi, le gouvernement envisage d’ores
et déjà les mesures à mettre en œuvre à leur retour.
54
Section 2 : La réponse au défi terroriste
La réponse au défi terroriste est à la fois apportée par le gouvernement,
grâce à l’action des services de sécurité et par une politique alliant la fermeté et
les efforts pour éclairer les égarés,
et par le peuple saoudien qui s’est
véritablement mobilisé contre la menace.
§1- La réaction du peuple saoudien
La
stratégie des terroristes visant à cibler le peuple et les intérêts
saoudiens en provoquant des attentats aveugles sur le territoire national s’est
retournés contre eux. La réponse du peuple saoudien a été claire. Il a condamné
le terrorisme et apporté son soutien aux efforts du gouvernement.
Le Conseil des oulémas d'Arabie Saoudite, la plus haute autorité
religieuse qui joue un rôle très important sur l’opinion des Saoudiens, a
également joué son rôle en condamnant sans ambiguïté le terrorisme et en
soutenant le gouvernement dans la lutte contre le terrorisme. Le Conseil a
vivement dénoncé les attentats dans le Royaume qu'il a qualifiés d'actes
«criminels graves », et il a rappelé que ces actes sont contraires à l’Islam. Le
communiqué des sages du Royaume présente en outre comme « des déviants et
des ignorants » ceux qui assimilent le terrorisme au djihad. Ceux qui protègent
les islamistes extrémistes commettent « un grave péché ». En conséquence, le
Conseil a appelé le peuple saoudien à « soutenir les dirigeants de leur pays et
leurs oulémas » en ces moments difficiles et à lutter contre « les malfaiteurs ». Il
a invité les Saoudiens à coopérer avec les autorités pour « éradiquer ce
danger ».
Le roi Abdallah Ben Abdul Aziz a affirmé que le peuple saoudien uni
s’oppose en masse aux groupes qui cherchent à saper la sécurité de la nation.
Selon le souverain, la société saoudienne « tout entière, ses vieillards, ses
55
enfants, ses hommes et ses femmes, se tient comme un seul rang solide pour
condamner ces actes ignobles, désavouer leurs auteurs et défendre, par l'âme et
par tout ce qui est le plus précieux, cette patrie, berceau de l'islam et de
l'arabité »82. Le Roi a également constaté que le peuple soutient totalement les
opérations menées par les forces militaires et policières.
S’adressant
aux
forces de sécurité, il a déclaré : « Le peuple saoudien tout entier est fier de vous,
de votre courage, et de votre zèle. Sans vos yeux vigilants, les autres ne peuvent
bien dormir. Sans les efforts que vous déployez, personne parmi nous ne
connaîtrait le repos. Sans vos sacrifices, le danger odieux ne pourrait être
vaincu. Je dis aux hommes courageux des services de sécurité: les fils de vos
martyres seront traités comme nos fils, vos blessures saignent dans chacun de
nos coeurs, et votre sang sera une médaille d'honneur qui honore le sol de cette
chère patrie »83.
Le 10 juillet 2002, la chaîne télévisée du Qatar Al-Jazira a interviewé
Mohsin Al-Awaji84, .responsable du site Internet al-Wassatiah qui est connu
pour ses critiques. Selon son analyse : « Autrefois, quand il se battait contre les
Russes en Afghanistan, Ben Laden était, aux yeux du peuple comme du
gouvernement saoudien, le plus grand des combattants du djihad. Lui et les
autres se sont rendus en Afghanistan avec le soutien officiel [de l'Arabie
Saoudite] et des autorités religieuses. Aujourd'hui, le peuple saoudien a trois
griefs à l’encontre de Ben Laden. D'abord, Ben Laden accuse des dignitaires
religieux et des dirigeants d'hérésie alors qu'il ne détient aucune preuve de ce
qu'il avance. Deuxièmement, il fait des pays musulmans le terrain des
opérations du djihad. Troisièmement, lui et ses compagnons prennent pour cible
des innocents, et je me réfère ici aux innocents du monde entier, toutes
religions, couleurs et nationalités confondues ».
Mohsin Al-Awaji a rajouté qu’une forte majorité des Saoudiens, après
avoir vu les conséquences néfastes engendrées pour
les attentats d’al
Qaïda sont désormais convaincus que Ben Laden et ses compagnons sont des
ennemis de l’Islam et de la nation saoudienne .
82
La position de l’Arabie saoudite envers le terrorisme, al-Qimam multimédia, 2004.
83
ibidem
84
Site www.upjf.org consulté le 10 mars 2006.
56
Selon le quotidien Le Monde, les Saoudiens « s'engagent fermement
contre le terrorisme »85. Le 4 février 2005, le cheikh Saleh Ben Mohammed Ben
Hmeïd, imam de La Mecque, déclarait devant des milliers de fidèles rassemblés
pour la grande prière de la mi-journée que le Royaume devait affronter le
terrorisme. Le 5 février 2005, une grande campagne nationale de lutte contre le
terrorisme a été engagée pour une durée de deux semaines dans toutes les
villes ainsi que les villages du royaume86. Cette campagne comprend des
conférences, des séminaires et des dialogues dans tous les établissements. Les
mosquées ont joué un rôle très important pour porter attention sur la gravité
de ce
phénomène et mobiliser le peuple. Par ailleurs, de très nombreux
intellectuels et personnalités de la société civile ont appelé le peuple à s'unir
contre les courants déviants et les idéologies extrémistes marginales.
La réaction du peuple saoudien qui a payé un lourd tribu (une centaine
de morts et plus de 320 blessés), a été unanime. Elle va d’ailleurs dans le
même sens que celle des autres nations touchés par
le
terrorisme, telle
l’Algérie qui au cours de la décennie sanglante a considérablement souffert du
terrorisme. Selon charles Saint-Prot, la société saoudienne « n’aspire qu’à vivre
en paix et à sa développer. Elle rejette l’extrémisme et n’est pas dupe de la
propagande des groupes terroristes qui finalement font le jeu des ennemis de
l’Islam et des Arabes. Il est clair que Ben Laden et ses complices ont échoué
dans leur plan visant à diviser les Saoudiens et à créer des difficultés au
gouvernement. Au contraire, la monarchie s’est considérablement renforcée et
elle réuni autour d’elle un large consensus »87 .
§2- Les solutions
Dans la première partie de ce mémoire, nous avons abordé un certain
nombre de causes du terrorisme. Il convient de réfléchir aux moyens de le
combattre en s'attaquant aux racines du mal. Cette réflexion se décline en
plusieurs volets et traite des actions au niveau national et international.
85
Le Monde, 6 février 2005
86
Le journal saoudien Al Watan, 5 février 2005.
87
Entretien en avril 2006
57
La première urgence consiste à apporter une réponse sécuritaire bien
adaptée à la menace. Il faut pour cela opérer un recrutement rigoureux des forces
de l'ordre, notamment ceux qui sont en contact direct avec la population, en
tenant compte des critères de sagesse et du sens du devoir et de l’esprit civique.
La compétence doit être renforcée ainsi que la formation en tirant profit des
expériences des spécialistes chevronnés dans la lutte contre le terrorisme et en
n’hésitant pas à s’adresser à la coopération de pays amis qui ont une grande
expertise en la matière, par exemple la France.
En second lieu, il convient de répondre au terrorisme et à l’extrémisme
sur le fond. Ainsi, il est nécessaire de dissocier l’Islam des groupes terroristes.
Les autorités religieuses ont un rôle majeur dans ce domaine. Elles pourraient
multiplier les campagnes de sensibilisation, par le biais des différents médias.
Ce type d'intervention ne doit pas se produire uniquement lors d'événements
ponctuels mais doit correspondre à une action de longue haleine, une véritable
stratégie.
En effet, lorsqu'un événement grave se produit, les dénonciations et les
communiqués se succèdent, des fatwas sont promulguées, empreintes du climat
particulier de l'événement, ce qui ne leur confère pas la force de persuasion
escomptée. Il est indispensable d'appeler aujourd'hui à l'élaboration d'un projet
civilisationnel musulman qui traite les différents aspects de la vie et qui
engloberait les domaines de la prédication , de l'économie, de la politique, des
relations sociales et des rapports entre les musulmans et les autres. Un tel projet
aurait pour mission de revisiter de nombreuses interprétations religieuses qui
répondaient à des circonstances données et que de nombreux jeunes musulmans
adoptent aujourd'hui sans tenir compte de toutes les considérations qui les
entouraient à l'époque et en se dispensant de consulter les oulémas
contemporains.
