La Langue des Prophètes et les Textes Originaux des Messages

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La Langue des Prophètes et les Textes Originaux des Messages révélés
Moïse et Aaron - Jésus - Mohammad (Que la paix soit sur eux)
Préface
Dans le cadre de sa démarche visant à faire connaître la perception islamique des questions
culturelles et sociales, l’Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture met
à la disposition des visiteurs de son site web une base de données islamiques pour les initier aux
dogmes véridiques de la religion islamique. Elle entend ainsi apporter sa contribution à l’œuvre
de démystification et de correction qui vise à décaper l’islam des malencontreuses scories qui
sont venues s’y greffer pour en gâter l’essence pure. Mieux encore, elle propose un portail
moderne qui soit à l’image de la place de choix que la culture islamique occupe dans les cœurs
d’un milliard trois cent trente millions de musulmans à travers le monde.
A cet égard , l’Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture a le plaisir de
présenter à son lectorat cet ouvrage intitulé " la langue des prophètes et les textes originaux des
messages révélés ". Celui-ci se décline en cinq chapitres libellés comme suit: la Révélation dans
la vie des hommes, Langue et mission prophétique de Moïse et de Aaron, paix sur eux, Langue
et mission du Messie " Jésus ", fils de Marie, paix sur lui, Langue de Mohammed, Sceau des
prophètes et l’ultime révélation, paix et prière sur lui, Choix de quelques manuscrits coraniques.
Dans les milieux intellectuels, l’importance de cette thématique n’est plus à démontrer. Cela
tient au fait que l’étude de l’origine des messages révélés et leur documentation sont deux
occupations intellectuelles auxquelles tous les hommes peuvent se livrer de bon droit. De fait,
les textes originaux de ces messages intéressent tous les peuples de la terre qui ont par ailleurs
le devoir de les préserver. Si ceux-là venaient à disparaître, cela risque de mettre en péril
l’existence même des religions et d’exposer leurs adeptes au danger du fourvoiement.
D’ailleurs, les gens de bien se refuseront à admettre une telle éventualité qui mettrait les
messages de leur Seigneur hors de leur portée.
Eu égard à toutes ces considérations, la base de données islamiques, destinée à figurer sur le
site web de l’ISESCO, a mis d’abord l’accent sur la problématique de la révélation, des langues
des prophètes et de la documentation des messages révélés. Cet intérêt est né de la volonté de
préserver ce patrimoine spirituel qui appartient en propre à l’humanité tout entière.
Vu l’importance de ces études, l’Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la
Culture a jugé nécessaire de les faire publier dans le présent ouvrage. C’est pourquoi, je me fais
une joie et un devoir de remercier leurs auteurs respectifs, j’ai nommé Pr Abdel Aziz Ben
Abdellah, Dr Ahmed Chahlane, Dr Abdel Aziz Chahbar, Dr Mohammed Mokhtar Ould Bah, et Dr
Heba Nael Barakat.
Implorons Allah d’étendre les bienfaits de cette œuvre sur les divers publics des diverses
cultures, conformément à la lettre de Sa parole divine : " Humains, Nous vous avons créés d’un
mâle et d’une femelle. Si Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, c’est en vue de
votre connaissance mutuelle. Le plus digne au regard d’Allah, c’est celui qui se prémunit le plus.
Allah est Connaissant, informé ".
Dr
Abdulaziz
Othman
Altwaijri
Directeur général de l’Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la
Culture (ISESCO)
CHAPITRE
INTRODUCTIF
La Révélation dans la vie des hommes
Pr Abdel Aziz Ben Abdallah
Préambule
Les Prophètes ont parlé de l’existence d’un autre monde où l’homme - après le jugement sur ses
actes ici-bas - est appelé à vivre soit dans la félicité, soit dans la pire des souffrances.
Si un inconnu venait nous avertir que des événements ont lieu à un endroit que nous pensons
visiter, nous prenons en considération ce qu’il dit et nous nous apprêtons à y faire face, même si
nous ne sommes pas sûrs de l’existence de ces événements. Si donc les attributs des Prophètes
traduisent leur sagesse, la noblesse de leur caractère et leur sens aigu de la probité, pourquoi
donc nions-nous l’existence de l’Au-delà ?
Par ailleurs, et comme nous héritons le savoir, depuis notre naissance, des générations passées,
recevant ainsi de nos ancêtres la confirmation de l’existence d’un autre monde, pourrions-nous
prétendre que tout ce qui nous est ainsi légué n’est que mensonge ? N’y avait-il pas, parmi nos
Pieux Anciens de généreux Prophètes ? Avons-nous des sources de connaissances ou une science
à notre portée en rupture totale avec le passé, que celui-ci soit récent ou lointain ?
La sagesse que l’homme doit suivre veut qu’il croit à l’Au-delà et au Jour du Jugement Dernier.
Il n’existe pas sur terre un peuple qui ignore le sens du mot «Allah» (ou «Seigneur» ou «Dieu»). Il
est le Créateur de tout l’Univers et le seul Juge qui aura à apprécier nos actes après notre mort.
La propagation de cette croyance parmi les peuples et les Nations prouve qu’elle n’est pas le
fait d’un seul individu. Elle est parmi les vérités que l’homme connaît depuis son existence et
ceux qui n’y croient pas, qui nient la résurrection et l’Au-delà ne possèdent aucune preuve à
même d’étayer leur athéisme. En plus, aucun individu n’est athée parce qu’il ignore l’existence
de Dieu. L’athéisme est une attitude d’opposition et de non-reconnaissance d’un Etre qui existe
dans la conscience de l’athée. Celui-ci n’est pas sans ignorer la signification du terme «Dieu»,
des attributs du Créateur et de Son aptitude à conduire l’Univers. Le Très-Haut n’a pas
abandonné ses créatures et il n’existe pas un homme ou un animal qui ne porte pas en lui une
intelligence qui lui permet de saisir l’existence de Dieu, Sa grandeur et Sa sublimité.
Le discours divin adressé aux hommes
La Révélation est l’unique source des lois et des croyances célestes et le Révélateur est «Allah»
qui appelle à la foi par Sa divinité, Son Unicité, Ses attributs, Ses anges, Ses envoyés, et à la
croyance par l’apport législatif original des Livres célestes qui sont : les Psaumes, la Bible,
L’Evangile et le Coran, le dernier de ces Livres.
Les ennemis de la religion n’ont, de tout temps, jamais cru à la véracité de la Révélation, ce qui
a incité les érudits et les penseurs à invalider leurs thèses par la logique et les arguments
scientifiques. L’objectif de la propagation de ces opinions erronées était de détruire le concept
même de la Révélation divine. Or, l’éternelle volonté divine s’est manifestée, à travers la
Révélation, dans une sublime sagesse que ses propagateurs que sont les vénérables Prophètes,
ont successivement pris en charge. Le dernier d’entre eux, à avoir brandi ce flambeau fut le
Prophète Mohammad (Que la prière et le salut de Dieu soient sur lui).
L’objectif de la succession des missions célestes était de rappeler constamment aux hommes la
sagesse divine dans la création de l’Univers, l’omniscience de Dieu, Sa volonté, la protection
qu’Il assure aux hommes à travers le temps et ses vicissitudes et l’appel constant - par
l’incitation et l’intimidation - au Jugement de l’Au-delà. C’est là une philosophie qui se fonde
sur le concept de la dynamisation qui anime la vie de l’humanité :«Dès qu’un verset du Livre se
trouve abrogé ou devient caduc, un autre, meilleur ou tout pareil vient le remplacer». [La Vache
: 108]
Cette abrogation, appelée à être constante, ne concerne pas les fondements immuables de la
foi, mais vise certains concepts ou des aspects pratiques de la religion : «Il institue pour vous, en
fait de religion, ce qu’Il avait prescrit à Noé, ce qui t’est révélé à toi-même, ce qui fut donné
auparavant à Abraham, à Moïse, à Jésus. Acquittez-vous, leur fut-il prescrit, du culte du
Seigneur ! N’en faites point, entre vous, un sujet de division». [La Délibération : 13]
La religion abrahamique est une et immuable. Elle n’est appelée à changer qu’en ce qui
concerne certains aspects pratiques imposés par les exigences de la vie qui se renouvelle. La
plupart des Envoyés sont venus, suite à des changements naturels survenus, de par le monde,
dans les habitudes des êtres humains.
La mission de Mohammad, la dernière des missions célestes, est intervenue après avoir été
annoncée par les Livres sacrés d’autres confessions :«Non, Mohammad n’est le père d’aucun
homme d’entre vous, mais le Messager de Dieu et le sceau des Prophètes». [Les Coalisés : 40]
Dans un Hadith, il est dit : «Mon cas, comme celui d’autres Prophètes, ressemble à la situation
d’un homme qui a construit - avec passion et habileté - un édifice dont il ne manquait qu’une
brique dans un angle. Les hommes qui visitaient cet édifice n’en tarissaient pas d’éloges, mais
faisaient cette remarque : «Mais où est donc cette brique manquante?» Il répondit : «C’est moi
la brique manquante et je suis le sceau des Prophètes.»(1). Nous y reviendrons là-dessus pour
corroborer cela par des versets glanés dans les Livres célestes.
Parce qu’elle est la dernière des missions prophétiques, la mission de Mohammad se caractérise
par deux traits essentiels :
a) Elle est adressée à tout le genre humain : «Nous ne t’avons envoyé à la totalité du genre
humain qu’uniquement pour annoncer la bonne nouvelle et avertir». [Les Sabâ’ : 28]
Dans un Hadith non contesté, le Prophète (Que la paix soit sur lui) a dit : «Jadis, le Prophète
était envoyé à son peuple. Quant à moi, je suis destiné à toute l’humanité »(2).
b) Elle est porteuse d’une foi simple qui a pour fondements :
- La croyance en Dieu, en Son unicité, en Ses Prophètes et en Ses Messagers.
- La pratique de la prière rituelle.
- L’acquittement de la Zakât (l’aumône légale).
- La pratique du jeûne.
- Le pèlerinage à la Mecque pour ceux qui en ont les moyens.
Accommodement des missions prophétiques avec l’histoire humaine
Il se pourrait qu’on s’interroge sur le pourquoi de la multiplicité des missions prophétiques à des
endroits différents de la planète, et peut-être au même endroit et à une même époque, qu’on
s’interroge également sur le pourquoi de la prolifération et la succession des Révélations … Celle
ci est-elle due au trépas des prophètes ou à l’effritement de leurs missions et à la vétusté des
concepts par eux divulgués ? Auquel cas, le redressement, par le biais de missions nouvelles,
s’impose.
A ce point de l’analyse, il est indispensable d’exposer la raison de la succession des missions
prophétiques et les spécificités de chacune d’elles ainsi que les raisons de l’envoi, l’un après
l’autre, des Messagers afin que l’appel divin parvienne à tous les hommes.
Pureté de l’innéité divine chez le genre humain
Au début de l’histoire humaine, les hommes étaient naturellement purs. Dieu a dit : «Une seule
communauté, tels furent les hommes à l’origine. Dieu leur envoya des Prophètes annonciateurs
de félicité et avertisseurs contre les tourments. Par eux, Dieu révéla aux hommes les Ecritures,
pour leur servir de juge et trancher leurs différends». [La Vache : 213]
Ceci veut dire que, depuis Adam, les hommes étaient sur le droit chemin, mais qu’à travers les
siècles, la discorde les a séparés et Dieu leur a envoyé Ses Messagers.
Cette sollicitude divine concerne tous les hommes, car Dieu les entoure tous de Son affection. Ils
sont d’ailleurs prédisposés, tout naturellement, à accepter le Bien. D’après Abû Hurayra (Que
Dieu soit satisfait de lui) le Prophète (sur lui le salut de Dieu) a dit : «Chaque nouveau-né est
prédisposé à la bonté naturelle. Ce sont ses parents qui le convertissent soit au judaïsme, soit au
christianisme, soit au mazdéisme».(3)
D’après Ibn ‘Abd El Barr, cette caractéristique est commune à tous les nouveaux-nés. C’est un
fait donc que chaque nouveau-né est bon par nature, que ce sont ses parents qui le soumettent
au judaïsme par exemple et qu’à partir de la puberté, il agit en tant que Juif. Pour ce qui est de
l’Islam, Dieu a affirmé qu’il est la religion de la bonté innée : «Relève donc la tête pour te vouer
au culte pur de l’Un, selon la nature innée dont Dieu a pourvu les hommes en les créant. Ce que
Dieu a créé ne saurait être modifié. Telle est la religion droite. Mais la plupart des hommes n’en
savent rien». [Les Byzantins : 30]
L’Islam est la religion de l’unicité pour laquelle Dieu a envoyé tous les Prophètes afin de la
propager.
Succession des Prophètes et des Messagers
Nous commencerons par citer les noms des Prophètes et des Messagers selon ce qui a été dit
dans le Saint Coran :«Dites : Nous croyons en Dieu, en la Révélation reçue par nous et aux autres
faites jadis à Abraham, Ismaël, Jacob, Isaac, les douze fils de Jacob; en ce qui fut donné à
Moïse, puis à Jésus, et en toute la Révélation faite aux Prophètes par leur Seigneur, ne faisant
aucune distinction entre eux et nous soumettant entièrement à Lui». [La Vache : 136]
«Dieu éleva au rang d’élus, par-dessus tout l’Univers, Adam, Noé, la famille d’Abraham et celle
d’Imrân». [La Famile d’Imrân : 34]
«Des Révélations te sont faites de Notre part, comme nous en fîmes à Noé et aux Prophètes qui
l’ont suivi et telles qu’en reçurent Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob, les Prophètes des douze
tribus, Jésus, Job, Jonas, Aaron, Salomon et comme à David furent donnés les Pasumes !
Bien des Prophètes ont reçu ainsi Notre message : un certain nombre d’entre eux ont été
évoqués pour toi, d’autres ont été passés sous silence. Dieu se fait entendre clairement de Moïse
!
Tous, inspirés de Dieu ont eu pour mission d’annoncer la bonne nouvelle aux hommes et en
même temps de les avertir, afin qu’ils n’aient, une fois la mission des Prophètes accomplie, plus
d’excuses à invoquer devant le Seigneur. Dieu est Tout-Puissant. Il détient la Suprême Sagesse».
[Les Femmes : 163-164]
Après l’évocation des Messagers et des Prophètes dans la sourate «Les Troupeaux», Dieu cita
encore : «Zacharie, Jean, Jésus, Elie, tous connus pour leur vertu. Il compta de même au
nombre des siens Ismaël, Elisée, Jonas et Loth qui, tous bénéficièrent de Nos faveurs et furent
élevés au rang d’élus». [Les Troupeaux : 86]
«Ismaïl, Idriss, Dhoul Kifli sont non moins dignes d’être cités. Tous avaient fait preuve de
constance». [Les Prophètes : 85]
Adam, le père de l’humanité
L’un des premiers de ces Prophètes fut Adam. Il est Prophète parce qu’il est le père de
l’humanité. Dieu le congédia du paradis pour qu’il vive dans un endroit de la planète. Quel est
donc ce paradis ? Est-ce le paradis de l’Au-delà ou bien s’agit-il de l’un de ces endroits
paradisiaques de la planète ?
L’ïmâm Abû Hanîfa pense - d’après ce que rapporte Iban ‘Abbâs et qui est mentionné dans
«L’exégèse» de Mundir Ibn Sa’îd Al Ballûtî - qu’Adam et Eve furent contraints de ne pas goûter
au fruit de l’arbre. Et l’on sait qu’il n’y a point de contrainte dans le paradis éternel. Comment
donc Iblis les a-t-il rejoints dans ce paradis qui lui était interdit ? Comment pouvait-il leur
insinuer que la raison de l'interdiction de manger le fruit interdit est leur privation d’être
éternels. Or, la vie dans le paradis céleste est éternelle. Ceci est également mentionné dans
l’Ancien Testament(4).
Selon Abû Umâma, un homme a dit : «O Prophète de Dieu ! Adam était-il un Prophète ?». Le
Prophète répondit : «Oui, un Prophète agissant». L’homme dit : «O Envoyé de Dieu ! Quel fut le
nombre des Prophètes ?». Le Prophète répondit : «Cent vingt quatre mille dont trois cent quinze
sont des Messagers»(5).
Dans le deuxième chapitre de la Genèse, il est mentionné qu’Adam vécut à la source du Tigre et
de l’Euphrate, dans un endroit choisi par Dieu et dont on ne connaît pas l’emplacement. Il du
lutter pour survivre. Il fut cultivateur, se maria et eut beaucoup d’enfants. C’est de cette
époque que date le début de la constitution de la société humaine qui dura, selon la Bible, neuf
cent trente années(6).
Le premier problème qu’Adam du affronter fut le crime fratricide commis par Caïn sur Abel.
Al Bukhârî rapporte dans son «Sahîh» et Ahmad dans son «Musnad» ce dire du Prophète (que le
salut soit sur lui) : «Dans chaque meurtre commis injustement, l’aîné d’Adam a une part de
responsabilité, car il fut le premier à instaurer le crime».(7)
Idriss (Enoch)
Idriss devint Prophète après Adam et Seth, trois cent huit ans après la mort d’Adam. Il naquit
probablement à Babel. Quand il devint Prophète, il commença à prêcher la bonne religion. Il
interdit aux corrompus de transgresser les préceptes religieux que propagèrent Adam et Seth. Il
rencontra beaucoup de résistance. Sa prédication se répandit partout. Il émigra alors vers
l’Egypte où, pendant quatre vingt deux ans, il enseigna la parole de Dieu avant qu’il ne fût élevé
à un haut rang :«Nous l’élevâmes à un rang sublime». [Marie : 57]
C’est à son époque que le savoir et la sagesse commencèrent à se constituer. Il fut le premier à
user de la plume et à se spécialiser dans l’astronomie et l’astrologie. On rapporte qu’il fut
l’initiateur de la science urbanistique après avoir fondé cent quatre vingt huit centres urbains.
Cela fait partie, sans doute, des récits israélites que les gens du Livre se transmettèrent de
génération en génération et qu’ils préservèrent, après leur islamisation, avant qu’ils ne fussent
consignés dans les biographies des Prophètes.(8)
On rapporte également qu’Idriss s’appelait Elie, connu sous le nom d’Enoch dans la Genèse (5 :
24) et que les Sages appelèrent «Le plus prestigieux des Hermès». Ils prétendirent qu’il naquit
en Egypte d’où il partit pour prêcher, de par le monde.
Idriss fut connu par ses écrits littéraires et ses maximes où il lança des appels en faveur de
l’astronomie (notamment l’observation du croissant et les signes du zodiac). Parmi ses maximes
que des générations entières de toutes les confessions se transmettèrent, citons celles-ci :
- «Le Bien de ce bas-monde est la peine et son Mal est le regret».
- «La vie de l’esprit c’est la sagesse et l’interdiction du vin».
On lui attribua à tort l’édification des pyramides et ses détracteurs prétendirent qu’il y avait
esquissé les croquis de tous les appareils et métiers pour les éterniser, ce qui est en
contradiction avec ce que nous dit l’Histoire(9).
Ibn Jarîr rapporte une autre version voulant qu’Elie n’est autre qu’Ibn Yâcin Ibn Fanhâs Abû Al
‘Ayzurân Ibn Hârûn. Il est donc un des Prophètes israélites qui prônèrent le renoncement à
l’idolâtrie. Lui a succédé Elisée, Prophète du peuple de Ba’labek, à l’ouest de Damas, qui
idolâtrait des statues du nom de Baals(10).
Noé, le second père de l’Humanité
Les sept commandements (ou lois) qui ont été révélés à Noé, après le Déluge (Genèse : 9)
interdisaient : le polythéisme, l’homicide sans raison, l’outrage, la fornication, le vol, la
consommation de la viande crue(11), et recommandaient l’instauration d’un système législatif
pour l’Humanité. Ces commandements précédaient les dix autres qui ont été révélés à Moïse,
selon l’Ancien Testament, quand Dieu lui adressa la parole au Mont Sinaï.
Deux penseurs juifs contemporains, Moses Mendelssohn et Herman Cohen, ont affirmé que les
commandements de Noé constituent le fondement éthique du rationalisme humain et sont à
l’origine du Décalogue, base de la Loi divine dans les Livres révélés comme le Livre de Job et le
Livre du Jugement qui est une partie de l'Ancien Testament attribué à Salomon comme on le
verra.
Les Docteurs de la Loi se demandent si le déluge de Noé a concerné toute la planète, bien que la
mission de ce Prophète ne dépassât pas le cadre étroit d’une région limitée. L’espèce humaine
n’était pas encore disséminée partout sur la terre et était concentrée à l’endroit atteint par le
déluge, là où l’Arche de Noé «jeta l’ancre» dans les parages de «Diyâr Bakr» dans la presqu’île
arabique. Le Coran n’évoque pas l’emplacement géographique de cet événement.
Certains arabisants ont manifesté leur désaccord quant à la longévité de Noé évoquée dans le
Coran : «Nous dépêchâmes Noé en messager auprès de son peuple. Il vécut parmi eux neuf cent
cinquante ans; puis le déluge les surprit en pleine iniquité». [L’Araignée : 14]
Toutefois, quelques médecins allemands ont déclaré que l’homme de cette époque ne
connaissait aucun souci et qu’il était fort possible qu’il puisse vivre longtemps.
Houd
Sa mission précéda celle de Noé. On dit qu’il fut envoyé aux géants de ‘Ad dans les terres des
Ahqâf à Hadramaout au Yémen, dans les territoires déserts, contigus à Oman. Houd n’est
mentionné que dans le Coran (Sourate Houd). On dit qu’il fut le premier à s’être exprimé en
arabe. Les Arabes ont, d’ailleurs, été les premiers à s’implanter à l’ouest de l’Euphrate.
Sâleh
Quant à Sâleh et son peuple, leur époque n’est pas connue avec exactitude. Les ruines n’en
donnent aucune précision, car la majorité de leurs motifs décoratifs nabatéens sont des
épitaphes qui datent de la naissance de Jésus. On dit que Sâleh n’est autre qu’Ibn ‘Ubayd Ibn
Âsif, un Arabe parmi les descendants de ce qui reste de ‘Âd dont les habitants sont connus pour
leur goût de l’architecture taillée dans le roc, dans la région située entre le Hijâz et la Grande
Syrie. La région de ‘Ad est connue aujourd’hui sous le nom de «col de la chamelle», là où Sâleh
construisit des villes, à proximité du Golfe d’Aqaba. Cet endroit fut ainsi nommé, car Sâleh fut
l'auteur du miracle de la chamelle qui est la preuve de l’authenticité de sa mission. La chamelle
sortit du roc et vécut un certain temps, puis les gens l’immolèrent. Dieu leur envoya un ouragan
qui les décima complètement.
Abraham
Abraham est, selon la Bible, originaire du peuple «Feddan Arâm» en Mésopotamie. Il émigra à Ur
en Chaldée qui est une cité située à la rive ouest de l’Eurphrate, puis s’installa à Harân, en
Palestine et enfin en Egypte vers 2200 avant J.C.
Il se rendit à la Mecque avec son fils aîné Ismaël qu’il eut de Hajar, épouse qui lui a été offerte
par le Pharaon. Ismaël était alors enfant à l’époque. L’eau de Zem-Zem qui apparut sous ses
pieds fut un miracle et vint combler sa mère Hajar qui implorait Dieu de lui envoyer de l’eau
alors qu’elle ne voyait devant elle que le mirage. L’apparition de cette eau poussa la tribu de
Jurhum à s’installer à la Mecque. C’est au sein de cette tribu qu’Ismaël grandit et apprit à parler
l’arabe, abandonnant en même temps le syriaque, langue de son père.
Abraham et son fils, Ismaël, construisirent la Ka’ba et autorisèrent les gens à y accomplir le
pèlerinage : «Appelle les hommes au pèlerinage : ils y viendront, à pied ou à dos de chameaux
efflanqués, accourant des contrées les plus lointaines». [Le Pèlerinage : 27]
Depuis cette époque, la visite de la Ka’aba devint un rite. Un homme vint voir le Prophète (sur
lui le salut) et dit : «O, meilleur des êtres humains!». Le Prophète répondit : «Le meilleur des
êtres humains est bien Abraham, l’ami de Dieu».(10)
Ismaël
Comme cela a été dit auparavant, il fut élevé au sein de tribus arabes. Il vécut cent trente ans.
Il mourut à la Mecque et fut inhumé près de la tombe de sa mère Hajar. La Bible mentionne qu’il
est mort en Palestine.
Isaac
Il fut envoyé aux Cananéens de la Syrie et de la Palestine. Quand il naquit, son père avait déjà
cent ans. Isaac vécut cent quatre vingt ans et fut inhumé à Hébron, près de son père. Il y eut des
malentendus à propos du sacrifié. On rapporte qu’Ibn ‘Abbâs croit que celui qui allait être
sacrifié est bien Isaac, mais d’autres sources assurent que la personne concernée était
Ismaël(12).
Loth
Il s’agit d’Ibn Hârûn Ibn Târih. Il est le neveu d’Abraham avec qui il émigra de la Mésopotamie.
Dieu l’envoya au peuple de Sodome qui vivait à l’Est de la Jordanie actuelle. Ce peuple
s’adonnait à la pratique de la pédérastrie (coït anal), déviation sexuelle pour laquelle il fut
totalement exterminé. L’épouse de Loth était parmi les victimes, car elle cautionnait la sodomie
pratiquée par ses concitoyens. Ses filles, quant à elles, furent sauvées avec lui de la destruction
de Sodome.
La cité de Sodome était située au Sud de la Mer Morte. Quand Dieu nivela le faîte des
montagnes, la terre se trouva au-dessous du niveau de la mer. Les eaux envahirent alors les lieux
… On a découvert, au bord de la Mer Morte, les ruines de citadelles antiques appartenant au
peuple de Loth.
Les épouses de Noé et de Loth ne périrent pas à cause d’une dépravation sexuelle, d’un crime
d’adultère, mais parce qu’elles n’ont pas cru en la mission prophétique de leurs maris. Ibn
‘Abbâs avait bien raison de dire qu’«aucune épouse d’un Prophète ne s’est adonnée à la
prostitution».(13)
Jacob (Israël)
C’est le fils d’Isaac, enfant d’Abraham. Né en Palestine, il émigra vers «Feddan Arâm» à
Babylone en Mésopotamie, chez son oncle Laban. Il eut un songe dans «la maison de Dieu» qui
est le site de Jérusalem, ville qu’il construisit plus tard. Il s’installa en Mésopotamie où il épousa
Léa et Rachel, ses cousines. Le mariage avec deux sœurs n’était pas considéré comme
incestueux à l'époque, mais il fut abrogé plus tard, par la Bible. Jacob eut de Rachel, son épouse
préférée, deux enfants : Joseph et Benjamin. Quand il mourut, il fut inhumé auprès de son père,
à Hébron.
Joseph
Il est, comme l’a dit le Messager de Dieu (que le salut soit sur lui), «le généreux, fils du
généreux, fils du généreux, fils du généreux”, Joseph fils de Jacob, fils d’Isaac, fils
d’Abraham(14). Homme vertueux et probe, il évita l'adultère avec l’épouse du Pharaon qui
l’éleva et le prit en charge. Quand il rencontra son père, après s’être séparé de lui, ce dernier
était âgé de cent trente ans, et allait vivre encore dix sept ans. Quant à Joseph, il vécut cent dix
ans. Il mourut en Egypte trois cent soixante et un an après la naissance de son grand père
Abraham et soixante quatre ans avant la venue au monde de Moïse. Sa dépouille mortelle fut
transférée en Syrie du temps de Moïse et fut probablement inhumée à Naplouse.
Choua (Chouaïb)
On l’appelle Choua, fils de Madian. Les exégètes disent de lui qu’il est le plus éloquent des
Prophètes. Il n’est pas le gendre de Moïse, le père des deux femmes, car le père de celles-ci est
Yétron, neveu de Choua (selon Ibn Kathîr). D’après Abû Al Baqâ, son origine n’est pas
authentifiée. Ibn ‘Asâkir rapporte que sa mère est la fille de Loth …
Il est vraisemblablement le fils de Michaël, petit-fils de Madian, un des fils d’Abraham. Sa mère
est la fille de Loth. Sa mission précéda celle de Moïse, mais son cas créa beaucoup de problèmes
aux historiens qui ont cru que sa mission est intervenue plusieurs siècles après celle de Moïse. Il
semble qu’ils l’ont confondu avec le Prophète Isaïe.
Les sites du peuple de Madian se trouvent au Hedzaz, du côté de la Syrie, non loin du Nord du
Golfe d’Aqaba et du Sud de la Palestine. Le peuple de Madian était constituté de commerçants
et d’agriculteurs qui lésinaient sur ce qu’ils vendaient. Cela se passait probablement après
l’exode des Israélites vers l’Egypte. Cette fraude dans le commerce était à l’origine de l’envoi
de ce Prophète, mais comme les habitants de Madian refusaient de mettre un terme à leur
fraude, ils subirent beaucoup d’atrocités.
Job
Homme fortuné, mais généreux et reconnaissant, sa progéniture fut nombreuse. Il fut durement
frappé par le malheur dans sa vie, mais il a toujours su rester serein et patient. Dieu lui vint en
aide et le sauva : «Rappelle-toi Job, élevant sa plainte vers son Seigneur : Seigneur, je suis
éprouvé, je souffre. Tu es le Compatissant sans égal». [Les Prophètes : 83]
La tradition biblique prétend qu’il a été honni par les siens quand il tomba gravement malade.
Son corps se décomposa et il fut jeté aux ordures, hors de la ville, selon la Bible.
L’Islam qui sanctifie les Prophètes et les place au-dessus de toutes les petitesses de la vie,
réfute les allégations bibliques. Job fut sans doute malade et sa maladie lui prit dix-huit ans de
sa vie qui dura quatre vingt treize ans. Il eut vingt six garçons dont Bishr qui - dit-on - est Dhou
Al Kifli que le Coran cite parmi les Prophètes.
Il fut envoyé aux Romains, mais son point de chute était Damas et ses environs. Sa mission put
atteindre la Perse et l’Empire byzantin. C’est ainsi qu’on peut dire que les missions prophétiques
touchèrent, à l’époque, les régions les plus peuplées de la planète.
Moïse et Aaron
Hommes de bonne volonté, leur histoire est connue. (On y reviendra à propos du rapport entre la
Bible et l’Evangile). Moïse et Aaron sont les fils d’Imrân, fils de Kahet, fils de Lévi, fils de Jacob.
Aaron est né trois ans avant Moïse. Eloquent et d’une volonté de fer il vécut cent vingt deux ans
et mourut, dans le désert, onze mois avant son frère Moïse et bien avant la pénétration des
Israélites en Palestine.
L’Envoyé de Dieu (sur lui le salut) a dit : «N’ayez point de préférence entre les Prophètes, car
quand Dieu soufflera dans la corne, tous ceux qui se trouveront sous les Cieux et sur la Terre
seront foudroyés, sauf ceux que Dieu voudra sauver. Puis il soufflera une seconde fois et voilà
que je serai le premier à être ressuscité et que Moïse s’installera sur le Trône. Je ne sais pas s’il
va être jugé par ce foudroiement, le Jour du Jugement ou s’il va être ressuscité avant moi ! Je
n’ai jamais dit que quelqu’un est meilleur que Jonas, fils d’Amittaï »(15)
Dhoul Kifli
Ibn Kathîr confirme que Dhou Al Kifli fut bien un Prophète, bien que certains érudits pensent
qu’il s’agit- là d’un juste juif parmi tant d’autres. Le Saint-Coran se contente de le présenter
parmi les justes les plus connus, ce qui fait dire à Ibn Kathîr que ce terme (les justes) sert à
désigner ainsi les Prophètes : «Ismaël, Idriss, Dhoul Kifli sont non moins dignes d’être cités. Tous
avaient fait preuve de constance. Ils furent accueillis en Nôtre grâce, étant du nombre des
justes » [Les Prophètes : 85-86].
«Que l’on songe aussi à Ismaël, à Elisée, à Dhoul Kifli dont chacun fut un bon serviteur » [Çâd :
48]
On ignore ce que fut la mission de Dhoul Kifli.
David
Il est le fils de Jessé, de la progéniture de Yéhuda et Joseph.
Après le mort de Moïse et Aaron, les Hébreux furent guidés par Josué, fils de Noun qui rentra
avec eux en Palestine, terre que Moïse leur a promise dans la Bible.
A la mort de Josué, des juges israélites prirent le pouvoir et régnèrent durant trois cent
cinquante six ans. C’est l’époque du règne des juges. Les Hébreux faiblirent après avoir négligé
la religion. Ils furent alors envahis par d’autres peuples tels que les Amalécites, les Araméens et
les Philistins et ils eurent l’outrecuidance d’assassiner les Prophètes. Ils emportèrent avec eux
«l’Arche d’alliance» ou «l’Arche sainte» qui contenait les tables de la Loi de Moïse et son bâton
par lesquels ils aspiraient avoir la bénédiction de Dieu, mais le peuple de Gaza et d’Ascalon les
leur confisquèrent, ce qui provoqua la mort, par affliction, de leur Roi. Ils se trouvèrent alors
dans la situation d’un troupeau, sans Berger, jusqu’à ce que Dieu leur envoyât le Prophète
Samuel.
