colloque de lorient, 15-17 novembre 2007 : la - Hubert Bonin

COLLOQUE DE LORIENT, 15-17 NOVEMBRE 2007 : LA RECHERCHE INTERNATIONALE EN HISTOIRE MARITIME
L’outre-mer dans la stratégie des milieux d’affaires français : le point sur les débats
et l’historiographie
Hubert Bonin, professeur d’histoire économique à l’Institut d’études politiques de Bordeaux (UMR GRETHA-
Université Montesquieu Bordeaux 4) [www.hubertbonin.com]
L’histoire ultramarine contemporaine des milieux d’affaires français peut être perçue de façon
paradoxale car elle semble à la fois d’une part glorieuse et émergente, puissante et fragmentaire
d’autre part. Alors que l’ensemble colonial français était le deuxième du monde et contribuait à « la
plus grande France » économique, la recherche académique a connu un passage à vide et manque
de l’ampleur que connaît la recherche britannique marquée en particulier par une immense
collection d’histoire ultramarine chez l’éditeur Routledge, par exemple. Certes, elle a échappé au
syndrome d’autocensure qu’a connu l’histoire ultramarine économique en Belgique
1
au nom de la
défense (nostalgique parfois) du pré carré capitaliste national ; mais la force procurée par
l’anticapitalisme et l’anticolonialisme dans les années 1960-1980 s’est étiolée et le recentrage sur
une analyse plurielle des stratégies et des performances des milieux d’affaires et des retombées de
leur action a dû attendre le tournant du XXIe siècle pour redémarrer avec ampleur : l’école française
d’histoire ultramarine économique est donc en plein réveil.
1. La vigueur de l’école française d’histoire ultramarine économique dans les années
1960-1980
Les initiatives pionnières ont fleuri pendant les années 1960-1980 au sein de ce que,
rétrospectivement, l’on peut appeler « l’école française d’histoire ultramarine économique »
(notamment africaine). Peu d’années après le mouvement d’indépendance, le temps était venu d’un
premier bilan, dans le sillage du questionnement de Brunschwig
2
. Catherine Coquery-Vidrovitch
3
,
Hélène d’Almeida-Topor
4
, Daniel Hémery (parfois avec Pierre Brocheux
5
), Jacques Marseille
6
et
quelques autres ont constitué un premier corpus de méthodes, de problématiques, de chronologies,
à propos de l’histoire de ce qui est devenu « les relations Nord-Sud » et de ce qui était plutôt alors
l’histoire des impérialismes coloniaux. Leur apport a efficacement complété les recherches menées
par la solide école française des africanistes (anthropologues, comme Claude Meillassoux,
ethnologues, sociologues, géographes, chercheurs du Musée de l’homme et de ce qui est devenu le
Centre de recherches africaines, à Paris, contributeurs à la revue L’Homme et la Société, alors
publiée par les éditions Anthropos) concernant l’évolution de l’économie africaine elle-même en
particulier, les formes prises par les échanges, le négoce, les micro-sociétés marchandes au coeur
même de l’économie africaine de part et d’autre des indépendances.
Nombre de chercheurs de ces décennies était tenaillés par l’analyse historique des forces réelles
(car parfois cachées) de « l’impérialisme »
7
, au sein de ce qu’Immanuel Wallerstein
8
appelait « les
1
Jean-Luc Vellut (dir.), La mémoire du Congo. Le temps colonial, Tervuren, Éditions Snoeck-Musée royal de
l’Afrique centrale, 2005.
2
Henri Brunschwig, Mythes et réalités de l’empire colonial français, Colin, 1960.
3
Chantal Chanson-Jabeur & Odile Goerg (dir.), « Mama Africa ». Hommage à Catherine Coquery-
Vidrovitch, Paris, L’Harmattan, 2005. Cf. aussi le numéro spécial double Revue française d'histoire d’outre-
mer, n°232-233, L'Afrique et la crise de 1930, Actes du colloque de l'Université Paris 7 ; publié en volume
distinct par la Société française d’histoire d’outre mer.