Les religieux doivent aller vers les gens, les écouter, chercher à
comprendre leurs demandes, leurs douleur et leurs espoirs de façon à les aider à
apporter des solutions adaptées et raisonnables. Les hommes de religion doivent
participer à l’information des croyants et les éclairer sur les dérives et les
dangers d’une certaine propagande qui se pare des atours de l’islam. Dans cette
58
optique, il serait utile de tirer profit du sermon de la grande prière du vendredi
dans la mesure où il constitue la tribune religieuse par excellence, le moment le
plus opportun et le moment privilégié pour transmettre les messages aux fidèles.
Il est également nécessaire de consolider des bases communes en
réduisant par exemple le
fossé séparant les oulémas de certains étudiants
dissidents, engagés dans de mauvaises voies idéologiques du fait d’une
mauvaise connaissance de l’Islam ou d’une interprétation fantaisiste du dogme.
Il faudrait pour cela nommer aux fonctions religieuses, des personnes reconnues
pour leur compétence, leur sagesse et leur charisme. Ion pourrait imaginer la
mise on place d’ une commission religieuse composée de sages, d'experts et de
spécialistes qui serait chargée d'examiner les livres et manuels répandus de nos
jours, car le monde s'est aujourd'hui globalisé et les moyens de communication
sont de plus en plus sophistiqués. De nombreux concepts ont ainsi évolué et il
faudra tenir compte du contexte nouveau avant d'émettre des avis religieux.
Une autre priorité est d'oeuvrer de manière soutenue à la réalisation
d'une réforme approfondie dans les domaines politique, économique et social.
Comme le note le prince Fayçal Ibn Michaal al Saoud : « la monarchie
saoudienne a toujours été à la pointe des réformes et elle a su prendre les
initiatives nécessaires pour promouvoir les évolutions nécessaires dans l’intérêt
général »88.
La réforme ne doit pas être uniquement circonstancielle ou imposée par
un événement particulier, mais elle doit être réelle, sincère et soucieuse de
moderniser et d'améliorer la vie des citoyens. Cette réforme, adaptée aux
besoins du pays et de la société et non dictée par l’extérieur, doit être globale.
Elle doit viser à améliorer le fonctionnement de l’administration et poursuivre
les mauvaises pratiques qui entraînent la dilapidation des fonds publics ou
favorisent la corruption car de tels fléaux sont susceptibles de corrompre la
société en profondeur. La justice sociale doit être recherchée de façon à réduire
certaines inégalités et permettre au plus grand nombre de bénéficier des revenus
nationaux. La réforme doit viser à développer l’économie, en premier lieu la
Fayçal Ibn Michaal al Saoud. Le développement politique islamique au royaume d’Arabie
saoudite. Paris : Idlivre, 2003
88
59
création d’emplois, pour mettre un terme au fléau du chômage et de l'oisiveté, en
particulier chez les jeunes dont les compétences gagneraient à être utilement
exploitées. Relever le défi de l’emploi est une obligation pour garantir les
besoins matériels des familles et ouvrir de vraies perspectives aux jeunes
couples. La famille doit également prendre sa part de responsabilité dans
l'éducation des jeunes générations. En effet, la cellule familiale est la première
école dans laquelle les futures générations sont façonnées et dans laquelle elles
puisent leurs modèles et leurs idées. La famille est l’une des valeurs et des
cellules sociales que les Saoudiens respectent au plus haut point. Elle est
véritablement au cœur de leur vie. Il faut donc mettre l'accent sur la protection
de la famille contre les risques de désintégration, de conflit, de divorce, etc.
Cela est essentiel car elle constitue le premier et le plus important rempart pour
les enfants et les jeunes contre les risques auxquels ils pourraient être exposés.
Par ailleurs, l'Etat gagnerait à faire émerger une conscience citoyenne et
faire en sorte que toutes les couches de la société se sentent unies contre les
courants déviants et les idéologies marginales. Il faut pour cela encourager les
idées constructives et le mouvement associatif, tels que les associations de
quartier et impliquer le maximum d'intellectuels et de personnalités de la société
civile dans la prise de décisions et les questions de première importance pour la
société, en toute clarté et transparence L’ouverture d’une instance de dialogue
national a été une première initiative dont les résultats sont d’ores et déjà très
positifs. Selon Zeina el Tibi, ce dialogue lancé en 2003 consiste à traiter de tous
les sujets qui intéressent l’avenir de la société et de la nation en confrontant
différents points de vue pour favoriser une meilleure connaissance de ce que
pensent les autres : « Il s’est révélé un vrai désir de mieux se connaître et de
corriger les préjugés. La première de ces Rencontres nationales pour le dialogue
s’est tenue en juin 2003 à Riad, sur le thème des réformes. À l’issue de la
première rencontre, le Prince Héritier Abdallah [devenu roi en 2005] a décidé
d’institutionnaliser ce processus par la création d’une structure nationale… Le
dialogue national est une initiative originale qui permet un débat national sur les
problèmes
que
rencontre
la
société
saoudienne
contemporaine.
Son
institutionnalisation et l’appui que lui apporte le gouvernement royal
démontrent la volonté de réformes au plus haut niveau. Tout cela s’inscrit dans
le processus de réformes politiques et sociales qui est mis en place dans le
60
Royaume. Il s’agit tout simplement de dépasser les traditions désuètes et de
retrouver l’élan progressiste de l’Islam pour consolider une nation qui sera en
mesure de répondre aux défis des temps modernes » 89.
Le dernier point à prendre en considération concerne l’aspect régional
et international. Sur le plan international l'Arabie se doit de réfuter les
mensonges et les idées reçues entretenues par une propagande hostile. Il faut
également tenir compte du patriotisme du peuple saoudien et de son
attachement aux causes arabes et musulmanes, de son souci de voir une
communauté internationale plus juste et mieux équilibrée. En effet, il est
indéniable que la propagande des groupes terroristes tire profit des crises
internationales et des injustices qui affectent les peuples arabes et musulmans,
par exemple en Palestine et en Irak. Le Royaume doit exprimer une réelle
préoccupation à l'égard des souffrances et des espoirs des musulmans. L’Arabie
saoudite doit donc mettre toute son influence et son poids économique et
financiers au service des actions nature à favoriser le règlement des crises
d’une façon juste et durable, ce qui est le seul moyen de favoriser la paix dans
le monde. Elle doit le faire en coopérant avec les pays occidentaux amis. A cet
égard, le directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques Charles Saint-Prot
note que le partenariat stratégique qui s’est développé entre Riyad et paris
depuis 1996 est de première importance sur le plan géopolitique. En effet, les
deux pays partagent une vision géopolitique très proche et ils ont chacun un
poids important dans leur aire géographique et d’influence traditionnelle, le
monde arabo-musulman pour l’Arabie saoudite ; l’Europe et les pays
francophones pour la France. La coopération franco-saoudienne est un exemple
réussi d’une dialogue politique constructif et la base d’un véritable dialogue des
civilisations »90.
El TIBI Zeina. Le dialogue national en Arabie saoudite. L’Arabie saoudite à l’épreuve des
temps modernes (Dir. Charles Saint-Prot et Zeina el Tibi). Paris : OEG-Etudes géopolitiques 3,
2004.
89
90
Entretien de Charles Saint-Prot au quotidien saoudien al Watan, 23 avril 2006
61
Chapitre 2 : Conception saoudienne du terrorisme
Section 1 : L’Islam et le terrorisme
Selon les trois religions monothéistes, tuer des innocents est un grand
péché qui appelle les pires châtiments. Par conséquent, une personne « qui a foi
en Dieu, qui Le craint et qui croit en l'au-delà et au Jour du Jugement ne peut
jamais commettre de telles ignominies puisqu'elle sait que Dieu les désapprouve
et que chaque homme rendra compte de ses actes en Sa présence… Il serait
erroné de considérer l'Islam comme la source idéologique de ce phénomène.
L'Islam n'encourage aucune forme de terrorisme; au contraire il les dénonce.