Ils eurent, plus tard, Saül pour Roi. Celui-ci récupéra l’Arche qui leur a été confisqué, mais ils se
révoltèrent contre lui. Dieu leur fit subir une dure épreuve en les privant d’eau. Il ne resta alors
au Roi que trois cent dix neuf soldats sur quatre vingt mille pour combattre les Philistins
idolâtres, ses ennemis. Ceux-ci étaient dirigés par Goliath qui demanda un duel. Un jeune soldat
du nom de David se présenta au géant Goliath. La lutte se termina par la mort du géant.
Vainqueurs, les Hébreux plébiscitèrent David qui devint leur Roi après la mort de Saül, à l’âge de
trente ans. Il fut un Roi juste et équitable qui se servait de la Bible dans ses jugements jusqu’à
ce que Dieu lui révélât les Psaumes à l’âge de quarante ans.
David possédait une belle voix. Quand il psalmodiait les Psaumes, les oiseaux cessaient de voler.
Il vivait de son travail, fabriquait des boucliers et des épées pour subvenir à ses besoins, sans
avoir à toucher aux deniers publics. Ibn ‘Abbâs rapporte -comme dans les deux SAHÎH- que le
Prophète (sur lui le salut) a dit : «La prière la plus prisée chez Dieu est celle de David. Le jeûne
le plus prisé chez Dieu est celui de David. Il dormait très peu la nuit et jeûnait un jour sur
deux»(16).
Ce généreux Prophète fut victime de beaucoup de machinations. On raconte, par exemple, qu’il
est tombé amoureux de l’épouse du chef de son armée, le nommé Urie. Pour se débarrasser de
celui-ci, David l’aurait envoyé plusieurs fois au front avec l’intention qu’Urie finira par mourir,
ce qui laissera à David le champ libre pour disposer de la veuve. C’est là un pur mensonge qui
porte atteinte aux Prophètes que Dieu a protégés de la traîtrise et de la perfidie des hommes.
Est-il raisonnable que le Prophète David - que la paix soit sur lui- trahisse son chef de l’armée
qui l’aide dans le jihâd ?
Selon les gens du Livre, David aurait vécu soixante dix sept ans, mais Ibn Jarîr Attabarî affirme
qu’il a vécu cent ans, se basant sur ce que rapporte Ahmad qui, à propos d’un Hadîth d’Adam,
dit que Dieu prolongea la vie de David de quarante ans. Il aurait donc vécu cent ans(17).
Salomon
C’est à l’âge de douze ou treize ans que Salomon succéda à son père David. Malgré son jeune
âge, il était intelligent, débrouillard, bon gestionnaire, sage et clairvoyant. Quatre ans après son
intronisation, il reconstruisit Jérusalem et la Muraille, exécutant ainsi le testament de son père.
Puis il demanda à Dieu de lui exaucer trois vœux comme cela est relaté dans son Hadîth :«Il lui
en a exaucé deux. Et nous souhaiterions qu’il lui exauçât le troisième. Il a demandé à Dieu
d’être bon juge et il l’a eu. Il lui a demandé un Royaume comme personne ne peut en avoir et il
l’a eu. Il lui a demandé que l’homme qui, en sortant de sa maison, ne se voue qu’à la prière
dans la mosquée ne soit plus coupable d’aucun péché comme s’il venait de naître. Nous
souhaiterions que Dieu lui exauçât ce dernier vœu.»(18).
Après avoir achevé la construction de Jérusalem, il édifia, pendant treize ans, l’Autel et le
Temple, c’est-à-dire le Palais Royal. Salomon disposait d’une flotte qui l’approvisionnait en or,
argent et marchandises en provenance de l’Inde. Une de ses passions était l’équitation.
Salomon a vécu cinquante deux ans dont quarante comme Roi des Hébreux. Il était Roi et
Prophète et Dieu l’avait doté de la faculté de comprendre la langue des oiseaux et des animaux.
Il était également prince des djinns et aucun Prophète n’a eu de son royaume ce qu’il a eu du
sien : «Seigneur! fit-il. Pardonne-moi mes excès. Accorde-moi un empire tel que nul après moi
n’en aura de pareil! N’es-tu pas le Donateur Suprême?
Nous lui soumîmes alors le vent soufflant à son ordre, avec mesure, là où il voulait.
Et les génies, bâtisseurs et plongeurs.
Et d’autres démons encore enchaînés deux à deux.
Voici Nos largesses, Salomon. Dépense-les ou retiens-les à ta guise!
Nous tenons Salomon en haute estime, près de Nous et lui ménagerons un heureux destin» [Çâd :
35-40]
La tradition israélite rapporte des anecdotes bizarres sur l’anneau de Salomon et sa perte dans
l’océan, ce qui lui fit perdre son empire, mais des savants tels qu’Ibn Kathîr, Ar-Râzî et Al
Baydâwî démentirent tout cela.
Jonas
Certains auteurs l’appellent Bonan, fils d’Amittaï. Amittaï était sa mère. Jonas étais l’un des
petits-enfants de Benjamin, frère de Joseph. Il fut envoyé chez le peuple de Ninive en Assyrie,
district de Mossoul en Mésopotamie, au VIIIème siècle avant J.C. pour le dissuader de s’adonner
à l’idolâtrie.
Il prêcha le monothéisme, mais en vain. Furieux et menaçant il quitta les lieux, sans avoir été
autorisé par Dieu. On a dit que c’est Satan qui l’a induit en erreur. Après son départ, les
mécréants eurent peur du malheur qui allait s’abattre sur eux. Ils se repentirent, demandèrent
le pardon à Dieu. Cela leur fut accordé. Jonas se trouvait alors dans un bateau qui allait
connaître le naufrage à cause de sa présence à bord. Les matelots qui savaient que le bateau
était en péril à cause de Jonas durent le jeter par -dessus bord, présageant que malheur allait
leur arriver. Jonas fut avalé par un gros poisson auquel Dieu ordonna de lui laisser la vie sauve.
Des profondeurs sombres de la mer, Jonas appela Dieu : «Il n’est pas en dehors de Toi d’autre
Divinité. Que Ton nom soit béni, Seigneur. Oui, j’ai été du nombre des injustes» [Les Prophètes :
87]
Le gros poisson le rejeta. On dit que cela se passa en Mésopotamie. Jonas fut guéri et reconnut
sa faute d’avoir quitté son peuple sans être autorisé par Dieu. Il retrouva son peuple qui s’était
mis à prier Dieu, mais pour un temps seulement. Dieu fit détruire les agglomérations de ce
peuple.
Zacharie et Jean
A propos de Zacharie, Ibn ‘Asâkir cite quatorze de ses petits enfants jusqu’à Salomon. Il ne s’agit
pas ici de Zacharie, fils de Borgia qui vécut trois siècles environ avant Jésus-Christ.
Zacharie fut envoyé aux Israélites avant Jésus pour les détourner de la débauche, du libertinage
et de l’immoralité. Les Israélites, à l’époque, combattaient sans pitié les Prophètes et les
Serviteurs de Dieu. Le plus cruel d’entre eux fut Hérode, gouverneur de Palestine, dont on dit
qu’il ordonna le massacre de Jean, fils de Zacharie. Jean fut effectivement décapité et sa tête
fut remise, dans un plateau d’argent, à Hérode pour satisfaire sa bien-aimée Salome.
Le père de Marie, ‘Imran, était le grand érudit des rabbins dont Zacharie faisait partie. Quand il
mourut, c’est Zacharie, époux de la tante de Marie, qui prit celle-ci en charge. On rapporte qu’il
n’eut d’enfants qu’à l’âge de quatre vingt dix neuf ans, alors que sa femme était âgée de quatre
vingt dix huit ans. Il eut comme enfant Jean qui fut tué du vivant de son père, lequel a été tué,
à son tour, selon certaines sources.
Jean qui naquit trois mois avant Jésus devint Prophète à l’âge de trente ans. Dans sa jeunesse, il
mena une vie ascétique dans le désert. Il se nourrissait d’herbe et de sauterelles. Il devint un
érudit et une référence dans l’émission des fatwas.(19) Il prêcha aux juifs l’obéissance à Dieu et
leur annonça la venue imminente du Messie.
Il baptisait par immersion dans l’eau du Jourdain. Jésus lui-même se fit baptiser par lui dans
l’eau de cette rivière.
Le Messie «Jésus», fils de Marie
Après la mort de Jean, Dieu envoya Jésus. Les Juifs prétendront que ce dernier a été crucifié et
tué : «Non! Ils ne l’ont pas tué, ni ne l’ont crucifié, mais furent le jouet d’une illusion » [Les
Femmes : 57].
Les Chrétiens tissèrent autour de ce célèbre récit une multitude d’anecdotes imagées qu’ils
consignèrent dans les Evangiles. Ils prétendirent que Jésus est le fils d’un jeune juif de la famille
de David, nommé Joseph le menuisier - ou le charpentier - dont la fiancée était Marie avant
qu’elle ne tombât enceinte de Jésus «Qui est pour Dieu pareil à Adam et qu’il conçut de la
terre. Puis il lui a dit : «Sois! El il fut» [Le Coran].
Les Ecritures apportent des versions différentes quant à l’origine familiale de Jésus. Ainsi
l’Evangile de Saint Mathieu mentionne que Jésus est le fils de Joseph le menuisier, lequel est le
fils de Lévi... Les autres Evangiles disent qu’il fait partie de la progéniture de David, parent de
Yéhuda.
Jésus fut envoyé aux Israélites après treize siècles de vie où ils ne virent aucun Prophète. Durant
cette longue période, ils devinrent frustres et dénaturèrent la loi divine. Ils cessèrent de faire le
Bien, décidèrent de faire du samedi une journée fériée et s’adonnèrent aux plaisirs de la vie et à
la quête passionnée de l’argent(20).
Le Coran purifia Jésus et sa mère Marie de toutes les obscénités que leur colla leur entourage
:«Vint un jour où le Seigneur dit à Jésus : «Est-ce toi, Jésus, le fils de Marie, qui a dit aux
hommes de te prendre, toi et ta mère, pour divinités en dehors de Dieu?». Jésus répondit : «Que
ton nom soit glorifié, Seigneur! Comment pourrais-je en vérité le proclamer, n’en ayant
nullement le droit? Tu l’aurais su Seigneur, si je l’avais proféré, car tu connais le fond de ma
pensée, mais je ne sais rien de la Tienne, il n’est point de mystère que Ta science ne puisse
dévoiler» [La Table servie : 116].
Dieu a octroyé à Son Prophète et à la mère de celui-ci leur part d’honorabilité : “Marie entendit
les anges lui dire : «O Marie! Dieu te fait une heureuse annonce, celle d’un Verbe de Lui, qui
aura pour nom le Messie, Jésus, fils de Marie. Il sera illustre en ce monde et dans l’autre et fera
partie des Elus» [La Famille d’Imrân : 45].
«Et vint le jour où les Anges dirent à Marie : «O Marie! Dieu en vérité t’a choisie ; Il t’a purifiée,
et de toutes les femmes de l’Univers, Il t’a élevée à Sa gloire» [La Famille d’Imrân : 42].
Abû Hurayra rapporte ce Hadîth du Prophète (que la paix soit sur lui) : «Il n’y a pas d’être
humain qui n’ait pas été touché, à sa naissance, par Satan et qui, à cause de cela, crie à tuetête, sauf Marie et son fils.» Après avoir cité ce Hadîth, Abû Hurayra récita ce verset : «Je prie
Dieu de préserver Marie et sa progéniture de Satan»(21).
Mohammad, sceau des Envoyés et des Prophètes
Il s’agit de Mohammad Ibn’Abd allah, Ibn’Abd Al Muttalib, Ibn Hâchem, Ibn’Abd Manâf, Ibn Kilâb,
Ibn Murrah, Ibn Ka’b, Ibn Lu’y, Ibn Ghâlib, Ibn Fihr (Ghâlib Ibn Fihr porte le surnom de Quraïch,
d’où la tribu qui porte ce nom), Ibn Mâlik, Ibn An-Nudr, Ibn Kinâna, Ibn Khuzaïma, Ibn Mudrikah,
Ibn Ilyâs, Ibn Middir, Ibn Nizâr; Ibn Mu’idd, Ibn’Adnân...(22).’Adnân est un descendant
d’Abraham. Il est le fils de Ad Ibn Humay-sa’, Ibn Salâmân, Ibn’Awas, Ibn Bawz, Ibn Qamwâl, Ibn
Ubayy, Ibn’Awwâm, Ibn Nâchid, Ibn Nâhish, Ibn Mâkhî, Ibn’Ayd, Ibn’Abqar, Ibn’Ubayd, Ibn
Addu’â, Ibn Hamdân, Ibn Sunbur, Ibn Yathrabî, Ibn Yahzan, Ibn’Aysar, Ibn Afnâd, Ibn Ayham, Ibn
Muqsir, Ibn Nâhith, Ibn Zârih, Ibn Sumayy, Ibn Mazzîy, Ibn’Awada, Ibn’Urâm, Ibn Qaydâr, Ibn
Ismaël, Ibn Ibrâhim (Abraham), que la paix soit sur eux tous(23).
La famille de Mohammad s’appelle «la famille hachémite».
Mohammad naquit dans la famille de Banû Hâchem à la Mecque, le mois de Rabî’ 1er, l’année du
premier anniversaire de l’événement de l’éléphant, ce qui coïnciderait avec le 20 ou le 21 ou le
22 avril 517 de l’ère chrétienne.(24) Les chroniqueurs citent généralement la date du 2 Rabî’
1er. D’autres disent qu’il s’agit du neuf du même mois, alors que d’autres poussent cette date
jusqu’au 12 du même mois. Il s’agirait sans doute du premier jour de la semaine, (le lundi).
Son père décéda quelques mois avant sa naissance. Quant à sa mère, elle mourut alors qu’il
avait seulement trois ans.
Nous nous contentons ici de mentionner la famille à laquelle appartient le sceau des Prophètes
et des Messagers, étant donné que le troisième chapitre de cet ouvrage abordera l’étude de la
mission divine qui fut échue à Mohammad (sur lui la paix).
La Révélation
Le mot «Révélation» apparaît dans bon nombre de versets coraniques. Dieu a dit : «Dis : «Je ne
fais que vous avertir par le moyen de ce qui m’est révélé». Mais comment des sourds que l’on
avertit sauraient-ils percevoir un appel? » [Les Prophètes : 45].
«Dieu ne saurait parler directement à un mortel si ce n’est par révélation, ou par derrière un
voile ou par l’envoi d’un messager qui révèle, avec Sa permission, Ses volontés à l’homme. Dieu
est le Transcendant, le Sage»[La Délibération : 5].
«Par l’étoile quand elle décline! Votre compagnon ne s’égare point, ni n’est séduit par l’erreur.
Ses propos ne procèdent pas de sa propre inspiration. C’est uniquement révélation inspirée.»
[L’Etoile: 1-4].
Dans d’autres versets, le Coran parle de la Révélation en employant le terme «l’envoi» : «Il t’a
envoyé le Livre, Message de vérité, confirmant les Livres antérieurs, comme Il avait révélé la
Thorah et l’Evangile.» [La Famille d’Imrân : 1-4].
Ainsi donc, la véritable Révélation s’accomplit par l’intermédiaire d’un ange qui transmet le
Verbe divin à l’Envoyé inspiré dont l’action est renforcée par des miracles. Chaque Envoyé voit
sa mission renforcée par des actions qui conviennent à sa société et à son époque. Ainsi Jésus
rendit-il la vue à ceux atteints par la cécité, la santé aux lépreux et la vie aux morts
(résurrection). Quant au Coran, son éloquence inimitable est venue défier celle des Arabes. Le
Coran est le Verbe divin révélé aux hommes tant dans son contenu que dans sa forme. C’est une
émanation de Dieu.
Dans une de ses nombreuses acceptions, le vocable «Révélation» signifie l’inspiration innée chez
l’homme et l’inspiration instinctive chez l’animal : «Ton Seigneur a inspiré aux abeilles...»
[L’Abeille : 68], ou bien il signifie une simple suggestion.
L’inspiration innée et la voix de la conscience chez l’homme sont une sorte de Révélation qui
diffère de la Révélation confiée aux Envoyés. Et, de la même manière que l’être humain dispose
de sentiments qui le poussent à être capricieux, en proie aux esprits du mal qui l’incitent à
commettre des turpitudes, il dispose également d’une raison, d’un cœur et d’une conscience qui
lui tracent la voie du Bien comme le lui suggèrent les anges, autour de lui.
Nature profonde de la Révélation faite aux Messagers
La nature de la Révélation ne se saisit pas par le biais de la raison pure et des perceptions
personnelles en partant du concret et en s’éloignant du monde suprasensible. Elle ne se saisit
pas, non plus, par une simple gymnastique spirituelle en marge du monde de la matière. Et si
l’on dit que la Révélation est une inspiration qui déborde du subconscient ou de l’âme spirituelle
pour se refléter sur la conscience, cela signifie que la Révélation émane de la conscience du
Prophète. Or, la vérité est que la Révélation atterrit à la conscience du Prophète en provenance
du Ciel, par le truchement d’un archange qui n’est autre que Gabriel.
La nature de la Révélation faite aux Emissaires de Dieu est différente de celle à propos de
laquelle Georges Post dit : «qu’elle est incarnation de l’esprit divin dans la muse des écrivains
talentueux en vue de leur faire part des vérités spirituelles et suprasensibles.» (25). Ce point de
vue a encouragé les détracteurs à considérer la Révélation comme une sorte d’hallucination et
de psychose.
Certains philosophes ont corroboré cette vision des choses en attribuant la Révélation à la
communion morale de la conscience humaine avec les âmes angéliques. Toutefois, ils ne font
point de distinction entre la Révélation et l’inspiration.
Types de Révélations
La Révélation peut être soit une inspiration communiquée au cœur, soit des paroles éditées par
l’intermédiaire d’un ange, soit une résonance d’une cloche. Il arrive que certains apôtres, Moïse
par exemple, reçoivent des paroles divines non par inspiration, mais derrière le voile(26) Dieu a
dit : «Dieu ne parle jamais à l’homme, si ce n’est par inspiration ou derrière un voile. Ou bien, il
envoie un apôtre à qui il révèle ce qu’il veut.» [La Délibération : 51]
En tout cas, le Prophète Mohammad (sur lui la paix) a reçu la Révélation par l’intermédiaire de
l’archange Gabriel, à l’état de veille, comme on peut le constater dans les Hadîths de ‘Aïcha
(que Dieu soit satisfait d’elle)(27).
Le contenu de la Révélation
Dans les récits sur les Prophètes, le Saint-Coran recèle sa propre sagesse. C’est ainsi qu’il
confirme l’existence de la Révélation, du message divin et de l’unicité des confessions
abrahamiques. Il démontre le sens des missions des Prophètes et l’attitude des nations et des
peuples face à ces missions, en même temps qu’il analyse l’attachement étroit entre les
religions et qu’il met en relief l’ampleur du Bien qu’on tire de la Révélation qui est l’expression
de la capacité divine à produire des prodiges(28). Dieu a dit : «Nous avons donné à Moïse et à
Aaron le Livre de la Loi, lumière bénéfique et guide infaillible pour les pieux.» [Les Prophètes :
48]
«Nous avions mis, auparavant, sur la saine voie de droiture qui fut désormais la sienne, et Nous
savions qu’il en était le plus digne.» [Les Prophètes : 51]
«Il ne vous a rien commandé de difficile dans votre religion, dans la religion de votre père
Abraham. Il vous a nommés musulmans.» [Le Pèlerinage : 78]
Révélation et religion
Le concept de la Révélation est lié à celui de la religion. Celle-ci est la somme de ce que Dieu
révèle à Ses apôtres : «La vraie religion pour Dieu c’est l’Islam.» [La Famille d’Imrân : 19](29)
Pour certains philosophes, la religion serait une sorte d’entendement qui est hors de portée de
la science et que la raison ne peut saisir(30).
L’affinité de la philosophie avec la religion vise, selon Mustapha ‘Abd Ar-Razek (31) à réaliser le
bonheur par le biais de la croyance vraie et de l’action bienfaitrice. Cette même idée fut
corroborée par As Chahrastânî (32) quand il affirma que l’aspect pratique de la philosophie (la
praxis) est la bonne action et que son aspect scientifique est la connaissance de la vérité.
Ibn Hazm a dit : «Le sens de la philosophie et ce qu’on vise par son apprentissage n’est autre
que l’amélioration de l’âme humaine. L’homme, en effet, doit être vertueux, ici-bas,
exemplaire dans son comportement avec ses semblables et dans la cité pour qu’il puisse mériter
la paix dans l’Au-delà. C’est exactement cela que vise également la religion.»
Avicenne, par contre, fait la distinction entre la religion et la philosophie. Il remarque que le but
de la religion est originellement pratique, alors que celui de la philosophie est, de par son
origine, théorique, mais il affirme en même temps que la religion tire profit des principes de la
sagesse théorique et pratique.
Dans ses écrits sur Avicenne, Mustapha ‘Abd Ar-Razek rapporte que le grand philosophe acheta
un livre d’Aristote sur «La métaphysique». Il passa un mois à le lire, sans rien y comprendre. Un
matin, en revenant de la mosquée où il fit sa prière, il reprit la lecture de ce livre obscur. Très
vite, il remarqua que l’hermétisme de celui-ci se dissipa. La sagesse pratique a eu un impact
considérable sur la sagesse théorique(33).
Révélation et Apôtres
Le Messager est un homme parmi les hommes. Dieu l’investit d’une mission qu’il doit faire
parvenir à ses semblables. Le Prophète, quant à lui, est chargé de diriger son peuple en se
fondant sur une mission antérieure restée immuable et intégrale. Tout Messager est un Prophète
et non le contraire.
Selon certaines traditions, il y aurait eu cent vingt quatre mille Prophètes dont trois cent quinze
Messagers. C’est ce qui ressort du Hadîth d’Abû Dharr Al Ghiffârî, rapporté par l’Imâm Ahmad
Ibn Hanbal dans son «Musnad»(34).
Les hommes à la volonté ferme sont les Messagers les plus éminents, les plus forts et les plus
patients. Mohammad (que la paix soit sur lui) est parmi ceux-là et Dieu lui a intimé l’ordre de
suivre leurs pas : «Prends patience, comme prenaient patience les hommes courageux parmi les
apôtres.» [Al Ahqâf : 35]
Mohammad est le sceau des Prophètes. Ceux-ci ont été appelés «les hommes déterminés» parce
que leur volonté est ferme et leur endurance n’a pas de limite. «Les hommes les plus
expérimentés, les plus outillés dans la vie sont les Prophètes. Il n’y a pas mieux qu’eux.» (35)
La prophétie est un droit exclusif de Dieu dont Il fait don à qui Il veut parmi ses serviteurs, de
sexe masculin, les plus pieux : «Nous n’avons jamais envoyé avant toi que des hommes choisis
parmi le peuple de différentes cités, auxquels nous révélions nos ordres.» [Joseph : 109]
L’infaillibilité : attribut essentiel des Prophètes et des Messagers :
Les vertus des Prophètes et des Messagers exposées dans le Livre Saint nous imposent de
respecter ces hommes exceptionnels, de les aimer et de croire à leur message divin. Tous les
Messagers sont des exemples à suivre par les fidèles : «Fais aussi mention d’Abraham dans
l’Ecriture. Ce fut tout à la fois un Saint et un Prophète du Seigneur.» [Marie : 41]
«Abraham fut un exemple unique de soumission totale à Dieu, sans nulle compromission avec les
païens.» [L’Abeille : 120]
«Dieu lui dit : «Je te fais mon élu, de préférence à tout autre mortel : Tu transmettras Mon
message et communiqueras Ma parole.» [Al A’râf : 144]
«Evoque Ismaël dans l’Ecriture. Fidèle à ses serments, il fut un Messager de Dieu et un
Prophète.» [Marie : 54]
«Souviens-toi aussi de Nos serviteurs, Abraham, Isaac et Jacob, hommes aussi forts et
clairvoyants.
Nous les avions pourvus d’une rare vertu : celle d’œuvrer uniquement pour le Royaume éternel.
Ils comptent, en vérité, près de nous parmi la fleur des élus.
Que l’on songe aussi à Ismaël, à Elysée, à Dhou Al Kifli dont chacun fut un bon serviteur.» [Çad :
45-48]
Dieu a ainsi mis en relief les vertus essentielles des Prophètes et des Messagers. Parmi ces
vertus, et comme l’ont souligné les théologiens, il y a lieu de citer la probité, l’honnêteté, la
chasteté, la clairvoyance, la droiture, l’infaillibilité... Par ces vertus, et bien d’autres
semblables dans leur noblesse, les Prophètes et les Messagers se distinguèrent du commun des
mortels. En ne commettant aucun péché et en évitant tout acte abject, ils devinrent
l’incarnation même de la Perfection, aptes à guider l’Humanité vers le droit chemin.
Il est impératif de bannir tout écrit qui attribue des défauts aux Apôtres, car ce que l’on peut
leur imputer comme vilenies est une pure création des hommes dont la visée est la propagation
des faussetés et la dénaturation du contenu du message divin.
Il est aujourd’hui admis que si les hommes avaient consigné par écrit les messages originaux des
Apôtres antérieurs à Mohammad (sur lui la paix) et que si ces documents avaient été conservés,
on aurait constaté qu’ils soulignassent avec force la probité et la dignité des Messagers et des
Prophètes, en leur qualité d’hommes exemplaires représentant les idéaux suprêmes de
l’Humanité à travers son histoire. Malheureusement ces premiers écrits nous font actuellement
défaut aujourd’hui et il est pratiquement impossible de les trouver. On ne possède actuellement
aucun document original d’un texte d’une religion céleste telle qu’un Envoyé l’a transmise aux
hommes et dont la langue est restée vivante jusqu’à nos jous, hormis le Saint-Coran qui a pu et
su préserver à tous les apôtres leur dignité, leur fierté et leur infaillibilité.
L’Islam respecte tous les Messagers et les Prophètes. Il rappelle constamment leur mission et les
principes qu’ils ont progagés pour guider les hommes. Dieu a dit : «Nous les avions institués
chefs chargés de conduire les hommes, et nous leur avons inspiré la pratique des bonnes œuvres,
l’accomplissement de la prière, ainsi que l’aumône, et ils nous adoraient.» [Les Prophètes : 73]
Le Messager ou le Prophète est un exemple à suivre. On ne peut le taxer d’une turpitude qui va
à l’encontre de l’exemplarité des mœurs. S’il lui arrive parfois, en dehors de l’inspiration, de ne
pas être précis dans ses estimations et juste dans ses appréciations, ces inexactitudes ne sont
pas de nature à porter préjudice à la noblesse de son esprit et à sa moralité, tant qu’il demeure
dans son état de Prophète ayant pour mission la guidance des hommes.
Mohammad est le sceau des Prophètes : «Non, Mohammad n’est le père d’aucun homme d’entre
vous, mais le Messager de Dieu et le Sceau des Prophètes.» [Les Coalisés : 40] et il n’est pas
permis aux hommes de préférer un Prophète à un autre: «Nous ne mettons point de différence
entre les Envoyés célestes.» [La Vache : 285]
Le Prophète a dit : «Il est interdit à un serviteur de Dieu de dire : je suis meilleur que Jonas, fils
d’Amittaï.»(36) Dieu, seul, a le droit de procéder à des préférences entre ses apôtres : «Nous
élevâmes les prophètes les uns au-dessus des autres. Les plus élevés sont ceux à qui Dieu a
parlé. Nous avons envoyé Jésus, fils de Marie, accompagné de signes évidents, et nous l’avons
fortifié par l’esprit de sainteté.» [La Vache : 253]
«Nous avons assigné différents échelons aux Prophètes et fîmes don à David des psaumes.» [Le
Voyage nocturne : 55]
La mission des Prophètes est toute entière flambeau de la guidance et de la vertu. Par
compassion, Dieu ne punit aucun peuple avant de lui envoyer auparavant un Messager : «Nul
peuple ne subit aucun châtiment qu’un Messager ne l’ait déjà averti.» [Le Voyage nocturne : 15]
et il n’y a pas de peuple sur terre qui n’ait pas connu de Messagers : «Nous fîmes ainsi se
succéder Nos messagers.» [Les Croyants : 44]
Cela fait partie de Sa sagesse que le Très-Haut choisit ses Messagers, non pas parmi les anges,
mais bien parmi les humains afin que ceux-ci n’aient aucun argument à faire valoir s’il leur
arrivait de braver la Loi divine. En effet, les humains pensent toujours que les anges obéissent
aveuglément à Dieu du fait qu’ils ne sont pas pourvus d’instincts tels que ceux spécifiques à
l’homme. La mission des Messagers-en plus de dévoiler et de clarifier les mystères suprasensibles
dont la raison humaine est incapable de distinger entre leurs bons et leurs mauvais côtés- exige
qu’on leur démontre de la soumission et que leurs actions soient de celles que les gens peuvent
supporter. C’est grâce à leur chasteté, que s’accomplissent leur mission divine ici-bas, la
guidance et l’orientation des hommes vers le droit chemin ainsi que l’avertissement de ces
derniers sur leur sort après la mort et l’inéluctabilité de la résurrection et du Jugement dernier.
La Révélation peut-elle être envoyée au commun des mortels ?
Voir un ange n’exige pas qu’on soit obligatoirement Prophète ou Messager. La prophétie n’est
pas seulement l’existence de la Révélation, comme le pensent beaucoup de gens, mais elle est,
pour les Docteurs de la loi, inspiration de Dieu destinée à un homme pour accomplir une mission
créatrice(37). A propos de l’explication du verset suivant : «Mais le Messager de Dieu et le Sceau
des Prophètes» [Les Coalisés : 40], il a été dit que «La simple rencontre avec l’ange, le fait de
lui parler et de s’inspirer de ses idées ne nécessite pas qu’on soit Prophète.»(35). Dans le
«Sahîh» de Bukhârî, Abû Hurayra rapporte que le Prophète (sur lui la paix) a dit : «Dans les
peuples qui vous ont précédés, il y avait des illuminés. S’il doit y en avoir un dans mon peuple,
c’est bien de ‘Umar qu’il s’agirait.»(38).
La mère de Moïse n’était pas Prophète, mais elle fut inspirée par Dieu : «Nous inspirâmes à la
mère de Moïse : «Allaites ton nouveau-né! Si tu crains pour ses jours, confie-le aux eaux du
fleuve! N’aïe nulle crainte et ne t’afflige point! Nous te rendons ton enfant et en ferons l’un de
Nos Messagers» [Le Récit : 7]
Il est des inspirations divines qui ne sont point destinées à l’homme. Dieu a dit : «Ton Seigneur a
inspiré aux abeilles» [L’Abeille : 68]
«Il en fit sept cieux en deux périodes et révéla à chacun d’eux son statut propre» [Du Livre aux
versets distincts : 12]
Autrement dit, Dieu fait don de la bonté naturelle qui est une sorte de Révélation.
Certains érudits distinguent entre la Révélation destinée aux Prophètes et aux Messagers d’une
part et l’inspiration réservée aux Saints. A propos de la Révélation faite aux Prophètes, ils
parlent de «parole divine» et, à l’inspiration destinée aux Saints, ils réservent le terme «dire».
On est obligé de croire à «la parole divine», sinon on bascule dans l’impiété. Par contre, rejeter
«un dire» ne signifie pas qu’on est hérétique(39).
Il a été confirmé, par le Livre sacré et la Sunna (la Tradition) que, parmi les croyants, il y en a
qui ont vu les anges, sans qu’ils soient pour autant, des Messagers ou des Prophètes. Dieu a dit :
«Qu’il soit fait aussi mention de Marie dans l’Ecriture. Elle alla s’isoler loin des siens dans un lieu
situé à l’est de la ville. Elle étendit un voile entre elle et le monde. Nous lui envoyâmes alos
Notre esprit qui revêtit pour elle une forme humaine accomplie. «Que puis-je faire contre toi,
sinon me réfugier en la Miséricorde du Seigneur! Ah! Puisses-tu être pieux!» [Marie : 16-18]
Dans l’explication qu’il a faite du verset suivant : «Ceux qui disent : Notre Maître, c’est Dieu,»
puis se comportent avec droiture, verront affluer les anges du ciel...» (Du Livre aux versets
distincts : 30), Al Qâdî Ibn Al’Arabî Al Ma’ârifî a dit : «Les exégètes disent que cela se produira
après la mort, mais moi je dis que c’est une affaire quotidienne..»(40) Cette déclaration d’Ibn
Al’Arabî est étayée par ce qui a été rapporté par Muslim dans son «Sahîh» où on peut lire que
selon Abû Hurayra le Prophète a dit : «Un homme voulait rendre visite à son frère qui habitait un
village lointain. Dieu lui envoya un ange qui lui dit : «Où te diriges-tu?» L’homme répondit : «Je
voudrais rendre visite à mon frère dans ce village...» L’ange demanda : «Vas-tu chez lui pour
qu’il t’offre un bien?». L’homme répondit : «Pas du tout Je lui rends visite pour l’amour de
Dieu. C’est mon frère». L’ange lui confia :«Dieu m’envoie vers toi pour te dire qu’il t’aime
comme tu l’as aimé en ton frère»(41). An-Na Wawî a dit dans son commentaire sur l’opinion de
Muslim :«Les êtres humains pourraient très bien voir les anges...»(42).