4
Hélène d’Almeida-Topor & Monique Lakroum, L’Europe et l’Afrique, un siècle d’échanges économiques,
Paris, Armand Colin, 1994.
5
Pierre Brocheux & Daniel Hémery, Indochine, la colonisation ambiguë, 1858-1954, Paris, La Découverte,
1995, réédition en 2001.
6
Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d'un divorce, Paris, Albin Michel, 1984.
7
Cf. Catherine Coquery-Vidrovitch, « Petit essai introductif : Impérialisme et impérialisme colonial », in
Hubert Bonin, Catherine Hodeir & Jean-François Klein (dir.), L’esprit économique impérial (1830-1970).
Groupes de pression & réseaux du patronat colonial en France & dans l’empire, Paris, Publications de la
SFHOM, 2007.
2
empires mondes », levier essentiel de la structuration du système économique mondial dans les
années 1890-1950 et dont l’application extrême fut la Grande-Bretagne. Ce courant de recherche a
défini des pistes de travail concernant surtout le jeu de la concurrence économique inter-
européenne autour de la quête de matières premières industrielles, la recherche de nouveaux
marchés pour vendre cette production industrielle et l’ouverture de nouveaux champs
d’investissement. Les historiens ont débattu du poids respectif des considérations de puissance
géopolitique et diplomatique et des considérations de puissance économique ; la Conférence
internationale de Berlin (1884-1885) avait une rencontre politique et diplomatique débouchant sur
des accords économiques (sphères d’influence, chasses gardées) qui furent complétées notamment
par l’accord franco-britannique sur la politique de « porte ouverte » dans l’aire du Niger (entre
1898 et 1936) et, plus tard, avec l’accord d’Algésiras, par l’affirmation là aussi de « la porte
ouverte » à propos du protectorat marocain.
Le poids respectif de l’impérialisme colonial et de l’impérialisme économique a fait débat, car on
s’interrogeait sur la variété des formes prises par l’impérialisme
9
pour asseoir sa puissance, et
comment le capitalisme européen continental s’insérait dans ce mouvement impérialiste,
notamment pour se confronter au capitalisme britannique alors encore dominant ou pour attiser
les contradictions internes au monde capitalisme européen, stimulées par l’émergence de
l’Allemagne comme grande puissance industrielle (dans le sillage des États-Unis) ; les collègues
français ont été rejoints par leurs homologues nord-américains qui avaient rassemblé un dossier
pertinent à propos de la cristallisation d’un « parti colonial »
10
au Parlement. Faut-il rappeler
aujourd’hui l’intense débat
11
qui tournait autour du lien entre l’accélération de la conquête
coloniale et l’accentuation de la grande dépression
12
des années 1870/1880-1890 dans le sillage
des réflexions de Paul Leroy-Beaulieu au tournant du XXe siècle ? Un deuxième débat a porté sur ce
que l’empire « rapportait » ; J. Marseille a par exemple établi
13
que, dans la première phase
8
Immanuel Wallerstein, « L’économie monde », in Connaissance du Tiers-Monde (publication du
laboratoire de même titre, Université Paris-7), Paris, 10/18, pp. 97-112.
9
Cf. Jean Bouvier, qui a joué un rôle clé dans la réflexion marxiste historienne rénovatrice de l’époque, avec,
entre autres, Jean Bouvier & René Girault, L’impérialisme français d’avant 1914, Paris, Mouton, 1976. David
Kenneth Fieldhouse, The Theory of Capitalist Imperialism, Londres, Longman, 1967. Jean Stengers,
« L’impérialisme colonial à la fin du XIXe siècle : mythe ou réalité », Journal of African History, volume 3,
1962, pp. 469-491. Richard Koerner & G.D. Schmidt, Imperialism. The Story and Significance of a Political
Word, 1940-1960, Cambridge University Press, 1964. Henri Brunschwig, « Empires et impérialismes »,
Revue historique, n°475, juillet-septembre 1965, pp. 111-122.