Ceux qui se servent du terrorisme au nom de l'islam sont en fait des ignorants
pleins de haine. La solution de ce problème se trouve dans la compréhension du
vrai islam et sa présentation au monde en des termes clairs. ».91
Le roi Abdallah, alors Prince héritier, a précisé que les terroristes
sont les ennemis de l’Islam, de l’humanité et du genre humain.92
Charles Saint-Prot souligne qu’il faut aussi faire une distinction entre
le terrorisme et l’Islam fondamentaliste, qui est une pensée politique aussi
légitime qu’une autre. Tout musulman « intégriste » ou « fondamentaliste »,
n’est pas forcément un terroriste et il ne faut pas faire un amalgame entre les
dérives de certains extrémistes égarés et toute une religion. L’Islam, pas plus
qu’aucune autre religion, ne conduit au terrorisme. Il refuse la violence et ne
tolère l’emploi de la force que s’il existe une menace précise contre laquelle il
faut se défendre.
91
www.islamdénonceterrorisme.com par Mr HARUN YAHYA
92
Interview dans le journal Le Monde, 13 avril 2005
62
§1- L’Islam à la base de la Constitution saoudienne condamne le
terrorisme
Le Royaume d’Arabie saoudite a clairement indiqué qu'il désapprouve le
terrorisme et le rejette totalement, en théorie comme en pratique. Il a montré
que le terrorisme et l'extrémisme sont des idées étrangères à la société
saoudienne et aux principes qui en constituent le fondement. Au contraire ceuxci s'opposent formellement à ces conceptions déviantes.
La pensée religieuse sur laquelle le Royaume s'est édifié rejette le
terrorisme et le considère comme un crime. Il convient de préciser que cette
pensée est l'essence même de l'Islam, sans que n’intervienne aucune école
jurisprudentielle ou idéologie particulière. Cette précision est nécessaire parce
que beaucoup essaient d'isoler le Royaume religieusement en l'accusant de
défendre une conception sectaire de l'Islam, et aiment à employer à ce propos le
terme « wahhabisme » pour suggérer que c'est un phénomène typiquement
saoudien.
Cette pensée religieuse qui est le fondement du Royaume rejette le
terrorisme et le juge illégal, comme elle juge illégal tout acte d'oppression, de
corruption, de crime et d'usurpation des droits d'autrui. Les principes de base de
l'Islam nous enseignent que si quelqu'un tue un homme, quel que soit sa
croyance personnelle, c’est comme s’il avait tué l’humanité tout entière. On
enseigne aux musulmans que celui qui tue un non-musulman jouissant de la
protection assurée par un pacte n’ira pas au Paradis. L’importance de la paix est
profondément enracinée dans les principes de l’Islam, comme étant une
condition essentielle de l'existence humaine, car elle seule garantit la pérennité
de la foi, du culte, de la moralité et de l'économie. 93
Et ce sont ces principes de la foi islamique du respect dû à l’être humain
qui ont façonné la société saoudienne, Assurément, la pensée religieuse a pu
faire l'objet d'interprétations incorrectes. Mais le fait est que de telles
interprétations sont l'œuvre d'individus ne jouissant d'aucune autorité ou
compétence reconnue. Par conséquent, leurs thèses ne représentent pas la
Suleiman Al-Robei, Chargé des cours à l’Université de Qasim (Arabie Saoudite), Les mesures
prises par le Royaume pour combattre le terrorisme.
93
63
pensée islamique pure, pas plus qu'elles ne reflètent les idées des vrais
représentants de l'Islam, c'est-à-dire les dignitaires religieux, qu’ils appartiennent
ou non aux instances religieuses officielles. Ces derniers publient constamment
des déclarations et des rapports pour rappeler que l'Islam désavoue cette pensée
déviante et les interprétations incorrectes de la religion.
Un des principaux objectifs du combat du Royaume d’Arabie saoudite
contre le terrorisme est de réparer les dommages faits à l'image de l'Islam
par les musulmans déviants. Cet objectif figure en permanence parmi ses
priorités stratégiques. Le courant modéré de l'Islam, qui incarne la réalité et
l'essence de la religion, est incontestablement majoritaire et c'est lui qui inspire
la politique, les programmes d'études et la vie quotidienne. Accentuer la place
de l'Islam modéré est le souci principal du Royaume d’Arabie saoudite car il est
bien conscient de sa responsabilité religieuse, en tant que centre du monde
islamique et gardien de ses Lieux saints. Par conséquent, les efforts du
Royaume pour contrer l'extrémisme et ses méfaits figurent en tête de son
programme. Ces efforts ont commencé avant les événements du 11 septembre
2001.
La guerre du Royaume d’Arabie saoudite contre le terrorisme est dictée
par ses positions religieuses et morales. Mais cela ne l'empêche pas d'avoir en
même temps une conscience aiguë des conséquences négatives du terrorisme.
Toute analyse objective démontre que le rejet du terrorisme par le Royaume d’
Arabie saoudite est absolu car il est basé sur des principes fermes. Le terrorisme
peut être un outil servant à conforter des positions politiques, atteindre des
objectifs économiques ou exporter une idéologie spécifique. Mais le Royaume
d’Arabie saoudite n'est pas une organisation révolutionnaire désireuse de
réaliser ses objectifs politiques par la violence. C'est encore moins un Etat
fasciste désirant promouvoir son idéologie. Il s'agit simplement d'un Etat fondé
sur la loi et convaincu que le monde ne peut pas prospérer dans la paix tant que
le terrorisme sévit.94
Le système politique, du Royaume d'Arabie Saoudite repose sur la
Chari'a c'est-à-dire la loi islamique. Elle est le fondement de l'établissement du
94
Ibidem
64
Royaume puisque le Roi Abdul Aziz, puis ses fils qui ont assumé sa succession,
ont établi leur légitimité à travers ce principe fondamental qui est celui de
l'application de la Chari'a et de l'arbitrage de celle-ci dans les affaires politiques,
sociales et culturelles de l'État.
Parmi les piliers fondamentaux sur lesquels repose le régime politique
du Royaume, émane le principe essentiel
de la Choura (la consultation
mutuelle).
L'article 8 de la Réglementation fondamentale sur le pouvoir stipule que
: «L'État repose sur la justice, la Choura et l'égalité, conformément à la Chari'a
islamique».
Elle constitue le troisième principe fondamental sur lequel repose le
régime politique, avec la justice et l’égalité. Selon les spécialistes, la Choura
(consultation) consiste à «demander l'avis de la personne expérimentée
pour parvenir au fait le plus proche de la vérité»95 ou encore «demander l'avis
des membres de la Nation, ou de ceux qui la représentent, dans les affaires qui
concernent cette Nation »96
Le Coran et la Sunna mentionnent l'importance et l'obligation de la
Choura. Dieu dit : «Demande pardon pour eux et consulte-les
chose».97 II
sur
toute
dit encore en décrivant les croyants : «Ceux qui délibèrent
entre eux au sujet de leurs affaires» 98.
Le terme de Choura, en Islam, ne sert pas à indiquer un service
particulier que rendrait cette Choura et ne signifie pas uniquement ce que
supposent la plupart, c'est-à-dire que ce principe serait en fait une substitution
du principe de la démocratie dans la pensée politique occidentale. Dans l'Islam,
la Choura est une valeur politique générale qui définit la pratique politique et
sociale dans la société musulmane. Elle n'est pas seulement liée à un modèle
95
ABDILKHALEQ, Abdurrahman. La Choura à l'ombre du régime politique islamique.
Koweït, 1975, p.14.
96
AL-ANSARI, Abdulhamid. La Choura et son influence sur la démocratie. Le Caire, 1980, p.
40
97
Sourate LA FAMILLE d'IMRAN, Verset 159.
98
Sourate LA CONSULTATION, Verset 38
65
pratique représenté par une entreprise ou un service particulier. Elle est d'une
acception bien plus vaste que la démocratie, dans le sens où elle réalise les
objectifs de celle-ci qui sont la multiplication des volontés de participation dans
les décisions politiques.