L’unité des religions célestes
La religion islamique admet l’existence de cent vingt quatre mille Prophètes que Dieu a choisis,
sans toutefois les nommer tous. (41). Dieu a dit :«Bien des Prophètes ont reçu ainsi Notre
message : un certain nombre d’entre eux ont été évoqués pour toi, d’autres ont été passés sous
silence. Dieu se fit entendre clairement de Moïse» [Les Femmes : 164]
Le Prophète a dit : «Il y aurait cent vingt quatre mille prophètes dont trois cent cinquante
Messagers…»(43)
Ceci nous incite à nous interroger sur l’identité de certains de ces Prophètes. L’histoire humaine
cite les noms de beaucoup de Sages de renommée mondiale ainsi que les noms de réformateurs
religieux qui ont, probablement, été les contemporains des Prophètes ou qui ont pu être mis au
courant de leurs modes de pensée, de leurs maximes et de leurs sermons qui les ont inspirés
pour écrire des ouvrages. C’est la cas de Zoroastre (il vécut au VIIème ou VIIIème siècle avant
J.C.) qui est connu par son ouvrage «L’Avesta». C’est le cas également de ses disciples les
Mazdéens qui furent considérés du temps de ‘Umar Ibn Al Khattâb et’Alî Ibn Abî Tâleb, parmi les
gens du Livre soumis à la protection de l’Islam(44).
On peut citer aussi le cas de Confucius (VIème siècle avant J.C.). Quand on consulte certains de
ses ouvrages, on constate qu’ils exposent une éthique qui confirme l’existence de liens étroits
avec ce qui reste d’une révélation céleste. Son livre intitulé «Les entretiens» est un ouvrage
socio-religieux qui cite des passages dont on est presque sûr qu’ils appartiennent à un Prophète
de l’époque.
A la même époque (VIème siècle avant J.C. environ) vécut Pythagore connu par sa théorie sur
l’immortalité de l’âme et sur l’ascétisme débouchant sur la purification du corps et de l’esprit.
A noter ici que dans nombre de références islamiques, allusion fut faite à l’existence de
Prophètes helléniques.
Dans le même ordre d’idées, on peut citer Socrate (399 avant J.C.) et son disciple Platon (428347 avant J.C.). Ce sont les précurseurs de la pensée dialectique dont le fondement repose sur
la nécessité du parallélisme entre l’ordre cosmique et l’existence de l’Etre suprême.
Toutes ces idées qui prônent le renoncement aux plaisirs terrestres et l’attachement à la
spiritualité de l’âme ne peuvent être que le résultat d’une inspiration céleste qui a vu descendre
l’âme de la voûte éthérée pour s’intégrer dans le corps. Avicennes a dit dans ce sens :
Elle descendit vers toi des hautes cimes
Comme une feuille légère qui ne résiste à rien.
L’ex-cheïkh (doyen) d’Al Azhar, Mustaphâ ‘Abd Ar-Raziq dit dans son ouvrage sur «le Maître» :
«Avicennes se retira pendant quarante jours pour lire certains ouvrages. Il ne put les
comprendre. Il se tourna vers Dieu et, un matin, à la prière de l’aube, Dieu l’inspira et il put
comprendre ce qu’il ne comprenait pas auparavant... Des ouvrages philosophiques d’Avicennes
se dégage l’idée qu’il n’existe aucune contradiction entre les données de la philosophie et la foi
islamique. Il se pourrait que cette contradiction se manifeste uniquement sur le plan de
l’expression et non de la substance. C’est une vue de l’esprit dont on peut se débarrasser par le
recours à l’unité de la pensée religieuse et philosophique(45), car la philosophie n’est rien
d’autre que l’étude des moyens qui permettent de concilier les hommes avec l’unicité de la
création cosmique, la purification de l’âme, la reconnaissance de ses défauts et les moyens de
les extirper(46).
Si Pythagore a longuement disserté sur la théorie astronomique dans laquelle la sphéricité et le
mouvement de la terre sont affirmés, cela ne pouvait s’accomplir sans inspiration. Pythagore
s’est peut-être inspiré des découvertes prodigieuses faites par le Prophète Idriss (que la paix soit
sur lui) à propos des signes célestes qui ont fait que la mythologie a attribué à ce Prophète des
miracles en astronomie, ce qui a poussé certaines personnes à oser le considérer comme le Dieu
du Soleil parce que, selon leurs allégations, le soleil se trouve au quatrième ciel, là où Dieu a
haussé Idriss (que la paix soit sur lui).
Le Saint-Coran est venu invalider ces allégations : «En vérité, nous avons paré le ciel le plus
proche de planètes» [Les Rangs : 6], par ce qui confirme la nouvelle théorie scientifique connue
sous le nom de «système solaire» qui veut que tous les astres baignent dans le monde sublunaire.
Nous ne voulons pas dire que le Saint-Coran est un ouvrage de sciences naturelles. C’est un livre
divin qui recèle sagesse et guidance pour les hommes et renferme des vérités scientifiques qui
sont autant de signes cosmiques de la création divine.
Toutefois, certains prétendus scientifiques, tels que les naturalistes, adorateurs de la nature,
dénient toute existence au surnaturel et attribuent tous les phénomènes relatifs à la vie et à la
mort, au facteur temps.
Les penseurs du Moyen-Age qui ont analysé, avec objectivité les données de la pensée islamique,
laquelle se caractérise par son universalité, ont eu toujours recours à cette pensée. Ainsi le
philosophe chrétien Thomas d’Aquin (1225-1274) est en parfait accord avec la théorie d’Averroës
que celui-ci expose dans son ouvrage : «fasl al maqâl...» (Fin de la polémique à propos des
rapports entre la réalité et la foi).
L’Eglise elle-même fut astreinte à reconnaître les spécificités hautement nobles de la religion
musulmane et ce, dans un document intitulé «Orientations» où elle affirme que l’Islam n’est pas
une religion de terreur et d’intolérance, mais une religion d’amour et de fraternité. Elle réfuta
les fausses idées que propagèrent les Chrétiens et les Juifs sur l’Islam, quand ils prétendirent
que cette religion est exempte de toute vertu, se complaît dans la fatalité et le fanatisme
religieux. Le «Jihad» écrit le Vatican dans ce document «n’est autre que celui de toute mission
qui lutte pour la cause de Dieu en vue de répandre l’Islam et le soutenir partout». Le Vatican
conclut : «A l’époque des Croisés, ce n’étaient nullement les Musulmans qui commettaient les
crimes les plus odieux».
Jésus Christ (que la paix soit sur lui) a annoncé l’imminence du Royaume de Dieu qui révélera au
monde le Prophète mentionné dans le Deutéronome (15-18). Il a prononcé un nom dont la
signification veut dire : «personne digne de beaucoup d’éloges», c’est-à-dire «Mohammad» en
langue arabe(47).
NOTES ET REFERENCES
1. Al Bukhârî : «Kitâb al manâqib», n° 3271 (Le livre des qualités). Muslim : «Al fadâil» (Les
vertus) n° 4237.
2. Al Bukhâri : «Assalâtu» (La prière) n° 419. Muslim : «Al Masâjidu wa Mawâdi’u Assalâti», n°
810 (Les mosquées et les lieux de la prière).
3. Al Bukhâri : «Al Janâ‘izu» (Les obsèques), n° 1296 -Muslim : «Al Qadar» (Le livre du destin),
chapitre : La signification de la bonté innée chez le nouveau-né.
4. «Al Bidâyatu wa Annihâyatu» (Le début et la fin) -Volume 1, p.75. L’Ancien Testament (2-8).
5. Ahmad : «Bâqi Musnadu al Ansâr» n° 21257.
6. L’Ancien testament - L’Exégèse : chapitre 3 : 24.
7. Al Bukhârî : «Hadiths des Prophètes» (Les dires des Prophètes), n° 3088. Ahmed : «Musnadu al
Mukthirîna mina Assahâbati, n° 3450.
8. Voir les récits des Prophètes comme :«Badâi’Azzouhûri fi Waqâi’i Adduhri» (Les meilleures
fleurs dans les événements des temps passés).
9. Voir «Tarikh al Houkama‘».
10. Confirmé par Ibn Khaldûn dans son introduction, chapitre sur l’exégèse.
11. L’Exégèse : chapitre 4.
12. Ibn Sulaymân Ar-Rawdânî : «Jam’ul Fawâ‘idi...»-Hadith n° 8321.
13. Mentionné par Al Qortobî dans son exégèse du verset 10 de la sourate «L’interdiction».
Qûchaïrî dit qu’il y a là-dessus consensus de tous les exégètes.
14. Al Bukhârî : «Hadîths des Prophètes» n° 3138 -Attirmîdî : «Exégèse du Coran» n° 3041 Ahmad : «Bâqî Musnadu al Mukthirîna mina Assahâbati» n° 5454.
15. Al Bukhârî : «Hadîths des Prophètes» n° 3162.
16. Al Bukhârî : «Le Vendredi», n° 1063. Muslim «Le Jeûne» n° 1969.
17. Ibn Jarîr : «Histoire des peuples et des Rois». Vol. 2, p. 116.
18. Ahmad : «Musnadu...» n° 6357. Ibn Mâja : «La prière selon la Sunna», n° 1398.
19. Ibn Jarîr : «Histoire des peuples et des Rois». Vol. 2, p. 152.
20. L’Evangile de Matthieu. Chapitre 1 : 16-21..
21. Al Bukhârî : «Hadîths des Prophètes», n° 3177. Muslim : «Les vertus», n° 4363.
22. Biographie d’Ibn Hichâm 1/1-2. Al Mubârakfûrî : « Le jardin aux bonnes odeurs».
23. Voir le travail d’authentification effectué par Mohammad Sulaymân Al-Mansûrfori, chapitre :
«Rahmatun lil’âlamîn.» 2/14-15-16-17. On y trouvera une énumération des différentes
références historiques.
24. Authentifié par Mohammad Sulaymân Al Mansûr et Mahmûd Bâcha. Voir aussi «Le jardin aux
bonnes odeurs.»
25. Son ouvrage : «Glossaire du Livre Sacré.»
26. Sourate «Les Femmes», verset 164. Exégèses du verset : «Dieu a directement adressé la
parole à Moïse».
27. Al Bukhârî : «Le début de la Révélation», n° 4 et d’autres.
28. Voir Ibn Taymiyya : «Dar’u taàrudi al aqli wa annaqli» Tome 8, p. 503.
29. Exégèse d’Al Qortobi «Al Jâmiu liahkâmi alqurqâni». Tome 2, Verset 19 - Sourate «Al
Imrame»
30. Parmi eux Spencer et Muller.
31. La Religion, la Révélation et l’Islam. éd. Dâr Al Qâdirî, 1933, p. 47 (1413 de l’Hégire).
32. «Al Milalu wa Annihalu», de son auteur Achchahrastâni.
33. La Religion, la Révélation et l’Islam. Op. cit., pp. 47 et suivantes.
34. Ahmad : «Bâqî Musnadu Al Ansâri», n° 21257.
35. Al Bukhârî : «Le livre des malades», Chapitre : «Les hommes les plus endurants sont les
Prophètes...». Attirmîdî : «L’ascétisme selon l’Envoyé de Dieu», n° 2322. Ibn Mâja : «les
séditions», n° 4013.
36. Al Bukhârî : «Les Hadîths des Prophètes», n°144. Muslim : «Les vertus», n° 4382.
37. Al Qarâfî : «Tanquih Al Ouçoul».
38. Al Bukhârî : «Kitâb al Manâqib» (Le livre des qualités), n° 3413. Ahmad : « Bâqî Musnadu Al
Mukthirîna...», n° 8114.
39. Parmi eux, citons Cheïkh ‘Abdel Qâder Al Jilânî.
40. Voir l’exégère d’Ibn Al’Arabî. Sourate «Du Livre au versets distincts», verset 30.
41. Muslim : «Al Birru wa Assilâtu ...», n° 4656. Ahmad : «Bâqî Musnadu...», n° 8923.
42. Al Hâfiz As-Sayyûtî a écrit un ouvrage intitulé :«Tanwîru Al Halaki fi Ru‘yati Annabiyyi wal
Malaki» où il explique les détails de cette question.
43. Ahmad : «Bâqî Musnadu al Ansârî», n° 21257.
44. Al Bukhârî «Al jizyatu», 2923. Mâlik «Azzakât» 544.
45. Louis Gardet «La pensée religieuse chez Avicennes», éd. Paris, 1951, p. 43.
46. Avicennes : «La guérison», traduction latine, éd. des Chamoines de St. Augustin, Venise
1808. (Traduction arabe, éd. 1886).
47. Voir le chapitre 43 de l’Evangile de Bernaba.
Préambule
Parler de la foi expose à des dangers et à des dérapages, car ses fondements sont divins et la
réflexion qu’on mène à son propos est humaine.
On s’expose à plus de dérapages quand il s’agit de réfléchir sur une foi qui nous est étrangère,
car on ne sait plus jusqu’où il faut mettre un terme à sa propre foi, à quel endroit il faut faire
intervenir les lois de la logique et où on doit s’abandonner à ses penchants. Notre conscience
n’est donc pas à l’abri des déviations et nos écrits peuvent connaître bien d’aberrations.
Pour éviter ces écueils, nous avons adopté dans la présente recherche le principe qui veut que
toutes les Révélations divines se représentent toutes, dans leur fondement, la Vérité tant
qu’elles demeurent loin de l’interprétation subjective de l’homme. La croyance à ces
Révélations est une composante fondamentale de notre foi. Cependant, ce qui fait l’objet de la
réflexion et de l’analyse concerne les commentaires que l’homme en a fait, avec l’intention
délibérée ou non d’y apporter les modifications qui arrangent ses tendances.
Partant de ce fait, notre analyse de la foi judaïque ne vise pas à porter préjudice à ses principes
et à ses fondements, car cette foi représente pour nous une religion céleste révélée à Moïse (que
la paix soit sur lui) à une période de l’Histoire, afin que l’homme puisse suivre le droit chemin.
C’est la raison pour laquelle nous avons adopté une démarche qui consiste à ne pas confronter la
foi par la foi, à ne pas discuter le Livre par le Livre et à ne pas recouvrir à notre patrimoine
culturel arabo-islamique afin que la foi reste dans le coeur et que l’analyse demeure neutre.
Dans la présente étude, nous avons eu recours à des sources non islamiques. Des références
islamiques, nous n’en avons cité que deux seulement. D’abord, l’ouvrage d’Ibn Hazm «Al faslu
bayna al-milali wa annihali», parce que ce penseur musulman a été le précurseur dans la
comparaison des confessions et ses ouvrages eurent une influence indirecte sur les écoles de la
critique théologique. Ne pas citer Ibn Hazm aurait rendu bancale notre méthodologie, alors que
notre but demeure la quête de la vérité. Ensuite «le fihrist» d’Ibn An-Nadîm, parce que cet
ouvrage était une sorte d’encyclopédie des sciences religieuses et où Ibn An-Nadîm s’est adonné
à la compliation sans rien inventer…
A part ces deux références, nous n’avons choisi que ce qui est sûr parmi les ouvrages des
penseurs non musulmans, parmi eux des gens dont nous ignorons leurs tendances religieuses, des
Juifs et des Chrétiens spécialistes en théologie, en histoire, en civilisation, en archéologie, en
philologie, en raphologie. La plupart de ces spécialistes ont longuement réfléchi sur le texte de
l’Ancien Testament en toute objectivité et avec beaucoup de minutie et d’exactitude.
C’est donc de la source des ces éminents chercheurs que nous avons puisé nos informations et
c’est grâce à leur travail que nous avons bâti l’architecture de cette étude qui est à l’image de
leurs efforts.
Nous n’avons pas fait appel à un intermédiaire pour l’étude du texte de l’Ancien Testament,
mais nous avons tenu à analyser méticuleusement tout son lexique. Nous nous sommes
longuement arrêté à cette analyse, car la plupart des déviances dans ce domane ont pour origine
le recours à un intermédiaire passif ou à une analyse superficielle et expéditive.
Nonobstant ces efforts, nous ne prétendons pas avoir fait le tour de la question, car il s’agit là
d’un thème épineux. Seuls ceux qui ne font que l’effleurer ou ceux qui le délaissent sont
susceptibles de ne pas être confrontés à ses difficultés.
Section
Indications sur le message originel et son authentification du temps de Moïse et Aaron
Bref aperçu historique sur la vie de Moïse et Aaron à travers l’Ancien Testament
I
Le judaïsme est parmi les religions monothéistes dont les traces nous sont parvenues dans un
Livre Sacré. Cette religion ne s’est donnée ce nom (judaïsme) qu’après le schisme d’Israël en
deux Royaumes, suite au décès de Salomon : le Royaume d’Israël et le Royaume de Juda. Le
judaïsme fut révélé aux Hébreux, fils d’Israël... Qui sont-ils donc ces Hébreux ?
L’origine du nom des Hébreux est mentionnée dans la Torah(1) (La Genèse 10 : 21-24). C’était
par ce nom qu’on désignait le quatrième fils de la souche de Sem, fils de Noé. Celui-ci avait trois
enfants : Sem, Cham et Japhet. Sem eut pour fils Arpaxad qui eut pour fils Chélah, lequel eut
pour fils Eber. Le nom «Eber» (de la famille des Hébreux) n’a aucune signification qui pourrait
désigner un peuple bien déterminé. C’était là tout simplement un terme par lequel on désignait
toute la progéniture de Sem et il ne put acquérir sa spécificité qu’avec Abraham qui représente
la sixième génération de la descendance d’Eber.
Après avoir quitté la ville d’Ur en Chaldée(2), Abraham s’installa à Haran, ville située entre le
Tigre et l’Euphrate avant de la quitter pour un long périple à travers la Palestine qui le conduisit
en Egypte (Genèse 10 : 13) puis en Péninsule arabique(3).
A Haran, Dieu promit à Abraham qu’Il donnerait à sa descendance le pays de Canaan et c’est à
partir de là que le terme «Hébreu» s’associa à la seule descendance d’Isaac, fils d’Abraham qui
eut - comme Dieu le lui avait annoncé- «Une grande nation et je te bénirai». Son fils Isaac donna
naissance à Jacob qui, à son tour, eut de ses épouses, Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issakar,
Zabulon, Gad, Asher, Joseph, Benjamin, Dan et Neftali(4). Ce sont là les douze petits fils (asbât)
des fils d’Israël(5).
La Torah (Bible) donne un aperçu historique (La Genèse : chapitre 38 à 50) sur les douzes fils de
Jacob, leur naissance, leurs déplacements et leur installation en Egypte jusqu’à la mort de
Joseph. Moïse n’est mentionné que dans «l’Exode», deuxième Livre du Pentateuque.
La Bible ne mentionne pas l’arbre généalogique de Moïse qui ferait de ce Prophète un
descendant d’Adam ou d’Abraham ou d’un autre ancêtre, comme elle l’a fait avec les douze fils
de Jacob, mais elle parle de lui, pour la première fois, en ces termes :«Un homme de la tribu de
Lévi épousa une femme de la même tribu. La femme devint enceinte, puis mit au monde un
garçon» [L’Exode : 1-2].
Moïse
La période qui sépare la mort de Joseph et la naissance de Moïse est estimée à quatre cents ans.
L’Exode, le deuxième Livre de la Bible, mentionne les fils de Joseph qui affluèrent vers l’Egypte
et parle de leur grand nombre : «Un nouveau roi commença à régner sur l’Egypte, mais il ne
savait rien de Joseph. Il dit à son peuple : «Voyez, les Israélites forment un peuple plus
nombreux et plus fort que nous».» [ L’Exode, 1 : 8-9].
Ces deux versets bibliques résument les événements les plus importants qui se sont produits
durant la longue période à laquelle il a été fait allusion plus haut. Sous le règne des Hyksos,
Joseph avait tellement de pouvoir qu’il devint très fort et très riche, lui et les siens. Cette
situation ne changea pas jusqu’à la chute des Hyksos.
Les Egyptiens ne parvinrent pas à pardonner aux fils d’Israël- et peut-être aux autres intrus- leur
connivence et leur solidarité avec les Hyksos. Ils eurent toujours peur -s’ils les laissèrent agir
librement- de se coaliser avec n’importe quelle autre force montante. La Bible dit à ce sujet que
le nouveau roi s’adressa à son peuple en ces termes : «Il faut trouver un moyen pour limiter leur
nombre. En cas de guerre, ils se joindraient à nos ennemis pour nous combattre» [L’Exode, 1 :
10].
C’est là un indice, qui confirme l’existence d’un pacte déjà formulé entre des Hébreux et des
Hyksos. Une nouvelle ère débuta alors, quand le Pharaon ordonna d’assujettir les Israélites et les
obliger à construire les villes de Piton et Ramsès. Il ordonna également qu’on tuât tout Hébreu
de sexe masculin. C’est à cette époque -là qu’une femme jeta son bébé dans l’eau «Jam»
La Bible ne donne pas d’indice claire sur l’origine familiale de ce bébé. Voici ce qu’elle dit «1Un homme de la famille de Lévi [qui] s’en alla prendre une fille de Lévi. 2- La femme conçut,
enfanta un fils…» [Exode, 2 : 1+2]. Le nom de ce bébé ne lui fut pas donné par sa mère, c’est la
fille du Pharaon qui l’appela Musi. Il fut pourtant allaité par sa propre mère chez elle, et fut
élevé dans le palais du Pharaon dont le luxe ne lui fera pas oublier ses frères de race. Pour se
venger des Egyptiens, tortionnaires des Hébreux, il tua un Egyptien et prit la fuite vers Madian.
Là, il épousa la fille du prêtre de cette ville où il travailla comme berger jusqu’au jour où Dieu
lui apparut au mont Horeb et lui ordonna de retourner en Egypte pour affranchir les Israélites.
Moïse acquiesça et Dieu le soutint par des signes miraculeux, susceptibles de convaincre le
Pharaon au moment voulu. Le Pharaon resta indifférent et garda le peuple d’Israël en esclavage.
Les Egyptiens et le Pharaon furent connurent dix calamités qui permrent aux Israélites de
s’enfuir. Le Pharaon les poursuivit, car il regretta de leur avoir donné l’occasion d’être libres.
Pendant ce temps, Moïse et les siens se frayèrent un passage dans l’eau, mais le Pharaon, lui, se
noya. Pendant quarante ans, ils errèrent dans le désert, souffrant de soif et de famine. Dieu les
sauva en mettant à leur disposition vivres et eau. Ils rencontrèrent dans leurs pérégrinations des
peuples rudes qu’ls ont assujettis. Ils connurent par la suite beaucoup d’obstacles. La maladie
les mina et ils se révoltèrent contre Dieu. Tantôt Moïse réussit à les calmer et tantôt ils se
révoltèrent contre lui. Il finit par réussir à les organiser. Il leur traça des plans de travail et leur
apprit les règles d’hygiène et de prévention contre les maladies. Il leur apprit à être prudents et
vigilants. Il les énuméra, dans un premier temps, pour leur distribuer des terres, puis il les
énuméra, dans un deuxième temps pour évaluer leur force et leur aptitude à mener une guerre
et à la supporter.
Moïse accomplissait toutes ces actions pour le salut de son peuple, mais en même temps il
souffrait de voir ce peuple se lamenter et se révolter d’avoir quitté une patrie pour le suivre,
une patrie qui devint à leurs yeux un vrai paradis alors que leur vie y était en fait un véritable
calvaire. Il ne trouva la paix de l’âme que dans la manifestation divine qui fut pour lui la source
de la loi et des préceptes religieux. A chaque fois qu’il rencontrait un imprévu provenant de son
errance qui dura une quarantaine d’année, Moïse recevait des messages du Seigneur. Il put ainsi
organiser tous les rites du culte judaïque tel qu’il nous a été parvenu dans la Bible qui est,
aujourd’hui, entre nos mains.
Moïse était minutieux dans toutes ses actions, dans la répartition du butin, de la terre, des villes
et des armées. Il était clairvoyant et excellait dans ses plans, que ce soit dans l’offensive, la
défensive ou même la fuite. En outre, il était nerveux et ses sautes d’humeur étaient
insupportables. N’a t-il pas tué un Egyptien et n’était-il pas prêt à récidiver, Ne s’est-il pas
querellé avec les puiseurs d’eau au puits de Madian ? N’a t-il pas détruit les tablettes quand il
s’est rendu compte que les Israélites idolâtraient le veau ? N’a t-il pas martyrisé son frère et n’a
t-il pas donné l’ordre d’assassiner tous les renégats, ce jour-là ? Nul doute que ses trois discours,
à la fin de sa vie, étaient l’expression de la révolte intérieure, destinée à mettre un terme à son
errance et à celle de son peuple(6).
C’est de cette manière-là que la vie de Moïse nous est présentée dans la Bible. Les chroniqueurs
l’ont auréolée de beaucoup d’imageries et ont tissé autour d’elle de nombreuses croyances
populaires comme ils l’ont fait avec Abraham, Joseph et tous les patriarches et comme ils l’ont
fait également avec les événements dont ils nous ont relaté l’histoire. C’est pour cela que les
chercheurs ont essayé de savoir s’il n’existe pas une personnalité qui ressemblerait à Moïse dans
la littérature babylonienne antique. Ils ont pu trouver des ressemblances avec Moïse dans des
tablettes sumériennes représentant le héros connu de l’ancienne Mésopotamie, Sargon d’Agade
ou encore dans l’histoire de Romulus et Rémus(7) .
Comme les portraits de ces héros ressemblaient à celui de Moïse, celui-ci fut considéré par
certains chercheurs comme une création de l’imagination.
Freud dans un ouvrage intitulé «Moïse et le monothéisme» se base sur cette conception pour
bâtir sa théorie qui veut que Moïse est d’origine égyptienne et que la religion qu’il prônait était
une religion purement égyptienne que le Pharaon Aménophis IV qui changea de nom pour devenir
Akhnaton, défendait âprement. Après le décès de celui-ci, les prêtres d’Egypte rétablirent
l’ordre ébranlé et se vengèrent de tous ce qui leur a été légué par la XVIIIème dynastie, en 1350
avant J.C. Parmi les personnes fidèles à Akhnaton, il y avait un homme qui s’appelait Touthmôsis
(Touth+Moïse). Il occupait un poste de grande responsabilité. Il s’enfuit avec un groupe de
personnes à qui il toléra leur culte après des remaniements qu’il y apporta, dont la prohibition
de l’adoration du soleil. Il quitta donc l’Egypte avec ses hommes avec lesquels il fut rude quant
à leur éducation et à leur observance des rites cultuels. Ils s’insurgèrent contre lui, le tuèrent et
renoncèrent à l’adoration d’Aton (Dieu du Soleil) à l’instar des Egyptiens des temps de jadis. Ils
se mêlèrent après, aux tribus de Madian qui vivaient disséminées entre la Palestine, Sinaï et la
Péninsule arabique. Ils adoptèrent leur religion et adorèrent leur Dieu : Iahvé. (Dieu des
volcans). Ils prirent le temps nécessaire pour développer l’idée qu’ils se faisaient de Iahvé, car
les nouvelles générations regrettèrent ce que les anciennes avaient fait de Moïse. Un hasard fit
alors qu’un bienfaiteur apparut au monde. Il s’appelait Moïse et fut vite adopté par eux. C’est
ainsi que ce Moïse se confonda avec Moïse, le Prophète, à travers le temps. C’est donc là la
conception que Freud s’est faite de Moïse(8).
Revenons au nom de «Moïse», nom de baptême choisi par la fille de Pharaon quand Moïse le lui
fut rendu par sa mère alors qu’il était devenu assez grand. Il est certain que la forme
grammaticale «Moshé» n’était pas semblable à celle propagée par la tradition juive. La forme
«Moshé» (sauveur) est celle du participe actif et non celle du participe passé passif. Et Moïse
était quelqu’un qui «a été» sauvé(9).». «Et elle lui donna le nom de «Moshé», car, dit-elle, «je
l’ai tiré des eaux», [Exode 2 : 10]En égyptien, qui était un idiome non voyellisé, ce nom
provenait de Mouth (Moutho) et signifiait «fils» comme c’est le cas dans des noms tels que
Amosis, Ramsès...(10).
Le fait que MoÏse fût appelé «Moshé» (Le sauveur) signifierait qu’il est considéré comme celui
qui sauva les Israélites, qui les «arracha» des mains des Pharaons. Si cette interprétation est
bonne, cela voudrait dire que celui qui lui a prêté cette appellation, s’est renseigné sur toute sa
vie, depuis sa naissance jusqu’au jour où il sauva le peuple d’Israël. Le chroniqueur aurait donc
choisi un nom qui se rapproche dans sa prononciation du nom de Moïse et en même temps, qui
traduit bien l’identité du Prophète Moïse, le Sage qui «arracha», c’est-à-dire qui sauva les fils
d’Israël des mains des Pharaons. Si la langue hébraïque avait été la langue disciples de Moïse en
son temps, on aurait trouvé un nom dans cette langue qui correspondrait à «Moïse» dans la
forme ou dans le sens, à côté du nom qui aurait signifié qu’il était «le sauveur» des fils d’Israël
et qu’il n’a pu avoir qu’après son triomphe sur le Pharaon, ou du moins, après l’avènement de sa
mission.
Il est tout à fait naturel que Moïse ait eu un nom égyptien, car il a été élevé dans le palais du
Pharaon. Toutefois, ce qui intrigue, c’est l’hébraïsation de son nom, d’une manière non
conforme, ni à la morphologie, ni à la synthaxe de cette langue comme il a été souligné plus
haut, chose qui a rendu ambiguë(11) l’identité véritable de Moïse par tout ce qui lui a été greffé
comme anecdotes antiques qui exagèrent les faits par
s’enorgueillissant des origines d’un passé hautement glorieux.
une
imagination
débridée
En tout état de cause, si la personne d’Abraham est une réalité historique et si la personne de
Joseph l’est également, celle de Moïse l’est autant.
Par ailleurs, si Joseph a vécu vers 1730 avant J.C. et si les fils d’Israël sont réstés en Egypte
quatre cent trente ans après sa mort, jusqu’à l’exode, et si la Bible fixe l’âge de Moïse, lors de
sa rencontre avec le Pharaon à quatre vingts ans, sa naissance eut lieu inéluctablement vers
1370 avant J.C., date qui coïncide avec le règne d’Akhnaton (Aménophis IV -1375-1354 avant
J.C.). L’exode se situerait alors vers 1290 avant J.C. et l’année 1720 avant J.C. serait la date
d’entrée de Joseph en Egypte.
Une période de l’histoire qui dura quatre cent trente ans, durée de la présence des fils d’Israël
en Egypte, à laquelle on ôte quatre vingts ans durant lesquels Moïse vécu avant l’exode,
confirme que le Pharaon de l’époque était bien Ramsès II qui régna entre 1301 et 1234 avant
J.C. (12), et que c’est lui qui fut le Pharaon de l’exode.
Certains chercheurs mettent en doute l’existence même de l’événement de l’exode dont il est
question ici(13) et considèrent Merenptah le fils de Ramsès II, l’ennemi acharné des fils d’Israël.
Merenptah triompha des Israélites et laissa une épigraphe qui date de 1230 avant J.C. où il est
mentionné que le peuple d’Israël fut complétement anéanti. Toutefois, on ignore ce que le
vocable -«Israël» veut dire. S’agit-il du peuple ou de la région ?(14) Or, la distinction entre les
deux est de taille. S’il s’agit du peuple, ce serait alors Moïse, et les Siens, mais cela ne coïncide
nullement avec la succession des événements comme on l’a vu. S’il s’agit de la région, ce serait
la Palestine, après qu’elle eût été conquise par les Israélites.
Nous optons personnellement pour la deuxième hypothèse, car l’exode eut lieu, comme nous
l’avons vu, en 1290 avant J.C., du temps de Ramsès II, alors que l’épigraphe porte la date de
1230 avant J.C. En plus, cette épigraphe parle de l’anéantissement des Israélites alors que le
miracle a consisté en le démantèlement de l’armée du Pharaon et non en la fin des fils d’Israël.
Qui plus est, l’histoire telle que relatée par la Bible, confirme que l’événement eut lieu en
Egypte. Ainsi, après la demande que Moïse et Aaron adressèrent au Pharaon pourqu’il libère les
Israélites, la réponse du Pharaon fut la suivante : «Moïse et Aaron, pourquoi poussez-vous les
Israélites à négliger leur ouvrage ? Retournez (la parole est ici adressée aux travailleurs) à votre
corvée. Maintenant que ces gens sont nombreux, vous voudriez leur faire interrompre leurs
activités» [L’Exode, 5 : 4].
Nul doute que l’obstination de Moïse et de Aaron fut à l’origine d’une surveillance exagérée des
frontières entre l’Egypte et Sinaï. Personne ne pouvait les franchir sans une autorisation du
pouvoir central (15) C’est ce qui explique le départ des Israélites vers le sud au lieu qu’ils
prennent la direction du nord, c’est-à-dire, de la Palestine qui s’étendait à perte de vue.
Ce qui surprend également c’est l’absence totale de traces relatives à l’exode dans tous les
documents égyptiens, alors que l’on sait que les Pharaons enregistraient tous les événements, si
minimes, soient-ils. L’explication de ce silence est simple. Les Pharaons n’avaient pas l’habitude
d’écrire l’histoire de leurs défaites. Ils supprimaient, dans leurs écrits historiques, tout ce qui ne
leur convenait pas, comme les noms de leurs ennemis politiques et ceux qui transgressaient les
lois de leur Etat(16).
