Chapitre 7 : La monnaie dévoilée
Monnaie et politique monétaire
« Gladstone ne faisait-il pas remarquer que l’amour lui-même n’avait pas fait perdre la tête à
plus de gens que les ruminations sur l’essence de la monnaie ? » (Marx, Contribution à la
critique de l’économie politique).
I. Monnaie et création monétaire
1) Qu’est-ce que la monnaie ?
Définition usuelle de la monnaie : « ensemble des moyens de paiement directement utilisables
par des agents pour régler des transactions sur le marché des biens et services et pour éteindre
des dettes, à l’intérieur d’un espace donné » p312
3 fonctions de la monnaie (depuis Aristote) :
- unité de compte fonction numéraire » pour Walras et « équivalent général » pour Marx) :
facilite les échanges entre les individus en limitant les coûts de l’information
- intermédiaire des échanges : le troc nécessite une « double coïncidence des désirs », il y a
donc des coûts de recherche d’un partenaire et de stockage (en attendant de trouver un
partenaire) => la monnaie fait disparaître ces coûts
- réserve de valeur : permet de différer des achats et investissements
avantages de la monnaie par rapport aux actifs réels et financiers :
1) elle est liquide et immédiatement disponible
2) c’est un actif sans risques
Monnaie fiduciaire : pièces (monnaie divisionnaire) et billets : valeur intrinsèque (métal ou papier) <
valeur faciale => repose sur la confiance
Monnaie scripturale : « constituée par l’ensemble des dépôts à vue auprès des intermédiaires
financiers et se définit comme une créance sur le système bancaire »
Elle circule grâce aux chèques, cartes bancaires, virements et représente 80% de la masse monétaire
dans les pays développés.
Masse monétaire : « ensemble des moyens de paiements mis à disposition des agents non
financiers pour effectuer des transactions sur biens et services ».
Toute mesure de la masse monétaire doit prendre en compte, en plus des actifs monétaires, les actifs
qualifiés de liquide (peuvent être transformés en moyens de paiement sans délai et sans perte de
capital).
Agrégats :
- M1 = disponibilités monétaires (billets, monnaie divisionnaire et dépôts à vue)
- M2 = M1 + placements à vue en euros (Livret Développement Durable (nouveau nom du
CODEVI depuis 2007) , comptes épargne-logement…)
- M3 = M2 + placements à terme, titres de créances, dépôts en devises
Taux de liquidité = propension des agents à conserver des actifs liquides
Vitesse de circulation de la monnaie = fréquence avec laquelle une unité monétaire change de
détenteur au cours d’une période donnée
2) La création monétaire consiste à monétiser des actifs auprès d’agents non financiers
La banque crée de la monnaie en accordant des crédits. Lorsque le crédit est remboursé, il y a
destruction de monnaie. La création de monnaie suppose donc que les nouveaux crédits accordés
au cours d’une période l’emportent sur les crédits remboursés.
Hiérarchie du système bancaire : 1)Banque centrale, 2)banques commerciales, 3)agents non financiers
Opérations de création de monnaie scripturale par les banques de second rang :
- Crédits aux agents non financiers => titres de créance sur l’économie
- Crédit au Trésor public => créances sur le Trésor
- Créditent le compte d’un agent en échange de devises => créance sur l’extérieur
Opérations de création de monnaie de la Banque centrale :
- aide au Trésor => concours au Trésor public
- procure des billets aux banques centrales
- lorsqu’elle acquière des devises
Pouvoir de création monétaire est contraint par :
- la demande de crédit de la part des actifs non financiers
- chaque banque de second rang doit posséder un compte auprès de la Banque centrale
- coefficient de réserves obligatoires : détermine le montant que les banques commerciales
doivent mettre en réserve à la Banque centrale lorsqu’elles accordent un crédit
- « les banques commerciales sont soumises aux habitudes de paiements des agents non
financiers, lesquels souhaitent détenir une partie de leurs avoirs en billets » p321
Base monétaire : « ensemble des avoirs des banques commerciales en monnaie centrale et des
billets en circulation » (p321) => + elle est importante, + la création monétaire peut se développer
« La création monétaire est d’autant plus aisée que les agents économiques utilisent de la
monnaie scripturale et que la Banque centrale maintient un faible taux de réserves
obligatoires. » p321
II. Les théories monétaires
Stuart Mill : « il n’est pas dans une société quelque chose de plus insignifiant en elle-même que la
monnaie »
Jevons : « la monnaie représente pour la science économique ce qu’est la quadrature du cercle en
géométrie ou le mouvement perpétuel en mécanique »
1) Pourquoi les agents expriment-ils une demande de monnaie ?
Classiques : fonctions de la monnaie sont unité de compte et intermédiaire des échanges mais pas
réserve de valeur
Néoclassiques : les agents demandent de la monnaie pour effectuer des transactions (Walras : « le
besoin que l’on a de monnaie n’est autre chose que le besoin de marchandises que l’on achètera avec
cette monnaie » Théorie de la monnaie, 1883).
La demande de monnaie est fonction croissante du revenu réel, fonction croissante du niveau
général des prix et fonction décroissante de la vitesse de circulation de la monnaie.
Pour les néoclassiques, le taux d’intérêt n’influe pas sur l’arbitrage entre détention de monnaie
et placements financiers (pas de préférence pour la liquidité).
Keynes : les agents peuvent souhaiter détenir de la monnaie pour elle-même.
3 motifs de demande de monnaie de transaction :
- motif de revenu : décalage entre la perception du revenu et la dépense (ménages)
- motif d’entreprise : décalage entre les dépenses et les recettes
- motif de précaution : incertitude => détention de monnaie pour faire face à l’imprévu
La demande de monnaie de transaction est donc fonction croissante du revenu courant. Cependant, elle
est fonction décroissante du taux d’intérêt (si l’agent anticipe une hausse du taux d’intérêt, il ne place
pas son épargne et thésaurise alors que, s’il anticipe une baisse du taux d’intérêt, il place son épargne
et la demande de monnaie de spéculation devient nulle).
Trappe à la liquidité : le taux d’intérêt effectif se rapproche du taux d’intérêt minimal ( environ 2%
pour Keynes), il ne peut donc plus baisser, le cours des titres est maximal => les agents vendent
majoritairement leurs titres (spéculation) ou du moins n’en achète pas.
Spécificités de la fonction keynésienne de demande de monnaie :
- thésaurisation = demande d’encaisses oisives (par opposition aux actives utilisées pour les
transactions)
- taux d’intérêt = prix de renonciation à la liquidi
- théorie des choix entre monnaie de spéculation et placements financiers selon le taux
d’intérêt
Tobin : diversification de portefeuille = l’agent réduit le risque de la détention de titres en possédant
aussi de la monnaie.
Friedman : la demande de monnaie est fonction croissante du revenu permanent (procuré par le
capital humain et les actifs mobiliers et immobiliers), dépend du rendement des actifs financiers
(taux d’intérêt) et du niveau général des prix.
2) Quelle est l’influence de la monnaie sur l’activité économique ?
Bodin (XVIème siècle) : la hausse des prix s’explique par un gonflement de la masse monétaire
(grande inflation du XVIème siècle due à l’afflux de métaux précieux provenant du Nouveau Monde).
Théorie quantitative de la monnaie :
- Ricardo : la quantité de monnaie en circulation détermine le niveau général des prix mais ne
modifie pas le niveau des prix relatifs. L’inflation résulte donc d’une croissance de la
masse monétaire supérieure à la croissance de la production.
- Mill : l’inflation n’est pas nécessairement proportionnelle à la croissance de la masse
monétaire puisque le montant de monnaie supplémentaire peut être épargné (non dépensé).
- Fisher : si la masse monétaire augmente, le niveau général des prix croît dans des proportions
identiques.
- Pigou : les individus souhaitent détenir un encaisse réelle => si la masse monétaire augmente,
l’encaisse effective est supérieure à l’encaisse désirée ; ils dépensent donc le supplément, ce
qui entraîne une augmentation proportionnelle des prix (l’agent retrouve le niveau d’encaisse
réelle désiré).
Keynes : la croissance de la masse monétaire influe à la fois sur les prix et sur les quantités.
Courbe de Phillips => une relance monétaire se partage en effet prix (inflation) et effet quantité
(hausse de la production) qui dépendent du taux de chômage (s’il est élevé, augmentation des
quantités ; s’il est faible, inflation).
Friedman : à court terme, relation instable entre la variation de la masse monétaire et la variation de
l’activité économique (le décalage entre les 2 évolutions est instable) => arbitrage entre inflation et
chômage. A long terme, un accroissement de la masse monétaire non justifié par un accroissement
préalable de la production entraîne l’inflation.
Les postkeynésiens reprochent aux monétaristes de confondre les relations d’antériorité et de causalité.
III. Objectifs et instruments de la politique monétaire
1) La politique monétaire poursuit des objectifs finaux au travers d’objectifs
intermédiaires
« La politique monétaire s’inscrit dans la poursuite des objectifs finaux du car magique :
croissance économique, plein-emploi, stabilité des prix, équilibre de la balance des paiements. »
p334
La politique monétaire conjoncturelle a longtemps servi à stimuler la croissance économique (arbitre
entre chômage et inflation). Mais à partir des années 1980, l’objectif final d’une politique monétaire
devient la stabilité des prix.
Pour atteindre les objectifs finaux, les autorités monétaires se fixent des objectifs intermédiaires :
- Croissance de la masse monétaire (privilégiée par les monétaristes) égale au taux de
croissance de l’économie réelle pour éliminer l’inflation
- Niveau des taux d’intérêt nominaux (privilégié des keynésiens) : une détente des taux d’intérêt
doit permettre une reprise de l’activité économique.
