173
Les essais comparatifs, Quels effets sur l’attitude
envers la marque ? Le cas des téléphones mobiles chez
les jeunes
Christian DIANOUX
Maître de Conférences
IUT de Metz
Centre Européen de REcherche en Management des Organisations (CEREMO)
Christian.dianoux@iut.univ-metz.fr
174
Les essais comparatifs, Quels effets sur l’attitude envers la
marque ? Le cas des téléphones mobiles chez les jeunes
Résumé : L’expérimentation menée a consisté à exposer un groupe d’individus à un test
comparatif sur les mobiles et à comparer l’évolution de leurs intentions d’achat à l’égard de
ces mobiles (mesure avant-après) à celles d’un groupe de contrôle. Les résultats montrent
que les essais comparatifs ne semblent pas avoir de réelle influence sur les intentions des
individus moyennement ou faiblement impliqués à l’égard du produit.
Mots clés : tests comparatifs, attitudes envers la marque, intentions d’achat, téléphones
mobiles.
Comparison tests, Which effects on the attitude towards the
brand ? The case of the mobile phones for the young people
Abstract : The experiment consisted in exposing a group of persons to a comparative test
on the mobiles and in comparing change in their purchase intentions towards these mobiles
(measurement before - after) with reference to those of a control group. Results show that the
comparison tests do not seem to have a real influence on the purchase intentions of persons,
in moderate and low involvement situations.
Mots clés : comparative tests, attitudes toward the brand, purchase intentions, mobile
phones.
175
INTRODUCTION
Les premiers essais comparatifs sont
apparus aux USA à l’initiative de la
Consumer's Research créée en 1929 par
Stuart Chase et J.F. Schlink. En France, il a
fallu attendre les années 1960 (Ministère
de l’Economie, 1980) pour que des
associations de consommateurs publient
les premiers essais dans leurs revues :
- l’ORGECO (Organisation Générale des
Consommateurs), en 1960, fut la première
à publier dans le numéro 1 de sa revue
« information-Consommation », un test
comparatif sur les yaourts ;
- 1961 voit la sortie du premier numéro
de ‘’Que Choisir ?’’ de l’UFC (Union
Fédérale des Consommateurs) qui
publiera un an après, le premier « euro
test » en collaboration avec plusieurs
associations du marché commun ;
- enfin, il faudra attendre février 1971
pour que l'Institut National de la
Consommation (INC) fasse paraître son
premier test (test sur les autocuiseurs).
Aujourd’hui, les essais comparatifs
occupent une place centrale dans les deux
principales revues consuméristes
françaises (« Que Choisir ? » et « 60
Millions de consommateurs ») qui leur
consacrent un budget conséquent, car ils
semblent répondre à une réelle demande
des consommateurs
1
. Ils sont d’autre part
1
Selon le sondage AC Nielsen réalisé en août-
septembre 99 auprès de 1.200 foyers, 58,3% des
français mettent en tête des services qu’ils
souhaiteraient trouver en plus pour leur qualité de
vie, en hypermarché ou en distribution spécialisée,
l’affichage de tests comparatifs type « Que Choisir ».
Il semblerait si l’on en juge les résultats d’enquêtes
postérieures, que ce jugement positif à l’égard des
associations de consommateurs soit une tendance
pérenne. Un sondage effect à la demande du
Secrétariat d’Etat à la Consommation paru en 1989
(INC-Hebdo, 633, 7/04/1989) faisait déjà ressortir
l’association de consommateurs comme étant un des
organismes les plus fiables et efficaces quant au
globalement acceptés par l’ensemble des
acteurs du marché.
Sur le plan juridique, il est admis que les
associations sont tout à fait fondées à
diffuser des critiques ou des essais
comparatifs sans contrôle préalable dès
lors qu’il n’y a pas diffamation ou critique
abusive (Hermite, 1985). Le fondement de
ce droit repose non pas sur la liberté de la
critique mais sur l'absence d'objectif
commercial censé amener l’association à
réaliser des comparaisons a priori
objectives dans l’intérêt du consommateur
(Francq, 1979).