Nous basant sur ces faits, nous croyons que l’épigraphe de Merenptah relate les événements qui
se sont produits après l’entrée des Israélites en Palestine et que ce nouveau Pharaon (Ménéptah)
décida d’assujettir la Palestine qui voulait rester en dehors de sa domination et aussi de se
venger de ceux qui causèrent la perte de son père et de son armée(17). Ceci ne pouvait
s’accomplir qu’après plusieurs années, certainement après la reconstruction par Ménéptah de
son armée, c’est-à-dire encore vingt ans après l’entrée des fuyards en Palestine et après que la
faiblesse eût atteint l’armée que Moïse avait constituée dans le désert durant les années de
l’errance.
Ce qui corrobore nos dires, c’est qu’il s’est produit, durant cette période, la destruction de
beaucoup de villes en Palestine. Sans doute cette destruction est-elle due à la confrontation
entre le Pharaon Merenptah et le peuple de Palestine qui a voulu acquérir son indépendance et
se débarrasser de l’oppression de ceux qui détenaient les rênes du pouvoir en Palestine parmi les
étrangers(18). Cet événement eut probablement lieu après la mort de Josué qui avait pris en
main la destinées des Israélites. Le Livre des juges fait allusion à cet événement et impute ses
causes à l’inobservance par les Israélites de l’engagement qu’ils ont pris à l’égard de Iahvé.
Donc, l’exode de Moïse est une réalité. Il eut lieu à l’époque dont nous avons parlé ou du moins
à une époque toute proche d’elle et tous les événements qui l’ont accompagné se sont produits
en présence et grâce à l’aide de Aaron.
Aaron
Aaron vint au monde trois ans avant la naissance de Moïse, à une époque où l’ordre de tuer tous
les enfants hébreux de sexe masculin n’avait pas encore été décrété. Quand Moïse quitta
l’Egypte pour Madian, son frère Aaron ne l’accompagna pas et demeura en Egypte. Durant les
quarante ans que Moïse passa à Madian, on ne sait pas s’il y a eu un contact entre les deux
frères.
Aaron n’a été mentionné dans la Bible que lorsque Moïse tenta de décliner l’offre de la mission
prophétique prétextant qu’il n’avait pas la parole facile. Le Seigneur lui avait dit :
(14) «Aaron, le lévite, n’est-il pas ton frère ? Je sais qu’il est éloquent, lui, n’est-ce-pas ?
D’ailleurs, il est déjà en route pour venir te trouver. Dès qu’il te verra, il sera plein de joie...
(15) Tu lui parleras, tu lui communiqueras ce qu’il devra dire. Moi-même, je serai avec chacun
de vous quand vous parlerez et je vous indiquerai ce que vous aurez à faire.
(16) C’est lui qui s’adressera au peuple à ta place : il sera ton porte-parole et toi tu seras
comme le dieu qui l’inspire... ». [Exode, 4 : 14-15-16]
La Bible raconte que le Seigneur Iahvé a soufflé mot à Aaron pour qu’il vienne en aide à son
frère dans sa mission prophétique.
(27) «Va dans le désert à la rencontre de Moïse». [Exode, 4 : 27]
Puis Dieu fit de Aaron un messager du Pharaon :
(1)«Alors le Seigneur déclara à Moïse : «Ecoute, je t’investis d’une autorité divine vis-à-vis du
Pharaon ; et ton frère Aaron sera ton porte-parole». [Exode, 7 : 1]
Après cela, Aaron devint le porte-parole de Moïse auprès du peuple et auprès du Pharaon. C’est
grâce à lui que Moïse put accomplir ses prodiges et c’est lui qui fut la cause des trois fléaux
qu’ont dû subir le Pharaon et son peuple. Il reçut le Décalogue avec son frère Moïse et, en
présence de celui-ci, il s’adressa à Dieu dans la tente des réunions. Il prit la route du désert en
compagnie de son frère Moïse et des Israélites et joua un grand rôle dans l’encadrement et
l’organisation de ces derniers. Moïse lui reprocha, cependant, de ne pas avoir été en mesure
d’interdire aux Israélites d’idolâtrer le veau.
Ainsi donc, après moult affaires et une fois que les choses prirent leurs cours naturel, Aaron
devint le premier chef des prêtres israélites. Le sacerdoce revint donc à sa progéniture et rien
qu’à elle. Il organisa les rites du Temple d’une manière impeccable, sans rien laisser au hasard.
Il mourut alors qu’il était à deux pas de la terre des Cananéens, car il était bien écrit que toute
la génération de l’exode ne devait pas fouler cette terre.
La Bible reste la seule source qui donne des indications sur la vie d’Aaron. Le Talmud a repris ce
qui a été rapporté par la Bible avec quelques exagérations dans le portrait et les activités
d’Aaron.
Le verbe mosaïque, verbe du texte initial de la Torah
Dans la Torah, il n’existe aucune indication sur la langue dans laquelle a été écrit le texte
original de la Torah. Toutefois, elle mentionne que ce que Moïse a entendu de la bouche de
Iahvé, lors de la réception des tablettes, n’était ni parole, ni langue. Voici ce qu’elle dit : «La
voix du cor s’amplifia alors que Moïse parlait et Dieu lui répondait d’une voix du tonnerre
[Exode, 19 : 19]».(20)
Il est clair que les vocables tels que «voix» ou «tonnerre» ou «bruit» ne recèlent aucune
signification propre à la langue du discours. C’est sans doute cela qui incita certains spécialistes
de la Torah à avancer que Moïse recevait, plutôt qu’une langue proprement dite, des idées qu’il
traduisait dans la langue des humains(21).
Quelle était donc cette langue par laquelle Moïse s’adressait aux gens ?
Le terme «hébreu» qui désigne «la langue hébraïque» n’est nullement mentionné dans la Torah.
Dans le Livre d’Esaïe où il est annoncé que l’Egypte sera assujettie à Judée, on lit ceci : «Ce
jour-là, il y aura en Egypte cinq villes où l’on parlera la langue des Cananéens». [Esaïe, 19 : 18].
Il s’agit-là naturellement de la langue des fils d’Israël qui seront les vainqueurs. Cette langue
n’avait aucun rapport avec la langue hébraïque.
Quand le commandant de l’armée assyrienne assiégea la ville de Jérusalem, le Roi Ezékias
envoya ses serviteurs au commandant qui leur fit un discours. Les serviteurs du Roi lui dirent :
«Parle-nous en araméen, s’il te plaît, nous le comprenons. Evite de t’adresser à nous «be lasun
yihudit (en langue juive) (en judéen) à cause de tous les gens qui sont sur la muraille en train de
nous écouter». [Esaïe, 36 : 11](22).
Du contexte historique que nous venons de mentionner, il apparaît que le message originel de la
Torah était adressé au Pharaon et aux Israélites. Si les gens avaient consigné le message
directement de la bouche de Moïse, le document initial de la Torah (qui n’existe plus de nos
jours) n’aurait nullement été rédigé en alphabet hébreu tel que nous le connaissons aujourd’hui.
En voici les raisons :
Moïse a vécu en Egypte durant quarante ans. Il a été élevé au palais du Pharaon. Sa langue
maternelle ne pouvait donc être que l’égyptien. Il se pourrait qu’il ait appris une autre langue,
selon la tradition de l’époque qui voulait que les monarques fissent apprendre à leurs enfants
plusieurs langues. Peut-être comprenait-il la langue des Hébreux ou des Israélites. Ceux-ci
constituaient, en ce temps-là, une minorité au sein des peuples. Si les Israélites avaient
préservé, en plus de l’égyptien, qui est la langue du lieu qu’ils avaient occupé pendant des
siècles, une langue propre à eux, celle-ci n’aurait pu, en aucun cas, être la langue hébraïque
telle que nous la connaissons aujourd’hui. La raison en est que la langue hébraïque ne s’est
véritablement développée que quatre siècles après la mort de Moïse. Ceci veut dire qu’il est fort
probable que la langue de communication de l’époque entre tous les peuples, de même que la
langue du message originel soit exclusivement la langue égyptienne. Ou bien, il est probable que
la langue originelle de la Torah soit la langue de ceux qui ont émigré de Palestine vers l’Egypte
et ils sont de diverses races. Ils se sont alors laissés influencés par les us et coutumes de
l’Egypte, ont appris l’égytien et sont revenus, par la suite, en Palestine, avec leur nouvel
héritage culturel. Leur langue était, pour le moins qu’on puisse dire, un mélange de l’égyptien
et du cananéen. C’est sans doute dans cette langue-là qu’ils ont transcrit la Torah, d’après les
enseignements qu’ils ont reçus de Moïse. Sur un autre plan, Moïse qui a vécu quarante ans en
Egypte puis a émigré à Madian (tribu arabe ou du moins non hébraïque) pour y vivre quarante
autres années, a certainement appris la langue de cette tribu avant qu’il ne revînt en Egypte en
qualité de Messager de Dieu. Cependant, la question qui reste à élucider est celle-ci : «En quoi
serait-il utile que Moïse s’adresse à la population égyptienne (Les Pharaons et les Israélites) dans
une langue autre que l’égyptien qui est la langue du pays ?».
Nous sommes donc en droit de conclure que le document originel de la Torah, celui dans lequel a
été consigné le message divin dans toute sa pureté, n’existe plus de nos jours et l’Humanité ne
dispose nullement de ce texte.
Ce qui est dit de l’idiome de Moïse est tout aussi valable pour celui de son frère qui est de la
souche des Israélites qui sont restés plus de quatre cents ans en Egypte... Aaron vécut toute sa
vie en Egypte et aida beaucoup son frère Moïse.
Nul doute que les riches textes de Ras Sumra donnent un éclairage sur la relation étroite entre la
langue des Hébreux et celle des Cananéens qui ont écrit leur héritage culturel dans une langue
nouvelle, mélange de l’égyptien et du cananéen, où ils ont commencé, progressivement, à se
défaire des emprunts linguistiques égyptiens qui se sont introduits dans leur idiome au point que
le lexique hittite devint prédominant. C’est pourquoi les inscriptions qu’on a découverts en
Phénicie et en Syrie et qui dépassent, en quantité, ceux qui se trouvaient en Palestine,
représentaient un modèle d’une vieille langue qui va se développer avec le temps pour devenir
postérieurement la langue hébraïque. Ainsi donc, grâce à ces découvertes, l’ambiguïté qui
entachait le lexique, la syntaxe et le style de l’Ancien Testament, s’est considérablement
dissipée, pour donner lieu à une idée qui présente clairement les événements, les personnages
historiques et les civilisations qui ont été fortement endommagés par les manipulations des
rédacteurs de l’Ancien Testament. Ces derniers ont bizarrement négligé la chronologie
historique et la vérité géographique (23).
Les linguistes sont unanimes à dire que la langue cananéenne est plus proche que toute autre
langue de la langue originelle de la Torah. Pour prouver cela, ils citent les écrits découverts à
Tall El Amarna en Haute Egypte qui sont des lettres rédigées en symboles babylonies et qui
remontent à l’année 1400 avant J.C. Il s’agit là, en quelque sorte, d’une correspondance rédigée
dans une langue diplomatique par des scribes cananéens et adressée aux autorités égyptiennes.
Ces scribes employaient, parfois, des mots et des tournures de phases propres à leur langue
maternelle qui présentait beaucoup de ressemblances avec la langue inscrite dans l’inscription
qui ont été découverte à Jérusalem (fresques de Salwân de l’an 700 avant J.C. et celles du
Mésha Roi de Moab qui datent environ de l’an 850 avant J.C.) (24).
Cette langue ancienne, tant dans sa forme que dans son alphabet est bien la langue «yehudit»
dont il est question dans la Torah «L’aide de camp se tint debout et cria d’une voix forte en
langue judéenne (yehudit)» Rois II 18 : 28 (25). Elle n’était pas monolithique, mais elle était
fractionnée en divers dialectes(26). Quant à la langue dans laquelle a été rédigée la Torah qui
est entre nos mains de nos jours, elle est bien la langue hébraïque qui ne s’est véritablement
développée que bien longtemps après l’époque de Moïse, si on considère qu’entre le Xème siècle
et la chute du Royaume de Juda (586 avant J.C.) se situe l’époque du développement de la
langue hébraïque.
C’est dans cette langue hébraïque que fut rédigé le texte de l’Ancien Testament qui est entre
nos mains aujourd’hui. Les spécialistes n’ont pas pu écrire une histoire précise de cette langue
qui aurait permis de retrouver l’époque où elle était unifiée, et ipso facto de déterminer avec
exactitude la langue des textes originaux de la Torah.
Par ailleurs, ce qui complique les choses est que cette langue hébraïque a connu deux étapes.
Ainsi, dès qu’elle a pu prendre forme, les Hébreux lui ont préféré la langue araméenne. Puis,
dans un deuxième temps, elle s’est développée pour devenir ce qu’elle est de nos jours. C’est ce
qui explique l’existence de Textes de l’Ancien Testament rédigés en araméen , mais ces textes
ne sont pas parmi les premiers que Moïse a transcrits ou édictés. C’est ce qui explique
également l’existence du Targume ou la traduction araméenne, ainsi que la rédaction de
l’œuvre monumentale connue sous le nom du Talmud dont nous dirons un mot un peu plus loin.
Tout ceci qui explique que le texte premier de la Torah -tel que les gens l’ont reçu directement
de la bouche de Moïse-nous fait complètement défaut. Or, l’importance que revêt la
préservation des textes initiaux (premiers) des Livres Sacrés réside en deux points essentiels :
Primo : Il s’agit là d’un patrimoine de l’Humanité qui relate une période importante de son
Histoire.
Secundo : Ce sont là des documents décisifs qui nous permettent de savoir les modifications et
les ajouts qui leur ont été apportés ainsi que le degré de dénaturation qu’ils ont subi à travers le
temps, ce qui est à même de nous donner une idée claire et nette sur le discours céleste
véritable.
Section
II
Les textes à la disposition de l’Humanité et leur rôle dans la détermination des contours de
la mission prophétique
L’Ancien Testament tel qu’il est de nos jours :
De ce qui précède, nous avons conclu que la Torah d’origine représente, en fait, une mission
divine. Cette mission est consignée dans les Commandements et le Testament et est rédigée
dans une écriture qui n’est pas celle qu’on lui connaît aujourd’hui et dans une langue
radicalement différente de la langue hébraïque. Nous avons également tiré argument de
l’Ancien Testament tel qu’il se présente à nous aujourd’hui, c’est-à-dire dans une langue qui
n’est pas celle dans laquelle il a été écrit au départ, pour expliciter et confirmer beaucoup
d’événements qui se sont produits.
Est-ce là une contradiction de notre part ? En d’autres termes, ne sommes-nous pas méfié du
texte actuel de la Torah pour nous réclamer en même temps de lui ?
Nous ne le pensons guère, car quand nous affirmons que la Torah était rédigée dans une langue
et une graphie différentes de celles d’aujourd’hui, cela ne signifie aucunement que tout ce qui
est relaté dans l’Ancien Testament est pure création de l’imagination n’ayant aucun lien avec
les faits historiques et les époques qui ont vu défiler les événements vécus par les Hébreux et où
apparut la religion juive. Nous pensons que l’Ancien Testament représente une tentative de la
réécriture de l’Histoire des Israélites, laquelle tentative se base sur un héritage culturel dont
une partie a été transmise oralement et une autre par écrit. Ce qui est sûr c’est que le recueil
des textes originaux de la Torah ne se trouvaient pas entre les mains de ceux qui ont transcrit
l’Ancien Testament que l’Humanité connaît aujourd’hui. Il n’est donc pas surprenant que son
contenu ne reflète pas exactement les nombreux faits historiques tels qu’ils se sont déroulés
dans la réalité. De même, l’imagination fertile et l’engouement que les Hébreux ont manifestés
dans l’exagération de la conscience israélite et l’affirmation de sa sublimité ont contribué aux
déformations des textes originaux.
Les scribes et les chroniqueurs n’ont relaté dans l’Ancien Testament qu’une connaissance dense
de ce dont ils étaient sûrs des événements du passé. Ils ont ainsi été contraints de tronquer, de
leurs écrits, des périodes historiques où les civilisations ont connu des chevauchements. Leurs
but était de rassembler et d’authentifier les faits, mais ils n’ont pas accordé à la chronologie des
événements et aux circonstances dans lesquelles ceux-ci se sont déroulés, une grande
importane. Tous les critiques de l’Ancien Testament sont unanimes là-dessus et les références
que nous avons consultées vont dans cette direction.
De nos jours, l’Ancien Testament, rédigé en hébreu, est composé de vingt quatre Livres, dans la
tradition juive, et de vingt deux Livres dans la tradition chrétienne. Certains rabbins croient que
tout l’Ancien Testament est une Révélation divine(27). D’autres pensent que la Révélation que
Moïse a reçue sous forme de voix céleste est contenue dans la première partie seulement et
considèrent comme Révélation par le biais de la convergence, les deux autres parties suivantes.
La tradition rabbinique a, par ailleurs, émis des dates estimatives. Ainsi la Torah (le
Pentateuque composé de cinq Livres) fut rédigée au XVème siècle avant J.C. Quant à la
deuxième partie, elle est composée des «Premiers Prophètes» qui furent rédigés entre le XIVème
et le VIème siècle avant J.C. et des «Prophètes postérieurs» rédigés entre le IXème et le Vème
siècle avant J.C. Pour la troisième partie, (les «Autres Ecrits») la tradition a avancé diverses
dates. Ainsi «Les Psaumes» attribués, selon cette tradition, à David datent du XIème siècle avant
J.C., «Les Proverbes», «Le Cantique des Cantiques» et l’Ecclésiaste attribués à Salomon datent
du Xème siècle avant J.C. Les lamentations et Jérémie datent du VIème siècle avant J.C. Le
«Livre de Daniel» date, lui, du Vème siècle avant J.C. Les récits de Job, Ruth et Esther attribués
à Moïse ont été écrits au XVème siècle avant J.C. Le «Livre de Samuel» date du XIème siècle
avant J.C. et les «Livres de Néhémie, Esdras et les Chroniques I et II» attribuées à Esdras datent
du IVème siècle avant J.C. (28).
Il va de soi que ces dates sont loin de correspondre aux résultats auxquels nous avons fait
mention quand nous avons retracé la vie de Moïse et d’Aaron et qui ont été fournis par les
découvertes archéologiques et les recherches historiques relatives aux origines de l’Ancien
Testament.
Traditionnellement, on attribue à Esdras (Vème siècle avant J.C.) le rassemblement des textes
de L’Ancien Testament. Toutefois Spinoza pense qu’Esdras n’a pas été le premier à avoir rédigé
le texte de l’Ancien Testament, et que son action a consisté tout simplement à rassembler des
récits différents qui étaient rédigés bien avant lui. Il ne faisait , des fois, que les recopier sans
chercher ni à vérifier leur authenticité, ni à fixer leur chrnologie(29). Mais il faut bien le dire, le
fait que le «Livre de Daniel» fasse partie de l’Ancien Testament est une preuve qu’Esdras n’a pas
rédigé tout le texte, car le «Livre de Daniel» a été rédigé aux environs de l’année 166 avant J.C,
trois siècles à peu près après le travail de rassemblement des textes effectué par Esdras.
Quelles ont été les circonstances dans lesquelles fut rédigé l’Ancien Testament et quelle a été la
méthodologie suivie, pour ce faire ?
Il est sûr que le plus ancien recueil que nous possédons de l’Ancien Testament, c’est-à-dire les
textes qui font l’unanimité des savants juifs, a été transcris dans le premier alphabet hébreu qui
s’est développé avant que l’araméen ne remplaçât la langue hébraïque ancienne. L’Ancien
Testament fut rédigé ensuite dans l’alphabet carré que les Juifs ont hérité de l’araméen, lors de
l’exil babylonien.
Depuis le temps du second Temple, on a pris l’habitude de comparer annuellement la Torah -très
répandue à Judée- avec les copies modèles composées à partir de trois copies (du Pentateuque)
très rapprochées et qui était entreposée au Temple. Il est clair que certains textes ont été
remaniés du temps du second Temple, notamment les passages relatifs à l’anthropomorphisme.
Ce remaniement fut appelé «Tiqquné Soférim» (Corrections des Scribes) et fut attribué à Esdras
et, après lui, à une pléiade de Scribes. Les discordances qui existent entre, d’une part, le texte
traditionnel (celui confirmé par les Massorètes) et la traduction grecque, les manuscrits de
Qumrân et le Pentateuque samaritain d’autre part, peuvent être dues à des «Tiqqunim» faites
par des Scribes inconnus.
Le texte traditionnel dont il est fait mention supra était, jusqu’au VIème siècle de l’ère
chrétienne,
purement
consonantique.
Les
scribes
utilisaient
comme
indices
pour
la
compréhension des signes diacritiques (A.W.Y). A la fin du VIIème siècle et au début du VIIIème
siècle de l’ère chrétienne, les Naqdanim, (experts en ponctuation) ont mis au point un nouveau
système graphique basé sur les signes diacritiques. Ils ont été influencés, dans ce travail, par le
système vocalique des Assyriens et des Arabes. Il en est résulté deux systèmes :
* Le système babylonien qui fut l’œuvre d’érudits d’origine babylonienne. Elle consiste à mettre
des signes diacritiques sur les lettres pour indiquer les voyelles brèves.
* Le système palestinien qui indique les voyelles brèves par des points et des traits placés endessus et en-dessous des lettres. Elle est doublée par l’emploi des lettres faibles (a.w.y) pour
traduire la quantité vocalique (longueur d’une voyelle). C’est la méthode utilisée de nos jours.
Les Massorètes terminèrent, d’une manière précise, le travail de naqdanim (punctatores) entre
le VIIIème et le Xème siècle de l’ère chrétienne. Deux traditions marquèrent cette œuvre : celle
de Ben Nepthali et celle de Ben Asher (Xème siècle de l’ère chrétienne). C’est cette œuvre-là
qui fut choisie pour la ponctuation actuelle de l’Ancien Testament(30). Le texte biblique y est
divisé en versets (pisuqim), qui contiennent un nombre plus ou moins grand de vocables. Le plus
court de ces versets comprend au moins trois vocables.
La division du texte en chapitres est une tradition chrétienne qui fit son apparition d’abord dans
la traduction latine, au XIIIème siècle de l’ère chrétienne. Cette méthode a été suivie par le
Rabbi Nathan qui mit au point le premier index de l’Ancien Testament, vers 1440 de l’ère
chrétienne. Depuis ce temps-là, cette méthode est devenue une tradition hébraïque respectée.
La Torah (Pentateuque) a été divisée en cinquante quatre sections (ou parachah) en conformité
avec la lecture annuelle. La tradition en Palestine l’a divisée en cent cinquante sept «parachah»
pour qu’elle soit lue durant une période de trois ans.
Les Massorètes ont annoté la Torah dans les marges des pages ou après chaque chapitre ou bien
à la fin de l’Ancien Testament(31). Parmi les notes les plus importantes dans leur œuvre est
celle de : «qri’wi ktib» qri ‘ «ce qui doit être lu» opposé au ktib «ce qui est écrit», c’est-à-dire à
la rectification du mot du corpus dans la marge. Ce mot est accompagné d’un signe qui signifie
qu’il doit être lu, dans le corpus, d’une manière différente de sa graphie. En voici des exemples
:
* Le nom du Seigneur s’écrit «Iahvé» dans le corpus, mais l’attention est attirée sur le fait qu’il
doit être prononcé «Adonay». La graphie de ce terme change selon sa fonction grammaticale
dans la phrase.
* Le pronom personnel féminin peut graphiquement être représenté par «il», mais il doit être lu
«elle».
* Un vocable tel que «na’ar» (enfant) se lit «na’arah» s’il désigne une fille, avec donc
l’adjonction d’une particule qui indique oralement qu’il est féminin.
Et ainsi de suite...
Ceci signifie que le texte actuel se présente avec des erreurs qui ont été commises par les
Scribes (Sufrim) et que les Massorètes ont essayé de corriger (32).
Si, d’un côté, le travail accompli par les Massorètes fut utile, d’un autre côté, il ne le fut guère,
car ils ont détruit ou dissimulé les textes qui n’allaient pas dans le sens de leurs traditions. Les
gens n’ont reçu, à travers les siècles que des copies de copies transcrites pour être exploitées
dans les lieux du culte ou dans les prières, et cela sous forme de rouleaux de cuir ou de
parchemins, avant d’être rédigées sur du papier...
Parmi les manuscrits importants qu’on a découverts et qui comportent des parties du Livre Sacré
(l’Ancien et le Nouveau Testament), les quatre suivants :
* Le manuscrit du Vatican (codex vaticanus) qui comporte sept cent vingt feuillets de trois
colonnes chacun. On pense que la date de sa transcription ne dépasse pas le milieu du IVème
siècle de l’ère chrétienne.
* Le manuscrit sinaïen (codex sinaïticus). Il a été dénommé ainsi parce qu’il a été découvert dans
le monastère de Sainte-Catherine au pied du Mont Sinaï, par le savant allemand Constantin von
Tischendorf en 1842. Il comportait alors quarante cinq feuillets. Les parties manquantes (Le
Nouveau Testament et des parties de l’Ancien Testament) ont été découvertes entre 1853 et
1859 dans un grand rouleau.
On avance que ce manuscrit comportait au départ sept cent trente feuillets et que, par
ignorance de leur contenu, les moines en ont brûlé trois cent quarante. Le reste (trois cent
quatre vingt dix feuillets) se trouve aujourd’hui au British Museum.
La date de ce manuscrit est controversée. Certains la situent au milieu du IIème siècle de l’ère
chrétienne, d’autres au VIème siècle de l’ère chrétienne. D’autres enfin considèrent ce
document comme l’un des cinquante manuscrits que Constantin 1er, le Grand, a ordonné de
transcrire et d’en faire des copies pourqu’il soit utilisé dans les églises de la ville (Constantine).
* Le troisième manuscrit est celui d’Alexandrie qui comportait huit cent vingt feuillets. Il n’en
reste plus aujourd’hui que sept cent soixante treize. On le situe au Vème siècle de l’ère
chrétienne.
* Le quatrième manuscrit est celui d’Ephraïm l’Assyrien qui vécut au IVème siècle de l’ère
chrétienne. Son écriture fut restaurée au XIIème siècle de l’ère chrétienne. C’est à partir de ce
manuscrit que fut effectuée la traduction anglaise connue sous le nom de «traduction de James»
(1611 de l’ère chrétienne)(33).
En 1890, on a découvert à «Al Gniza» (Grotte au Caire) quelques fragments anciens et en 1947
on a découvert par hasard les manuscrits de Qumrân au Nord de la Mer morte. Les recherches se
sont alors multipliées et on a pu découvrir d’autres textes dont certains sont rédigés en
caractères phéniciens et d’autres en caractères carrés comme les manuscrits de Wâdî ‘Arabât.
Le plus ancien de ces textes remonte à l’an 70 de l’ère chrétienne.
Il est à souligner que le rouleau d’Esaïe découvert à Wâdi Arabât présente des caractéristiques
qui le rapprochent de la tradition massorète. Il renferme des rectifications qui indiquent les
erreurs et les passages manquants. Le nom de Iahvé n’y figure pas(34).
Le plus ancien texte des dix commandements est celui qui se trouve consigné dans les papyrus
de Nash et qui date du IIème siècle avant J.C.(35)
Le plus ancien manuscrit massorète a été transcrit entre 820 et 850 de l’ère chrétienne. Il ne
renferme que la première partie, c’est-à-dire la Torah.
Le plus ancien manuscrit du texte intégral est le manuscrit qui existe à St Petersbourg et qui fut
transcris durant les premières années du Xème siècle de l’ère chrétienne.
Les éditions actuelles ont été publiées à partir du manuscrit de Jacob Ibn Haïm qui date de
l’année 1524 de l’ère chrétienne à Venise.
Les éditions de l’Ancien Testament
Les plus célèbres éditions anciennes de la Bible sont l’Edition attribuée à Gutenberg vers 14541456 (2 vol.) soit 1282 pages en latin, la Bible d’Alcal’a ou Biblia Complutensis, imprimée en
1514-1517 à Alcal’a de Henares en Espagne, sous la direction de Cardinal Jiménez de Cisneros,
parue seulement en 1520-1522. C’est une bible polyglotte donnant l’Ancien Testament en
hébreu, latin et grec, plus le Targum araméen . Le Nouveau Testament y est imprimé en grec et
en latin, l’Edition massorétique (tradition juive) de Bamberg parue en 1521 dans «Les Grandes
Lectures», (Targumin et Commentaire), le texte seul édité en 1618, l’Edition allemande
complète de Martin Luther en 1534, la Biblia Regia ou polyglotta faite par Plantin Christophe en
1569-1572 (8 vol.), elle se trouve au musée à Anvers (Belgique) ; l’Edition massorétique de
Bamberg fut la plus crédible jusqu’à la publication de la Biblia Hebraïca, qui se fonda sur le
manuscrit de Ben Asher. Elle est l’Edition académique la plus répandue aujourd’hui. Elle
comporte une préface en allemand signée par Rud Kittel en 1929 et présente diverses notes
infra-paginales qui réfèrent aux ajouts et aux passages tronqués dans le texte. On y trouve
également une comparaison entre le texte d’origine hébraïque et la traduction grecque et
latine(36).
Il est à souligner que la Torah Samaritaine (le Pentateuque) qui a été rédigée au IVème siècle
avant J.C. diffère du texte massorète traditionnel, dans plus de six mille endroits du texte
traditionnellement accepté ainsi que dans la graphie. La Torah samaritaine est écrite dans
l’ancien alphabet phénicien et son tiers environ correspond à la traduction des Septante. Elle
pourrait être utile dans la rectification du texte hébraïque officiel ou du moins servir à souligner
les différences qui existent entre elle et le texte hébraïque. A noter ici l’existence d’une
traduction écrite en caractères samaritains, mais elle n’est d’aucune utilité pour éclaircir
l’ambiguïté textuelle dans la Torah.
Les traductions de l’Ancien Testament
La traduction de la Torah (l’Ancien Testament) a connu deux étapes importantes :
I. La première étape a connu les traductions suivantes :
1. La version des «Septante»
Cette traduction fut ainsi appelée à la suite d’une anecdote voulant que Ptolémée II
(Philadelphe : 283-247 avant J.C.) a demandé au grand Prêtre de Jérusalem de l’époque, l’envoi
d’une copie de l’Ancien Testament et de traducteurs chevronnés capables de traduire l’Ancien
Testament à la langue grecque. Le Grand Prêtre envoya la copie et soixante douze traducteurs,
six de chaque tribu d’Israël, à Alexandrie. On rapporte que les traducteurs ont achevé leur
travail en soixante douze jours, d’où le nom de «Septante» donné à leur traduction qui fut
effectuée spécialement pour les Juifs d’Alexandrie.
Cette traduction diffère, dans maints endroits, du texte hébreu en vigueur actuellement : les
Livres d’Esaïe et de Daniel sont différents. Le septième et le quart manquent respectivement
aux Livres de Jérémie et de Job. La succession des Livres n’est pas la même et il y aurait des
ajouts et des suppressions. En plus, cette traduction grecque est jalonnée de termes ambigus.
On pense que toutes ces différences avec le texte hébreu adopté par les traducteurs -qui est
plus ancien que le texte des Massorètes devenu texte officiel chez les Hébreux - provient de la
longue période que dura cette traduction. Il a été confirmé, par ailleurs, que cette traduction
ne s’est pas terminée en soixante douze jours comme on l’a prétendu. La première partie a été
traduite au IIIème siècle avant J.C. et est de qualité supérieure aux deux autres parties traduites
bien plus tard.
Cette traduction revêt une importance capitale, car elle s’est fondée sur un texte plus ancien
que celui des Massorètes et en plus, les autres traductions anciennes s’en sont servies à leur
tour, sauf les traductions latine et syriaque. Nonobstant cela, la tradition juive ne la reconnaît
guère.
En l’an 130 de l’ère chrétienne, Aquila mit au point une nouvelle traduction qui était
exagérément littérale. Elle est presque introuvable de nos jours. Ce qu’il faut dire ici, c’est
qu’avec cette traduction, les rabbins ont voulu marquer une rupture entre la tradition juive et la
tradition chrétienne qui a transmis le contenu de la culture héllénique dans la version des
Septante. Cette traduction grecque d’Aquila fut considérée comme une traduction purement
hébraïque qui reflète la tradition juive.
Aux environs de la fin du IIème siècle de l’ère chrétienne, Théodotion révisa la version des
Septante. Celle-ci fut ensuite rectifiée par Symmachus au début du IIIème siècle de l’ère
chrétienne.
Entre les années 240 et 245 de l’ère chrétienne, Origenes mit au point la copie de Hexapla où il
a comparé les six textes, à savoir le texte hébreu non vocalisé, le texte hébreu écrit en alphabet
grec, la version des Septante, la traduction d’Aquila, la révision de Théodotion et enfin celle de
Symmachus.
Origenes élabora une autre copie connue sous le nom de Tétrapla où il compara les quatre
traductions, après avoir mis de côté le texte hébreu écrit en alphabet grec.
2. Le Targume
Le Targume est un terme araméen qui signifie «la traduction» Pour expliquer son origine, il est
dit que les Juifs, après l’exil de Babylone en 539 avant J.C., négligèrent la langue hébraïque,
langue du peuple de Palestine et adoptèrent la langue araméenne. C’est ce qui a fait que, dans
leurs groupements divers, les rabbins lisaient la Torah en hébreu et avaient à leur côté des
traducteurs qui transmettaient le message biblique en araméen. C’est ce qui est dit, mais la
réalité est que le texte du Targume allait au-delà de la traduction du texte original et ajoutait
des commentaires et des interprétations qui traduisaient des réflexions qui reflétaient l’état
d’âme des rabbins de l’époque. Si les premiers textes nous avaient été parvenus, les historiens
de la foi juive et de ses différentes doctrines auraient pu comprendre et élucider bon nombre de
questions demeurées ambiguës.