Nous
pouvons résumer les règles fondamentales qui caractérisent
le principe de la Choura dans l'Islam comme suit :
a - La Choura est un pilier fondamental dans la construction de l'État
islamique,
b - L'Islam ne délimite point de formes ou de méthodes particulières à la
pratique de la Choura.
c - Le sujet de la Choura touche l'ensemble des affaires de la vie pour
lesquelles n'existent pas de prescriptions légitimes explicites. En contrepartie, il
n'existe pas de Choura dans les causes pour lesquelles le Saint Coran ou la
Sunna ont fourni des prescriptions.
d - L'objectif de la Choura est une contribution constructive dans la prise
en charge des responsabilités pour l'intérêt de la Patrie,
En ce qui concerne l'application de la règle de la Choura dans le
Royaume, le Roi Abdulaziz lui a porté la plus grande attention. La première
étape dans la création de l'institution officielle de la Choura a été prise par le
Roi dans le discours qu'il prononça lors de son entrée à la Mecque en 1924:
«Les affaires de ce pays béni seront traitées par l'établissement de la Choura
entre les musulmans»99.
En 1926, un Conseil Consultatif (Majliss al Choura) a été institué à la
Mecque, constitué du député général, de son délégué, et de six membres
désignés par le Roi.100 L'une des plus importantes compétences de ce Conseil
fut l'établissement des organismes et des propositions de budget pour les
services gouvernementaux, l'accord sur les projets économiques, l'abandon de la
99
WAHBA, Hafez. La Péninsule arabique au 20è siècle. Le Caire, (1375 de l'hégire), p.266.
100
Journal Oum Al-Qura, numéro 90 (1345).
66
confiscation des biens fonciers et la convention avec les travailleurs étrangers.101
L'importance de la Choura apparaît très clairement sous le règne du Roi
Abdul Aziz. Dans son discours prononcé lors de l'inauguration du Conseil,
l'année 1349 de l'hégire, il déclarait: «J'ai ordonné qu'aucune loi et qu'aucun
règlement ne soient promulgués dans le pays avant que les députés généraux ne
vous aient exposé leurs projets et que vous ne les ayez corrigés en toute liberté
d'opinion, pour leur donner la forme qui convient au pays. Vous êtes, au sein de
ce service, libres dans la prescription de tout règlement, ou décision que vous
jugez utiles et conformes à l'intérêt du pays, à condition que vous n'entriez
pas en contradiction avec la Chari'a islamique»102
Le Roi Fahd Ibn Abdul Aziz a confirmé cette nouvelle réalité dans le
discours qu'il prononça lors de l'ouverture du Conseil, précisant que l'État
saoudien fut témoin de l'établissement du Conseil de la Choura, il y a déjà bien
longtemps, et que l'organisation nouvelle du Conseil, en 1992, qui implique
innovation et développement par rapport à ce qu'il fut, lui donne plus de
compétences et de vitalité. Les fondements sur lesquels reposent le Royaume
sont donc les suivants 103:
1 - Le Royaume est un État dogmatique dans le sens où la base de sa
constitution est un dogme et une conception de l'existence. Ce dogme exhaustif,
avec sa philosophie et son organisation, c'est l'Islam. Le Royaume d'Arabie
Saoudite, en tant qu'État islamique, invoque le dogme islamique, éduque son
peuple et les générations nouvelles en fonction de ce dogme. La politique
intérieure du Royaume découle de ce dogme dans sa législation, son
organisation, son enseignement et ses relations internationales.
2 - Le Royaume d'Arabie Saoudite est un État islamique. Il est
impossible de le qualifier d'État religieux ou laïc dans le sens que l'Occident
donne à ce terme. En effet, l'État religieux, dans l'histoire et la signification
101
Abdurrahman AL-CHAHOUB,: Le système constitutionnel dans le Royaume d'Arabie
Saoudite, pp. 233-248.
102
Aïd ALJAHANI, «le Conseil des ministres en le Royaume d'Arabie Saoudite», Riyad,
1984, p. 80.
Dr. Sulieman Al Houqeil Les droits de l’homme et leur application au royaume d’Arabie
saoudite. Riyad : Al Momtaz édition, 2001
103
67
occidentale, est gouverné, directement ou non, par des hommes religieux qui
assument le pouvoir ou investissent les dirigeants et les contrôlent.
Or, le
Royaume d'Arabie Saoudite est bien loin de ce type d'État, car il n'existe pas, en
son sein, de castes d'hommes religieux ayant des privilèges particuliers. Il n’y a
aucun pouvoir clérical pour la bonne raison qu’il n’existe pas de clergé dans
l’Islam sunnite. La cérémonie d'allégeance au Roi est faite par les puissants du
Royaume, par les théologiens (oulémas) et par le peuple.
Il est également impossible de décrire le Royaume comme étant un État
laïc. En effet, l'État laïc, dans l'histoire et l'acception européenne du terme,
signifie une séparation entre la religion et l'État. Cette séparation est
inacceptable pour le Royaume, car celui-ci est chargé d'établir la Chari'a de
l'Islam et ses règles morales, et d'œuvrer à l'établissement de ses principes et au
respect de ses limites dans l'ensemble des affaires intérieures et des relations
internationales.104
C’est donc l’ensemble de ces données qu’il faut prendre en compte si
l’on veut étudier sérieusement la position du Royaume d’Arabie Saoudite face
aux actes terroristes qui frappent le monde entier et n’épargnent pas même ses
sujets. Et l’analyse objective des fondements sur lesquels repose le Royaume et
des initiatives intérieures et internationales qu’il mène, tant du point de vue
religieux que du point de vue politique montrent clairement qu’il faut établir
une différence entre les groupes terroristes, d’une part,
et l’Islam, le
gouvernement et le peuple saoudien, d’autre part.
§2 Les dignitaires religieux saoudiens
Nous l’avons vu plus tôt, le Royaume d’Arabie combat le terrorisme à
tous les niveaux, y compris sur le terrain religieux en mettant en avant les écrits
et déclarations des instances religieuses officielles montrant le caractère illicite
des actes de terrorisme. Que ces actes visent des musulmans ou non musulmans
innocents. Pour exemple, nous reproduisons ici les points essentiels d’une des
104
Ibidem
68
fatwas les plus importantes émises par le Comité des Grands Savants, au cours
de sa cinquante-neuvième Assemblée générale en date du 10 août 2003 à Tâïf :
« Le Comité a abordé la question des récents attentats perpétrés dans le
Royaume d'Arabie Saoudite. Ces attentats ont causé la destruction, la mort de
personnes dont le sang est sacré, et engendré la terreur et l'instabilité. A aussi
été abordée la question de la découverte de caches d'armes et d'explosifs
dangereux, prêts à causer des destructions et à dévaster ce pays considéré
comme la citadelle de l'islam, là où se situe la terre sacrée. Or, ces dangereux
préparatifs à but criminel sont des actes destructeurs, et ils font partie de la
diffusion du mal sur terre; ils troublent l'ordre public, sèment la mort, détruisent
les propriétés privées et publiques, tout en exposant les intérêts de la
communauté musulmane aux plus grands dangers. […]
Sur la base de tout ce que nous avons cité, par souci du rappel de certains
principes, et pour prévenir toute négligence pouvant porter préjudice à la
sécurité du pays face aux dangers, l'Assemblée Générale se voit dans la
nécessité de clarifier les points suivants 105:
Premièrement : les actes de destruction et de désordre - qu'il s'agisse d'attentats
à la bombe, de meurtres ou de destruction de propriétés - constituent des actes
graves et criminels, une atteinte aux vies humaines sacrées, et une dilapidation
des biens protégés.
[Les auteurs de ces actes tombent donc sous le coup] des peines légales
dissuasives et exemplaires, ce qui n'est que la stricte application des textes
religieux -application qui en garantit la souveraineté - stipulant le caractère
illicite de la rébellion contre les dirigeants de la communauté musulmane à qui
Dieu a octroyé les rênes du pouvoir. […] Et quiconque prétend que ces actes
destructeurs, ces attentats à la bombe et ces meurtres sont une forme de Jihad
n'est rien d'autre qu'un ignorant égaré. En effet, ces actes n'ont rien avoir avec le
combat sur le sentier de Dieu.
Il apparaît donc –en se basant sur ce que nous avons cité - que les actes
perpétrés par les auteurs de ces attentats et leurs instigateurs ne sont rien d'autre
que désordre, destruction, et égarement manifeste. Il est donc du devoir de ces
gens de craindre Dieu, de revenir vers Lui repentants, de considérer les choses
105
La position de l’Arabie saoudite envers le terrorisme, al-Qimam multimédia, 2004
69
avec clairvoyance, et de ne pas répondre aveuglément aux devises et slogans
corrompus, scandés dans le but de diviser la communauté et de la pousser au
désordre. Ces slogans n'ont en réalité aucun lien avec la religion, et ne sont que
des tentatives de semer la confusion dans les esprits, menées par des ignorants
aux intentions subversives.