10
Henri Brunschwig, « Le parti colonial français », Revue française d’histoire d’outre-mer, tome XLVI, 1959,
pp. 49-83. Bernard Schnapper, La politique et le commerce français dans le golfe de Guinée, de 1838 à 1871,
Paris, Mouton, 1961. Charles-Robert Ageron, France coloniale ou parti colonial ?, Paris, Armand Colin, 1970.
Christopher-M. Andrew & A. Sydney Kanya-Forstner, « The French “Colonial Party”: Its composition, aims,
and influence, 1885-1914 », The Historical Journal, volume XIV, 1971, pp. 99-128. Christopher-M. Andrew &
Sydney Kanya-Forstner, « The “Groupe colonial” in the French Chamber of Deputies, 1832-1932 », The
Historical Journal, volume XVII, n°4, 1974, pp. 837-866. Christopher-M. Andrew & A. Sydney Kanya-
Forstner, « French business and the French colonialists », Historical Journal, XIX, 1976, pp. 981-
1000.Christopher-M. Andrew, « The French colonialist movement during the Third Republic », Royal
Historical Society Transactions, XXVI, 1976, pp. 143-166. L. Abrams & D. J. Miller, « Who were the French
colonialists? A reassessment of the Parti colonial », The Historical Journal (Cambridge University Press),
XIX, 1976, n°3, pp. 685-725. Christopher-M. Andrew & Sydney Kanya-Forstner, « The French colonial party:
Its composition, aims, and influence, 1885-1914 », The Historical Journal, Cambridge, volume 19, n°3, 1976,
pp. 685-725. Jacques Binoche-Guerda, « La représentation parlementaire coloniale (1871-1940) », Revue
historique, 1988, n°586, pp. 521-535. Marc Lagana, Le Parti colonial français. Éléments d’histoire, Montréal,
Presses universitaires du Québec, 1990. Charles-Robert Ageron, « Le “parti colonial” face à la question
tunisienne (1945-1951) », in La Tunisie de l’après-guerre, Tunis, 1991, pp. 183-207.
11
Cf. C. Coquery-Vidrovitch, « De l'impérialisme britannique à l'impérialisme contemporain : l’avatar
colonial », L'Homme et la Société, n° 18, 1970, pp. 61-90. Réédité in Michel Margairaz (dir.), Histoire
économique, XVIII°-XX° siècles, collection Textes essentiels, Paris, Larousse, 1992, pp. 783-799.
12
Cf. Marie-Hélène Gillman ; « L’empire colonial et la longue stagnation », in Yves Breton, Albert Broder &
Michel Lutfalla, La longue stagnation en France. L’autre grande dépression, 1873-1897, Paris, Economica,
1997, pp. 382-420.
13
Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d'un divorce, Paris, Albin Michel,
1984.
3
coloniale, certaines parties de l’empire (telle l’Indochine) rapportent non seulement aux
entreprises coloniales mais aussi à l’État ; et François Bobrie a montré en son temps dans un article
solide que l’Indochine a remboursé sa conquête sur son propre budget
14
. Une synthèse magistrale
d’origine suisse est venue récemment dresser un bilan macro-économique de haute volée des
retombées de l’univers colonial sur la croissance
15
.