Le plus ancien des Targumes (traductions araméennes) qui nous soit parvenu remonte au Ier
siècle de l’ère chrétienne et englobe les textes de la Torah, des Prophètes et des Chroniques.
Les plus connus des Targumes sont :
* Le Targume d’Onkelos (il concerne le Pentateuque) qui est attribué à Aquila.
* Le Targume de Jonathan (il concerne les Prophètes) qui est attribué à Jonattran Ben Uziel, le
plus célèbre des élèves de Hillel.
Le texte du Targume est aujourd’hui publié et est accompagné des Grands commentaires de la
Torah(37).
3. La Vulgate (traduction latine)
La première traduction latine s’appelait «Vétus Itala». Saint-Jérôme s’en inspira pour réaliser sa
propre traduction connue sous le nom de la «Vulgate», terme qui signifie «Le texte répandu».
C’est à Bethléem que Saint-Jérôme réalisa entre 390 et 405 de l’ère chrétienne sa traduction en
se fondant sur le texte hébreu et le texte grec. Cette traduction latine devint officielle chez les
Catholiques. Elle fixa le texte reconnu à trente neuf Livres, sauf que leur ordre est différent du
texte hébreu et qu’en plus, il englobe les Livres Deutérocanoniques qui sont : Tobit, Judith,
Sagesse de Salomon, l’Ecclésiastique, Baruch, Lettres de Jérémie, Maccabées I et II, les
additions à Daniel et à Esther. Ceci étant, les protestants ne reconnaissent pas les Livres
Deutérocanoniques.
Gutemberg se chargea de la publication de la traduction latine de la Bible en 1496. Il y eut par
la suite plusieurs publications de cette traduction. En 1590, le Concile de Trente reconnut
comme officielle une traduction latine dont le texte fut fixé par Sixte Quint (Vulgate sixtine).
Elle fut amendée sous Clément VIII (Vulgate sixtoclémentine) et publiée en 1592. En 1907, Pie X
confia la révision critique de la traduction de Saint-Jérôme à une commission de Bénédictins
vivant à Rome(38).
4. La traduction syriaque
Il existe deux traductions syriaques. L’une d’elles fut effectuée entre 616 et 617 de l’ère
chrétienne par Paul de Tella qui s’est basé sur la traduction grecque. La seconde est connue sous
le nom de «la Peshita» (en syriaque ce terme signifie «La simple»). Elle fut élaborée à Edesse au
IIème siècle de l’ère chrétienne et comprend l’Ancien et le Nouveau Testament.
5. La traduction copte
La traduction copte remonte à la fin du IIème siècle et au début du IIIème siècle de l’ère
chrétienne.
6. La traduction éthiopienne
La traduction éthiopienne concerne uniquement la Torah et remonte à l’an 320 de l’ère
chrétienne.
7. Le texte de la Torah en langue arabe
Dans le premier article du livre d’Ibn An-Nadîm «Al Fihrist», on apprend que dans la bibliothèque
d’Al-Mamun il y avait un exemplaire de la Torah. Le serviteur de Hârûn Ar-Rachid, Ahmad Ibn
‘Abd Allâh Ibn Sallâm a dit avoir «traduit entre autres ouvrages «La Torah, l’Evangile et les
Livres des Prophètes et des disciples et ce, des langues hébraïques, grecque et sabéenne… à la
langue arabe. Ma traduction fut littérale et je n’ai pas cherché à enjoliver mon texte de peur de
le défigurer. J’ai été objectif et neutre».
On ne sait pas exactement quelle partie de l’Ancien Testament a été traduite par Ahmad Ibn
Sallâm. Il est fort probable qu’il s’agisse de la Torah seulement. Quant aux Livres des Prophètes
dont il parle, il n’est pas sûr que ce soit la deuxième partie de l’Ancien Testament, car l’ordre
dans lequel il cite les Livres et les langues ne correspond pas à cette partie.
De même, ce qu’il dit à propos des Livres de Moïse n’est pas clair.Ainsi, après avoir rappelé le
nombre de Prophètes et de Livres, il dit : «Dieu a révélé en tout cent quatre Livres. Cent d’entre
eux authentiques ont été révélés à des Prophètes depuis Adam jusqu’à Moïse. Le premier de ces
Livres est celui révélé à Adam. Il est constitué de vingt et un feuillets. Le deuxième a été révélé
à Seth et comporte vingt neuf feuillets. Le troisième a été révélé à Idriss et est constitué de
trente feuillets. Le quatrième a été révélé à Abraham et comporte dix feuillets. Le cinquième a
été révélé à Moïse et est constitué de dix feuillets. En tout donc, il y a cinq Livres et cent
feuillets.
«Après les feuillets (assuhuf), le Très-haut a révélé plus tard la Torah à Moïse en dix tablettes…
Quand Moïse descendit du Mont Sinaï et qu’il découvrit ses compagnons en train de vénérer le
veau, il jeta les tablettes par terre. Celles-ci se fracassèrent et Moïse regretta son acte. Il
demanda à Dieu de les lui restituer neuves. Dieu exauça ses vœux et lui envoya deux tablettes :
celle de l’Alliance et celle de la profession de foi (assahada)… Dieu révéla ensuite à David les
Psaumes qui sont un recueil de cent cinquante prières (zabur) en usage aujourd’hui chez les
Juifs et les Chrétiens»(39).
Ce que nous comprenons de cette citation est que la traduction de Ahmad Ibn Sallâm ne va pas
au-delà du contenu de deux tablettes, sinon il aurait fait des commentaires à ce sujet. Ceci veut
dire que la Torah a été augmentée d’autres textes à travers les siècles pour devenir l’Ancien
Testament volumineux dont nous disposons aujourd’hui. Ibn An-Nadîm mentionne ensuite, selon
des sources sûres d’après lui, les parties qui constituent l’Ancien Testament. Voici ce qu’il dit :
«J’ai demandé à un notable juif (min afadilihim) des renseignements sur la Torah, sur les titres
des Livres juifs, sur les savants et les auteurs juifs». Il me répondit : «Le Très-Haut a révélé la
Torah à Moïse. Elle est composée de cinq cinquième. Chaque cinquième est composé de
plusieurs livres (sifrin). Dans chaque “Sifir”, il y a plusieurs paragraphes (parasha), chaque
paragraphe est composé de plusieurs versets (psuqim), ajoute t-il. Moïse dispose d’un Livre qui
s’appelle la Misna d’où les Juifs tirent leurs lois et leurs préceptes. C’est un Livre volumineux qui
est rédigé en araméen et en hébreu(40).
«Parmi les Livres des Prophètes (la deuxième partie de l’Ancien Testament), le Livre de Josué,
le Livre des Juges, le Livre de Samuel, le Livre d’Esaïe, le Livre de Jérémie, le Livre d’Ezékiel, le
Livre de Malchie (Livre de David et ses Compagnons) qui est connu sous le nom de «Malhi les
Rois» (ainsi dans l’éditions)(41), le Livre des Prophètes composé de douze petits livres.
Ils ont des ouvrages qu’ils appellent «Battarât» rédigés à partir des huit Livres des Prophètes.
Parmi leurs Livres : Le Livre d’Esdras le Livre de Daniel, le Livre de Job, le Livre de «Sersérim»
(Le Cantique des Cantiques)(42), le Livre d’Aggée, le Livre de Ruth, l’Ecclésiaste, le Livre des
Psaumes, le Livre des Proverbes de Salomon, le Livre des Chroniques qui relate la biographie des
Rois et leurs exploits et le Livre de Hachwarach, appelé «Migilla» (rouleau)(43).
Il est impossible d’affirmer que l’ordre adopté par Ibn An-Nadîm est bien celui qui était en
vigueur à cette époque-là, parce qu’on ignore si les renseignements fournis par «le notable»
étaient un texte appris par cœur ou tout simplement transmis dans ses grands traits.
Quand Ibn An-Nadîm parle des Evangiles et des titres des ouvrages des savants et des auteurs
chrétiens, il dit avoir demandé des renseignements à un prêtre à propos d’ouvrages rédigés par
des Chrétiens en langue arabe. Le prêtre, connu pour sa droiture, lui a dit que l’Evangile est
parmi ces ouvrages et qu’il se présente sous deux «formes» : l’ancienne et la moderne. Il lui
précisa que la doctrine juive repose sur la «forme» ancienne et la doctrine chrétienne repose sur
la «forme» moderne. Ensuite, il lui cita les Livres de l’Ancien Testament comme suit : d’abord la
Torah composée de cinq Livres, puis de plusieurs autres Livres tels que Joshué, les Softim (le
Livre des Juges), Samuel, la question de David, les Chroniques, Ruth, la Sagesse de Salomon,
l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, la Sagesse de Yisuwa’ben Sirah, le Livre des Prophètes
composé de quatre livres : Esaïe, Jérémie, les douze prophètes et Ezékiel...(44)
Il est à remarquer qu’on ne retrouve pas dans cette liste tous les Livres de l’Ancien Testament.
Nous ne savons pas d’ailleurs quelle est l’origine des erreurs ou des omissions dans cette
énumération comme nous ne savons pas non plus l’origine des ajouts qu’on découvre dans le
recueil de textes de l’Ancien Testament disponible de nos jours.
Nous avons essayé de savoir quel était le contenu de l’Ancien Testament en langue arabe à
travers l’ouvrage d’Ibn Hazm «Al fasl» (La séparation...)(45) et nous avons pu comprendre que
ce savant possédait effectivement un exemplaire de la Torah rabbinique qui était sans doute
composée de cinq Livres. C’est du moins ce qu’il laisse entendre quand il parle de la Torah
Samaritaine : «Nous n’avons pas consulté la Torah somaritaine, car les Juifs Samaritains ne
trouvent aucun plaisir à quitter la terre de Palestine et la Jordanie».
La réalité est que la critique d’Ibn Hazm ne concerne que la partie de l’Ancien Testament dont il
disposait (Pentateuque)»(46).
Par ailleurs, on attribue à Hunayn Ibn Isaac (mort en 260 de l’Hègire, 873-874 de l’ère
chrétienne) une traduction effectuée, semble t-il, à partir du grec, mais Ibn An-Nadîm ne la
mentionne pas dans la biographie de Hunayn(47).
* La traduction de Sa’dia Gaon Al Fayyûmî
Etant donné que la culture judéo-arabe est devenue une composante essentielle de la pensée
juive en terre d’Islam, à l’époque de l’apogée de la civilisation islamique et de son expansion, il
était indispensable que les Juifs arabes fassent une traduction complète de la Torah, ou du
moins qu’ils en traduisent un certain nombre de textes. C’est que la langue arabe était parlée
par les Juifs un peu partout. C’était aussi la langue utilisée pour la diffusion de certaines
doctrines, celle relative à la lecture des textes par exemple chez les Caraïtes. Il est probable
que beaucoup de ces traductions aient été perdues, ou bien nous n’avons pas eu l’occasion de
les trouver parce que les manuscrits étaient rédigés en alphabet arabe ou bien leur phonie était
en arabe, mais leur graphie en hébreu, ce qui a amené les Juifs à les négliger après qu’ils aient
cessé de s’intéresser à la langue arabe. Les savants arabes n’ont pas consulté ces documents
parce qu’ils ignoraient l’existence de manuscrits arabes rédigés par des Juifs qui utilisaient
l’alphabet hébreu.
Reste que la plus célèbre traduction arabe de la Torah est, sans conteste, celle effectuée par le
savant juif Sa’dia Gaon Al Fayyûmî qui naquit et vécut en Egypte (882-942 de l’ère chrétienne).
Ses commentaires en langue arabe sur la Torah avaient pour but de sensibiliser les masses, celles
qui maîtrisaient l’arabe et celles qui ne connaissaient que le dialectal, au texte religieux. Il
employa l’alphabet arabe dans ses commentaires pour permettre même à ceux qui ne
connaissaient pas l’alphabet hébreu, Juifs ou non Juifs, d’accéder au texte de la Torah(48) .
* La traduction de Jean, l’évêque de Séville
Dans l’Occident musulman, la traduction la plus connue est celle de Jean, l’évêque de Séville
(750 de l’ère chrétienne). Elle fut effectuée à partir de la traduction latine en vigueur à
l’époque.
II. Les traductions de la seconde étape
Cette étape qui débuta avec les grandes réformes religieuses survenues dans les sociétés
occidentales fut inaugurée par la traduction de la Bible en allemand, effectuée par Luther.
Cette première traduction de Luther eut une influence considérable, d’abord dans l’illustration
et le développement de la langue germanique, ensuite dans le rôle d’inspiration qu’elle joua
dans les traductions danoises, suédoises, et hollandaises, et enfin dans l’éviction de la
traduction latine qui était la seule référence utilisée par les traductions dans les langues
européennes du Livre Sacré. Elle prit donc la place de la traduction latine et son influence ne
diminua qu’avec la publication en 1955 de la traduction de Jérusalem.
En français les traductions récentes les plus importantes sont celle de la Pléiade(49) et celle dite
œcuménique, qui allie les deux traditions catholique et protestante(50).
Avec l’apparition des traductions à caractère chrétien, les Juifs ont adopté une autre voie dans
leurs traductions de l’Ancien Testament. Ainsi donc, ils ont lié ces dernières aux objectifs qui
pouvaient avoir un impact sur les sociétés au sein desquelles ils vivaient, y compris l’emploi des
dialectes arabes et la mise à contribution de l’œuvre des Massorètes. C’est ainsi que parurent
trois traductions : l’une en perse, l’autre en Yiddich (ensemble des parlers hauts - allemands des
communautés juives d’Europe orientale, entre le XIIIème et le XVème siècle), et une dernière en
judéo-espagnol ou Ladino, entre le XIIIème et le XVIIIème siècle(51).
A partir du XVIIIème siècle, les traductions arabes de la Bible se multiplièrent. En voici quelques
unes :
* La traduction de Ahmad Fâris Assadyaq. (Londres, 1851). Elle n’eut pas beaucoup de succès.
* La traduction américano-protestante. Elle est l’œuvre de missionnaires américains établis à
Beyrouth. Le Nouveau Testament fut publié en 1820 et l’Ancien Testament en 1865. Le tout
concerne trente neuf Livres.
* La traduction des pères jésuites, sous la direction de l’évêque de Beyrouth. La première partie
de l’Ancien Testament parut en 1876, suivie de la troisième partie, c’est-à-dire le Nouveau
Testament, en 1877. La deuxième partie qui complète l’Ancien Testament parut en 1879. Enfin
les trois parties parurent ensemble dans l’édition de 1986 à Beyrouth.
Cette traduction qui s’est fondée sur le texte hébreu de l’Ancien Testament et le texte grec du
Nouveau Testament, a l’avantage d’avoir été l’œuvre d’un groupe de théologiens qui ont mis à
contribution leur connaissance des traductions antérieures et qui ont associé à leur œuvre
d’éminents spécialistes de la langue arabe, tels que Ibrâhîm Al Yâzijî qui châtia le style et
peaufina la traduction comme on peut le lire sur la couverture de l’édition.
La plus récente des traductions, et peut-être la dernière à être parue en arabe, celle intitulée :
«L’explicitation pratique du Livre Sacré»(52). Le texte de cette traduction est l’œuvre de dix
neuf auteurs qui ont travaillé avec treize théologiens appartenant à plusieurs Universités. La
Société Master Media (Le Caire) se chargea de la traduction de ce texte en arabe sous la
direction de William Wahbî, Joseph Mâjer, Sabrî Butrus, ‘Atef Sâmî et ‘Adel Kamal qui ont écrit
dans la préface : «C’est un groupe de pasteurs et d’enseignants appartenant à plusieurs sectes
chrétiennes et à diverses Fondations d’œuvres sociales qui mirent au point «L’explicitation
pratique du Livre Sacré». Un travail sérieux fut fourni et dura plusieurs années. La révision du
texte fut confiée à un groupe de théologiens de divers horizons culturels». Ile ne s’agit donc pas,
comme on peut le comprendre de cette préface, d’une traduction liée à une doctrine chrétienne
particulière.
L’objectif des traducteurs de ce document et peut-être celui de ceux qui ont préparé le texte
original était de moderniser l’Ancien Testament de manière à ce qu’il soit le complément du
Nouveau Testament. Les leçons et les conclusions que les auteurs ont tirées de tout le Livre
(l’Ancien et le Nouveau Testament) constituent un prêche écclésiastique. C’est peut-être là la
raison qui les a incités à, non seulement simplifier la langue, mais aussi à introduire dans le
texte des mots et des explications ne faisant pas partie du texte lui-même, sans qu’ils y fassent
référence. Le lecteur ne connaissant pas l’original du texte hébreu ne peut, par conséquent,
savoir qu’il s’agit là d’ajouts.
Si donc cette traduction est riche par ses index, ses cartes, sa biographie des personnages et sa
documentation historique, il est certain que le chercheur, le théologien et l’historien ne peuvent
nullement la considérer comme une référence sérieuse, car les dates qu’on y trouve concernant
les événements exposés dans l’Ancien Testament ainsi que l’attribution qui a été faite des livres
ne concordent pas avec les conclusions de l’archéologie moderne et de la critique textuelle de la
Torah. En effet, les auteurs ont attribué tous les Livres de la Torah à Moïse et leur ont donné des
dates que personne n’a adoptées. C’est ainsi qu’ils situent «la Genèse», «l'Exode» et «les
Nombres» entre 1450 et 1410 avant J.C., «le Lévitique» entre 1445 et 1440 avant J.C., et «le
Deutéronome» entre 1407 et 1406 avant J.C. Il est à noter ici que la chronologie des Livres ne
correspond pas à la succession des faits historiques.
Par ailleurs, ils ont attribué les Ecritures à Moïse en sa qualité d’auteur et non en sa qualité de
récepteur de la Révélation. De ce fait, il est impossible que le lecteur se souvienne de ce qui a
été dit à propos des Dix commandements, à savoir qu’ils recèlent à eux seuls les préceptes de la
mission divine. Les termes que ces traducteurs utilisent comme «l’auteur» (c’est-à-dire ici
Moïse), «la théologie», dans l’introduction de chaque Livre ne sont pas des termes précis. En
plus, ils présentent les Saints, du temps de Melkisédec, contemporain d’Abraham, comme des
Juifs et considèrent également, comme des Juifs, ceux qui ont été circoncis à l’époque
d’Abraham, alors que l’on sait que le judaïsme n’a existé qu’après la mort de Moïse. De telles
erreurs ne doivent pas être commises dans un travail de cette envergure, car elles lui sont
préjudiciables.
Néanmoins, ce qu’il y a de positif dans ce travail c’est qu’il divise le texte en paragraphes et
donne à chacun d’entre eux, un titre qui résume son contenu.
Le Talmud
Chez la mojorité des Juifs, le Talmud est le second livre Sacré du Judaïsme après la Torah.
Certains d’entre eux, le considèrent comme étant plus sacré que la Torah elle-même et pensent
qu’ils s’agit là d’une Révélation, sauf que sa transmission, depuis qu’il a été révélé, s’est faite
oralement. Moïse l’a prêché, puis Aaron et ses fils et toute une série de patriarches jusqu’à sa
rédaction finale(53).
Le terme «Talmud» signifie «enseignement». Son origine provient de la même racine radicale
arabe «lamada». Il se compose de deux parties :
1. La Mishna (Misna)
Le terme «Mishna» provient du radical «channa» (en araméen) c’est-à-dire «thannâ» (doubler en
arabe). Autrement dit, la Torah est le Livre Premier, alors que la Mishna est son complément
(son double) qui le commente.
Le contenu de la Mishna est donc lié fondamentalement à celui de la Torah et à ce que celle-ci
comporte comme Histoire et Loi divine, auxquelles on a ajouté les événements survenus après
Moïse, les consultations juridiques (fatwas), les lois, les avis personnels et les prescriptions qui
émanèrent des synodes juifs, toutes tendances confondues, à travers les siècles. Tous ces
éléments se caractérisaient par leur incohérence et leur éparpillement. L’opération de leur
rassemblement et de leur harmonisation fut l’œuvre de Siméon Gamliel, éminent érudit de
Tibériade, aidé en cela par un grand nombre de savants de la même ville. En 166 après J.C, ces
savants entreprirent la mise en ordre de cette masse d’informations dispersées. Ils les
classifièrent et les élaguèrent. Leur travail fut poursuivi, pour être achevé vers 216 de l’ère
chrétienne, par Judah le Prince (nasi) et ses disciples. Les savants qui contribuèrent à la mise en
ordre de la Mishna furent appelés «les Tannaïms» (les commentateurs), terme qui provient de
l’araméen «tannâ» (annoter).
C’est en hébreu tardif raffiné que la Mishna fut consignée par écrit. Elle comporte soixante trois
traités répartis en cinq cent vingt quatre chapitres aux thèmes multiples (histoire, législation,
sociologie et commentaires accumulés à travers le temps sur ces différents thèmes).
La Mishna est divisée en six Ordres «sédarim». Chaque «séder» est subdivisé en «massékhot»,
lequel est subdivisé en «pérakim», lui-même subdivisé en «mishinot». Ces six Ordres sont :
1. Les Semences : Lois relatives à l’agriculture (labourage, culture et ensemencement de la
terre.) Ces Lois sont introduites par des traités sur les cultes, prières et aux bénédictions.
2. Les Saisons (les fêtes) : Lois sur les fêtes, le sabbath, les jours sacrés, les règles pour la
fixation du calendrier juif (événements joyeux ou tristes dans l’histoire des Israélites).
3. Les Femmes : Lois sur le mariage et le divorce et autres règles touchant aux relations
conjugales et à tous les devoirs qui en découlent… les lois sur les vœux.
4. Les Dommages : Lois et procédures civiles et pénals ; traite de l’idolâtrie et des défenses qui
en résultent.
5. Les Saintetés : L’ordonnance du culte sacrifiel du Temple et de ce qui s’y rapporte ainsi
qu’aux prêtres officiants et à leurs devoirs. Cet ordre contient un traité spécial qui prescrit ce
qui touche à la mise à mort des animaux et des oiseaux et à ce qui les rend propres à l’usage.
6. La Pureté : Cet Ordre traite de la pureté et de l’impureté rituelle des choses (le boire, le
manger...) et des personnes.
La langue de la Mishna a fortement subi l’influence du style araméen, ce qui la distingue de
l’hébreu de la Torah. C’est pour cela que les Docteurs de la loi l’ont nommée «la langue des
Rabbins». Ses emprunts sont divers et sont dus aux systèmes politiques qui accompagnèrent ses
codificateurs. On y trouve des emprunts araméens, latins, perses et grecs.
2. La Gémara
La Gémara est un vocable araméen qui veut dire «l’achèvement» c’est-à-dire l’achèvement
précis et détaillé du contenu de la Mishna. Elle fut rédigée dans une phraséologie mi-hébraïque,
mi-araméenne, par les Docteurs de la loi et les disciples des Ecoles et Académies de Palestine
(Terre Sainte) et Babylone. Les savants de la Gémara sont appelés «les Amoraïms» mot à mot :
les parlants, «mutakallimun» (les commentateurs) pour les différencier des savants de la Mishna
«les Tannaïms» (les annotateurs).
La Gémara se définit comme étant les annotations de la Mishna, laquelle se substitue à la Torah
durant le troisième et quatrième siècle. Les Amoraïms respectèrent les Ordres de la Mishna,
mais ils élargirent le débat sur les questions qu’elle soulève, précisèrent ses règles et
prescriptions et pratiquèrent ses lois à propos de problèmes innatendus et imprévisibles et de
questions virtuelles, explicitant tout cela par des exemples et des récits. Ils comparèrent les
différentes lois léguées par les générations antérieures pour en déduire la Loi juridique
définitive.
Il est possible de diviser, autrement, le Talmud quant à son contenu. Ainsi se présente t-il
comme étant :
1. La «Halaha» : La «Halaha» veut dire «le fait de légiférer». Il s’agit donc de la législation
juive. L’objet du Talmud est naturellement l’ensemble des lois relatives à la vie religieuse et
civile. C’est la marche qu’Israël doit suivre pour répondre à l’ordre du Seigneur.
2. La «Hagada» : La «Hagada» signifie «le fait de raconter et d’informer». Son objet concerne
tous les enseignements saisis sous le voile de l’anecdote. Elle rapporte des récits et des
renseignements sur les Israélites ainsi que sur les nations et les dynasties qui ont accompagné
leur histoire. Le tout est présenté sous forme de leçons qui s’inspirent du vécu juif. C’est ce qui
explique que le Talmud englobe une part importante de l’éthique juive.
Il faut remarquer ici qu’il existe deux Talmud :
* Le Tamud babylonien dont on vient d’exposer les grandes lignes. Il est le plus complet et le
plus étendu. Son impact est considérable sur la pensée et l’éthique juive.
* Le Talmud dit de Jérusalem. Il est moins volumineux que le précédent et renferme trente neuf
thèmes de la Mishna, mais il est plus précis, plus concis et d’un style plus raffiné. Il fut achevé à
la fin du VIème siècle de l’ère chrétienne(54).
Le Talmud, rappelons-le, occupa chez les Juifs la même importance que la Torah. Parfois même,
il fut plus important qu’elle. Toutefois vers le VIIIème siècle de l’ère chrétienne apparut en Irak
une secte dont la figure de proue fut Anan Ben David. Elle avait pour nom : «les Caraïtes». Les
Caraïtes rejetèrent purement et simplement le Talmud. Ils se nommèrent «les Caraïtes»
(qaraïte) parce que les Juifs du monde islamique appelaient la Torah «Miqra» = (qur’an). Sans
doute y a t-il là une influence de la culture islamique, car le vocable «Miqra’» présente des
similitudes sémantiques et dérivationnels avec le terme «Coran»(55). Les «Caraïtes» qui ne
croient qu’au «Miqra’» (la Torah), refusent et rejettent le Talmud.
Il existe d’innombrables commentaires et précis du Talmud. Le meilleur d’entre eux, en ce qui
concerne le Talmud babylonien est le commentaire de Rabbi Chalomoh Ben Isaac, connu sous le
nom de «Rachi». Quant au Talmud de Jérusalem, le commentaire de Moïse Maïmonide est le plus
célèbre, parce que précis et concis. Il s’appelle «la main forte»(56).
3) Les Midrashim
Le terme «Midrashim» (singulier Midrash) (qui possède la même racine radicale qu’en arabe
«drs» = étudier) désigne toutes les études relatives à l’exégèse et à la loi de la Bible ainsi que
les efforts d’interprétation et les règles morales qui se basent sur le Texte Sacré. Les auteurs
des «midrashims» décortiquent le texte biblique et fouillent ses profondeurs pour en extraire ce
qui est de nature à leur permettre de tirer profit de toutes les questions soulevées dans le texte
Sacré.
On distingue deux courants exégètiques :
* Le midrach halaha
C’est un enseignement qui porte sur l’exégèse du Texte et son élucidation ainsi que sur les
extractions des lois qui y sont faites.
Il est possible ici de se spécialiser dans un aspect particulier parmi les nombreux aspects de la
législation.
Il s’agit donc de l’enseignement législatif des parties juridiques de la Torah.
* Le midrach hagada
C’est le commentaire libre des parties narratives de la Torah. Les prédicateurs (darsanim)
veillent ici à extraire des récits historiques, des interprétations qui concordent avec la situation
où se trouvent la société juive au moment où leur enseignement est dispensé.
Les «midrachim» se sont donc intéressés aux récits populaires, aux proverbes et aux anecdotes.
Les plus célèbres sont «le midrash Rabba» et «le midrash Hagada».
Le «midrach rabba» (la plus grande exégèse) repose sur les récits narratifs pour expliquer le
Pentateuque, le Cantique des Cantiques, l’Ecclésiaste, les Proverbes, les Lamentations de
Jérémie, Ruth et Esther. L’habitude était courante de qualifier chaque Livre de l’Ancien
Testament, objet de l’exégèse, de «Rabba» (grand, complet...). Ainsi, l’exégèse de la Genèse
s’appelait-elle «Birsit Rabba», celle de l’Exode, «Simut Rabba» etc... Ces «Rabba» (Grands
commentaires) avaient souvent lieu à la synagogue, en présence des fidèles et les prédicateurs
avaient pour supports des textes de la Torah.
L’assemblage des textes des «Roboat» dura entre le VIème et le XIIème siècle de l’ère
chrétienne. Certains «midrachim» sont attribués à des personnes comme Tanhuma. Célèbre
haggadiste, Tanhuma bar Abba, a entrepris l’exégèse de toute la Torah au IVème siècle de l’ère
chrétienne.
En vérité, la production des «midrashim» n’a jamais été interrompue. Là où il y a eu des Juifs et
des synagogues, il y a toujours eu production des midrashim. La pensée juive a hérité d’un
immense patrimoine de cette littérature léguée par les Rabbins de l’Occident et de l’Orient
islamiques. L’importance des «midrachim» a toujours été liée à la célébrité de leurs auteurs.
Par ailleurs, il n’est pas possible de dissocier l’apport littéraire et l’apport philosophique des
Caraïtes, précurseurs de la doctrine rationnaliste juive, et des Rabbanites tels que Sa’dia Gaon
Al Fayyûmî, Bahyâ Ben Baqûdah, Yehuda al-Lawi, Moïse Maïmonide, Abraham Ben Maïmon, la
familla Tibbon, Ben Ezra et bien d’autres.
Les apports littéraires et philosophiques se sont mêlés au Texte Sacré, car les philosophes et les
théologiens participaient aux réunions des Synagogues et, comme leur rôle social et parfois
politique le leur imposait, ils s’adressaient aux foules. Les discours qu’ils faisaient étaient des
«midrashim» qui reposaient sur le Texte Sacré et tenaient compte des événements qui
secouaient la société de l’époque.
C’était là un résumé succinct des sources religieuses juives les plus importantes.
Le souci scientifique et la soif du savoir qui nous animent ne nous permettent pas de nous
arrêter à ce point de l’analyse. C’est pourquoi, il est essentiel de faire intervenir une science
importante dans les études théologiques et religieuses qui permet de pénétrer les secrets des
questions débattues plus haut. Il s’agit, en l’occurrence, de la critique textuelle de la Torah.
Dr
Abdel
Aziz
Section
Renseignements sur le message original et sa composition du temps du Prophète
Chahbar
I
A Propos de la langue répandue en Palestine du temps de Jésus :
Il est rationnellement admis que le message céleste parvienne aux gens dans l’idiome qu’ils
comprennent parfaitement. Quant à la réception de ce même message, directement de Dieu luimême, par le Messager, cela relève d’une situation extraordinaire qui n’a rien à voir avec le
cours habituel des choses. Dieu révèle sa mission aux Apôtres par le biais des anges. Certains
d’entre eux n’ont pas eu besoin de cette intervention et ont reçu le message divin derrière un
voile. Dans tous les cas, il est admis que le message céleste est destiné à guider les gens vers le
droit chemin. Il est, par conséquent, indispensable qu’il leur parvienne, par la bouche des
Messagers, dans une langue qu’ils comprennent parfaitement(1).
Comme Jésus fut un Envoyé, il était obligatoire qu’il fît parvenir aux gens la mission divine,
comme il était obligatoire que la langue utilisée, pour ce faire, fût celle parlée par les gens.
Quelle est donc la langue de Jésus ? S’était-il adressé aux foules en araméen ? Maîtrisait-il le
grec ? Connaissait-il le latin ?
Beaucoup de chercheurs chrétiens se sont posés ces questions, notamment durant la première
moitié du vingtième siècle où des progrès sensibles ont été enregistrés dans le domaine des
études bibliques.
Par ces interrogations, on voulait déterminer l’impact qu’a eu Jésus sur la population
palestinienne de l’époque et savoir si oui ou non les Ecritures Saintes lui étaient attribuées.
Comment peut-on ne pas se poser des questions à propos d’un Evangile rédigé en grec, si Jésus a
prêché en araméen ? Comment peut-on agréer l’idée que l’Evangile ait été écrit en grec, alors
que nous savons que la mission de Jésus n’était pas de «saper la Loi, mais bien de l’achever et
de la mener à bon port», c’est-à-dire qu’il a été envoyé dans le sillage des Prophètes israélites,
et dans un contexte bien particulier, celui de l’Ancien Testament qui fut rédigé dans un hébreu
empruntant largement à l’araméen ? Comment donc faire face à toutes ces interrogations quand
nous savons, par les livres d’Histoire, que la Palestine du temps de Jésus était sous la domination
des Romains, que cette domination a longtemps duré et que la langue latine a dû certainement
être la langue de la majorité de la population ?
Les chercheurs sont unanimes à dire que la Palestine, du temps de Jésus, était cosmopolite. Elle
constituait une véritable mosaïque, de par sa population qui, à des degrés divers, excellait dans
le maniement de l’hébreu, de l’araméen avec ses divers dialectes, du grec et du latin.
Toutefois, quand il s’agissait de délimiter les aires géographiques de chacune de ces langues,
ainsi que leurs particularités et le degré d’influence des unes sur les autres, ces mêmes
chercheurs n’arrivaient jamais à se mettre d’accord.