De plus, les textes religieux déclarent que les auteurs de tels actes doivent être
punis, intimidés et dissuadés d'agir de la sorte ; et il revient aux tribunaux de les
juger.
Deuxièmement : ceci ayant été clarifié, l'Assemblée Générale du Comité des
Grands Savants apporte son soutien aux efforts déployés par l'Etat à traquer ce
groupuscule, et à en identifier les membres, afin de protéger le pays et ses
habitants de leurs méfaits, de repousser les troubles menaçant les pays
musulmans et de protéger leur intégrité. Il est du devoir de tous de s'entraider
pour éradiquer ce danger, car ceci fait partie de l'entraide au bien et à la piété
que Dieu nous a ordonné de réaliser lorsqu'il dit :
« ... Entraidez-vous dans l'accomplissement des bonnes œuvres et de la piété et
ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression. Et craignez Dieu, car
Dieu est certes Dur en punition ! »106
L'Assemblée met par ailleurs en garde contre le fait de se rendre complice des
membres de ce groupuscule en refusant de les démasquer ou en leur accordant
refuge car ceci fait partie des péchés capitaux. Cet acte est concerné par le
caractère général de la parole du Prophète : « Que Dieu maudisse toute
personne protégeant un agitateur»107 . Les savants ont expliqué que le terme «
agitateur » dans ce hadith désigne toute personne semant le désordre sur terre.
Si donc telle est la menace pesant sur celui qui accorde refuge à ces gens-là, que
penser de ceux qui les aident ou encouragent leur démarche !
Troisièmement : l'Assemblée exhorte les hommes de science (islamique) à
remplir leur devoir, et à multiplier leurs efforts d'orientation des musulmans au
sujet de cette question grave, afin que la vérité apparaisse au grand jour.
Quatrièmement : l'Assemblée condamne les décrets religieux (Fatâwâ) et autres
avis émis çà et là, justifiant de tels actes criminels ou encourageant à en
perpétrer d'autres. En effet, de tels propos sont des plus graves et des plus
106
Sourate la Table Servie, verset 2.
107
Rapporté par Al-Bukhârî (n°6875) et Muslim (n°1978), dans leur recueil de hadiths
authentiques respectif.
70
condamnables. […] Les
autorités
ont l'obligation d'assigner en justice
quiconque émettrait un décret religieux (Fatwa) ou un avis de ce genre justifiant
de tels actes criminels, afin qu'il purge la peine prévue par la Loi - par souci
(des autorités) de porter le conseil sincère envers la communauté musulmane,
de se décharger de cette responsabilité imposée par Dieu, et de protéger la
religion.
D'autre part, il incombe à ceux à qui Dieu a accordé la science de mettre en
garde contre les vaines assertions, d'en dévoiler la fausseté et de clarifier leur
caractère mensonger. Il ne fait aucun doute que c'est là une des obligations les
plus impérieuses, et que cela fait partie du conseil sincère dû à Dieu, Son livre,
Son Prophète, les dirigeants musulmans et les croyants en général. Emettre de
telles fatwas est encore plus grave lorsqu'elles ont pour but d'ébranler la sécurité
et de semer la discorde et les troubles. Ces fatwas indiquent que leurs auteurs se
permettent de parler de la religion de Dieu sous l'effet de la passion et de
l'ignorance. En effet, elles cherchent à toucher la jeunesse naïve et inconsciente
de la réalité de telles fatwas, en semant la confusion dans les esprits à coup
d'arguments infondés, en essayant d'influencer de façon néfaste sur la
perception des choses et en faisant miroiter des objectifs faux […]
Cinquièmement : il est du devoir des autorités de mettre un terme aux
agissements de ceux qui portent atteinte à la religion et aux savants,
encouragent les gens à négliger les règles de la religion, et prennent à la légère
le fait de porter atteinte à cette dernière et à ses adeptes, tout en associant les
événements (terroristes mentionnés ci-dessus) à la religion et aux organisation
religieuses.
L'Assemblée Générale condamne d'ailleurs fermement les propos tenus par
certains écrivains qui prétendent que ces actes destructeurs prennent leur source
dans les programmes d'enseignement de l'Education Nationale (saoudiens). Elle
réprouve aussi avec vigueur le fait que certaines personnes profitent de ces
événements pour porter atteinte aux fondements de cet Etat (l'Arabie Saoudite),
fondé sur la croyance des Pieux Prédécesseurs (Salaf), et pour ternir l'image du
mouvement de réforme mené par Cheikh Al-Islâm Muhammad Ibn AbdulWahhâb.
Sixièmement : la religion islamique compte parmi ses principes l'ordre de rester
unis, et Dieu a rendu cela obligatoire dans Son Livre (le Coran) en interdisant la
71
division et l'esprit partisan. Dieu dit : « Et
accrochez-vous tous
ensemble
fermement au "Habl" (câble) de Dieu et ne soyez pas divisés... »108 et « Ceux
qui fragmentent leur religion et se divisent en sectes, de ceux-là tu n'es
responsable en rien. »109
Dieu a donc désolidarisé Son messager de ceux qui ont divisé leur religion, en
ont fait des partis et se sont formés en groupuscules. Ceci indique donc le
caractère illicite de la division qui fait partie des péchés capitaux. Et on sait par
nécessité religieuse qu'il est obligatoire de se lier au groupe et d'obéir à ceux qui
dirigent les musulmans tant qu'ils invitent à l'obéissance de Dieu. Dieu dit : « Ô
les croyants ! Obéissez à Dieu, et obéissez au Messager et à ceux d'entre vous
qui détiennent le commandement... »110 D'après Abu Hurayrah, le Messager de
Dieu a dit : « Tu dois d'écouter et obéir [au dirigeant musulman] dans l'aisance
ou dans l'adversité, de ton plein gré ou contre ta volonté.»111 Abu Hurayrah
rapporte aussi que le Messager de Dieu a dit: « Quiconque m'obéit obéit à Dieu,
et quiconque me désobéit, désobéit à Dieu. Quiconque obéit au chef de
l'autorité, m'obéit Et quiconque désobéit au chef de l'autorité me désobéit. »112
L'obligation d'écouter et d'obéir à l'autorité en place est la voie qu'ont suivie les
Pieux Prédécesseurs qui sont les Compagnons et ceux qui ont suivi leur
exemple.
Sur la base de ce que nous avons cité, l'Assemblée Générale met en garde
contre ceux qui sont apparus de nos jours et qui mènent vers l'égarement, les
troubles et la division. Ils ont faussé la perception qu'ont les musulmans des
choses, et les ont incités à désobéir et à se soulever contre l'autorité en place, ce
qui est une des plus graves transgressions. […]
Une fois de plus, il est nécessaire de souligner l'importance de se rallier aux
autorités dirigeantes de ce pays et à ses savants ; ceci est d'autant plus important
dans de telles situations de troubles… »
108
Sourate la Famille d'Imrân verset 103.
109
Sourate les Bestiaux, verset 159.
110
Sourate les Femmes, verset 59.
111
Rapporté par Muslim dans son recueil de hadiths authentiques (n°1836).
112
Rapporté par Al-Bukhârî (n°2797) et Muslim (n°1835), dans leur recueil de hadiths
authentiques respectif.