La motivation des pouvoirs publics à
promouvoir les essais comparatifs
notamment par l’intermédiaire de l’INC se
base sur l’idée que ceux-ci renforcent la
concurrence, donnent une information
objective et utile aux consommateurs
2
, et
traitement de litiges ou à l’information. Par
exemple, à la question : en pratique, avant
d’effectuer un achat, quelles sont les informations
que vous utilisez le plus (citez en premier celles que
vous utilisez le plus) ? L’avis de l’entourage arrive
en première position avec 26% puis on trouve les
enquêtes et les tests comparatifs réalisés par les
associations de consommateurs avec 23%, puis les
caractéristiques des produits communiqués par les
fabricants 17% et toutes les autres réponses
n’atteignent pas 10%. Un autre sondage réalisé un
peu plus tôt par l’Institut Louis Harris en 1988 fait
apparaître des chiffres encore plus positifs puisque
84% des français d’après cette enquête accordent
leur confiance aux informations diffusées par la
presse consumériste et 68% peuvent citer au moins
une organisation et une de leur publication.
2
- Sur ce point, il semblerait que les recherches
menées à partir des tables d’information (les tests
comparatifs présentent l’information sur ce modèle)
tendent à confirmer cette analyse. Le tableau
d’information associé à la symétrie de présentation
permet d’acquérir un plus grand nombre
d’informations dans un temps moindre (Lentrein et
Jolibert, 1983, 1984). De plus, Dubois (1984) a mis en
évidence à partir d’une expérimentation utilisant les
tables d’information, la valeur aux yeux du
consommateur d’une information comparative (par
exemple l’affichage des prix à l’unité de poids) par
176
les aident dans leurs choix. La question
qui se pose alors, lorsque l’on se place
dans une perspective d’étude du
comportement du consommateur, est de
savoir si les essais comparatifs influencent
réellement les consommateurs dans leurs
choix. Plusieurs recherches menées sur le
sujet ont tenté de donner une réponse à
cette question en observant l’évolution des
ventes des produits testés suite à la
parution de l’essai (Biguet, 1977 ; Biguet,
1978 ; Garrigou, 1981), ou en demandant
directement au consommateur s’il pensait
que la lecture d’un essai avait une
influence sur son comportement (Thoury,
1973 ; Fabregues, 1991). Par contre à notre
connaissance, aucune investigation n’a été
menée pour déterminer l’influence des
essais comparatifs sur une variable
fréquemment prise en compte pour
mesurer l’impact d’une publicité :
l’attitude envers la marque.
L’objet de cette recherche est de tenter
d’apporter un début de réponse à cette
question. Pour cela, après avoir rappelé ce
qu’est un essai comparatif, nous
présenterons les différentes études
empiriques menées afin d’évaluer
l’influence des essais comparatifs sur le
consommateur, et à partir desquelles nous
poserons notre hypothèse de recherche
(§.1). Nous détaillerons ensuite
l’expérimentation mise en œuvre pour
vérifier cette hypothèse (§.2), puis
présenterons et commenterons nos
résultats (§.3). Enfin, nous conclurons en
résumant les principaux résultats qui
ressortent de notre étude tout en
soulignant ses limites.
opposition au mode traditionnel de juxtaposition
des marques dans les linéaires.
1- LES ESSAIS COMPARATIFS ET LE
COMPORTEMENT DU
CONSOMMATEUR
1.1. Les essais comparatifs en
France
Les essais comparatifs en France sont
définis par la norme AFNOR référencée X
50.005 (08.75) : « Les essais comparatifs sont
des essais auxquels sont soumis différents
produits remplissant des fonctions d'usage
analogues et dont les résultats permettent de
fournir au consommateur une information
objective sur les prestations qu'il peut attendre
de ces produits ».
Cette norme non obligatoire mais
acceptée par les deux acteurs principaux
en matière d’essai, l'UFC (Union Fédérale
des Consommateurs) et l'INC (Institut
National de la Consommation), peut être
résumée autour des trois points clés
suivants :
- l'organisme responsable doit être
financièrement indépendant des
producteurs et distributeurs ; s'entourer
des compétences nécessaires pour la
bonne conduite des essais ; s'interdire
toute publicité commerciale dans la revue
les essais sont publiés ; veiller à ce que
les tiers qui pourront ensuite reprendre les
résultats des tests, le fassent sans
modification de sens et avec objectivité ;
prendre toute les mesures pour éviter une
exploitation commerciale abusive des
résultats.
- les produits présentés doivent être
représentatifs du marché du point de vue
de la zone géographique, de la répartition
par marques, des modèles et des prix. Les
échantillons devront être achetés
anonymement et l'on veillera à respecter
les conditions de prélèvement et de
stockage. Les caractéristiques mesurées
doivent être en rapport avec l'utilisation
normale d'un consommateur.