La thèse qui veut que Jésus parlait le grec et qu’il a sans doute transmis son message aux gens
dans cette langue n’est pas nouvelle. Elle fut âprement défendue par Vossius au XVIIème siècle,
Diolati au XVIIIème siècle, Heinrich (Paul) et Hug au XIXème siècle. Le fait que la Palestine à
l'époque, était sous domination hellénique, confortait ces auteurs dans leur position, mais Diez
Macho, dans son ouvrage sur la langue de Jésus, a invalidé leur thèse.
La polémique a repris sur ce point quand Argyle, W. déclara que Jésus parlait le grec et que les
gens autour de lui ne comprenaient que l’araméen(2). Si des chercheurs tels que Russel, J.K.
furent de cet avis, d’autres, par contre, le rejetèrent catégoriquement comme Draper et Wilson,
Mel. R.(3), mais tous, sans exception, sont d’accord pour attester que l’influence hellénique en
Palestine du temps de Jésus était considérable. Cet accord provient du fait qu’un grand nombre
de documents et de graffiti en grec ont été retrouvés en Palestine. De même que certains
fragments des documents de la Mer morte ont été écrits en grec. Cette influence hellénique
s’observe également dans la littérature rabbinique et dans les traductions grecques de la Torah
au IIème siècle de l’ère chrétienne.
Par ailleurs, les études entreprises par Lieberman, S., Zuntz, G., Milik, J.J., Goodenough, E.R.,
Gundry, Sevenster, J.N. et Sperber D. ont démontré des aspects divers de l’influence hellénique
en Palestine à cette époque et ont contribué à déterminer l’importance de son expansion dans
cette région.
Il est à noter ici que le judaïsme a combattu la prédominance de l’hellénisme dans certaines
régions de la Palestine et que les centres urbains étaient plus hellénisés que les centres ruraux,
mais la situation a changé après la révolte de Bar Kocheba (135 de l’ère chrétienne) quand les
influences helléniques et romaines devenaient menaçantes(4).
Le latin, cela a été dit, était la langue du colonisateur dominant. L’Administration fonctionnait
en langue romane(5) dont on a retrouvé les empreintes dans certains écrits, sur les chapiteaux
des édifices publics et sur certains manuscrits en papyrus, découverts dans la région de la Mer
morte. L’influence du latin sur l’hébreu s’est surtout manifestée à propos de questions
d’importance primordiale.
Quant à l’araméen, personne ne met en doute sa propagation dans la région syro-palestinienne
dès la première moitié du premier millénaire avant J.C. Son expansion en tant que lingua franca
s’est prolongée jusqu’au VIIème siècle de l’ère chrétienne.
Entre 721 et 500 avant J.C., les habitants de la Palestine ont substitué l’araméen à l’hébreu. Le
fait que Jésus connaissait l’araméen, que ses disciples et ses contemporains communiquaient
oralement et par écrit dans cette langue et que le christianisme s’est propagé en Palestine, en
Syrie et en Mésopotamie en araméen également était connu des chercheurs et des docteurs de la
Loi ou du moins l’idée était répandue parmi eux.
Pour Meyer A., l’araméen était bien la langue de Jésus et qu’une grande partie des œuvres
relatives à sa mission ont été écrites, à l’époque, d’abord dans cette langue, puis elles ont
ensuite été traduites(6).
Parmi les chercheurs, il y en a qui affirment que l’araméen était répandu dans les classes
populaires du temps de Jésus et que celui-ci ainsi que d’autres Messagers se sont servis de cette
langue dans leur vie(7). D’autres chercheurs affirment, à leur tour, que l’araméen s’est
substitué à l’hébreu depuis le début de l’époque hellénique(8). D’autres chercheurs encore
avancent que l’araméen s’est effrité en de nombreux dialectes et qu’en gros on y distingue
l’araméen primitif qui fut, selon Katcher, G.Y., la langue utilisée dans certains écrits découverts
dans la région de Jérusalem et de la Mer Morte et l’araméen tardif qui s’est subdivisé en
araméen sumérien et en araméen palestino-chrétien.
L’araméen de Galilée revêt une importance particulière parmi les dialectes araméens tardifs.
C’est dans cet idiome que furent rédigées les parties araméennes du Talmud palestinien. La
Torah fut traduite dans cet idiome, lequel fut aussi l’instrument linguistique utilisé dans la
rédaction des «Midrashim». On peut considérer, en général, l’araméen palestinien comme étant
le plus proche des parlers dont on croit qu’il fût le premier instrument linguistique dont on s’est
servi pour rédiger la Bonne Nouvelle transmise par Dieu à Jésus.
D’autres chercheurs encore tels que Birkeland, H. pensent que les milieux populaires en
Palestine parlaient l'hébreu du temps de Jésus, mais que cet hébreu-là n’était pas
nécessairement celui des Rabbis. C’était plutôt un dialecte populaire qui a évolué au contact de
l’hébreu de la Torah. Ce point de vue fut sévèrement critiqué par beaucoup d’auteurs(9).
Quant à l’hébreu rabbinique, il s’est répandu comme langue littéraire au Ier au IIème siècle de
l’ère chrétienne et s’est développé - dans le cadre du panorama des langues parlées en Palestine
- après l’Exil et au début de l’ère chrétienne.
En conclusion, il est possible d’avancer que les trois langues (l’hébreu, l’araméen et le grec)
étaient parlées par de larges couches de la population palestinienne, mais leur aire d’expansion
n’était pas précise et les enchevêtrements linguistiques étaient monnaie courante. Aux côtés de
ces trois langues, la langue latine était largement répandue.
Nous avons eu recours aux Livres du Nouveau Testament pour nous renseigner sur la langue de
Jésus et de ses disciples. Voici ce que nous avons trouvé :
Dans le Livre de Jean(10) :
«Marie de Magdala se tenait près du tombeau, dehors, et pleurait. Tandis qu’elle pleurait, elle
se baissa pour regarder dans le tombeau; elle vit deux anges en vêtements blancs assis à
l’endroit où avait reposé le corps de Jésus, l’un à la place de la tête et l’autre à la place des
pieds. Les anges lui demandèrent : «Pourquoi pleures-tu ?». Elle leur répondit : «On a enlevé
mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis». Cela dit, elle se retourna et vit Jésus qui se
tenait là, mais sans se rendre compte que c’était lui. Jésus lui demanda : «Pourquoi pleures-tu ?
Qui cherches-tu ?» Elle pensa que c’était le jardinier, c’est pourquoi elle lui dit : «Si c’est toi qui
l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis et j’irai le reprendre». Jésus lui dit : «Marie !». Elle se
tourna vers lui et lui dit en hébreu : «Rabbouni !», ce qui signifie : «Maître.»
Dans l’Evangile de Marc(11), (où il s’agit de l’histoire de Jésus avec la fille de Jaïrus, chef de la
Synagogue) :
«Il la prit par la main et lui dit : «Talitha koum !» ce qui signifie «Fillette, debout, je te le dis !».
La fillette se leva aussitôt et se mit à marcher”
Dans l’Evangile de Jean(12) :
«Pilate ordonne aussi de faire un écriteau et de le mettre sur la croix; il portait cette inscription
: «Jésus de Nazareth, le roi des Juifs». Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, car l’endroit où
l’on avait mis Jésus en croix était près de la ville et l’inscription était en hébreu, en latin et en
grec. Alors les chefs des prêtres juifs diront à Pilate : «Tu ne dois pas laisser inscription «le roi
des Juifs», mais tu dois mettre : «Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs». Pilate répondit :
«Ce que j’ai écrit reste écrit.»
Dans l’Evangile de Luc(13) :
«Au-dessus de lui, il y avait cette inscription : «Celui-ci est le roi des Juifs».
Dans l’Evangile de Marc(14) :
«Ils le revêtirent d’un manteau rouge, tressèrent une couronne avec des branches épineuses et
la posèrent sur sa tête (…). Sur l’écriteau qui indiquait la raison de sa condamnation, il y avait
ces mots : «Le roi des Juifs.»
Dans l’Evangile de Luc :
«Il y avait écrit en grec, latin et hébreu : Celui-ci est le roi des Juifs»(15).
Dans l’Evangile de Mathieu :
«Vers trois heures, Jésus cria avec force : «Eli, Eli, lema sabactani ?» -Ce qui signifie : «Mon
Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?» Quelques uns de ceux qui se tenaient là
l’entendirent et s’écrièrent : «Il l’appelle Elie».(16)
Dans les Actes des Apôtres :
«Quand le jour de la Pentecôte arriva, les croyants étaient réunis tous au même endroit. Tout à
coup, un bruit vint du ciel, comme si un vent violent se mettait à souffler, et il remplit toute la
maison où ils étaient assis. Ils virent alors apparaître des langues pareilles à des flammes de feu;
elles se séparèrent et elles se posèrent une à une sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis du
Saint-Esprit et se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donna
d’exprimer.
A Jérusalem, vivaient des Juifs pieux, venus de tous les pays du monde. Quand ce bruit se fit
entendre, ils s’assemblèrent en foule. Ils étaient tous profondément surpris, car chacun d’eux
entendait les croyants parler dans sa propre langue. Ils étaient remplis d’étonnement et
d’admiration et disaient : «Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiliens ? Comment se faitil alors que chacun de nous les entende parler dans sa langue maternelle ? Parmi nous, il y en a
qui viennent du pays des Parthes, de Médie et d’Elam. Il y a des habitants de Mésopotamie, de
Judée, de Cappadoce, du Pont et de la Province d’Asie, de Phrygie et de Pamphylie, d’Egypte et
de la région de Cyrène en Lybie; il y en a qui sont venus de Rome, de Crète et d’Arabie (…). Et
pourtant nous les entendons parler dans nos diverses langues des grandes œuvres de Dieu !»(17)
Dans les «Actes des Apôtres» également, nous pouvons lire le propos relatif à la demande que
fait Paul au commandant de la forteresse de Jérusalem, afin qu’il parle à la population. Le
commandant lui demanda s'il connaissait le grec. Paul répondit qu’il était Juif et citoyen romain
de Tarse (Cilicie). Son discours à la population fut en hébreu, selon le texte arabe des «Actes des
Apôtres» et en araméen, selon les traduction française, anglaise et espagnole(18).
Les «Actes des Apôtres» nous apprennent également que Saul faisait des discours aux Juifs qui
parlaient le grec et discutait avec eux dans cette langue(19).
C’était là l’exposé d’un certain nombre de textes du Nouveau Testament où il est fait mention
des langues parlées en Palestine lors de la mission révélée à Jésus. Quand nous lisons la
biographie de ce Prophète dans les quatre Evangiles, nous constatons qu’il a eu des discussions
avec la population de différents centres urbains et ruraux de Palestine, ainsi qu’avec les
membres du Haut Conseil, les Docteurs de la loi, les responsables chargés de la gestion du
Temple et des affaires religieuses juives. Il a eu également des discussions avec le Gouverneur
romain de Palestine qui parlait le latin. C’est ce gouverneur-là - selon l’Evangile de Jean - qui va
écrire sur le haut du crucifix (voir texte supra) la phrase «Celui-ci est le Roi des Juifs» en latin,
en grec et en hébreu.
Jésus a également parlé à une femme cananéenne qui l’a prié de gurérir son enfant et, à la fille
du chef de la Synagogue, il a dit en araméen : «Tiltha quaum», ce qui signifie : «O fille de mon
peuple !», d'après les traductions. La «tiltha» veut dire «la fille chêtive»(20). Il a aussi usé de la
parabole(21) en s’adressant aux gens. Et l’on sait que les paraboles sont des figures de style qui
exigent beaucoup de précision dans le choix des mots et une vaste connaissance de la langue
tant chez le locuteur que chez le destinataire.
Selon le point de vue évangélique, Jésus, sur la croix, s’adressa à Dieu en araméen(22). Selon les
Evangiles, certaines personnes présentes au Calvaire qui l’entendirent parler, avancèrent qu’il
appelait Elie. Marie de Magdala s’adressa à lui en hébreu.
Toutes ces données démontrent que la majorité des discussions de Jésus étaient en araméen, la
langue populaire la plus répandue à l’époque. Viennent ensuite les discussions et les discours
dans lesquels il employait l’hébreu, la langue de l’Ancien Testament. Jésus a déclaré : «Je ne
suis pas venu pour saper la Loi, mais bien pour l’achever(23)». Notons que dans les quatre
Evangiles, on trouve beaucoup d’allusions faites par Jésus à la parole des Prophètes, notamment
Esaïe et Jérémie.
Par ailleurs, il semble que Jésus avait une double culture latine et grecque, ce qui était courant
chez les gens de son époque. L’histoire de la traduction de la phrase «celui-ci est le roi» que
Pilate a tenu qu’elle soit prononcée en grec (ou en araméen selon certaines traductions) le
confirme bien.
Quant à ce qu’on raconte à propos du Saint-Esprit qui enseigne les langues aux Messagers et à
leurs disciples pour qu’ils puissent transmettre le message divin aux gens dans leur propre
langue, cela relève du mythe, car si nous admettions sa véracité, la prédication de Jésus
(L’Evangile original de Jésus) serait alors écrite en dix sept langues.
Certes, la région qui a été le berceau de la Révélation de Jésus a subi l’influence hellénique sous
l’instigation d’Hérode Le Grand, mais Jésus a été envoyé à une population particulière. Il a dit :
«Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues du peuple d’Israël (24)» [Mathieu 15 : 24].
On peut donc conclure que sa mission fut accomplie dans la langue de son peuple, laquelle était
son propre idiome maternel.
L’époque de la Révélation
Le Très-Haut a voulu que Jésus soit son Messager qui apporte la Bonne Nouvelle et qui avertit le
peuple israélite complètement divisé en plusieurs sectes rivales. Les Israélites, à l’époque de
Jésus, avaient transgressé la Loi et dénaturé les propos de Dieu. Les Rabbins ont honteusement
exploité le domaine des sciences religieuses pour s’enrichir illégalement.
La Révélation eut donc lieu en Palestine qui était, à l’époque, l’objet de convoitises de puissants
empires qui lui ont fait perdre son indépendance politique. C’est ainsi qu’au IIème siècle avant
J.C., la Palestine tomba sous domination égyptienne, puis en 63 avant J.C. sous juridiction
romaine, à la suite de la prise de Jérusalem par Pompée.
Sous l’administration romaine se constitua un Royaume juif qui dépendait administrativement du
gouverneur romain établi à Césarée en Mer méditerranéenne. Le Roi était, cependant autorisé à
gérer les affaires religieuses de son Royaume(25). Quand César exigea qu’on élève sa statue au
sein du Temple ainsi que celle de l’Aigle au portique de celui-ci, la population juive, offensée
par cette ingérence romaine en religion se souleva. Le Roi qui n’avait aucun pouvoir politique
réel se contenta alors de calmer les insurgés(26).
Les documents de l’époque présentent Hérode Le Grand, Roi des Juifs du temps de Jésus,
comme un grand admirateur de la culture hellénique. Eminent combattant, personne ne pouvait
l’égaler dans les duels. L’empereur Auguste qui avait beaucoup d’estime pour lui, lui octroya de
nombreuses provinces. Hérode devint puissant et édifia son royaume sur le modèle romain, mais
en le dotant d’une culture et d’un mode de vie dans le style hellénistique. Il fit du Temple
l’instauration religieuse la plus importante dans son royaume et se fit entourer par les rabbins et
les théologiens juifs, mais son engouement pour le mode de vie étranger (romain) et sa
négligence de la culture juive qui ne devint prisée que dans les campagnes et chez les petites
gens, lui valurent beaucoup de haine de la part des siens. Les tentatives pour l’assassiner se
multiplièrent, ainsi que les intrigues dans son Palais.
Après sa mort, ses fils s’entretuèrent. L’empereur romain les rassembla et leur partagea le
Royaume selon le Testament laissé par leur père. C’est ainsi qu’Antipas prit possession du Mont
où se trouve Nazareth, de Tibériade, d’Azdaralla et les terres situées aux alentours du Jourdain.
Philippe s’empara de la province de Natanya. Quant à Archéolas, il se réserva la région de Judée
où est située la ville de Jérusalem. Il prit également Bethléem, Gaza, Césarée et Jaffa.
La lutte devint âpre entre les sociétés de ces trois provinces gouvernées par les fils d’Hérode.
Leur soumission à la religion juive, leur degré d’hellénisation ainsi que leur loyauté vis-à-vis du
gouverneur romain n’étaient pas partout les mêmes. La province d’Archéolas fut, semble-t-il, la
plus importante de ces provinces pour les Romains qui dirigèrent ses affaires administratives,
depuis la ville de Césarée. Le Temple pour la décoration duquel Hérode a dépensé des sommes
faramineuses a fait de cette province un centre commercial qui draina de toutes part les
richesses des Israélites, ce qui fut d’une grande signification pour Rome.
Le Temple était géré par un Haut Conseil composé de soixante et onze membres représentant
l’autorité religieuse juive, mais cette autorité était limitée, car les jugements émanant du
Conseil ne pouvaient nullement être exécutés sans l’autorisation de l’administration romaine.
Les divergences entre les écoles théologiques juives s’aggravaient(27). Les Sadducéens
rejetaient le Talmud et n’admettaient point l’idée de la résurrection des morts et du Jugement
Dernier. Pour eux, rétribution et châtiment sont l’affaire de ce monde.
Mathieu dit dans son Evangile :
«Ce jour-là(28) certains Sadducéens sont venus voir Jésus, eux, qui refusent de croire au
Jugement Dernier. Ils lui posèrent une question à laquelle il répondit : «Vous êtes dans l’erreur
parce que vous ne connaissez ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu».»
Dans les «Actes des Apôtres» (23 : 8)(29), il est dit que les Sadducéens ne croient pas à la
résurrection et que, pour eux, il n’y ni anges, ni esprits.
La secte des Sadducéens s’intéressait très peu aux affaires religieuses. Ce qui la préoccupa
surtout c’était sa situation matérielle influente au sein de la société juive.
Quant aux Pharisiens (ou les Séparés), ils étaient, d’après Flavius Josèphe, un ordre religieux juif
qui se considérait plus proche de la Loi que tout ordre juif et qu’il était, de ce fait, le plus apte
à en faire l’exégèse. Ils croyaient au Talmud, à l’infaillibilité des Rabbins et à la résurrection des
morts, mais rejetaient le rite des offrandes aux autels et la croyance aux Prophètes postérieurs.
Jésus a eu beaucoup de démêlés avec eux. Dans l’Evangile de Marc, nous lisons ceci(30) :
«Les Pharisiens arrivèrent et commencèrent à discuter avec Jésus pour lui tendre un piège. Ils lui
demandèrent de montrer par un signe miraculeux qu’il venait de Dieu. Jésus soupira
profondément et dit : «Pourquoi les gens d’aujourd’hui réclament-ils un signe miraculeux ? Je
vous déclare, c’est la vérité : aucun signe ne leur sera donné !». Puis il les quitta, remonta dans
la barque et partit vers l’autre côté du lac».
La secte des Pharisiens était, parmi les sectes juives, celle qui était la plus mêlée au peuple.
Elle l’instruisait et orientait ses pas. Elle pu acquérir ainsi une place importante dans les milieux
de la classe moyenne juive. En l’an 70 de l’ère chrétienne, après la destruction du Temple par
Titus, les Pharisiens entreprirent d’éduquer le peuple juif dans son exil et ils restèrent ainsi à
attendre l’arrivée du Messie.
Quant à la secte des Hassidim, elle ne joua qu’un rôle limité du temps de Jésus. Les Hassidim
interdisaient les sacrifices, tenaient à leur chasteté, s’adonnaient à l’agriculture et
combattaient l’esclavage.
La secte des Esséniens, quant à elle, a intéressé les historiens tels que Pline, Philon et Josèphe
Flavius. Elle s’est attachée à la Torah écrite et orale (le Talmud) et a réussi une certaine
répartition des biens chez elle. Les rites traditionnels prenaient chez eux leur plein sens dans
l’ardente solitude de la vie cachée.
D’après Mathieu, c’est bien aux Sadduccéens et aux Pharisiens que Jean-Baptiste s’adressa
(Chapitre 3 : 7-10). Voici ce qu’il leur dit :
«Bande de serpents ! Qui vous a enseigné à vouloir échapper au Jugement de Dieu, qui est
proche ? Montrez par des actes que vous avez changé de mentalité et ne pensez pas qu’il suffit
de dire en vous-mêmes : «Abraham est notre ancêtre». Car je vous déclare que Dieu peut utiliser
les pierres que voici pour en faire des descendants d’Abraham ! La hache est déjà prête à couper
les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu
!»(31)
En nous basant sur ces faits, nous pouvons dire que l'époque de la mission que Jésus, fils de
Marie, accomplit auprès des Israélites était une époque qui nécessitait réellement cette mission,
car les gens avaient besoin d’orientation spirituelle. Dieu donc révéla à Jésus les Ecritures après
qu’Il eût montré aux Juifs le miracle de sa naissance sans père.
Jésus a vécu en Palestine du temps où cette terra sainte était sous juridiction romaine. Malgré
les bouleversements que sa mission a opérés dans la vie religieuse du Moyen-Orient à cette
époque, les détails sur sa vie sont rarissimes dans les ouvrages de ses contemporains, mises à
part sa naissance miraculeuse et la période que dura sa mission prophétique. Les sources
chrétiennes ne s’intéressèrent guère à sa jeunesse et se contentèrent de faire hâtivement
allusion à son métier de menuisier à Nazareth(32).
Bien qu'il y ait eu beaucoup d’écrits sur Jésus, sa vie pose des problèmes d’historicité fort
controversés et beaucoup de ses aspects restent ignorés. Dans la plupart des biographies qui lui
ont été consacrées, on s’est beaucoup plus intéressé aux questions cultuelles (à leur
confirmation ou à leur rejet) qu’à la personnalité de Jésus(33).
Il est à souligner ici qu’une partie de ce qui a été écrit sur Jésus a douté de tout, y compris de sa
mission même(34).
Les sources relatives à la vie de Jésus
Il existe deux catégories de sources relatives à la vie de Jésus :
1. Les sources chrétiennes
Il s’agit notamment des Evangiles canoniques : Mathieu, Luc et Marc. Ces sources relatent la vie
de Jésus du temps de l’Annonce de la Bonne Nouvelle, mentionnent brièvement sa naissance
miraculeuse, mais elles mettent quasiment sous silence sa vie en Egypte et son retour de ce
pays, après la mort d’Hérode, jusqu’à la Révélation. Ce qui est dit dans ces Evangiles sera plus
tard revu pour concorder avec les croyances de la Première Eglise et des Conseils successifs qui
élaborèrent le canon de la foi chrétienne et créèrent des récits selon l’évolution de la croyance
des Chrétiens en Jésus.
2. Les sources non-chrétiennes
Ces sources sont de deux sortes :
2.1. Sources romaines non-chrétiennes
Ces sources présentent Jésus comme une personnalité influente de son époque ou comme une
personnalité qui fait partie intégrante des événements que la Palestine a vécus, sous le règne de
l’Empereur romain Tibère et du procurateur Pilate. Elles donnent un aperçu sur la vie du Christ,
chaque fois qu’elles abordent la question du Christianisme ou relatent les actions des disciples
de Jésus.
Pline le Jeune (an 110 de l'ère chrétienne) rapporte dans sa dixième Epître que les Chrétiens se
réunissaient chaque jour avant l’aube, à des heures précises, pour psalmodier des chants en
l’honneur du Christ comme si celui-ci était un Dieu. Par la même occasion, ils tenaient à
rappeler à eux-mêmes qu’ils allaient mourir un jour …(35).
Il s’agit là d’une consultation que Trajan a demandée à Pline le Jeune pour se faire une idée sur
la manière dont il faut traiter les Chrétiens, disciples de Jésus.
Tacite, quant à lui, mentionne dans ses Annales, les poursuites effectuées par Néron contre les
Chrétiens et rappelle, dans le même contexte, que les Chrétiens sont bel et bien les disciples de
Jésus, lequel fut cruellement persécuté par Pilate de Tibériade(36).
Ces sources ne se sont guère intéressées aux subtilités de la religion prônée par Jésus et n’ont
donné que très peu d’importance aux réformes qu’il souhaitait introduire dans la religion
mosaïque. Elles ont considéré la mission de Jésus comme un fait politique nouveau qui risquait
de bouleverser une région vitale pour l’empire romain, mais n’ont guère élevé ce Prophète au
rang des révolutionnaires qui exhortèrent les foules à s’insurger contre l’autorité romaine et qui
désobéirent à César, à l’insar de Jugurtha. Elles ont, par contre, mis l’accent sur le nombre de
plus en plus croissant des Chrétiens et sur leur éparpillement, à travers toutes les villes de
l’empire, d’une manière telle qu’ils donnèrent l’impression qu’ils constituaient une nouvelle
classe dans la société romaine.
Il semble que les attitudes des empereurs romains et de leurs gouverneurs provinciaux étaient
contradictoires face à l’homme qu’était Jésus et à sa mission prophétique. Les Evangiles
canoniques ont relaté l’attitude de Pilate vis-à-vis de Jésus. Ce procurateur s’est montré
hésitant quant au jugement de cet homme qui voulait garder à César ce qui appartient à César
et donner à Dieu ce qui appartient à Dieu. Son épouse a tenté de le dissuader de juger
sévèrement cet homme pacifique, mais encore une fois, Pilate s’est montré fort indécis. Il finit
alors par abandonner le sort de Jésus aux Juifs après un scrutin dont les Evangiles se sont fait
l’écho. C’est que Pilate n’était pas en mesure de faire face à la grogne du mouvement de ceux
que Jésus désigna sous le nom de “brebis égarés”. Toutefois, cette attitude quasi neutre face à
la personne de Jésus, fils de Marie, va changer lorsque le Christianisme se transformera en
mouvement englobant des tendances politiques, ce qui entraîna bien des persécutions contre les
doctrines chrétiennes et les adeptes du Christianisme(37).
La rareté des écrits romains sur Jésus en son temps s’explique par le fait que l’empereur romain,
établi en Césarée sur la Méditerranée, gouvernait la Judée et la Samarie, alors que Jésus, au
début de sa mission, prêchait en Galilée. De même que les objectifs lointains de sa prédication
ne furent saisis des Romains que lorsqu’il entra à Jérusalem, et qu’il s’opposa aux Docteurs de la
Loi juive, parmi les gardiens du Temple. Les Romains ne s’intéressèrent vraiment à lui que
lorsqu’ils commencèrent à croire sérieusement que sa prédication allait fasciner la population de
Palestine et que celle-ci allait constituer une opposition politique contre eux et contre le
gouverneur juif qui était sous leur obédience.
2.2 Les sources juives :
Les sources juives présentent Jésus sous différentes formes. Pour certaines d’entre elles, il n’est
qu’un bâtard, car il est né hors mariage. Ce qu’il prétend avoir accompli comme miracles n’est
en fait que ce qu’il a a appris à pratiquer en Egypte comme magie, sorcellerie et charlatanisme.
Sa condamnation fut générale et l’Evangile n’est, pour ces sources, que mensonge et imposture.
Sa mère, Marie, tressait les cheveux des femmes et lui, Jésus, n’était pas le Messie attendu, car
la venue de celui-ci sera précédée par des signes avant-coureurs tels que la production de blé
dont les grains auront chacun la grosseur du rein d’un taureau. Le véritable Messie sera obéi de
tout le monde. Il sera alors mis fin au règne des non-Israélites.
Par ailleurs, le Talmud de Babylone (Sanhadrin, 43) nous apprend que Jésus pratiquait la magie
et qu’il a détourné le peuple d’Israël du droit chemin. Dans le Livre des Dommages (sédarim
nezikin) qui traite des lois pénales juives, il est fait mention de l’attitude des Juifs vis-à-vis de
Jésus. Ce Livre s’est largement appliqué à dénigrer la personne de Jésus, que la Paix soit sur lui.
De son côté, l’historien juif Flavius Josèphe qui est, comme on le sait un helléniste et un
sympathisant romain, a consacré à Jésus quelques brefs passages qui laissent apparaître
l’influence qu’a eu sur lui l’attitude romaine vis-à-vis du Messie. On ne trouve chez lui aucune
influence de l’attitude des Juifs, ses coreligionnaires. C’est probablement cela qui incita
beaucoup de chercheurs à croire que l’auteur de “La guerre juive” n’est pas Flavius Josèphe,
mais un écrivain chrétien qui lui est postérieur. Nous pensons, quant à nous, que Flavius
Josèphe, bien qu’il donnât l’impression de s’être rangé du côté des Romains, il avait malgré tout
gardé la nostalgie de l’époque qui a précédé la glorification du Temple. En plus, il a tant
souhaité que Jésus fût réellement le Messie, fidèle au peuple. Voici ce qu’il dit : «En cette
époque-là vivait un bienfaiteur du nom de Jésus. C’est “un homme de bien» si l’expression nous
est permise. Il accomplissait des œuvres extraordinaires et recevait avec joie la vérité. Il eut
beaucoup d’adeptes parmi les Juifs et les Gentils. C’était lui le Messie”(38).
Les Evangiles esquissent le portrait de la vie de Jésus comme suit :
1. Naissance de Jésus à Bethléem.
2. Emigration de Joseph, le menuisier et de Marie vers l’Egypte, fuyant la terreur d’Hérode.
Jésus les accompagnait.
3. Retour en Palestine après la mort d’Hérode et installation à Nazareth, loin de la tyrannie
d’Archélaos.
4. Début de la Révélation et apparition de Jésus «le Maître». Il avait trente ans selon Luc. Dans
l'Evangile de Matthieu, il est dit : «Jésus voyageait à travers toute la Galilée. Il y enseignait dans
les synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissait les gens de toutes leurs
maladies et de toutes leurs infirmités».
5. Le baptême de Jésus par Jean-Baptiste.
6. L’enseignement de Jésus en Galilée et à Capharnaum.
7. La notoriété de Jésus est générale dans toute la Palestine. «Beaucoup d’habitants de Galilée,
des dix villes, de Jérusalem, de Judée et de la région de Jourdain, le suivirent et croyèrent en
lui.
8. Position de Jésus face à la Loi. Sa déclaration qu’il est venu achever la Loi et orienter «les
brebis perdues» (Les Israélites).
9. Réunion et concertation de Jésus avec ses adeptes.
10. Directives données par Jésus à ses apôtres : annoncer dans toutes les agglomérations
l’imminence du Royaume de Dieu.
11. La prédication en Galilée, Nazareth, Capharnaum, Bethsaïda, Jéricho, Jérusalem et partout
dans les villes et les campagnes.
12. Détails sur les miracles et polémique entre les sectes juives et les chefs de la Synagogue.
Ce sont là les faits saillants de la vie de Jésus et de sa prédication. Quant à ses attitudes face
aux événements de son époque, elles sont identiques à celles de tous les Prophètes. Jésus sevait
faire aboutir sa mission selon des voies et des méthodes sûres et bien étudiées. Dans l’Evangile
de Luc (13 : 31-35), il est dit :
«A ce moment-là, quelques Pharisiens s’approchèrent de Jésus et lui dirent : «Pars d’ici, va t’en
ailleurs, car Hérode veut te faire mourir». Jésus leur répondit : «Allez dire à cette espèce de
renard : Je chasse des esprits mauvais et j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le
troisième j’achève mon œuvre». Mais il faut que je continue ma route aujoud’hui, demain et le
jour suivant, car il ne convient pas qu’un Prophète soit mis à mort ailleurs qu’à Jérusalem.
Jérusalem, Jérusalem, toi qui mets à mort les Prophètes et tues à coups de pierres ceux que
Dieu t’envoie ! Combien de fois ai-je désiré rassembler tes habitants auprès de moi comme une
poule rassemble ses poussins sous ses ailes, mais vous ne l’avez pas voulu ! Et bien, votre maison
va être abandonnée. Je vous le déclare : vous ne verrez plus jusqu’à ce que vienne le moment
où vous direz : «Que Dieu bénisse celui qui vient au nom du Seigneur».(39)
Après l’entrée de Jésus au Temple, il est dit dans Matthieu (21 : 12-13) :
«Jésus entra dans le temple et chassa tous ceux qui vendaient ou qui achetaient à cet endroit; il
renversa les tables des changeurs d’argent et les sièges des vendeurs de pigeons. Puis il leur dit :
«Dans les Ecritures, Dieu déclare : «On appellera ma maison, maison de prière». Mais vous,
ajouta-t-il, vous en faites une caverne de voleurs !»(40)
Dans sa réponse à quelques membres du parti d’Hérode qui, poussés par les Pharisiens, lui
posèrent cette question :«Est-il permis, oui ou non, de payer des impôts à l’empereur romain
?», Jésus dit :
«Hypocrites, pourquoi me tendez-vous un piège ? Montrez-moi l’argent qui sert à payer l’impôt».
Ils lui présentèrent une pièce d’argent, et Jésus leur demanda : «Ce visage et ce nom gravés ici,
de qui sont-ils ?». «De l’empereur», répondirent-ils. Alors, Jésus leur dit : «Payez donc à
l’empereur ce qui lui appartient, et à Dieu ce qui lui appartient».(41)
(Mathieu, 22 : 18-21)
Section
II
Les documents à la disposition de l’Humanité contemporaine qui permettent de déterminer
les contours de la mission
De la composition de l’Evangile :
Dans l’Evangile de Marc (1 : 14-15), on lit ceci :
«Après que Jean eut été mis en prison, Jésus se rendit en Galilée; il y proclamait la Bonne
Nouvelle venant de Dieu. «Le moment fixé est arrivé, disait-il, car le Royaume de Dieu s’est
approché ! Changez de comportement et croyez à la Bonne Nouvelle !»(42)
Dans «Les Romains» (Chapitre 1), on lit ceci :
«C’est sans crainte que j’annonce la Bonne Nouvelle : elle est en effet la force dont Dieu se sert
pour sauver tous ceux qui croient, les Juifs d’abord, mais aussi les non-Juifs. En effet la Bonne
Nouvelle révèle comment Dieu rend les humains justes devant lui : c’est par la foi seule, du
commencement à la fin, comme l’affirme l’'Ecriture : Celui qui est juste par la foi, vivra»(43).