72
Les fatwas des savants saoudiens dénonçant les actes de terrorisme et les
attentats suicides sont très nombreuses. Il est possible de résumer leurs idées par
les points suivants113 :
- le terrorisme est en contradiction avec les enseignements de l'Islam ;
-
Tuer des gens pour des crimes qu'ils n'ont pas commis constitue de
l'injustice flagrante ;
-
Le terrorisme est une forme de désordre et de corruption sur terre
que l'Islam réprouve ;
-
Il s'apparente au banditisme de grand chemin qui est sanctionné par
l'islam de la manière la plus sévère ;
-
L'Islam est venu pour préserver les cinq choses essentielles : la
religion, la vie, l'honneur, les biens et la raison, alors que le terrorisme y
porte atteinte ;
-
Le terrorisme est une forme de rébellion contre le pouvoir en place,
et l'islam interdit la révolte contre les dirigeants ;
Beaucoup d'autres arguments encore le terrorisme va à l'encontre des
enseignements de l'Islam. Tous ces principes démontrent donc que le terrorisme
est une notion complètement étrangère à l'Islam. Ils affirment également avec
force le lien puissant qui doit exister entre les gouverneurs et les gouvernés,
dénonçant ainsi toute forme de rébellion contre le pouvoir en place, que cette
rébellion soit verbale ou armée. C’est donc cette vision que mettent en avant les
autorités saoudiennes qui, en même temps, bannissent ceux qui ont une
interprétation erronée et fanatique. Ce qui explique l’exode des dissidents
saoudiens et leur exploitation à outrance des chaînes satellitaires pour continuer
à toucher l’opinion publique saoudienne.
113
AL-QAHTANI, Ce que disent les savants de l'islam au sujet du terrorisme. Riyad : éditions
Anas, 2004.
73
Section 2 : Un pays en mouvement
Le Royaume, comme d’autres pays du Golfe arabe, est aujourd’hui en
pleine mutation. Les réformes successives et l’ouverture massive du marché
saoudien aux partenaires internationaux contribuent à modifier la société en
profondeur. Ces bouleversements sont parfois provoqués et parfois subis, et le
gouvernement doit s’attacher à canaliser l’ensemble des forces constructives ou
destructives à l’œuvre dans le Royaume de façon à éviter tout bouleversement
trop brusque de la société. Il faut ainsi multiplier les efforts pour expliciter et
canaliser.
§1- La position saoudienne sur le plan international
Le Roi Abdul Aziz et ses successeurs ont œuvré pour l'établissement de
bonnes relations avec le reste du monde en vertu du principe fondamental qui
est la non ingérence dans les affaires des autres États, et le refus de toute
intervention dans les affaires du Royaume, sous quelque prétexte que ce soit.
En ce qui touche la question du terrorisme, il est possible de préciser les
principaux objectifs de la politique étrangère du Royaume comme suit114 :
1- Le refus de toute ingérence dans les affaires intérieures des autres
États et le refus de toute intervention des autres Etats
saoudiennes, compte tenu du principe de la
dans les affaires
souveraineté nationale et des
principes du droit international.
2- La concentration sur le développement intérieur et l'utilisation du
facteur de la stabilité pour l'intérêt du rôle saoudien sur le plan international.
3- Le refus de toute politique d'alignement et de tout ce qui est néfaste à
une politique arabe et islamique.
4- Mettre la réputation du Royaume et son statut international
service de la cause arabe et islamique.
114
Abdallah Sa'oud AL-QABA' : «La politique étrangère saoudienne», p. 90
74
au
5- La confirmation de l’indépendance du Royaume et de son autonomie
quant à la prise des décisions dans les relations internationales.
6- L'insistance sur le principe de collaboration et de responsabilité
internationale,
face
aux problèmes
mondiaux
économiques, politiques,
sociaux et culturels.
7 - La valorisation de l'expression de la solidarité islamique
8 - La confirmation du rôle du Royaume et du caractère unique qui est le
sien pour guider le monde musulman, compte tenu de ses responsabilités [vis-àvis de l’ensemble de la Communauté musulmane].
9 - L'ouverture au monde dans un esprit confiant et positif
10- Œuvrer, à travers le Conseil de Coopération des États du Golfe, à la
sauvegarde de la sécurité et de la stabilité dans la région, et au raffermissement
de la complémentarité des points de vue entre les États du Conseil.
11-L'insistance
palestinien de façon à
sur l'importance
de la résolution
du problème
réaliser les aspirations et les espoirs du peuple
palestinien et garantir ses droits légitimes rappelés par les décisions des Nations
Unies.
12- La poursuite d'une politique pétrolière équilibrée prenant en
considération les intérêts du producteur et du consommateur dans le monde et le
souci de ne pas créer une crise économique mondiale
14-Une attitude plus audacieuse et plus dynamique face aux problèmes
internationaux, le Royaume n'acceptant pas son cantonnement dans un rôle
d'observateur des événements. Sa position a d'ailleurs évolué d'un rôle
d'observateur à un rôle de médiateur, puis de ce rôle de médiateur à un rôle de
partenaire et du rôle de partenaire à un rôle de direction et de conseil.
Le roi Fahd Ibn Abdulaziz, a défini les traits caractéristiques de la
politique intérieure et extérieure du Royaume en disant : «Les objectifs du
Royaume sont d'œuvrer à l’enracinement des piliers de la Chari'a divine, et au
75
respect de celle-ci dans l'ensemble des affaires. Ensuite, son objectif est d'utiliser
l'ensemble des ressources dont Dieu nous a gratifié, et de consacrer tous nos
efforts à la réalisation d'un développement aussi global que possible. La
politique du Royaume a, heureusement, été établie sur
des
principes
inamovibles dont la modification est impossible. Et je ne me souviens pas
d'un seul jour où le Royaume ait cherché à créer des problèmes à qui que ce
soit. Bien au contraire, le Royaume soutient et aide les États amis, sans que
cette aide soit une faveur, et, en même temps, nous ne permettons pas, à qui
que ce soit, l'ingérence dans nos affaires»115.
Le Royaume cherche donc à jouer un rôle de tout premier plan au niveau
international. Cette position non passive lui permet d’apparaître comme un
partenaire incontournable sur toutes les questions touchant à l’Islam et aux pays
arabo-musulmans. Le Royaume profite de cette position pour promotionner sa
vision du monde et de l’islam. Ainsi, concernant la question terroriste, l’Arabie
saoudite affirme par tous les moyens : conférences, brochures, chaînes
satellitaires… que le terrorisme n’a rien à voir avec l’Islam et le Royaume.
En organisant, le 5 février 2005, une conférence internationale sur les
moyens de lutte contre le terrorisme, le Royaume a réaffirmé son rejet total du
terrorisme, qui est répudié par toutes les personnes douées de raison et que
toutes les religions proclament illégal. Cette conférence a fixé de grands
objectifs:
1.
Eclairer les concepts du terrorisme et ses causes, les
développements historiques, intellectuels, et culturels qui nourrissent les racines
du terrorisme dans les sociétés.
2.
Montrer les relations entre le terrorisme et le blanchissage de la
monnaie, la contrebande des armes et la contrebande des drogues.
3.
Etudier précisément les aspects organisationnels des organisations
des terrorismes, leurs formations, et leurs méthodes du travail afin de mieux les
combattre.
115
Abdallah Saoud AL-QABA' : «La politique étrangère saoudienne», p. 16.
76
4.
Présenter les expériences et efforts des pays participants et des
organisations internationales dans le contexte du contre-terrorisme et des
échanges des informations et expériences.
5.
Arriver à des résultats et suggestions pratiques afin de renforcer les
efforts internationaux du contre-terrorisme.
Lors de son discours lors la séance inaugurale de la Conférence
internationale pour la lutte contre le terrorisme, le Prince Héritier Abdallah ben
Abdul Aziz Al Saoud a proposé la création d’un Centre de coopération pour la
lutte contre le terrorisme. Il doit être souligné qu’un grand nombre de
délégations participantes ont exprimé leur support à cette idée, qui a été insérée
dans la déclaration de Riyad et dans les recommandations des équipes de travail
de la dite Conférence.
Par ailleurs, le Royaume d’Arabie Saoudite a rendu publique une liste
de propositions initiales portant sur la création d’un Centre international pour la
lutte contre le terrorisme qui assurera le développement d’un mécanisme sur
l’échange de formation et des expériences entre les différents pays dans le
domaine de la lutte contre le terrorisme. Il pourrait également jouer le rôle de
lien entre les centres nationaux sur la lutte contre le terrorisme, grâce à une
base de données capables de fournir dans de brefs délais l’information possible,
prenant en considération que la lutte contre le terrorisme devrait être conçu
comme un effort collectif qui nécessite un maximum de coopération et de
coordination entre les pays du monde ainsi qu’une parfaite collaboration pour
l’échange immédiat d’informations relatives à la sécurité et au renseignement
entre les spécialistes.116
Kofi Annan, le Secrétaire général des Nations Unies, a pu déclarer lors
de la Conférence internationale pour la lutte contre le terrorisme : « Ceux qui
affirment à tort que l'Islam préconise le meurtre d'innocents ternissent l'image
de cette riche et ancienne religion. Ils nuisent aussi à des causes légitimes chères
au cœur de nombreux Musulmans. Les gouvernements et les responsables
religieux du monde islamique doivent donc veiller à clamer bien haut leur
condamnation du terrorisme, chez eux et ailleurs. »
116
Site du ministère des affaires étrangère saoudien : http://www.ctic.org.sa/french.asp
77
Et c’est ce à quoi s’emploient les dirigeants du Royaume en développant
leurs relations avec l’ensemble des partenaires internationaux et en exposant
clairement aux divers partenaires la position de l’Islam et du Royaume vis-à-vis
des actes terroristes.