Un troisième débat a porté sur l’entre-deux-guerres ; de façon désormais classique, nombre de
textes ont scruté comment l’empire était censé jouer un rôle de protection et de repli économiques,
face à la grande crise
16
des années 1930. Avant la thèse de J. Marseille, un colloque de 1976 l’a
étudié dans le détail pour l’Afrique subsaharienne
17
. Le débat s’est noué dans ce cadre autour des
freins posés à l’industrialisation de l’outre-mer par des industriels métropolitains soucieux de
préserver leurs débouchés captifs
18
. Toutefois, l’on précise aussi que la notion « d’exclusif
colonial »
19
est un ’’faux ami’’ car il ne prend pas vraiment réalité, même entre les deux guerres, en
dépit de la montée des barrières douanières. Si le concept a été peu ou prou opératoire pendant
l’Ancien Régime, il est devenu contradictoire avec le jeu des forces économiques en société
capitaliste parce que les rapports de compétitivité y prédominent et donc les exigences d’un
approvisionnement à meilleur coût (par exemple les arachides de la côte indienne de Coromandel
aux côtés des arachides du Sénégal). Cela explique un autre débat, quant aux limites de
l’impérialisme économique : est-ce que le capitalisme avait réellement besoin de l’empire ? est-ce
que nombre de territoires n’étaient pas plus ouverts sur d’autres pays pour leurs exportations
(phosphates du Maroc, riz de l’Indochine) ? et est-ce que le Japon n’a pas commencé à développer
ses exportations vers l’empire français, y compris en Afrique, avant même la Seconde Guerre
mondiale ?
Les débats autour de l’impérialisme économique ont revêtu une portée macroéconomique, quand
Paul Bairoch
20
a démoli les thèses fondant l’histoire du sous-développement sur l’évolution des
termes de l’échange pendant la période coloniale, à cause de la pression des firmes industrielles
(prix de vente excessifs) et commerciales (prix d’achat des produits trop bas) et sous l’égide de la
fameuse « rente coloniale » ; Bairoch a insisté sur la complexité de la réalité car, pendant plusieurs
périodes, les termes de l’échange ont été positifs pour l’outre-mer et J. Marseille l’a démontré
pour les années 1930. De telles considérations ont débouché sur un débat désarçonnant à propos
de ce qui aurait même constitué une forme d’anticolonialisme au sein du monde des affaires, dans
les années 1950 : les divisions au sein du monde de l’entreprise se sont en fait alors avivées quant à
14
« Finances publiques et conquête coloniale : le coût budgétaire de l’expansion coloniale entre 1850 et
1913 », Annales ESC, no 6, 1976, pp. 1225-1244
15
Bouda Etemad, La possession du monde. Poids et mesures de la colonisation, Bruxelles, Complexe, 2000.
Cf. aussi : Joseph Inikori, Africans and the Industrial Revolution in England. A Study in International
Trade and Economic Development, Cambridge University Press, 2002. Nous renvoyons aux comptes rendus
de ces livres que nous avons publiés dans Outre-Mers. Revue d’histoire.
16
Catherine Coquery-Vidrovitch (et alii, dir.), L’Afrique et la Crise, 1924-1938, Paris, Publications de la
SFHOM, tome LXIII, 1976.
17
Numéro spécial double Revue française d'histoire d’outre-mer, n°232-233, L'Afrique et la crise de 1930,
Actes du colloque de l'Université Paris 7 ; publié en volume distinct par les Publications de la Société
française d’histoire d’outre-mer.
18
Jacques Marseille, « L’industrie cotonnière française et l’impérialisme colonial », Revue d’histoire
économique et sociale, 1975, pp. 386-412. Catherine Coquery-Vidrovitch, « Vichy et l’industrialisation aux
colonies », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale », avril 1979, n°114. Jacques Marseille,
« L’industrialisation des colonies : affaiblissement ou renforcement de la puissance française », Revue
française d’histoire d’outre-mer, 1982, premier trimestre, pp. 23-34. Jacques Marseille, « L’investissement
privé dans l’empire colonial : mythes et réalités », in Catherine Coquery-Vidrovitch & Alain Forest (dir.),
Entreprises et entrepreneurs en Afrique, XIXe et XXe siècles, Paris, Laboratoire Connaissance du Tiers-Monde
& L’Harmattan, 1983, premier volume, pp. 43-57. Catherine Coquery-Vidrovitch, « Investissements privés,
investissements publics en AEF, 1900-1940 », African Economic History, XII, 1983, pp. 13-31.
19
Bernard Schnapper, « La fin du régime de l’exclusif : le commerce étranger dans les possessions françaises
d’Afrique tropicale, 1817-1870 », Annales africaines, 1959, pp. 261-282.
20
Paul Bairoch, Révolution industrielle et sous-développement, Paris, Société d'édition d'enseignement
supérieur, 1963.
4
la nécessité de préserver des chasses gardées qui risquaient de plus en plus de devenir autant de
boulets à la croissance de la compétitivité.
Enfin, la transition de l’empire au Tiers-Monde
21
a suscité de premières réactions qui ont souvent
mêlé histoire immédiate ou proche et idéologies, puisque des historiens (et des économistes) ont
tenté de reconstituer les armes discrètes (prises de participation, filialisation, « africanisation »)
utilisées par les entreprises pour conserver leur poids économique dans les États nouvellement
indépendants, par le biais d’un « néo-colonialisme » dont la dénonciation a ici et là abouti aux
nationalisations et au tournant étatiste dans plusieurs pays s’orientant vers un tiers-mondisme
militant (Algérie, Madagascar, Bénin, par exemple après le choc de la nationalisation du canal de
Suez en 1956). Jean Suret-Canale représente certainement le plus tenace des historiens
économistes désireux de mesurer la force d’un nouvel âge de l’impérialisme économique
22
. Mais le
grand spécialiste anglais de l’histoire de l’impérialisme a livré une mise au point rigoureuse et
remarquable sur les rapports de l’Occident et du Tiers-Monde
23
pendant la période coloniale en
précisant « le concept de l’économie coloniale » et après.
Loin de ces débats parfois torrides mais toujours passionnants, il convient de ne pas négliger
l’apport de l’école de géographie tropicale à l’histoire ultramarine économique. En effet, ce sont
bien des géographes qui ont enraciné l’analyse de l’évolution de multiples pans de l’économie
ultramarine, notamment aux Caraïbes et en Afrique subsaharienne, puisque, dans le sillage de la
« géographie tropicale » (Guy Lasserre, Paul Pélissier, etc.), plusieurs géographes se sont attachés à
reconstituer, en amont des parties géographiques de leur thèse, une histoire des mutations
antérieures aux faits (alors contemporains) qu’ils analysaient. Cela a été le cas à l’université de
Bordeaux, dont on connaît les thèses magistrales de Jean-Claude Maillart sur la géographie de la
banane
24
et d’Yves Péhaut sur les oléagineux africains
25
, et toutes deux contiennent d’amples
considérations sur ce qui véritablement devenu depuis lors des morceaux d’histoire économique
ultramarine. Le dépouillement des fameux Cahiers d’outre-mer, publiés par cette même université,
livre nombre de pistes à suivre par les historiens, comme le retrace d’ailleurs le numéro spécial
26
publié à l’occasion du cinquantième anniversaire de cette revue en 1997.
Enfin, par souci d’objectivité face aux recherches souvent « anticapitalistes » de nombreux
collègues, il faut relever les publications assurées par « les capitalistes » eux-mêmes, car une
politique de communication, certes modeste par rapport à l’usage actuel des médias, leur a permis
de publier nombre d’ouvrages telles que des plaquettes, des livres anniversaires, des numéros
spéciaux de revues
27
, qui évidemment devaient valoriser les activités des entreprises, en particulier
dans l’outre-mer colonial (ou post-colonial). Dans le prestigieux et volumineux Le monde des
affaires
28
, le déploiement ultramarin apparaît ainsi dans plusieurs sections ; et divers ouvrages ont
21
Le géographe Yves Lacoste, dans son ouvrage de synthèse Unité et diversité du Tiers-Monde (Maspero,
1980), donne l’historique et les définitions de tous les termes utilisés alors : Tiers-Monde, tiers-mondisme,
développement, sous-développement, etc. Cf. aussi : Emmanuel Arghiri, L’échange inégal : essai sur les
antagonismes dans les rapports économiques internationaux, Paris, François Maspero, 1969.
22
Jean Suret-Canale, Afrique noire (occidentale et centrale, tome I, Géographie, Civilisations, Histoire,
Paris, Éditions sociales, 1958 (355 pages) ; tomes II et III en 1964 et 1972. Jean Suret-Canale, Afrique et
capitaux (deux volumes), Paris, L’arbre verdoyant, 1987.
23
David Kenneth Fieldhouse, The West and the Third World. Trade, Colonialism, Dependance , and
Development, Oxford, Blackwell, 1999 (réédité en 2000, 20002 et 2004!). Il oppose précisément deux
premiers chapitres, l’un consacré à “The Pessimists””, l’autre à: “The Optimists”.
24
Jean-Claude Maillart, Le marché internationale de la banane, Pessac, Université Michel de Montaigne-
Bordeaux3, 1983.
25
Yves Péhaut, Les oléagineux dans les pays d’Afrique occidentale associés au Marché commun, thèse de
doctorat d’État, 1973,
26
Cf. Cahiers d’outre-mer, numéro spécial n°200, 50e année, 1997, Bordeaux & l’outre-mer, 1948-1997.
Notamment : Alain Huetz de Lemps, « Les géographes de Bordeaux & l’outre-mer », pp. 541-573. P.
Vennetier, « 50 ans de Cahiers d’outre-mer. Essai de bilan scientifique », pp. 575-605.
27
L’Illustration économique et financière. Nos possessions coloniales : l’Indochine, 1925. MAruis-Ary
Leblond, Madagascar création française, Paris, Plon, 1934.
28
Pierre Mayère, « Les affaires d’outre-mer », livre IX, in Jacques Boudet (et alii, dir.), Le monde des affaires
en France de 1830 à nos jours, Paris, Société d’édition de dictionnaires et encyclopédies, 1952, pp. 469-508
5
été publiés, par exemple sur la compagnie minière Mokta ou des banques
29
. Cet ensemble de
publications patronales mérite attention car elle procure des chronologies, des faits et un angle de
perception de la réalité
30
.
2. Le renouveau de l’histoire des milieux d’affaires ultramarins
Cependant, l’école d’histoire économique coloniale (et « postcoloniale »
31
) française a semblé
marqué le pas dans la seconde moitié des années 1980 et pendant les années 1990 ; l’épuisement
de certaines formes d’analyse marxisante, la reconsidération
32
d’une forme de « pensée unique »
ayant insisté sur les « blocages » imposés par l’impérialisme ultramarin
33
au profit de réflexions
plus incertaines sur la réalité de l’héritage colonial, la mode d’autres courants de recherche
historique (socio-culturelle, socio-politique, sociétale), l’éloignement de J. Marseille des
thématiques ultramarines au profit d’une histoire plus centrée sur les enjeux de la compétitivité
française, le départ à la retraite de nombre de pionniers, la faiblesse des investissements publics
pour renforcer des pôles d’excellence en histoire ultramarine, contraints à se cantonner dans une
toute petite demi-douzaine d’universités (Toulouse, Aix-en-Provence, Paris, Nantes-Lorient) et à
peiner à obtenir des postes de professeur ou de maître de conférences ( d’où l’isolement
géographique et humain de plusieurs chercheurs de cette sous-discipline (Le Havre, Bordeaux,
etc.), la montée de l’histoire récente, voire immédiate, des pays du Tiers-Monde, les doutes sur la
« nécessité » et l’efficacité de « la voie socialiste » choisie par de nombreux pays anciennement
colonisés, constituent autant de facteurs d’explication. La France a pu alors paraître perdre pied
quelque peu face à la forte montée en puissance des recherches en histoire économique
ultramarine en Grande-Bretagne
34
et aux États-Unis, avec des débats parfois torrides sur la réalité
de l’impérialisme économique et de ses formes
35
. Quoi qu’il en soit, un mouvement de renaissance
s’est déployé au tournant du XXIe siècle, et cette résurrection a été multiforme, grâce à la percée de
deux nouvelles générations, l’une modeste quantitativement (les actuels quinquagénaires), mais
féconde, l’autre ample et riche de promesses car impulsée par une strate de « juniors » dynamiques
et bénéficiant des nouveaux cadres d’organisation de la vie académique (allocations, bourses,
politique de centres de recherche). Ces deux générations ont bénéficié également de la percée d’une
(avec des études géographiques « L’Afrique du Nord », « L’Afrique noire » et des mini-monographies
d’entreprise, telles SCOA, BAO, CNF, CFAO, Société du Haut-Ogooué ou Optorg).