Dans son ouvrage «Al faslu fî al milali wa annihali», Ibn Hazm écrit ceci : «Nous n’avons pas
besoin d’user d’arguments pour prouver que les Evangiles et l’ensemble des Livres des Chrétiens
ne sont pas des Révélations de Dieu, ni même de Jésus (que la paix soit sur lui). Quant aux
Chrétiens, ils ont été conséquents avec eux-mêmes, car ils n’ont jamais prétendu que les
Evangiles ont été révélés à Jésus par Dieu, ni que Jésus les leur a révélés. Ils sont tous d’accord,
toutes tendances confondues (Ariens, Nestoriens, Maronites, Jacobites …) pour dire qu’il y a en
tout quatre Livres écrits par quatre personnes à des époques différentes(44).
Les sources occidentales affirment l’inexistence des sources premières écrites par jean, Rue,
Mathieu et Marc. Les Evangiles qui leur sont attribués n’ont pas été rédigés par eux(45).
Avant de nous étendre sur ces quatre Evangiles, nous voudrions rappeler qu’ils ont tous été
soumis, à travers leur histoire, à cinq types de critiques :
1. La critique historique
Dans la critique historique, les chercheurs ont analysé les événements rapportés dans les
Evangiles et les ont comparés. Les résultats auxquels ils sont arrivés démontrent que le contenu
des textes évangéliques reflète la mentalité et les représentations de leurs auteurs, eu égard à
leurs connaissances très réduites qu’ils avaient de la science historique.
2. La critique philologique
La critique philologique a adopté une méthodologie particulière dans la compréhension de la
langue des auteurs des Evangiles et la comparaison de cette langue avec les données propagées
par la philologie des langues dominantes, à l’époque où ces Evangiles ont été composés.
Cette critique a, de même, mis l’accent sur l’interrogation à propos de la langue de Jésus et sur
la capacité de la langue grecque à traduire le discours araméen, surtout que la plupart des
études faites dans ce domaine affirment que Jésus parlait l’araméen et qu’il a appris le latin à
une époque où la langue et la culture helléniques étaient dominantes.
Ce type de critique a permis de comparer la langue des textes évangéliques avec les langues de
ceux qui les ont conçus à des époques antérieures, surtout que les significations de certains
vocables, au sein d’une même langue, n’étaient pas les mêmes d’une province à une autre.
3. La critique rationaliste
La critique rationaliste a démontré certaines vérités que l’exégèse n’arrive pas à rendre
compatibles avec la raison. Ce type de critique a eu recours à des données de l’Histoire, de
l’histoire des langues grecque et araméenne ainsi que du patrimoine culturel de l’Orient antique
et des mondes hellénique et romain.
4. La critique dite standard
La critique dite standard a eu besoin de données externes en vue de confirmer la compatibilité
ou la non-compatibilité des textes évangéliques avec les convictions spirituelles et éthiques
adoptées par les sectes chrétiennes.
5. La critique des savants musulmans
Si les types de critiques bibliques susmentionnées s’appuient sur le texte évangélique en vue de
le plier à la raison ou de confirmer les données qu’il charrie ou de justifier, le cas échéant, son
contenu, il faut souligner ici qu’un intérêt particulier a été accordé aux Textes de l’Evangile par
les savants musulmans tels que Ibn Al Qayyim Al-Jawziyya, Al Jâhidz, Ibn Taymiyya, Ibn Hazm, Al
Ansârî, Afuqây Al Hâjirî et bien d’autres.
Ces penseurs ont analysé les Ecritures à travers la conviction qu’ils ont que la véritable religion
pour Dieu ne peut être que l’Islam et ce, depuis Adam jusqu’à Mohammad (que la paix soit sur
lui). Ils ont ainsi identifié les idées ecclésiastiques qui se sont développées après Jésus et que les
Evangélistes ont introduites dans leurs Evangiles. Puis ils ont réfléchi sur les Textes évangéliques
en se basant sur l’Evangile original révélé à Jésus (que la paix soit sur lui) et ont conclu que les
quatre Evangiles sont des textes apocryphes, ou du moins, comportent des falsifications qu’ils
ont eu soin de repérer et dont ils ont longuement discuté les causes et l’origine. Ils ont
également discuté et critiqué les croyances sur lesquelles ces Evangiles se sont basés comme la
trinité, la consubstantialité, le caractère divin de Jésus, sa nature de Fils de Dieu, etc …
Les savants musulmans ont écrit un nombre considérable d’ouvrages pour démontrer aux
Chrétiens ce qu’il y a de faux et de mythique dans leurs Livres Saints. Ils ont suivi des méthodes
diverses dans l’étude du Christianisme. Ainsi, par exemple, certains d’entre eux se sont
intéressés à la phraséologie évangélique pour relever les nombreuses contradictions qui
l’émaillent. D’autres se sont attaqués aux sources de ces Livres. D’autres encore ont adopté les
deux méthodes précédentes. Voici quelques-uns des titres des ouvrages les plus célèbres.
* Imâm Al Ghazzâlî : «Arraddu aljamîlu li ilâhiyati ‘Isâ bi sarîhi al injîli»(46).
* Ibn Al Qayyim Al Jaziyya : «Ajwibatu al hayârâ fî arraddi ‘alâ alyahûdi wa annasârâ»(47).
* Ibn Hazm : «Al faslu fî alahwâi wa al milali wa annihali».
* Al Jâhidz : «Arrisâlatu al muktâratu fî arraddi ‘alâ annasârâ»(48).
* Jawâbu Abî Al Walîd Al Bâjî ‘alâ risâlati râhibi faransâ ilâ al muslimîna(49).
* Annasîhatu alimâniyatu fî fadhîhati almillati annasrâniyyati.
* Maqâmi’u hâmâti assulbâni wa marâti’u rawdâti al imâni.
* Risâlatu assâili wa al mujîb wa masîru addîni ‘alâ al qawmi al kâfirîna.
* ‘Abd Allah al Kâtib : «Le Christianisme»(50).
Nous ne disposons d’aucune preuve de l’existence d’un Evangile intégral et original, c’est-à-dire
rédigé directement à partir des discours prononcés par Jésus lui-même.
Tous les auteurs des Evangiles ont déclaré que leurs ouvrages sont des autobiographies de Jésus
(que la paix soit sur lui) qui relatent la Bonne Nouvelle venant de Dieu. Ce sont là des récits
relatifs à la vie de ce Messager que le Seigneur de l’Univers a envoyé aux Israélites afin qu’il leur
explique la religion. Ces auteurs n’ont jamais prétendu que ces Evangiles comportent le Texte
intégral de la mission céleste telle qu’elle a été transmise par Jésus (que la paix soit sur lui).
Dans Timothée II (3 : 15-17), nous lisons ceci :
«Depuis ton enfance, tu connais les Saintes Ecritures; elles peuvent te donner la sagesse qui
conduit au salut par la foi en Jésus-Christ. Toutes les Ecritures sont inspirées de Dieu et sont
utiles pour enseigner la vérité, réfuter l’erreur, corriger les fautes et former à une juste manière
de vivre, afin que l’homme de Dieu soit parfaitement préparé et équipé pour faire toute action
bonne».(51).
Il s’agit là d’une lettre de Saint Paul à son fils Timothée à propos des Saintes Ecritures que ce
dernier a connues depuis sa tendre enfance. Il peut être dit que, par les Saintes Ecritures
mentionnées dans cette lettre, il est fait allusion à l'Ancien Testament (la Torah) et les Livres
des Premiers Prophètes, mais une lecture littérale du Texte nous incite à croire qu’il s’agit aussi
de l’Evangile, et plus spécialement de l’Evangile de Jésus. Nul doute que la phrase «Toutes les
Ecritures sont inspirées de Dieu et sont utiles pour enseigner la vérité, réfuter l’erreur, corriger
les fautes et former à …» signifie qu’il s’agit des Ecritures Saintes qui sont une inspiration de
Dieu, c’est-à-dire le recueil de Textes composé directement à partir des discours prononcés par
Jésus lors de sa prédication. Il est fait mention ici des Ecritures (qui sont d’inspiration divine)
pour les distinguer des Livres qui ne comportent pas de discours cohérents, c’est-à-dire des
Livres non inspirés par Dieu.
Or, il faut bien noter ici que la phrase précédente a été traduite par une autre formule qui lui
donne une toute autre signification. Voici cette traduction comme on la retrouve, par exemple,
dans l’édition de l’Alliance biblique française, publiée en 1996 :
«Toute Ecriture est inspirée de Dieu et est utile pour enseigner la vérité, réfuter l’erreur,
corriger les fautes et former à …»
Si dans l’Evangile de Jean, il est fait mention d’un indice qui permet de croire que Jésus savait
écrire, on ne trouve, par contre, nulle part, aucune phrase qui prouve qu’il a rédigé lui-même
l’Evangile ou qu’il a ordonné à ses disciples de le faire.
Il est possible que Jésus se soit contenté de s’adresser oralement aux foules, car les sociétés
antiques usaient beaucoup plus du discours parlé que du discours écrit et, il est de notoriété
publique que l’époque de Jésus était celle de la floraison des orateurs éloquents. Voici ce que
dit, dans ce sens, l’Evangile de Jean (8 : 1-8) :
«Jésus se rendit au mont des Oliviers. Tôt le lendemain matin, il retourne dans le Temple et tous
les gens s’approchèrent de lui. Il s’assit et se mit à leur donner son enseignement. Les maîtres
de la loi et les Pharisiens lui amenèrent alors une femme qu’on avait surprise en train de
commettre un adultère. Ils la placèrent devant tout le monde et dirent à Jésus : «Maître, cette
femme a été surprise au moment même où elle commettait un adultère. Moïse nous a ordonné
dans la loi de tuer de telles femmes à coups de pierre. Et toi, qu’en dis-tu ?
Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus se baissa et se mit
à écrire avec le doigt sur le sol. Comme ils continuaient à le questionner, Jésus se redressa et
leur dit : «Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. Puis il se
baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol».(52).
Dans l’Evangile de Luc (24 : 27), il est écrit que, lorsque Jésus a rencontré deux de ses élèves qui
se rendaient à Emmaüs, «Il leur expliqua tout ce qui était dit dans tous les Livres Saints, en
commençant par les Livres de Moïse et en continuant par tous les Livres des Prophètes». Dans le
même chapitre de cet Evangile, Jésus dit à propos de ses élèves : «Alors, il leur ouvrit
l’intelligence pourqu’ils comprennent les Ecritures, et il leur dit : «Voici ce qui est écrit».(53).
Jésus communiquait oralement son enseignement à ses disciples et rien ne prouve que l’Evangile
a été rédigé à son époque. Les disciples ont été sommés de mettre à exécution cet ordre qu’on
peut lire dans Matthieu (28 : 19) : «Allez donc auprès des gens de toutes les nations et faites
d’eux mes disciples».(54).
Mais après un certain temps, la transcription des Ecritures fut imposée par les circonstances …
Les Evangiles furent alors rédigés et signés par leurs auteurs, mais personne ne s’intéresse à
l’Evangile de Jésus comme un Livre révélé. Quand on lit ce que dit l’Ancien Testament à propos
de l’Evangile de Jésus, on a beaucoup plus l’impression qu’il s’agit là d’une Bonne Nouvelle
(Gospel) plutôt que d’un Livre révélé(55).
D’aileurs, le terme «Evangile» a été employé pour désigner, non pas le Livre révélé, mais la
mission dont a été chargé Jésus. Voici ce qui est dit dans la préface de l’Evangile publié par
l’Association du Livre Saint (4ème édition, 1992) : «Au départ, ce vocable (l’Evangile) fut
employé pour désigner la mission qui a été échue à Jésus et qui consistait à établir solidement le
Royaume de Dieu sur Terre. C’est donc un vocable qui est inhérent à la mission de Jésus, au
point qu’il est permis de dire que l’Evangile, c’est Jésus lui-même, c’est-à-dire la Bonne
Annonce qui a été faite à toute l’Humanité».(56).
A ce point d’analyse, apparaît la pertinence du jugement émis par Ibn Hazm dans la discussion
qu’il a faite des Evangiles. Voici ce qu’il a dit :
«Il s’agit là de quatre récits historiques parus à des époques différentes et qui sont l’œuvre de
quatre personnalités célèbres. Le premier récit est celui de Matthieu le Lévitique, disciple de
Jésus. Il l’a écrit en hébreu, à Judée, neuf ans après l’ascension de Jésus. Il renferme vingt huit
chapitres.
Le deuxième récit est celui de Marc, disciple de Siméon, fils de Thomas surnommé «Batra». Il l’a
écrit en grec à Antioche, vingt deux ans après l’ascension de Jésus. On a dit que c’est Siméon,
disciple de Jésus qui l’aurait écrit et attribué à son disciple Marc. Il renferme vingt quatre
chapitres.
Le troisième est une œuvre écrite en grec (après l’œuvre de Marc) par le médecin d’Antioche,
disciple de Siméon «Batra». Il s’agit de Luc.
Le quatrième est l’œuvre de Jean, disciple de Jésus. Il l’a écrit en grec, une soixantaine
d’années environ après l’ascension du Christ. Il renferme vingt quatre chapitres."(57).
Ibn Hazm, on l’aura remarqué, parle de «récits historiques» qui furent appelés «Evangiles» et,
ce qu’il dit est pertinent et sera confirmé dans les écrits mêmes de certains chercheurs
chrétiens.
A partir de l’an 70 de l’ère chrétienne, on assista à une activité intense dans le domaine de la
production des œuvres de l’esprit et de la publication. C’est ainsi qu’on élabora les Evangiles,
les Lettres et les vingt sept Livres qui composent le Nouveau Testament. Ces ouvrages relatent,
d’un point de vue purement chrétien, l’enseignement de Jésus ainsi que les événements qu’il a
vécus.
Les «Actes des Apôtres» relatent l’histoire du Christianisme en Palestine et ailleurs. Quant aux
«Lettres», elles ont été envoyées par Paul aux communautés chrétiennes établies en dehors de
la Palestine.
A noter ici que les auteurs des Evangiles n'ont jamais prétendu avoir noté tout ce que Jésus a
prêché ou tout ce qu'il a pu accomplir comme actions. Leurs ouvrages, selon leur propre opinion,
ne sont que des biographies succinctes(58).
Dans l’Evangile de Jean (21 : 25), il est dit ceci :
«Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses. Si on les racontait par écrit l’une après l’autre,
je pense que le monde entier ne pourrait pas contenir les livres qu’on écrirait».(59).
Ceci veut tout simplement dire que les Evangiles ne correspondent aucunement au message
révélé à Jésus (que la paix soit sur lui).
Au IIème siècle de l’ère chrétienne, les Evangiles furent considérés comme «une annonce au
message de Jésus, faite par Matthieu, Marc, Luc et Jean qui ont écrit leurs Livres grâce à
l’inspiration émanant du Saint-Esprit. De ce fait, ces Livres sont devenus «Verbe divin
vivant»(60). Ceci veut dire que Dieu aurait opéré des modifications dans son Message. Il lui
aurait tronqué des parties et rajouté d’autres pour le révéler, de nouveau, sous une forme plus
châtiée, à des personnes autres que Jésus. Or, ces agissements ne peuvent nullement être
attribué à Dieu qui connaît parfaitement le bien-fondé de son Message, qui sait comment il doit
le révéler dans son intégralité et à qui, parmi les Apôtres, il doit le confier. Si donc, on prétend
que Matthieu, Marc, Luc et Jean ont reçu, chacun, une Révélation, il ne peut alors s’agir que
d’un (ou des) Message(s) qui n’a (n’ont) aucun lien avec la religion chrétienne attribuée à Jésus.
Notre présenté étude porte, naturellement, sur la mission céleste telle que Jésus l’a reçue et
telle que, lui, l’a transmise, par sa propre bouche, aux hommes.
D’un autre côté, si on croit vraiment que la Révélation a été reçue par ces Apôtres ou que Dieu
leur a parlé par un certain biais, pouquoi donc fallait-il que la Révélation fût véhiculée par
quatre Evangiles, qui apparaissent à la même époque et qui présentent entre eux des
dissemblances énormes ? Que ceci soit l’œuvre de Dieu est un non-sens !
Par ailleurs, si Moïse et Aaron se sont partagés, jadis, la même mission prophétique, personne
n'a prétendu qu’ils ont reçu, chacun de son côté, le même Message, car Dieu n’effectue jamais
un double emploi, stérile et sans aucune utilité.
Il faut dire, en vérité, que seule une partie réduite de l’Evangile original a continué à être
transmise verbalement jusqu’à l’époque de la rédaction de ce qui a été communément appelé
«la Bonne Nouvelle». Il en est résulté une certaine latitude vis-à-vis du Texte original auquel on
a introduit bien des parties qui n’y figuraient pas auparavant. Dès lors, le style et le contenu ont
subi des modifications importantes. Puis vint l’époque des quatre Evangiles (Matthieu, Marc,
Luc, Jean) que les sectes chrétiennes ont reconnus et adoptés. Ils furent une sorte
d’enregistrement de la connaissance liturgique qui se transmettait oralement avec toutes les
déviations qui l’éloignaient de l’enseignement original.
En plus de ces Evangiles, il y en avait d’autres qu’on a fini par détruire parce qu’ils prônaient le
monothéisme (négation de la Trinité) et rejetaient la consubstantialité. L’Evangile de Saint
Barnabé, si sa source est exacte, figrue parmi ces Evangiles.
Les chercheurs chrétiens ne sont pas tous d’accord sur la date de publication des trois premiers
Evangiles (Matthieu, Luc et Marc) et celui de Jean. Certains d’entre eux avancent que l’Evangile
de Jean est le dernier des quatre Evangiles à être rédigé et que les trois autres ont été écrits
avant l’an 70 de l’ère chrétienne. D’autres chercheurs pensent que certains Evangiles ont été
rédigés avant l’an 70 de l’ère chrétienne et que certains autres ont été rédigés après cette date.
Ils prétendent qu’il y a deux Evangiles de Matthieu, l’un écrit en araméen, lequel aurait été
perdu, et l’autre en grec. D’autres chercheurs encore affirment que l'Evangile de Marc a été
écrit avant l’an 70 de l’ère chrétienne, suivi des trois autres et qu’il n’y a qu’un seul Evangile de
Matthieu en grec. Un autre groupe de chercheurs avance que tous les Evangiles ont été écrits
après la destruction du Temple.
Pour les chercheurs chrétiens, le canon du Nouveau Testament, tel qu’il est de nos jours, a été
fixé en l’an 367 de l'ère chrétienne et ce, en vingt sept Livres. Toutefois, d’autres données
donnent à penser que le canon du Nouveau Testament a été fixé en l’an 150 de l’ère chrétienne,
date où les quatre Evangiles ont été reconnus. La polémique n’eut lieu qu’à propos de certaines
Lettres dont, notamment, la «Lettre aux Hébreux». D’autres Lettres ont été mentionnées dans
le Nouveau Testament, mais nous n’avons d’elles aucune trace. Voici ce qui est dit à ce propos
dans le Livre des Colossiens :
«Saluez les frères qui sont à Laodicée, ainsi que Nympha et l’Eglise qui se réunit dans sa maison.
Quand vous aurez lu cette lettre, faites en sorte qu’on la lise aussi dans l’Eglise de Laodicée.
Lisez vous-mêmes celle qu’on vous transmettra de là-bas»(61).
Dans le même ordre d’idées, Marcion le gnostique a incité les Chrétiens en l’an 110 après J.C. à
bannir l’usage de l'Ancien Testament et à supprimer tout ce qui concerne les Juifs et le Judaïsme
dans les écrits chrétiens. Il fut jugé et excommunié. Puis les prêtres ont décrété que l’Ancien
Testament est une Révélation de Dieu.
Par ailleurs, le canon de Muratori (liste des Livres portant le nom de l’historien qui l’a
découverte à Milan en 1740 dans un fragment manuscrit du VIIIème siècle) donne la liste des
Livres Saints du Nouveau Testament, reçus par l’Eglise de Rome avant l’an 180 de l’ère
chrétienne. Cette liste fait l’objet d’une intense polémique entre les chercheurs(62).
En l’an 393 de l’ère chrétienne, le canon du Nouveau Testament fut fixé sous une forme quasi
proche de celle d’aujourd’hui. Il fut révisé une première fois par le Concile de Carthage en l’an
397 de l’ère chrétienne, puis une seconde fois à Carthage en l’an 419 de l’ère chrétienne.
Le retard accusé par l’Eglise dans la délimitation d’une liste des Livres du Nouveau Testament
est imputé par les chercheurs chrétiens aux poursuites dont elle a été victime. Ce n’est que,
quand Constandin 1er Le Grand lui assura la sécurité qu’elle se livra à cette tâche. Ces vingt
sept Livres furent alors adoptés par l’Eglise grecque, puis par l’Eglise latine grâce à la traduction
de la Vulgate par Saint-Jérôme. L’Eglise de l’Afrique du Nord adopta la version latine du
Nouveau Testament à partir de la fin du IIème siècle de l’ère chrétienne.
Toutefois, la discorde persista entre les chercheurs à propos de la date exacte de la composition
des Evangiles et de celle du plus ancien d’entre eux. C’est ainsi que Javier Léon Duvour dans un
ouvrage sur le lexique du Nouveau Testament considère l’Evangile de Marc comme le plus ancien
des Evangiles et a affirmé qu’il a été écrit à Rome entre les années 64 et 70 de l'ère chrétienne.
Il pense que l’Evangile de Matthieu a été écrit directement en grec à partir de récits palestiniens
et ce, entre les années 80 et 90 de l’ère chrétienne. Pour ce qui est de l’Evangile de Luc, il
pense qu’il a été écrit entre les années 70 et 90 de l’ère chrétienne. Quant à l’Evangile de Jean,
Duvour croit que sa composition a commencé à partir de l'an 90 de l’ère chrétienne et aurait
duré jusqu’au début du IIème siècle de l'ère chrétienne.
De son côté Jean Grosjean, dans une préface du Nouveau Testament (éd. La Pléiade), considère
que les Evangiles canoniques ont été écrits avant que Titus ne détruise le Temple en l’an 70 de
l’ère chrétienne. L’Evangile de Matthieu a été écrit d’abord en araméen entre les années 50 et
60 de l’ère chrétienne. Quant à l’Evangile de Matthieu en langue grecque, il a été écrit avant
l’an 67 de l’ère chrétienne. Puis ont été écrits les Evangiles de Marc et de Luc.
En tout état de cause, le problème reste entier en ce qui concerne la date de la composition des
Evangiles, mais tout le monde est d’accord sur le fait que tous ces Livres ne sont, en fait, que de
simples récits biographiques sur Jésus, rédigés après sa mort, ce qui prouve qu’ils ont été conçus
à un moment où la foi prônée par Jésus connaissait beaucoup de confusion. En outre, ces
Evangiles ne donnent pas une idée claire et nette sur la mission révélée à l’Envoyé de Dieu,
Jésus, fils de Marie (que la paix soit sur lui). Toutefois, si dans ces écrits, il subsistait quelques
traces de l’Evangile révélé, ce serait alors tout ce qui est en harmonie avec la religion
monothéiste.
Dans «Encarta» (Encyclopédie française) il est dit «que c’est dans l’araméen que les premières
sources du Nouveau Testament ont été rédigées. Les manuscrits grecs du Nouveau Testament
sont au de 5000 environ, donc aucun n’est authentique (écrit par la main de celui à qui est
attribué). Une partie de l’Encienne(63). Il est donc clair qu’il n’existe nullement des Evangiles
authentiques, écrits par Jean, Marc, Luc et Mathieu(64).
Selon les statistiques établies par les auteurs chrétiens, il s’avère que le Nouveau Testament a
été rédigé sur plus de 24.000 manuscrits : 5300 en grec, 10.000 en latin et 9.300 en d’autres
langues(65).. Ces chiffres sont très éloquents si on les compare à d’autres publications antiques
telles que celles de Platon qui sont conservées en sept manuscrits dont le plus ancien est paru
neuf cents ans après la mort de son auteur, ou celles de Tacite, l’historien romain, dont
l’histoire nous a légué deux exemplaires seulement de ses «Annales».
Sur un autre plan, des manuscrits tels que l’Alexandrinus, le Vaticanus et le Sinaitinus sont
hautement considérés par l’Eglise et les chercheurs chrétiens.
L’Evangile de Barnabé
L’Evangile de Barnabé débute par une introduction qui expose la biographie de l’auteur et les
raisons qui l’ont amené à écrire cet ouvrage. A part l’Evangile de Luc, on ne trouve pas ce genre
d’introductions dans les autres Evangiles qui se suffisent des phrases suivantes : «La Bonne
Annonce telle qu’elle est rédigée par un tel» ou «L’Evangile selon un tel».
D’emblée, l’Evangile de Barnabé soulève la problématique de l’Evangile authentique et des
Evangiles apocryphes. Barnabé écrit dès le début de son Evangile : «Voici l’Evangile authentique,
celui de Jésus, Prophète envoyé par le Seigneur à l’Univers, selon le récit de Barnabé, son
Apôtre».
Si cette phrase paraît en apparence normale et fréquente dans les introductions des Evangiles,
elle attire néanmoins l’attention sur une différence de taille qui existe entre cet Evangile et les
autres. Cette différence consiste en :
* L’existence d’un Evangile et d’autres qui ne le sont pas.
* L’Evangile de Barnabé est attribué au Messie, ainsi nommé dans les autres Evangiles.
* Jésus est un nouveau Prophète envoyé par Dieu à l’Univers.
* La narration du présent Evangile est l’œuvre de Barnabé, un des Apôtres de Jésus.
Nous avons mentionné plus haut que les Chrétiens définissent le vocable «Evangile» par «la
Bonne Nouvelle». Ils disent : «C’est la mission qui est échue à Jésus, le Père, auprès de son
peuple». Il a été dit également que «Jésus est l’incarnation même de l'Evangile. Il est la Bonne
Annonce faite à toute l’Humanité».
Les Chrétiens disent également : «Le mot «Evangile”»avait un sens large. Il désignait les quatre
Livres qui parlent de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus. L’Evangile c’est «la
proclamation de la mission de Jésus par Matthieu, Marc, Luc et Jean qui ont rédigé leurs Livres
grâce à l’inspiration de Dieu. Ces Livres sont donc devenus, du fait de cette inspiration divine, la
Parole de Dieu transcrite …».
Ce genre de réflexions concerne également l’Evangile de Barnabé. Il s’agit là aussi d’une
proclamation de la mission de Jésus et d’un exposé sur sa vie selon le récit de Barnabé.
L’Evangile de Barnabé est donc un ouvrage qui s’inscrit dans la vision chrétienne globale de la
nature de l’Evangile, et a été rédigé par son auteur dans le but de lever l’ambiguïté et
l’équivoque qui ont altéré les autres Evangiles, ce qui les a éloignés de la foi monothéiste. A ce
point de l’analyse, il est intéressant de comparer les dires de Luc avec ceux de Barnabé. Luc a
dit dans son introduction :
«Cher Théophile,
Plusieurs personnes ont essayé d’écrire le récit des événements qui se sont passés parmi nous. Ils
ont rapporté les faits tels que nous les ont racontés ceux qui les ont vus dès le commencement
et qui ont été chargés d’annoncer la parole de Dieu.
C’est pourquoi, à mon tour, je me suis renseigné exactement sur tout ce qui est arrivé depuis le
début et il m’a semblé bon, illustre Théophile, d’en écrire pour toi le récit suivi. Je le fais pour
que tu puisses reconnaître la vérité des enseignements que tu as reçus.»
De son côté, Barnabé a écrit :
«Illustres lecteurs,
Dieu, le Très-Haut, le Sublime nous a sauvés ces derniers jours par l'Annonce que Son Prophète
Jésus nous a transmise ainsi que par ses Signes dont Satan s’est servi pour égarer les gens. On a
vu certaines personnes prôner l’hérésie. Elles ont rejeté la circoncision que Dieu a toujours
ordonnée et toléré la consommation des viandes immondes. Paul est du nombre de ces
personnes. Je regrette de le dire. C’est à cause de lui que je rédige ce Livre où je note tout ce
que j’ai vu et tout ce que j’ai entendu de Jésus que j’ai longtemps fréquenté. Je rédige ce Livre
pour vous exposer la vérité telle que je l’ai vécue avec Jésus. Je le fais dans l’espoir que vous
soyez sauvé et que Satan ne vous égare point. Vous échapperez ainsi au châtiment de Dieu.
Méfiez-vous donc de tous ceux qui viendront prétendre qu’ils sont porteurs d’un nouveau
Message qui contredit ce que je vous écris dans ce Livre. Ne les croyez pas afin que vous puissiez
être sauvés pour toujours. Dieu est avec vous et vous protège contre Satan et contre toute
malédiction. Amen.»
De ces deux introductions, celle de l’Evangile de Luc et celle de l’Evangile de Barnabé, il ressort
qu’il existe diverses versions de la Bonne Annonce de Jésus (que la paix soit sur lui) et que le
mobile à l’origine de la publication par les deux hommes (Luc et Barnabé) de leurs ouvrages est
bien leur désir de mettre à la disposition des croyants, l’Evangile authentique, celui qui ne
comporte ni falsification, ni amendement. Lors de l’ascension de Jésus, l’anarchie dans la
transcription de la Bonne Annonce atteignit son paroxysme dans les milieux chrétiens. La
falsification et la dénaturation de l’Evangile battait son plein et leur écho s’est fait même sentir
dans maints endroits du Nouveau Testament. Cette situation dura jusqu’à l’époque de ce qu’on
appelle communément «les Apôtres».
Dans les Corinthiens II (Chaptire 2), Paul dit :
«Nous ne sommes pas comme tant d’autres qui se livrent au trafic de la parole de Dieu(66).; au
contraire, parce que c’est Dieu qui nous a envoyés, nous parlons avec sincérité en sa présence,
en communion avec le Christ.»(67).
Dans le Chapitre 4 du même Livre, Paul dit :
«Nous avons renoncé à toute action cachée ou honteuse; nous agissons sans ruse et nous ne
falsifions pas la parole de Dieu».
Dans le Chapitre 22 du Livre de Jean, nous lisons ceci :
«Je mets en garde tous ceux qui lisent les paroles du Prophète dans ce Livre de ne rien y
ajouter. S’il y a des contrevenants, ils subiront les peines décrits dans ce Livre.(68).
Quiconque supprime un mot des dires des Prophètes dans ce Livre, Dieu le privera de l’arbre de
la vie et de la Terre promise décrites dans ce Livre …»
L’introduction de l’Evangile de Barnabé est, comme on peut le constater, en parfaite harmonie
avec le contexte général des introductions des autres Evangiles. Il n’est donc pas permis de la
considérer du seul point de vue de ceux qui ont propagé l’idée que cet Evangile a été forgé de
toutes pièces par les Morisques avec comme seul objectif, la protestation. L’introduction
susmentionnée indique implicitement que l’Evangile de Barnabé a été écrit par Barnabé luimême, celui-là qui était l’Apôtre de Jésus et dont le nom est cité dans les autres Evangiles. La
composition de cet Evangile s’inscrit dans le cadre de la défense du christianisme monothéiste
authentique, ce qui justifie le secret de sa disparition arbitraire qui s’explique par le fait qu’il
constitue un document contre le christianisme prôné par le Concile de Nicée et contre la thèse
polythéiste de Paul.
Dans le Chapitre21 de l’Evangile de Barnabé, il est écrit ceci :
«Jésus se retourna vers la personne qui écrivait et lui dit : “Barnabé ! Tu dois obligatoirement
écrire mon Evangile et noté tout ce qui m’est arrivé depuis que je suis au monde. Ecris
également à propos de Juda pour que disparaisse le leurre des fidèles et pour que tout le monde
croie à la vérité.
A ce moment-là, la personne qui écrivait répondit : “Maître! J’exécuterai votre ordre si Dieu me
le permet, mais je ne suis pas au courant de ce que Juda a vécu comme problèmes, parce que je
n’ai pas assisté à tout».
Jésus répondit : «Voici Jean et Pierre qui ont assisté à tout. Ils te mettront au courant de out qui
s’est passé.»
Ce texte nous ramène au point de départ. Jésus, selon ce qui est rapporté par Barnabé, a
demandé qu’on écrive trois choses :
1. L’Evangile.
2. Sa biographie et les événements qu’il a vécus durant toute sa vie.
3. Les problèmes rencontrés par Juda pour que les fidèles ne soient plus leurrés et pour que tout
le monde croie à la vérité.
Il s’agit là de trois questions différentes traitées pêle-mêle dans les Evangiles. L’Evangile (Livre
divin révélé à Jésus) renferme donc la biographie de Jésus, mêlée aux événements qu’il a vécus,
notamment avec Juda.
Cet amalgame concerne également l’Evangile de Barnabé lui-même, mais à un degré moindre
que dans les quatre Evangiles adoptés par l’Eglise.