§2- Faire triompher les réformes pour désarmer la propagande
terroriste.
En même temps, les dirigeants du Royaume sont convaincus que la
progression des réformes permettra de désarmer la propagande extrémiste.
Mais, ils sont également conscients du fait que des réformes trop brusques ou
irréfléchies feraient plus de mal que de bien. En effet,
l'Arabie Saoudite
présente encore le profil d’une société conservatrice où la religion joue un rôle
central dans l'élaboration des discours politiques des dirigeants autant que des
opposants, et constitue un puissant levier de légitimation. Dans un rapport de
l’International Crisis Group117, il est mis en exergue que les réformes doivent
faire l’objet d’une étude détaillée et appropriée à la réalité du pays de façon à ne
pas provoquer des mouvements de crispation qui pourraient être utilisés par les
extrémistes. De nombreux experts internationaux soulignent le fait que des
réformes imposées ou dictées par les Occidentaux seraient très mal perçues et
que les réformes doivent au contraire correspondre aux attentes des Saoudiens
et respecter la spécificité du pays et de sa société. 118 Comme le Roi Abdallah l’a
souligné :
« la démocratie et la réforme ne sauraient être imposées de
l’extérieur. Elles doivent émaner du peuple. Quelqu’un vous a-t-il imposé vos
propres réformes ? »119.
Le 9 février 2003, le New York Times rapportait une déclaration du Roi
Abdallah, alors Prince héritier : « N'est-il pas plus opportun de faire ces
réformes dès maintenant avant que je ne sois contraint à les faire plus tard ? »
117
International Crisis Group, Rapport Moyen-Orient n° 28, 14 juillet 2004
Voir, par exemple, SAINT-PROT Charles et El T IBI Zeina (direction). L’Arabie saoudite à
l’épreuve des temps modernes. Paris, Observatoire d’études géopolitiques- Etudes géopolitiques
3, 2004
118
119
Interview dans le journal Le Monde, 13 avril 2005
78
Le même quotidien américain, connu pour sa connaissance des affaires internes
du royaume, avait publié une enquête, qui a fait sensation, sur une réunion
élargie qui avait eu lieu vers la fin de 2002 et à laquelle avaient participé tous
les dirigeants qui comptent dans le royaume. Le conclave a débouché sur trois
constats majeurs
1- La réforme n'est plus une simple option mais elle est désormais une
obligation, une nécessité vitale ;
2- Pour que cette réforme soit possible, il est impératif de demander aux
Etats-Unis qu'ils retirent leurs forces armées de la Péninsule, seule mesure
susceptible d'affaiblir les fondamentalistes islamiques en cas de tenue
d'élections à quelque échelon que ce soit ;
3- Il ne faut pas que les réformes apparaissent comme soumission à une
pression américaine quelconque ou comme anticipation des conséquences de
l'invasion américaine de l'Irak, dont l'un des objectifs annoncés serait de
changer la plupart des régimes arabes.
Fin janvier 2003, une centaine de personnalités saoudiennes ont signé un
mémorandum intitulé « Regard sur le présent et l'avenir du pays ». Ce texte
comporte une série de réformes engagées par le Roi, essentiellement axées sur
les questions de politique intérieure et visant à lutter contre la détérioration des
services publics, l'augmentation du chômage, l'aggravation de la dette publique
(estimée à 250 milliards de dollars), l'insécurité et la violence.
Sur le plan politique, les réformes ont commencé dès 1992. La
principale réforme fut l’institution d'un Conseil consultatif (majlis al choura) et
de conseils régionaux. Depuis cette date, les compétences du Conseil consultatif
–qui est une sorte de parlement- se sont élargies. Il en est de même des conseils
régionaux, qui dirigent les provinces, et ceux-ci se sont vus allouer par l'État des
budgets régionaux autonomes, en 2003. En outre, en 2005, des conseils
municipaux ont été élus en partie au suffrage universel. Toutes ces institutions
ont pour objet de rapprocher les citoyens des centres de décisions concernant
leur vie quotidienne. L’objectif est la mise en place de moyens susceptibles de
renforcer le contrat social entre gouvernants et gouvernés, la consolidation du
79
front intérieur et de l’unité nationale, l'affirmation du rôle de l'Etat et de la
société dans la propagation de la culture des droits de l'homme tels qu'ils sont
prescrits par la loi islamique.
Alors que les évolutions se faisaient à un rythme lent, les attentats du 11
septembre 2001 et les violentes attaques lancées contre le Royaume ont
provoqué une « union sacrée » à l’intérieur du pays. Ils ont contribué à accélérer
le processus en même temps que des intellectuels réagissaient en proposant un
débat public sur l’avenir du pays. Le 29 avril 2005, était rédigé un texte par 153
intellectuels –hommes et femmes, islamistes et libéraux-, intitulé « Comment
cohabiter ». Il répondait à une critique émise par soixante intellectuels
américains. Ce manifeste traite de la garantie des droits des citoyens, de ceux
des minorités, ainsi que des droits des femmes. Le ministre de la défense, le
prince Sultan, est également intervenu dans le débat. Il a déclaré qu’il fallait
réformer le système éducatif du Royaume afin qu’il soit plus en phase avec son
temps, avec le marché du travail et il a prôné la modération tout en consolidant
les valeurs musulmanes. Le prince Turki al-Faysal, l’ambassadeur actuel du
royaume aux Etats-Unis, avait déclaré, dans un article publié par le quotidien
saoudien basé à Londres, al-Charq al-Awsat, que « réformer le royaume n’était
pas un choix mais une nécessité ». Le roi Fahd a tenu à s’engager lui-même en
faveur du processus en cours dans un discours, prononcé en mai 2003, où il
était question « d’un processus de changements gradués dans le respect de
l’Islam ».
Il faut également souligner l’importante initiative de mettre en place un
dialogue national. Zeina el Tibi précise : « Avec l’appui de nombreux
intellectuels, le Prince héritier Abdallah a pris l’initiative d’instituer une série de
rencontres visant à débattre des grands problèmes de société du pays. Il a
souligné que le dialogue est nécessaire pour garder une cohésion nationale,
être au service de la religion, de la société et de la nation. L’objectif est de
traiter de tous les sujets qui intéressent l’avenir de la société et de la nation. La
première des ces Rencontres nationales pour le dialogue s’est tenue en juin 2003
à Riad, sur le thème des réformes[…]A l’issue de la première rencontre, le
Prince Abdallah a décidé d’instituer ce processus
par
la création d’une
structure nationale nommée «Centre du Roi Abdelaziz pour le dialogue
80
national», dont les prérogatives consistent à promouvoir le dialogue entre les
diverses tendances intellectuelles saoudiennes sur les questions qui les opposent
ou les divisent et qui intéressent l’avenir du pays, dans un monde en pleine
mutation »120. Les défis ne concernent pas seulement le plan politique, mais
également le plan économique et social. La mise en oeuvre des réformes est
indispensable pour l’avenir de l’économie du pays. Il s’agit de rendre plus
performant le système éducatif, notamment pour ce qui concerne la formation
professionnelle. Il s’agit également de réduire les dépenses de l’État, de sortir
d’un système dépendant pratiquement totalement du pétrole, de développer le
secteur privé. En résumé, l’objectif est de construire une économie nouvelle,
moins dépendante des hydrocarbures et créatrice d’emplois. C’est dans cet
esprit que de nouveaux secteurs sont en développement, par exemple le
tourisme, les services.
De plus, l’adoption de la loi sur les investissements étrangers, en avril
2000, a favorisé l’ouverture du Royaume et la liste des secteurs fermés aux
investissements directs étrangers a été revue en février 2005. Les contraintes
sont désormais moins fortes et le pays plus attractif.