- Stabilité du taux de change
2) Pour atteindre ses objectifs, la politique monétaire dispose de plusieurs instruments
Les banques de second rang peuvent se refinancer directement auprès de la Banque centrale, par le
biais du réescompte => la Banque centrale peut influer sur la création monétaire en modulant le
taux et le niveau de réescompte. Mais c’est un système peu utilisé car coûteux.
L’encadrement du crédit : fixer par voie réglementaire (sanctions) et pour une période donnée des
normes de progression en matière de crédit. Système qui n’est plus utilisé dans les pays développés.
Marché monétaire = lieu interviennent les Banques centrales et les banques de second rang et
s’échangent des titres de court terme contre de la monnaie de la Banque centrale. En vendant des titres
sur ce marché, la Banque centrale limite la liquidité et accroît le coût de refinancement des banques de
second rang par une hausse du taux d’intérêt (l’inverse est aussi vrai) : c’est la politique des taux
directeurs. Cette politique agit sur l’économie par différents canaux de transmission :
- le coût du crédit : les taux directeurs diminuent donc les conditions de crédit bancaire
s’améliorent, ce qui incite les agent à s’endetter
- l’effet de richesse : la baisse des taux directeurs entraîne une diminution de la charge de
remboursement pour les agents.
- le canal du taux de change : stimulation des exportations
- le canal des contraintes de liquidité : les banques peuvent préférer ne pas prêter à certains
agents, compte tenu du risque, plutôt que de leur prêter à des taux élevés
Conditions de l’efficacité d’une politique de maniement des taux :
- doit influer sur les taux de long terme
- temps de réaction à la modification des taux
- la sensibilité des agents au taux d’intérêt peut être faible
IV. L’efficacité de la politique monétaire
1) Dans l’optique keynésienne, l’efficacité de la politique monétaire conjoncturelle est
soumise à conditions
Politique monétaire keynésienne = instrument de régulation conjoncturelle
Arbitrage entre le chômage et l’inflation en faisant varier le taux d’intérêt en fonction des situations
(politique monétaire très flexible).
L’efficacité de cette politique budgétaire est soumise à la réalisation de 2 conditions :
- l’accroissement de l’offre de monnaie doit conduire à une baisse du taux d’intérêt
- la baisse du taux d’intérêt doit de traduire par une reprise de l’investissement qui
dépend aussi d’autres variables comme la demande anticipée.
2) L’efficacité de la politique monétaire conjoncturelle est contestée par les
monétaristes et les nouveaux classiques
Les 3 critiques des monétaristes :
- la relance monétaire se traduit par une relance de l’inflation
- Friedman : « si les cycles d’activité sont longs et si les délais d’efficacité de la politique
monétaire sont longs, alors une politique monétaire contra-cyclique risque de se révéler pro-
cyclique » p348 (fluctuations de l’activité accrues par la politique monétaire).
- l’utilisation du taux d’intérêt nominal comme objectif intermédiaire
Friedman : politique de la base monétaire en contrôlant la croissance de la masse monétaire
pour qu’elle soit égale au taux de croissance anticipé de la production.
Solutions pour qu’une politique monétaire soit crédible :
- rendre indépendante la Banque centrale du pouvoir politique (modèle de + en + utilisé en
Europe) car les autorités politiques peuvent pratiquer une politique monétaire laxiste à
l’approche des élections pour relancer transitoirement l’activité économique. De plus,
l’inflation apparaît d’autant plus faible que la Banque centrale est indépendante. Mais les
autorités monétaires et budgétaires doivent être coordonnées pour éviter une hausse du déficit
budgétaire due à une politique monétaire restrictive.
- nommer à la tête de la Banque centrale une personnalité réputée pour avoir une forte aversion
pour l’inflation
- adhérer à un système de changes fixes (SME) qui oblige à s’aligner en matière d’inflation sur
le pays le plus « vertueux », sous peine de voir sa compétitivité se dégrader.
3) L’ouverture sur l’extérieur rend aujourd’hui plus complexe le débat sur l’efficacité
de la politique monétaire
En situation de changes fixes, la politique monétaire de relance ne permet pas d’atteindre l’équilibre
interne car les mouvements de la masse monétaire induits par les variations des réserves de change
compensent automatiquement les mouvements induits par les fluctuations du crédit interne.
Mais, la politique monétaire peut s’affranchir de la contrainte de la stabilité du change par la
dévaluation qui consiste à diminuer institutionnellement la parité de la monnaie nationale dans le sens
d’une diminution de son pouvoir d’achat en devises. Cependant, la dévaluation peut avoir des effets
secondaires : inflation, les partenaires commerciaux peuvent tenter de riposter en dévaluant à leur
tour, effet récessif, remise en cause de la crédibilité de la monnaie nationale à long terme).
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