Les OGM Comment on "bricole" un OGM Pour ceux qui ne savent pas ce que sont les OGM, les “ organismes génétiquement modifiés ; Les OGM sont au propre et au figuré, des chimères -ce sont des chimères génétiques, c’est à peu près tout ce qu’il y a à savoir. Du poisson dans les fraises La meilleure façon de comprendre ce dont il s’agit est de prendre un exemple : ainsi, des bio-techniciens ont "fait" une fraise dans laquelle ils ont inséré un gène de poisson des mers froides (ce gène de poisson lui confèrerait une résistance au froid et permettrait de produire des fraises dans des conditions plus gélives que maintenant). Vous prenez donc un gène de poisson des mers du Nord (un gène de carrelet), vous l’insérez dans une cellule de fraisier, et pour savoir si cela a réussi, vous mettez en même temps un gène bactérien de résistance à un antibiotique. Puis, vous cultivez les cellules de fraisier dans une solution contenant l’antibiotique. Seules se développeront celles qui ont acquis le gène de résistance à l’antibiotique, c’est-à-dire celles qui possèdent (vraisemblablement) aussi le gène de tolérance au froid. Donc vous avez introduit un gène de poisson et un gène de bactérie de résistance aux antibiotiques (incidemment, ce gène peut contribuer à accroître encore la résistance des bactéries aux antibiotiques, au moment où les maladies dues à ces résistances sont responsables de la mort d’une dizaine de milliers de personnes dans les hôpitaux). Mais ce n’est pas suffisant. Il faut affubler le tout d'un "promoteur", c'est-à-dire d’un gène qui permette au gène de tolérance au froid de "s’exprimer", c’est-à-dire de produire la protéine qui confère la tolérance au froid en quantité plus importante que ce qu'il produirait à l'état naturel. Comme promoteur, on prend en général le gène de virus de la mosaïque du chou-fleur Les risques de la transgénèse L'affaire Showa Denko Le tryptophane est un acide aminé essentiel ; des acides aminés, il y en a partout. Tous les jours vous mangez du tryptophane dans la viande, dans le poisson, dans les céréales. Cet acide aminé, on l'utilise aussi en médecine plus ou moins naturelle, parce que c'est un précurseur d'une hormone qui permet l'endormissement Toujours est-il qu'une entreprise japonaise, au cours des années 80 s'est dit qu'elle pourrait fabriquer ce tryptophane à moindre coût par recombinaison génétique : elle a utilisé, non pas une fraise, mais une bactérie (bacillus amelicofaciens) pour qu'elle en produise en quantité. L’étape suivante a consisté à mettre cette bactérie dans un fermenteur comme on le fait pour produire des antibiotiques. On a recueilli les produits de fermentation, on les a purifiés et commercialisés, mais il semble que Showa Denko ait supprimé deux étapes de filtration. Ce tryptophane est vendu sur le marché américain début 1989. Dans les mois qui suivent apparaît une maladie nouvelle se traduisant par des désordres neurologiques graves et des symptômes auto-immunitaires (d'autodestruction de l'individu). La maladie reçoit le nom de "syndrome de la myalgie éosinophile" Dès le début de l’année 1990, des études montrent que cette maladie est liée à la consommation de tryptophane. Les autorités américaines retirent le tryptophane du marché. Les études se poursuivent et montrent que ce n’est pas le tryptophane en général qui provoque la maladie, mais que c'est le tryptophane recombinant. Nous pouvons donc tirer une première morale de l'histoire : étiqueter est une nécessité : si l’on avait étiqueté le produit, on aurait identifié la cause de la maladie plus rapidement Showa Denko a refusé de coopérer avec les autorités sanitaires américaines. Bien entendu, on a voulu savoir la cause de cette nouvelle maladie. Trois possibilités : a) la bactérie recombinante avait produit du tryptophane et en même temps, un produit toxique ; b) l’empoisonnement venait de la suppression de deux étapes de filtration qui aurait pu laisser passer un produit toxique ; c) bien, troisième hypothèse, la bactérie avait produit une toxine que la suppression de deux étapes de filtration n’avait pas permis d’éliminer. Nous n’en saurons rien : un incendie a détruit le laboratoire où se trouvaient les stocks de bactéries transgéniques … Le bilan : 37 morts officiels (en réalité, beaucoup plus car on a arrêté le décompte en 1991 alors que des patients sont décédés ensuite) ; 1 500 personnes invalides, dont certaines à vie (paralysées définitivement) et 5 000 personnes hospitalisées. Jean Pierre BERLAN, directeur de recherche au CTESI / INRA de Montpellier "LA CONFISCATION DU VIVANT", conférence donnée le 12/04/2000