Toutes ces réformes ont un but commun qui est de désamorcer une
situation sociale difficile liée à l’évolution rapide du mode de vie, à l’explosion
démographique et au nécessaire passage d’une économie de rente pétrolière à
une économie tournée vers la production et la création d’emplois. Après avoir
connu une période faste, le pays a dû s’adapter à la situation nouvelle moins
favorable et engendrant des insatisfactions au sein de la population, en même
temps qu’il devait s’adapter à la nouvelle donne géopolitique et à la méfiance
accrue du peuple à l’égard des Etats-Unis. Tout est donc lié. La réorganisation
de la société et de l’économie vise à redynamiser le tissu social .
El TIBI Zeina. Le dialogue national. L’Arabie saoudite à l’épreuve des temps modernes.
Paris, Observatoire d’études géopolitiques- Etudes géopolitiques 3, 2004
120
81
Conclusion
Contrairement à ce qu’affirment certains analystes, la situation de
l’Arabie saoudite n’est pas dangereuse. Le pays n’est pas au bord du chaos. Les
terroristes, les extrémistes activistes et leurs sympathisants sont une minorité.
Il est clair que la société saoudienne est globalement attachée à la lutte contre le
terrorisme et apporte son soutien au gouvernement et aux forces sécuritaire.
Sur ce plan, les efforts doivent se poursuivre. S’il ne fait pas de doute que les
services de renseignement au ministère de l’intérieur saoudien ont rempli leur
mission, les forces spécialisées dans la neutralisation des groupes terroristes
ont encore besoin d’une coordination plus efficace et de plus d’expérience
ou de formation.
Si le Royaume d’Arabie saoudite subit des attaques terroristes, il semble
que ce ne soit pas là le danger le plus important pour sa stabilité dans la mesure
où l’expérience montre maintenant qu’il est en mesure de réduire le problème.
La principale préoccupation est la malveillance dont font preuve certains
milieux à son encontre. Bien que les différentes enquêtes internationales aient
totalement innocenté le Royaume, ce dernier subit une véritable campagne de
propagande médiatique menée par des groupes et individus qui cherchent à le
discréditer vis-à-vis de l'opinion publique mondiale. Parallèlement, plusieurs
voix se font entendre dans le monde pour prétendre que l’Arabie est à la source
de l’extrémisme et qu’il faudrait pratiquer une refonte totale du pays : sociale,
politique, religieuse et culturelle. Le risque serait que certains veuillent dicter au
pays ce qu’il doit faire ou, pire encore, imaginent de modifier ses structure
socio-politiques.
Dans le contexte actuel, le plus grand danger serait que le gouvernement
saoudien soit soumis à des diktats ou des pressions étrangères que la population
n’aurait pas admises. Mais, en même temps, il fallait relever le défi des
réformes qui sont souhaitées par le plus grand nombre, étant précisé que ces
réformes ne sont pas celles qu’imaginent quelques cercles occidentaux mais
celles qui relèvent des aspirations des Saoudiens eux-mêmes. Il faut également
82
s’employer à diffuser une autre image de la population et de la culture du pays,
plus en adéquation avec la réalité. Un fort signe d’ouverture est donné par le
nombre d’étudiants saoudiens envoyés à l’étranger, surtout en Occident, pour se
former aux techniques modernes. A ce titre lors de ma rencontre en décembre
2005 avec L’ambassadeur du Royaume d’Arabie saoudite à Paris, ce dernier a
pu constater que cet échange culturel, traduit l’ouverture et le
bon
fonctionnement du système éducatif saoudien et la volonté du Royaume de
permettre à ses jeunes de créer des liens avec le reste du monde.
Faisant preuve d’un grand pragmatisme, le gouvernement a entrepris de
prendre en compte ces différents paramètres et il s’est engagé dans une action
réformatrice qui est d’ailleurs conforme à la tradition de la monarchie
saoudienne.
Enfin, si le peuple saoudien apporte son soutien à la lutte contre le
terrorisme, il est également sensible au fait que des injustices ont pu être
commises au nom de la lutte légitime contre ce fléau. Par exemple, les
Saoudiens perçoivent mal le fait qu’un certain nombre de ressortissants du
Royaume soient détenus à Guantanamo alors même que la forte majorité
d’entre eux n’ont aucune implication dans le terrorisme et dans le groupuscule
d’al Qaïda. En effet, il est notoire que certains de ces jeunes gens étaient partis
pour des missions
humanitaires en Afghanistan et ont été purement et
simplement raflés par les soldats américains puis envoyés en détention à
Guantanamo. La meilleure preuve de leur innocence est que certains ont été
libérés. Le peuple saoudien exige la libération immédiate
des détenus non
impliqués dans des actes terroristes et un jugement équitable et transparent pour
les autres. La relation des exactions commises à Guantanamo et l’opacité sur
ces détentions contribuent à alimenter la colère. On peut se demander si cette
situation de non-droit ne pourrait engendrer de nouveaux actes terroristes à
l’avenir?
83
BIBLIOGRAPHIE
1. ouvrages
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Algérie,
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www.un.org/french/docs/sc/committees/1373/
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TABLES DES MATIERES
INTRODUCTION ............................................................................................... 2
PREMIERE PARTIE : LE PHENOMENE DU TERRORISME .................. 5
CHAPITRE 1 : QU’EST-CE QUE LE TERRORISME ? ............................................................................................ 6
Section 1 : Un phénomène polymorphe. ...................................................................................................... 6
§1 - Une définition du terrorisme. ............................................................................................................................ 8
a) Définition dans le monde musulman. .............................................................................................................. 8
b) Définitions occidentales. ................................................................................................................................ 11
§2 - Les causes du terrorisme. ................................................................................................................................ 14
a) Les causes internes. ....................................................................................................................................... 15
b) Les causes externes. ....................................................................................................................................... 17
Section 2 : Le 11 septembre 2001 et la construction d’un mythe ...............................................................20
§1 - Le coup de tonnerre du 11 septembre 2001 ................................................................................................... 20
§2- Une instrumentalisation du terrorisme ........................................................................................................... 22
§3- Un jeu de dupes ? .............................................................................................................................................. 25
CHAPITRE 2 : L'ARABIE SAOUDITE ACCUSEE .................................................................................................28
Section 1 : Les accusations..........................................................................................................................28
§1- Des mots pris en otage : « salafisme », « djihad », « wahhabisme » .............................................................. 28
a) Le Salafisme ................................................................................................................................................... 29
b) Le Djihad ....................................................................................................................................................... 32
c) Le « Wahhabisme » ....................................................................................................................................... 34
§2- Pourquoi l'Arabie saoudite est-elle accusée ? ................................................................................................. 37
Section 2 : Al-Qaïda : vecteur du terrorisme en Arabie saoudite .............................................................40
§1- Qu’est-ce que Al-Qaïda ? .................................................................................................................................. 40
§2- Le gouvernement saoudien et Al-Qaïda .......................................................................................................... 44
DEUXIEME PARTIE : L’ARABIE SAOUDITE ET LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME ......................................................................... 48
CHAPITRE 1 : L’ARABIE SAOUDITE VICTIME DU TERRORISME ......................................................................48
Section 1 : Les attentats contre l’Arabie saoudite ......................................................................................49
§1- Les attentats ...................................................................................................................................................... 49
§2- le combat anti-terroriste ................................................................................................................................... 52
Section 2 : La réponse au défi terroriste .....................................................................................................55
§1- La réaction du peuple saoudien ...................................................................................................................... 55
§2- Les solutions .................................................................................................................................................... 57
CHAPITRE 2 : CONCEPTION SAOUDIENNE DU TERRORISME ...........................................................................62
Section 1 : L’Islam et le terrorisme .............................................................................................................62
§1- L’Islam à la base de la Constitution saoudienne condamne le terrorisme ................................................... 63
§2 Les dignitaires religieux saoudiens ................................................................................................................... 68
Section 2 : Un pays en mouvement .............................................................................................................74
§1- La position saoudienne sur le plan international .......................................................................................... 74
§2- Faire triompher les réformes pour désarmer la propagande terroriste. ..................................................... 78
CONCLUSION .................................................................................................. 82
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 84
90
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