INT/SUB/2851 FORUM DE L'OMC Bonjour, et bienvenue au Forum de l'OMC. On estime que chaque dollar investi dans le renforcement des capacités commerciales des pays en développement rapporte 42 dollars en exportations. À l'évidence, les pays en développement qui n'ont pas une capacité commerciale suffisante – qu'il s'agisse de l'infrastructure, du savoir-faire nécessaire pour fonctionner dans le système ou de la capacité de production elle-même –, ont besoin de cet investissement pour pouvoir participer pleinement à l'économie mondiale. Alors, comment faut-il s'y prendre? En 2005, les ministres ont lancé l'Initiative Aide pour le commerce. Depuis cette initiative, lancée à la conférence ministérielle de Hong Kong, nous avons enregistré des chiffres tout à fait remarquables. Les engagements des donateurs ont augmenté de 60 pour cent, et ils atteignent maintenant 40 milliards de dollars EU, ce qui est considérable. Mais la question est de savoir si ces chiffres se traduisent véritablement par un accroissement des flux commerciaux, une réduction de la pauvreté et une meilleure intégration des pays en développement dans le système commercial mondial? Nous avons la chance d'avoir parmi nous aujourd'hui deux hommes qui peuvent répondre à ces questions: le Vice-Ministre de l'économie d'El Salvador, M. Mario Roger Hernández et le Directeur du développement et des accords de partenariat économique à la Commission européenne, M. Peter Thompson. Messieurs, bienvenue. Mario, commençons par vous. Votre avis. Mario Roger Hernández Merci pour votre invitation, Keith. C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui. Comme vous venez de le dire, l'Initiative Aide pour le commerce est très importante pour tous les pays (en particulier pour les pays intermédiaires et les pays moins avancés) parce qu'elle vise à renforcer leurs capacités commerciales, ce qui est très important pour tirer parti du libre-échange et des marchés et pour rendre le commerce possible pour les différents secteurs de l'économie. Un élément important dans nos économies est qu'il y a plusieurs secteurs qui ont besoin d'une certaine capacité pour s'intégrer au marché mondial et participer à la mondialisation. En ce sens, l'Aide pour le commerce est très importante pour permettre l'accès aux marchés extérieurs et pour renforcer les secteurs productifs et exportateurs, qui sont très importants pour mettre des produits sur le marché mondial. Mais pour moi, une chose est très claire, c'est que, pour renforcer les capacités commerciales, il faut développer le capital humain et aussi les institutions qui sont très importantes car elles constituent en quelque sorte le fondement sur lequel on peut établir une relation commerciale solide avec les autres pays. Alors le capital, les institutions sont vraiment très importants. Ce matin, nous parlions de la nécessité de modifier non seulement le logiciel du libre-échange mais aussi le matériel, qui est lié à l'environnement, l'infrastructure et d'autres aspects du commerce intimement liés aux échanges mondiaux. En ce sens, je pense que l'Aide pour le commerce est importante, mais nous devons aller vers une Aide pour le commerce plus "efficace" et plus "ciblée", axée, par exemple, sur les femmes et les petites et moyennes entreprises, ce qui est pour moi l'un des objectifs en termes de commerce pour les prochaines années. Keith Rockwell Peter, l'Aide pour le commerce donne-t-elle des résultats? -2- Peter Thompson Je vais vous faire part de mon propre point de vue. Je suis chargé des accords de partenariat économique, et, là, nous avons affaire à des groupes de pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Au cours de la table-ronde de ce matin, à laquelle j'ai eu la chance de participer avec Mario, nous avons parlé des Caraïbes. Là-bas, il y a maintenant un accord. Seize pays travaillent maintenant ensemble pour relever le défi de l'intégration dans l'économie mondiale et le défi de la coopération. En fait, la République dominicaine et la CARICOM ont des positions assez différentes et il est important aussi de les faire travailler ensemble. Un accord de partenariat économique innovant, signé en 2008, favorise l'intégration régionale et la libéralisation intelligente du commerce des marchandises et des services; il établit des règles concernant les marchés publics, la propriété intellectuelle, la gouvernance économique, les domaines liés au tourisme qui sont des éléments essentiels, et prévoit un soutien au développement. À mon avis, pour évaluer l'efficacité, il faut voir d'abord si ce soutien aide à négocier un accord et ensuite, une fois l'accord négocié, s'il l'aide à le mettre en œuvre parce que c'est le tout qui nous intéresse. Vous posez donc, je crois, une question simple et directe: "Quelle est l'efficacité de l'Aide pour le commerce? Dans quelle mesure contribue-t-elle à l'augmentation du commerce?" C'est une bonne question qui mérite toute notre attention. Je pense qu'on procède un peu comme dans un jeu de construction, par étapes. On se demande d'abord dans quelle mesure cela aide à négocier. Puis, une fois la négociation achevée, dans quelle mesure cela aide les pays à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la stratégie de développement globale et pas seulement pour obtenir un ou deux points de pourcentage ou une caisse de bananes de plus. Je pense qu'à