- les résultats avec la liste des
caractéristiques soumises à l'essai et les
177
méthodes utilisées doivent être
communiqués avec une présentation
suffisamment claire avant publication au
producteur dans un lai suffisant pour
lui permettre de présenter ses éventuelles
observations. Les contestations éventuelles
doivent être prises en compte sans pour
autant lier l'organisme au producteur.
Nous voyons ainsi que parmi les
nombreux tests comparatifs publiés par
certaines revues ayant souhaité répondre à
l’engouement des consommateurs pour ce
type d’information, tous ne répondent pas
automatiquement aux exigences de cette
norme. On peut les scinder en trois
groupes correspondant à trois types de
revues :
- les revues éditées par des organisations
de consommateurs indépendantes dont les
deux principales sont 60 millions de
consommateur et Que choisir ?
3
- les revues spécialisées pour amateurs
ou professionnels (automobile, moto,
informatique, services, sport, ...) comme
l'Auto-Journal ou Gault et Millaut ;
- les revues ou dépliants de grands
distributeurs, souvent spécialisés (FNAC,
Au Vieux Campeur, CAMIF, ...).
Parmi ces différentes revues, seules
celles émanant du premier groupe
peuvent réellement prétendre réaliser des
essais comparatifs conformes à la norme
AFNOR. Les autres ne répondent pas à
une des conditions de base :
l'indépendance commerciale et l'absence
de publicité. Ce principe communément
admis, est par ailleurs retenu par le juge
lorsqu’il doit statuer sur ce type de
problème. Par exemple, l'arrêt du 3 juillet
3
- Rappelons que ces deux revues par comparaison
avec celles des autres pays européens ont une
diffusion assez faible. Que Choisir ? et 60 Millions
ont une diffusion d’un peu moins de 400.000
exemplaires alors que le magazine belge Test-Achat
vend 400.000 exemplaires, Which (magazine
anglais) et Stiftungwarentest (Allemand) vendent
chacun un million d’exemplaires (Le Monde,
19/10/95, p .32).
1984 de la Cour d'Appel de Paris
(Rothmann, 1991) a condamné la FNAC à
propos d'un banc d'essai autoradio
arguant que l’entreprise ne pouvait
qualifier d'objectifs des tests réalisés dans
ses propres laboratoires sans contrôle
extérieur et qu'elle ne pouvait en tant que
distributeur se trouver dans une position
de neutralité. De même, un distributeur de
produits électroménagers engage sa
responsabilité en publiant des tableaux
comparatifs attribuant aux différentes
marques vendues des étoiles de
satisfaction, et les propriétaires ainsi
dévalorisés sont fondés à lui réclamer des
dommages et intérêts (Biolay, 1986, p. 60).
Par contre le professionnel n’enfreindra
aucun texte en reprenant un essai
comparatif réalisé par l’INC dès lors qu’il
respecte la norme NF X 50-006 (93-08)
stipulant notamment :
- l’annonceur ne peut utiliser que la
synthèse des résultats élaborés et publiés
par le centre d’essai ;
- la reprise dans tout support (hors lieu
de vente) « consiste en l’intégration au
message publicitaire de tout ou partie de la
fiche type sous réserve qu’elle comporte au
minimum : le nom du centre d’essais, la
mention ‘’essai comparatif’’, la marque et la
référence, et l’appréciation globale » (article
7.2) ;
- l’annonceur peut cependant utiliser
d’autres arguments dans son annonce à
condition que ceux-ci ne soient pas
contraires aux appréciations contenues
dans la fiche et qu’il distingue son
argumentation de celle du centre d’essai.
Au moment de sa sortie, cette nouvelle
possibilité offerte aux professionnels
semblait promise à un bel avenir si l’on en
juge les positions prises en sa faveur, que
ce soit de la part des distributeurs (Leclerc,
Carrefour, Trois Suisses, …), ou des
fabricants (Thomson, Calor, Panasonic,
Magimix, Moulinex, Brandt, Airlux,
Hydro Frisquet, Rhonelec, Atlantic, Nivéa,
Manix, Pabacrème, Minolta,…). Citons par
exemple Michel-Edouard Leclerc qui, lors
du lancement de la norme expérimentale,
1 / 16 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !