salariés toxicomanes en situation de travail est en effet un pari risqué pour la salarié lui-même
(sera-t-il capable de s’intégrer, de se maintenir ou de se remettre au travail ?), pour la sécurité
du salarié lui-même et de ses collègues, et pour le médecin du travail qui déclare la personne
apte à son travail tout en connaissant la conduite addictive du salarié.
Un des médecins évoquait la difficulté éthique à se situer face à l’aptitude et aux
restrictions médicales. En effet, l’état de santé du salarié en regard du poste qu’il occupe peut
amener le médecin à poser des restrictions médicales telles que mutations ou transformations
d’un poste justifiées par l’état de santé physique ou mental du salarié (art. L. 241-10-1).
L’employeur est alors tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de
faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. Considérant le contexte
économique des entreprises ou la taille des entreprises trop petites pour offrir au salarié une
possibilité de reclassement, le médecin du travail est souvent obligé de composer en fonction
de tous les paramètres. Ce médecin me disait ne plus exprimer sur le certificat médical de
restriction d’aptitude seulement quand cela est indispensable et s’il est sûr que celle-ci peut
être suivie d’effet. Le domaine d’action du médecin du travail est ressenti comme de plus en
plus limité et l’aptitude peut être vécue comme une certaine lâcheté de la part du médecin :
« on met apte car on ne peut pas faire autrement ». Le problème se pose également de façon
peut être encore plus marquée pour les intérimaires puisque mettre une restriction d’aptitude
équivaut la plupart du temps au refus d’obtention de la mission pour le salarié car l’entreprise
utilisatrice préfèrera embaucher un autre salarié plutôt que de faire des aménagements pour un
salarié temporaire.
Un autre médecin interrogé parlait de la difficulté de se situer entre la santé et le poste
de travail du salarié. En effet, le médecin de par ses fonctions et sa connaissance de
l’entreprise, connaît les postes de travail, ceux soumis à des risques toxiques, physiques ou
chimiques. Il a beau être conseillé de l’employeur et proposer des améliorations, celles-ci ne
seront et ne pourront pas toujours être suivies d’amélioration. Que faut il faire en attendant ?
Prévenir l’inspection du travail peut être une menace, certes, mais qu’en est il des salariés
affectés à ces postes de travail ? Est-ce que mettre inapte tous les salariés affectés à ces postes
dangereux est une solution, sachant que ce n’est pas l’état de santé des salariés qui est à
l’origine de l’inaptitude mais le poste de travail qui risque de dégrader la santé des
travailleurs. Peut on mettre au chômage tous les salariés affectés à des postes à risque même si
cela peut être la seule solution pour que l’entreprise effectue des améliorations ? Comment se
situer dans le contexte économie / santé ; santé / emploi ? Les salariés eux même, informés
des risques qu’ils encourent pour leur santé, dus à un problème de santé dont ils sont porteurs
ou affectés à un poste à risque, préfèrent prendre ce risque plutôt que de risquer perdre leur
emploi, demandant au médecin de ne surtout rien dire ni rien faire qui pourrait risquer de
compromettre leur emploi. La position du médecin est alors un compromis entre risque pour
la santé du salarié et environnement social de l’entreprise et du salarié.
Un médecin évoquait également la position du médecin du travail coincé entre le
législateur et le milieu économique en prenant comme exemple le travail de nuit. En effet, le
travail de nuit est connu et reconnu comme dangereux pour la santé. Le législateur lui-même
reconnaît ce danger puisque la loi impose les visites annuelles tous les 6 mois pour les
travailleurs de nuit. Le médecin est donc aux premières loges pour la surveillance de ces
salariés mais quelle est sa marge de manœuvre ? C’est un peu comme si le législateur, et
l’entreprise se déchargeaient sur le médecin : puisque le travail de nuit est dangereux pour la
santé, les salariés n’ont qu’à être suivis par le médecin du travail. Mais que peut il faire de
plus ? Rendre inapte un salarié qui ne peut travailler de nuit au risque de lui faire perdre son