29
G. Duménil, La Banque d’Algérie et son rôle économique et financier, Paris, De Boccard, 1927. Ernest
Picard, La monnaie et le crédit en Algérie depuis 1830, Alger, collection du centenaire de l’Algérie ; Paris,
Jules Carbonnel & Plon, 1930.
30
Luc Durand-Réville, Les investissements privés au service du Tiers-Monde, Paris, France-Empire, 1970.
31
Emmanuelle Sibeud, « Post-Colonial et Colonial Studies : enjeux et débats », in « Table-ronde : Faut-il
avoir peur des Cultural Studies ? », Bulletin de la Société d’histoire moderne & contemporaine, supplément
de la Revue d’histoire moderne & contemporaine, 51-4bis, 2004, pp. 87-95.
32
Stuart Jones, « Economic interpretation of the nineteenth century imperialism », pp. 1-26; John Gallagher
& Ronald Robinson, « The imperialism of free trade », pp. 27-44 ; David Kenneth Fieldhouse,
« ‘Imperialism’: an historical revision », pp. 45-72; D.K. Fieldhouse, « The role of economics in the expansion
of empires, 1830-1914 », pp. 107-123, in Economic Interpretations of Nineteenth Century Imperialism,
numéro spécial de : South African Journal of Economic History, volume 4-1, mars 1992.
33
Samir Amin, L’Afrique de l’Ouest bloquée : Économie politique de la colonisation, 1880-1970, Paris, 1971.
Samir Amin, Impérialisme et sous-développement en Afrique, Paris, Anthropos, 1971. Samir Amin,
L’impérialisme ou le développement inégal, Paris, Éditions de Minuit, 1976.
34
William Gervase Clarence-Smith (dir.), Business Empires in Equatorial Africa, special issue, African
Economic History, XII, 1983. Peter J. Cain & Anthony G. Hopkins, British Imperialism: Innovation and
Expansion, 1688-1914, London & New York, Londres, 1993. Peter J. Cain & Anthony G. Hopkins, British
Imperialism: Crisis and Deconstruction, 1914-1990, London & New York, Londres, 1993. Seconde édition,
British Imperialism, 1688-2000, Harlow & New York, McMillan, 2001.
35
Peter J. Cain & Anthony G. Hopkins, « Gentlemanly capitalism and British overseas expansion. I. The old
colonial system, 1688-1850 », Economic History Review, XXXIX, 4, novembre 1986. Peter J. Cain & Anthony
G. Hopkins, « Gentlemanly capitalism and British overseas expansion. II. The new imperialism, 1850-1945 »,
Economic History Review, XL, février 1987. Andrew Porter, « Gentlemanly capitalism and imperialism: the
British experience since 1750? », Journal of Imperial and Commonwealth History, volume 18, 1990, pp.
265-295. Raymond Dumett (dir.), Gentlemanly Capitalism and British Imperialism: The New Debate on
Empire, Londres et New York, Longman, 1999. Shigeru Akita (dir.), Gentlemanly Capitalism, Imperialism
anf Global History, London & New York, Palgrave-McMillan, 2002.
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