l'heure actuelle, nous sommes plus microcentrés mais à long terme, nous devrons suivre la voie que vous demandez. Keith Rockwell Je suis frappé par quelque chose que vous avez dit tous les deux, à savoir que, en fait, il est très important d'améliorer le savoir-faire, la formation. Vous avez tendance à mettre l'accent, peut-être comme les journalistes et peut-être comme nous aussi de temps à autre, sur les questions majeures comme l'infrastructure et la capacité de production, mais la formation est aussi un élément essentiel, n'est-ce pas Mario? Mario Roger Hernández Pour nous comme pour de nombreux pays, le capital humain est évidemment essentiel pour faire la différence. Je suppose que l'un des buts de l'Aide pour le commerce est de renforcer le capital humain car, en fin de compte, le capital humain, notre population, constitue la base du commerce. Comment accroître la capacité commerciale des nombreuses populations qui n'ont pas les moyens de s'intégrer dans la mondialisation? Il est très important que les pays puissent renforcer cette capacité grâce à la coopération internationale et à l'Aide pour le commerce. En effet, de nombreux pays, surtout les pays intermédiaires, les pays les moins avancés et les pays en développement, n'ont pas de ressources à consacrer au capital humain. Alors, pour obtenir des résultats, il faut accroître cette capacité. Pour moi, le capital humain est assurément un élément essentiel pour changer les choses en termes de compétitivité et d'innovation. C'est ce qui détermine la tendance aujourd'hui. Le seul moyen de suivre cette tendance, c'est d'accroître la capacité d'améliorer les choses en termes de capital humain. Keith Rockwell Vous êtes d'accord Peter? -3- Peter Thompson Oui, je suis tout à fait d'accord avec ce que dit Mario, mais j'ajouterais qu'un accord commercial crée de nouveaux défis. Le Chili, par exemple, a déjà mené beaucoup de négociations. Il est déjà arrivé à un certain degré d'intégration dans l'économie mondiale. Un accord de plus ne va guère changer les choses. Mais si le pays n'est pas bien intégré dans l'économie mondiale, s'il s'agit de petits pays confrontés à toutes sortes de difficultés, il faut faire face à la fois au changement de place dans l'économie et à l'accord passé avec l'UE ou les États-Unis, ou tout autre pays. Cela suppose un ajustement. Cela veut dire qu'il faut revenir au niveau des gens, comme Mario le dit, et identifier ce qu'ils ont besoin de savoir pour relever les prochains défis, ceux du siècle présent, et non ceux du siècle passé. Par exemple, il est clair que les Caraïbes sont de gros fournisseurs de produits naturels à l'UE, qu'il s'agisse de sucre ou de bananes ou d'autres produits. Ce qu'ils disent maintenant c'est: nous avons aussi du rhum et nous voulons pouvoir en tirer une valeur ajoutée, nous voulons lui donner une meilleure image de marque, donc nous avons besoin de comprendre les droits de propriété intellectuelle, nous voulons comprendre d'autres aspects. Ainsi, nous cherchons sans cesse des moyens d'aider les gens à changer, à évoluer et à travailler dans un secteur de l'économie qui génère de la valeur ajoutée. Keith Rockwell Mario, vos dernières réflexions. Mario Roger Hernández Ma dernière réflexion est que nous sommes à une époque très intéressante en termes de commerce, où les pays développés ou en développement ont de grands défis à relever et ont, à mon avis, une immense responsabilité car ils doivent produire des résultats. Il ne s'agit pas d'aide publique pour le commerce mais c'est l'Initiative Aide pour le commerce qui doit répondre aux besoins des différents secteurs de l'économie, et il s'agit d'obtenir des résultats ciblés et d'essayer de changer les choses, de promouvoir le changement, la transformation de nos économies. Le commerce mondial joue un rôle très important dans la création de richesse et l'accroissement des revenus des pays. Mais nous devons en assumer la responsabilité, et ce, avec sérieux, et je pense qu'il est possible d'accroître le commerce mondial dans l'intérêt de nos pays. Keith Rockwell Peter Thompson, je vous laisse conclure. Peter Thompson Deux choses. Premièrement, je pense que depuis 2005, l'Initiative Aide pour le commerce nous a aidés à mieux appréhender la situation en mettant les choses en évidence. Et, dans notre cas, elle est associée à des "négociations continues "avec les pays en développement qui, pour leur part, ont pu utiliser l'effet de suivi de l'Aide pour le commerce. Elle nous permet d'en améliorer le profil et contribue à mieux l'intégrer dans les stratégies globales de développement. C'est une très bonne chose. Ce que nous devons être en mesure de faire maintenant, comme vous l'avez dit tout au début, c'est d'en mesurer l'efficacité. Deuxième point, qui est crucial, selon moi, c'est de pouvoir établir des liens. Pouvons-nous établir des liens entre les nouveaux besoins, créés par les accords, ou par l'évolution de l'économie mondiale, et les donateurs? C'est en fait plus difficile qu'il n'y paraît. Cela exige une grande coordination et un effort considérable. -4- Heureusement, je pense que la structure est en train de se mettre en place. On n'y est pas encore tout à fait. Il y a du travail. Keith Rockwell Peter Thompson, Mario Roger Hernández, je vous remercie tous les deux. Et merci à vous d'avoir suivi le Forum de l'OMC. __________