Barnabé a réservé la part du lion à la vie de Jésus dans son Evangile, mais il est le seul à
affirmer que Jésus est un Prophète, un homme comme tous les hommes et non pas Dieu ou le
Fils de Dieu.
A la fin du Chaptire 93 et le début du Chapitre 94, il est écrit :
«… parce qu’il y a un groupe qui dit : «Tu es Dieu» et un deuxième groupe qui dit : «Tu es le Fils
de Dieu», puis un troisième groupe qui dit : «Tu est Prophète»…
Jésus répondit : «Et toi, ô chef des prêtres de Dieu ! Pourquoi n’as-tu pas cherché à calmer tous
ces gens ? Es-tu devenu fou, toi aussi ? Les Révélations de Dieu et la Loi seraient-elles tombées
dans l’oubli le plus total ? O Malheureux Juifs que Satan a égarés !»
Après une pause, Jésus reprit :
«J’atteste devant Dieu et je prends pour témoins toutes les créatures humaines que je n’y suis
pour rien dans l’idée que les gens ont propagée sur ma personne. On a prétendu que je suis un
être surnaturel. Je ne suis, en fait, qu’un être humain, enfanté par une femme et je
n’échapperai pas au Jugement de Dieu.»
Dans le Chapitre 52, il est dit ceci :
«Je vous dis du fond du cœur : Je tremble à l’idée que le monde me considère comme un Dieu.
Je dois rendre des comptes pour cela. Je vous jure au nom de Dieu que je suis un mortel comme
le reste des mortels. Si Dieu m’a envoyé comme Prophète au peuple juif afin d’aider les pauvres
…»
Barnabé insiste sur la mission prophétique de Jésus. Dans le Chapitre 47, il est dit ceci :
«Durant la deuxième année de sa mission prophétique, Jésus quitta Jérusalem et se dirigea vers
Nabyne. Quand il arriva aux portes de cette ville, il vit un cortège qui se dirigeait vers le
cimetière pour l’enterrement du fils unique d’une veuve. Toute le monde pleurait. A la vue de
Jésus qui entrait, à ce moment-là en ville, les gens le reconnurent, lui, le Prophète de Galilée.
On l’implora alors de ressusciter le mort. Ses disciples firent de même. Jésus eut alors peur et,
se retournant vers les Seigneur, il dit : «O Seigneur ! Ne m’abandonne pas ici-bas ! Emmène-moi
vers le Ciel, car le monde est fou et on a failli me prendre pour le Seigneur.» Puis il pleura.»
Barnabé affirme que Jésus est un Prophète révélé par Dieu et il est le seul à avoir dit que Jésus
reçoit la Révélation :
«Quand Jésus eut trente ans, comme il me l’a dit lui-même, il se dirigea au Mont des Oliviers en
compagnie de sa mère pour cueillir des olives. Un après-midi, alors qu’il priait et au moment où
il prononçait cette phrase : «O Dieu ! Avec Ta clémence …», une lumière éclatante l’enveloppa
et une pléïade d’anges autour de lui étaient là à répéter cette prière : «O Dieu ! Gloire à Toi !».
L’archange Gabriel lui présenta alors un Livre, qui ressemblait à un miroir brillant, et qui se
glissa dans le cœur de Jésus. Grâce à ce Livre, Jésus sut ce que Dieu a fait, ce qu’Il a dit et ce
qu’Il désire, comme si tout est dévoilé. Il s’adressa alors à moi et me dit : «Il faut que tu saches,
ô Barnabé, que je connais tous les Prophètes, toutes les Révélations et, tout ce que je dis
provient de ce Livre.»
Ce Livre est-il l’Evangile ? Ou bien s’agit-il d’un autre Livre Saint ?
Pour répondre à ces questions, il est possible de dire qu’il s’agit là du «flambeau de la
Révélation» dont a parlé An-Najjâchî et de la Loi dont a fait mention Waraqa Ibn Nawfal quand
Khadija lui a rapporté ce qui s’est passé à Mohammad (que la paix soit sur lui) dès le premier
instant de la Révélation.
Il reste, cependant, à signaler qu’il existe une parfaite ressemblance entre l’Evangile de Barnabé
et celui de Luc quant à l’âge de Jésus au moment de la Révélation.
Dans le Chapitre 3, Luc dit :
«Jésus avait environ trente ans lorsqu’il commença son œuvre.(69)»
Par ailleurs, Barnabé, lors de son exposé sur la mission de Jésus, a tenu à rapporter les paroles
de celui-ci, annonçant l’arrivée du Sauveur qui proviendra de la lignée d’Ismaël (que la paix soit
sur lui).
Voici ce qui est dit dans le Chapitre 208 :
«Le chef des prêtres répondit : «Je ne fais que m’informer et mon intention n’est pas de te
supprimer. Dis-nous seulement : Qui était le fils de cet Abraham ?»
Jésus répondit : «Que tu tiennes à ton honneur me galvanise et je ne peux pas me taire. Je vais
te dire la vérité : Le fils d’Abraham c’est bien Ismaël, de la souche de qui viendra le Messie
promis à Abraham, et qui fera régner le Bien dans toutes les tribus de la terre».
A l’audition de ces paroles, le chef des prêtres s’irrita et s’écria : «Qu’on jette des pierres sur
cet imposteur jusqu’à ce qu’il meure. C’est un Ismaélite. Il vient de blasphémer Moïse et la Loi.»
Barnabé cite partout Ismaël comme étant celui qui a été promis à Dieu pour le sacrifice, à la
place d’Isaac. Dans le Chapitre 13, Barnabé dit :
«Gabriel répondit : «Lève-toi Jésus, et rappelle-toi d’Abraham qui voulait sacrifier son fils
unique, Ismaël, pour achever la mission dont le Seigneur l’a chargé. Comme le couteau se
refusait à égorger le fils, il offrit en sacrifice, sur ma demande, un bélier. Toi, Jésus, Serviteur
de Dieu, tu dois faire pareil».
Jésus répondit : «C’est entendu».»
Dans le Chapitre 43, Barnabé dit :
«Je vais vous dire la vérité : chaque Prophète apporte à son peuple et à son peuple seulement la
Bénédiction de Dieu. Sa prédication ne touche donc pas les autres peuples. Il n’en est pas de
même de Jésus, car Dieu lui a remis une clé qui apporte la délivrance et la bénédiction à tous
les peuples de la terre qui acceptent son enseignement. Il viendra à bout des oppresseurs,
mettra un terme à l’idôlatrie et déshonorera Satan, car Dieu a fait à Abraham la promesse
suivante : «Avec ta descendance, ô Abraham, je bénirai toutes les tribus de la terre, et comme
tu as complètement détruit les idoles, ta progéniture suivra ton exemple».
Jacob questionna : «Maître ! Dis-moi qui est concerné par cette Alliance ? Les Juifs disent c’est
Isaac et les Ismaélites prétendent que c’est Ismaël».
Jésus prit alors la parole et dit : «David était le fils de qui ? Et de quelle progéniture fait-il
partie ?»
Les disciples répondirent : “David est le fils d’Isaac, Isaac était le fils de Jacob et Jacob était le
père de Juda qui a, parmi ses descendants, David”.
Jésus dit alors : «Quand l’Envoyé de Dieu arrivera, de quelle progéniture fera t-il partie ?»
Les disciples répondirent : «De David».
Jésus répondit : «Détrompez-vous, car David implore Dieu de la façon suivante : Dieu, mon
Seigneur, me dit : «Assieds-toi à ma droite pour que je puisse mettre tes ennemis à la portée de
tes mains». Si le Messager que vous appelez «le Messie» est le fils de David, comment se fait-il
alors que David le considère comme un Dieu ? Croyez en ce que je vous dis et qui est la pure
vérité : «C’est Ismaël qui est à l’origine de l’Alliance et non Isaac».»
Ce qui dit là Barnabé à propos d’Ismaël qui était destiné à être immolé, l’a amené à parler du
futur Messager et des prédications dans lesquelles baignait l’environnement de l’époque, même
si le contexte où il fut question du futur Messager était quelque peu différent du contexte
rapporté par le Saint-Coran.
La question de l’annonce de Mohammad (que la paix soit sur lui) dans l’Evangile était chose
attendue et le Saint-Coran l’a confirmé. La mention faite aux «Bonnes Annonces» dans l’Evangile
de Barnabé, sous cette forme, prouve qu’il s’agit là d’un fait rectifié. Il ne faut pas oublier ici
que le Texte de l’Evangile de Barnabé a été publié en italien et en espagnol. Il est fort probable
qu’il ait été traduit dans ces deux langues et que son texte original ait été rédigé dans une des
langues qui étaient répandues lors de la mission prophétique de Jésus (que la paix soit sur lui). Il
est aussi possible que sa traduction ait été effectuée après la mission prophétique de Mohammad
(que la paix soit sur lui).
Ces hypothèses n’amoindrissent pas la portée de cet Evangile qui reste un Evangile cohérent,
tant dans la précision des informations qu’il relate que dans son approbation de la majorité des
faits relatés dans les Evangiles canoniques. La concordance de l’Evangile de Barnabé avec les
événements de ces Evangiles n’est pas à généraliser pour ce qui est du contenu de ces
événements, surtout que cet Evangile diffère des autres à propos de l’Unicité divine et de la
mission prophétique de Jésus.
Le Christianisme, selon l’Evangile de Barnabé, est un maillon de la chaîne du message
monothéiste. L’Evangile de Barnabé a été écrit en vue de défendre la religion pure et
authentique et ce, sur la propre demande de Jésus lui-même. Quelle que puisse être l’histoire
des copies qui nous sont parvenues de cet Evangile, celui-ci reste néanmoins parmi les Evangiles
les plus proches de l’esprit de l’Islam. Nul doute que sa réfutation de la Trinité et
l’argumentation qu’il a développée contre le concept du Saint-Esprit étaient une preuve
suffisante qui justifie les poursuites dont il a fait l’objet. C’est un Evangile qui a prôné le
bannissement de la déification du Christ. C’est aussi un Evangile qui combat ceux qui ont permis
la consommation des viandes immondes et ceux qui ont rejeté la circoncision. C’est un Evangile,
enfin, qui considère le Christianisme comme une religion monothéiste, qui croit en l’unicité sans
partage du Très-Haut.
Ceci étant, l’Evangile de Barnabé ne fut pas le seul à avoir cessé de circuler parmi les gens.
D’autres Evangiles ont subi le même sort comme l’Evangile de Thomas (composé au IIème siècle
de l’ère chrétienne)(70) qui disparut mystérieusement au début du IVème siècle et fut
complètement oublié par les Chrétiens. Ce n’est qu’en 1947 qu’on a retrouvé en Haute Egypte
un exemplaire de cet Evangile écrit en langue copte.
Il existe, dans cet Evangile, un certain nombre de textes où des erreurs monumentales ont été
commises par des traducteurs européens. Ainsi peut-on lire, dans une traduction en français
faite par Jean Derosse, que Salomé (riche danseuse d’origine arabe qui s’est mariée à plusieurs
reprises avant de faire la connaissance de Jésus) a dit à Jésus : «Qui es-tu pour que tu manges à
ma table et que tu partages mon lit ?». Or, étant donné que le vocable «lit» peut suggérer chez
les Européens l’existence de rapports sexuels, certains exégètes ont accusé Jésus de se livrer à
l’adultère avec cette dame, mais il faut bien souligner ici que le même vocable chez les
Orientaux et les peuples sémitiques peut très bien exprimer l’idée de générosité et
d’hospitalité. Une expression arabe dit bien «Elle court dans son lit et se nourrit de ses biens»
pour exprimer la générosité de celui qui reçoit quelqu’un chez lui.(71)
Quiconque médite un tant soit peu le sens de la phrase prononcée par Salomé, découvre
aisément que Jésus est innocent, car s’il s’agissait ici, comme certains l’ont prétendu, de deux
amants, Salomé ne s’étonnerait pas que Jésus partageât avec elle le lit, dans le sens abject de
cette expression, pour la simple raison que c’est là une habitude courante chez les amants de
toutes les sociétés. Au contraire, la phrase de Salomé recèle glorification et profond respect
pour Jésus. En d’autres termes, Salomé a voulu dire : «Votre très honorable position m’a incitée
à vous ouvrir les portes de ma maison, ce que je n’ai jamais fait avec personne, comme je l’ai
fait avec vous. Quel homme pourriez-vous donc être ?». Ailleurs, Jésus lui dit : «Je viens de chez
le Modérateur», phrase à laquelle Salomé répond : «Je suis ta disciple».
De telles graves erreurs qui altèrent le sens des textes apostoliques aussi bien chez les gens
simples que chez l’élite est la preuve éclatante que la vérité est toujours véhiculée par la langue
dans laquelle les missions célestes sont révélées et aussi par la connaissance des subtilités du
discours qu’on les natifs de cette langue.
Analyse de l’histoire du Christianisme :
L’histoire du Christianisme fut une histoire de scissions.
Les anciens érudits de l’Islam qui se sont intéressés à écrire l’histoire des sectes chrétiennes et à
commenter leurs idées ont recensé un certain nombre de ces sectes. Voici très brièvement
quelques-unes d’entre elles et leurs idées essentielles telles que rapportées par ces érudits(72) :
* Les Ariens (disciples d’Arius) :
- Négation de la consubstantialité du Fils avec le Père.
- Jésus est engendré (Il n’était pas avant d’être engendré).
- Jésus, Verbe de Dieu. Grâce à ce Verbe, Cieux et Terre furent créés.
* Les disciples de Pauline d’Antioche :
- Monothéisme authentique.
- Jésus est un Prophète comme tous les Prophètes. Il est le fils, sans mariage de Marie
(L’Immaculée Conception). C’est un être humain et non un Dieu. Paul disait : «Je ne sais pas ce
qu’est le Verbe, ni ce qu’est le Saint-Esprit».
* Les disciples de Macédonius :
- Monothéisme authentique.
- Jésus est engendré. C’est un être humain.
- Jésus est un Prophète comme tous les Prophètes.
- Jésus c’est aussi le Saint-Esprit et le Verbe divin.
- Selon Macédonius, Verbe divin et Saint-Esprit sont engendrés.
* Les Barbélognostiques :
- Jésus et Marie sont des divinités.
Cette secte a donné naissance au malcionisme, secte de tous les Rois chrétiens en Ethiopie et en
Nubie, de tous les Chrétiens d’Afrique, d’Andalousie et de Palestine, d’après Ibn Hazm.
* Les disciples de Malcion :
- Jésus est à la fois Dieu et être humain. Il y a identité totale de l’un et de l’autre.
- C’est l’être humain en Jésus qui fut crucifié et tué. Dieu est resté indemne.
- Marie a enfanté le Dieu et l’homme qui forment une seule identité (consubstantialité).
* Les Nestoriens (disciples de Nestorius) :
Ils sont issus des Malconiens.
- Marie a donné naissance à un homme et non à un Dieu. Séparation de deux natures du Christ :
divine et humaine.
- Dieu n’a pas engendré un Homme, mais un Dieu.
- Pour Nestorius, on peut appeler la Vierge Marie «mère du Christ» et non «mère de Dieu».
* Les Jacobites :
- Jésus est Dieu et Dieu est Jésus. Monophysisme.
- Dieu a été crucifié et tué.
- L’Univers est resté trois jours sans Ordonnateur. Puis Dieu a repris son rôle d’antan.
- Dieu a été engendré et ce qui a été engendré est redevenu ancien.
Ibn Hazm dit à propos des Jacobites : «C’est une secte qui a radicalement séparé la raison et la
conscience. La mutation est une transformation. Or, la mutation et la transformation ne peuvent
être attribuées au Premier, l’Immuable. Le Très-Haut est au-dessus de tout cela. Si la mutation
divine était possible, Dieu alors serait engendré, et l’engendré nécessite un Créateur. Pour
invalider cette thèse, il suffit de la considérer comme un non-sens que la raison réfute.»
Les schismes entre les sectes chrétiennes se multiplièrent et on vit les Eglises réunir leurs
Conciles, aussi bien les Conciles œcuméniques qui drainèrent les évêques du monde entier que
les Conciles régionaux, ceux de l’Orient par exemple. Pour se faire une idée de ces Conciles, en
voici une présentation succincte de quelques-uns :
Le premier de ces Conciles est celui de Nicée qui date de l’an 325 de l’ère chrétienne. Ont
assisté à ce Concile les prêtres venus de l’Asie Centrale, de l’Egypte, de la Syrie, des provinces
grecques (très peu représentées) et d’Europe. Les débats furent houleux à propos de la divinité
de Jésus et la doctrine d’Arius fut condamnée(73). Les résolutions les plus importantes prises par
ce Concile sont les suivantes :
* Jésus est Dieu. Il est consubstantiel au Père.
* Jésus est le Rédempteur.
* Etablissement de la liste officielle des Livres Saints.
* Destruction des Lettres et des Evangiles qui ne figurent pas avec la liste officielle ci-dessus.
* Assujettissement de la religion au pouvoir temporel.
Dans les Conciles postérieurs, les discussions ont porté sur la nature du Saint-Esprit, la virginité
de Marie après la naissance de Jésus, l’infaillibilité du Pape, ses prérogatives et les prérogatives
de l’Eglise. Tous les hérésiarques furent anathématisés lors de ces Conciles.
Des chercheurs tels que Jean Rochette(74) considèrent qu’il y a deux manières de considérer
l’histoire de la foi chrétienne :
- Celle de l’Eglise catholique pour qui l'histoire du Christianisme est à l’image d’un arbre dont le
tronc est l’Eglise catholique et les branches, les autres Eglises (les Eglises locales). Selon ce
point de vue, les autres Eglises ne sont pas crédibles, car elles sont sorties du droit chemin. La
véritable Eglise (ou l’Eglise du Christ) demeure l’Eglise catholique.
- Celle qui considère l'Eglise du Christ (et non pas l’Eglise catholique) comme le tronc de l’arbre,
mais l’Eglise du Christ a failli à sa mission dès le début et a trahi le Message du Christ.
Quelles sont ces Eglises ?
* L’Eglise catholique :
Elle se considère comme la seule légitime, issue des fondations apostoliques et maintenue par la
tradition et la succession des évêques.
Pour elle le vicaire sur terre est le Pape dont elle reconnaît le pouvoir.
Le Pape est à la tête du Saint-Siège (composé d’évêques …).
Dès son investiture, le Pape devient le Chef suprême de l’Eglise. Il possède le pouvoir
ecclésiastique et il exerce l’autorité en matière de dogme et de morale.
Ses déclarations ex-cathedra sont infaillibles. Tous les Catholiques doivent s’y plier.
* L’Eglise protestante :
Les tentatives de la Réforme de l'Eglise de Martin Luther aboutirent à la rupture avec Rome
quand il déclara que la Bible (La Torah) est la seule autorité en matière de foi, quand il ôta tout
caractère de sainteté à l'Eglise catholique et quant il octroya à tout le monde le droit de se
livrer à l’exégèse. Les Protestants furent alors libres de créer des Eglises nouvelles chaque fois
qu’ils doutaient de la sincérité de leur Eglise envers le discours biblique.
C’est au sein de cette Eglise que Calvin annonça l’ère des Ordonnances ecclésiastiques. Il était
en désaccord avec les Protestants à propos de la prière sur les morts, de la prière sur les
moralisateurs, de l’infaillibilité du pape et de l’immaculée conception de Marie.
* Les Eglises orthodoxes :
Les schisme entre les Eglises Orientales et l’Eglise catholique eut lieu en 1054 de l’ère
chrétienne pour deux raisons :
- La conception qu’on a de l’Eglise et de sa structure. Chaque évêque dispose de la liberté
doctrinale. Cette Eglise est composée d’un Ensemble d’Eglises indépendantes, représentées
toutes par le partriarche de Constantinople. L’unité de ces Eglises, selon les Orthodoxes, est
assurée par le Saint-Esprit, le respect de la foi et non l’unité doctrinale. Pour elles, le Christ est
le seul chef de l’Eglise.
- Le refus des innovations des dogmes et usages introduits chez les Catholiques (depuis le
VIIIème siècle après J.C.), notamment le filioque. Cette Eglise a ses propres Apôtres.
* Les Eglises Orientales :
Les Eglises Orientales sont issues de deux courants qui s’opposèrent aux Conciles du Vème
siècle.
- Le nestorisme qui défend l’existence chez le Christ de deux natures, divine et humaine.
- Les adeptes de la croyance à une seule nature chez Jésus.
Ces Eglises ne sont pas à confondre avec l’Eglise Orthodoxe, même si certaines d’entre elles en
dépendent de nos jours.
* L’Eglise anglicane :
L’Eglise anglicane fut créée en 1534 après J.C. et déclara Henri VIII comme son chef, après
l’annonce qu’il fit de se remarier, à cause de la stérilité de sa première femme. L’opposition de
Rome à ce mariage poussa le Roi au schisme religieux, ce qui conféra à cette Eglise le caractère
du patriotisme anglais contre l’autorité papale.
En plus de toutes ces Eglises, certaines sectes chrétiennes occupent une place particulière parmi
les masses chrétiennes au vingtième siècle. Je veux parler ici spécialement des Mormons qui ont
relancé le débat sur les missions prophétiques. Selon eux, le Testament se compose de l’Ancien
Testament qui renferme la Torah de Moïse, des Livres des Apôtres, les Chroniques et du Nouveau
Testament avec ses quatre Evangiles et les autres Livres (c’est-à-dire en tout 27 Livres). Ils
ajoutent à tout cela “Le Livre des Mormons” qu’ils considèrent comme un Livre Saint. Ils
prétendent que le Saint-Esprit a livré ses secrets à leur Prophète Joseph Smith (1833). Leur Livre
se compose de quinze grandes parties désignées chacune par le nom de son auteur.
Les Mormons croient que Moroni a dissimulé en 421 après J.C. les écrits qui composent «Le Livre
de Mormon» pour les préserver afin qu’ils constituent une preuve de leur foi à la fin des temps.
Ce même Moroni aurait été ressuscité, selon les Mormons, et aurait rendu visite à Smith Joseph à
qui il aurait livré des secrets et des explications sur ces écrits rédigés en hébreu par des Juifs
venus d’Orient qui se seraient établis en Amérique et dont certains d’entre eux auraient été les
descendants des contemporains de Jésus.
Dans leur profession de foi, les Mormons déclarent : «Nous croyons au rassemblement des
Israélites à la fin des temps et à la réorganisation des dix tribus. Nous sommes persuadés que
Sion (la nouvelle Jérusalem) va être reconstruite dans le continent américain, que Jésus en
personne va régner sur le monde et que la terre va se renouveler».
Parmi les sectes chrétiennes influentes aujourd’hui, il y a lieu de citer la secte des «Témoins de
Jéhovah»(75).
Selon Rouchette, les adeptes de ces différentes Eglises sont comme suit :
- L’Eglise catholique : 840 millions.
- Les Eglises Orientales : 2,5 millions.
- Les Eglises Orthodoxes : 100 millions.
- L’Eglise Anglicane : 60 millions.
- Les Eglises Protestantes : 300 millions.
Il y aurait donc, au total, plus de 1 milliards et 300.000 millions de Chrétiens de par le monde.
Les traductions des Evangiles à notre époque
L’expansion extraordinaire du Christianisme, avec ses différentes doctrines, a nécessité la
traduction des Evangiles à différentes langues. En plus de celles qui sont mentionnées dans ce
travail, il est utile de mentionner les traductions actuelles et leurs sites à l’internet. Voici ces
sites :
www.thechistian.org/bible/bible.htm/
Dans ce site, on trouve la traduction grecque :
Byzantine Greek Text 1991
Wescott 1881
Textus receptus 1550/1894
› deux traductions espagnoles : Reina Valera 1909, Reina Valera 1989
› deux traductions allemandes : Luther 1912, Original Elbergelder 1905
› deux traductions françaises : Darby 1991, Louis Second 1920
› cinq traductions anglaises : New King James Version, King James Version, Revised Standard
Version, Translation, John Darby, Translation, Young
On y trouve également une traduction russe et une étude introductive.
Les autres sites à consulter sont :
› pour la traduction vietnamienne :
www.cathlic.org.tw/vntaiwan/vietbibl.html
› pour la traduction chinoise :
www.ifcss.org.Ftp.pub/org/bcec/cbible/bible.html
› pour la traduction indonésienne :
http://Kcm.co.kr/bible/bible.html
› pour la traduction japonaise :
www.ee.uts.ed.au/~hajime/homepage/njb/newtestament.html
› pour la traduction norvégienne :
www.menfak.no/bible
Il existe des tentatives de comparaisons de différentes traductions de l’Evangile dans certains
sites, comme celui de Mark Davies où il présente l’Evangile de Luc en trente langues :
http://madavies.for.ilstu.edu/redirect.html
On peut ajouter à cela d’autres sites sur les Eglises chrétiennes, ainsi que les sites des
Bibliothèques générales, des Bibliothèques Universitaires Electroniques.
Certains sites présentent les lexiques spécialisés de l’Evangile comme le lexique des noms
bibliques (Bible names Dictionary) de Hitchcok, le lexique des termes prophétiques (Dictionary
of Prophecy Terms) de Jack Van Impe et le lexique évangélique de Baker.
Propos du Saint-Coran sur Jésus (que la paix soit sur lui)
Dieu a dit :
«Nous avons envoyé Noé et Abraham. Nous consacrâmes, dans leur lignée, le don de prophétie
ainsi que l’Ecriture révélée. Il y en eut parmi eux de vertueux, mais la plupart dévièrent de leur
sainte tradition.
Vinrent ensuite successivement sur leurs traces Nos autres prophètes, suivis à leur tour par
Jésus, à qui Nous donnâmes l’Evangile. Nous inspirâmes douceur et charité à ses disciples. Nous
leur fîmes aimer aussi la vie monacale. Cette règle ne leur fut point imposée. Ils l’avaient d’euxmêmes adoptée, pour être plus en grâce auprès de Dieu; ils ne surent pas, par la suite,
l’observer dans sa rigueur. Ceux d’entre eux qui avaient cru, reçurent de Nous leur récompense.
Mais la plupart sont des pervers.»
[Le Fer : 26-27]
«Jésus, fils de Marie, envoyé par Nous, eut à recueillir la succession des Prophètes d’Israël; il
vint confirmer la Torah précédemment révélée. Nous lui donnâmes l’Evangile, guide lumineux,
faisant écho à la Torah, et admonition aux âmes pieuses.»
[La Table servie : 46]
Dieu, s’adressant à Jésus, fils de Marie, lui dira :
«Rappelle-toi Jésus, fils de Marie, Mes bienfaits envers toi et ta mère ! Je t’ai donné pour
soutien le Saint-Esprit. Dès le berceau, tu parlais à la foule, comme plus tard homme fait. Je t’ai
enseigné le Livre, la Sagesse, la Torah et l’Evangile. Tu te mis, avec Ma permission à modeler de
la terre en forme d’oiseau et la terre se faisait oiseau, de par Ma volonté ! Tu guérissais
l’aveugle-né et le lépreux avec Ma permission, tu faisais aussi, avec Ma permission, ressusciter
les morts ! Tant de preuves évidentes devaient convaincre les fils d’Israël. Certains d’entre eux,
cependant, incrédules, s’écriaient : «Ce n’est que pure magie !»Tu fus tenu par Moi à l’abri de
leur complot».
«Par révélation expresse de Moi, J’ai enjoint aux Apôtres : «Croyez en Moi et en Mon Prophète !»
Ils s’écrièrent aussitôt : «Nous croyons en vérité ! Sois témoin que nous sommes soumis à Dieu!».
«Il vint un jour où les Apôtres dirent à Jésus : «O Jésus, fils de Marie, Ton Maître pourra-t-il faire
descendre du ciel, à notre intention, une table chargée de mets ? - Eh quoi ! fit Jésus. Ne seriezvous pas croyants ? Ne craignez-vous pas Dieu ?»
«Oui, nous voulons en manger : nous en aurons ainsi le cœur net, serons plus sûrs que tu nous dis
la vérité et pourrons nous en porter témoins».
«Mon Dieu, ô Notre Maître, dit alors Jésus, fais descendre du ciel, à notre intention, une table
toute servie qui marquera pour les premiers comme pour les derniers d’entre nous une fête à
célébrer, et qui sera un Signe de Ta part. Nourris-nous, Seigneur ! N’es-tu pas le meilleur des
donateurs !»
«Soit ! répondit le Seigneur mais à celui d’entre vous qui sera ensuite incrédule, je ferai subir un
tourment tel que nul autre au monde n’en connaîtra de pareil !»
«Vint un jour où le Seigneur dit à Jésus : «Est-ce toi, Jésus, fils de Marie, qui as dit aux hommes
de te prendre, toi et ta mère pour divinités, en dehors de Dieu ?» Jésus répondit : «Que Ton nom
soit glorifié, Seigneur ! Comment pourrais-je en vérité le proclamer, n’en ayant nullement le
droit ! Tu l’aurais su, Seigneur, si je l’avais proféré, car Tu connais le fond de ma pensée, mais
je ne sais rien de la Tienne, il n’est point de mystère que Ta sienne ne puisse dévoiler.»
«Qu’ai-je pu dire aux hommes, sinon ce que Toi-même m’as ordonné, à savoir : “Adorez Dieu,
Mon maître et le vôtre !» Je peux en porter témoignage à leur encontre pour le temps que j’ai
vécu parmi eux. Mais une fois que Tu m’as rappelé à Toi, Toi seul désormais les observais, car de
toute chose Tu es le témoin.»
«Si tu ordonnes leur châtiment, Tu agiras en Maître; car ils sont Tes créatures; si Tu leur
pardonnes, n’es-Tu pas le Tout-Puissant, le Sage par excellence ?»
[La Table servie : 110-118]
«Lorsque Jésus se fut présenté, nanti de preuves, il a dit : «Je vous apporte la sagesse et viens
vous expliquer certains points qui vous divisent. Craignez Dieu et suivez-moi !
Dieu, en vérité est mon Maître et le vôtre. Servez-le, voilà la voie droite.
Mais bientôt, des sectes rivales se disputèrent à son sujet. Malheur aux injustes, ils subiront les
rigueurs d’un jour terrifiant»
[Les Ornements : 63-66]
«Jésus, fils de Marie, avait dit : «Ô fils d’Israël, je suis le Messager de Dieu auprès de vous, je
viens vous confirmer la Loi qui m’a précédé, et annoncer l’avènement d’un messager du nom
d’Ahmed». Mais lorsque celui-ci est venu leur en fournir les preuves, ils se sont écriés : «C’est
manifestement de la magie».
Il n’est pire fauteur d’iniquité que celui qui se paye de mensonges au sujet de Dieu alors qu’on
le convie à l’Islam. Dieu ne dirige point un peuple pervers.»
[Le Rang : 6-7]
«Qu’il soit fait aussi mention de Marie dans l’Ecriture. Elle alla s’isoler loin des siens dans un lieu
situé à l’est de la ville.
Elle étendit un voile entre elle et le monde. Nous lui envoyâmes alors Notre esprit qui revêtit
pour elle une forme humaine accomplie.
«Que puis-je faire contre Toi, sinon me réfugier en la miséricorde du Seigneur ! Ah ! Puisses-tu
être pieux !»
«Mais je ne suis, dit l’ange, qu’un messager de Mon Seigneur, venu pour t’offrir un garçon de
pure essence.»
Elle dit : «Comment pourrais-je avoir un enfant ? Ancun mortel n’a eu de rapports avec moi et
ne suis point de mœurs dissolues.»
L’ange dit : «Il en sera ainsi. Ton Maître a dit : cela sera aisé pour Moi. Nous ferons de lui un
Signe pour les hommes et une Grâce émanant de Nous.». Et il en fut ainsi.
Elle le conçut et se retira dans un lieu écarté.
Saisie par les douleurs de l’enfantement, elle alla se réfugier au pied d’un palmier. Elle dit : «Ah
! Puissé-je être morte et tomber à jamais dans l’oubli».
Une voix l’appela de dessous d’elle : «Ne t’afflige pas. Dieu a mis à tes pieds une source.
«Secoue vers toi le tronc du palmier : il en tombera sur toi des dattes fraîches et mûres.
«Mange ! Bois ! Réjouis-toi ! S’il t’arrive de rencontrer quelqu’un dis-lui : J’ai fait un vœu d’un
jeûne au Seigneur, je ne parlerai aujourd’hui à nul être humain».
Elle retourna bientôt auprès des siens, portant le nouveau-né : «Ô Marie, lui dirent-ils, quelle
infamie as-tu commise !
«Sœur d’Aaron, ton père n’a jamais été un méchant homme, ni ta mère une femme de mœurs
dissolues».
Marie leur fit signe de s’adresser à l’enfant. “Comment, s’étonnèrent-ils, parlerons-nous à un
enfant encore au berceau ?»
«Je suis, leur répondit l’enfant, un serviteur de Dieu. Il m’a donné l’Ecriture et fait de moi un
Prophète.
«Il a fait de moi une source de bénédiction où que je sois; Il m’a ordonné la prière et l’aumône
pour la durée de mes jours.
«Ainsi que d’être bon envers ma mère. Il n’a point fait de moi un être violent voué au mal.
«La paix soit avec moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai et le jour où je serai
ressuscité».
Voilà, en vérité ce que fut Jésus, fils de Marie, qui a soulevé et soulève encore tant de
querelles.
Dieu saurait-Il jamais se donner un fils ? Sa Gloire ne peut y consentir. Quand Il décide une
chose, Il lui suffit de dire : «Sois». Et elle est.»
[Marie : 16-35]
J’ai pensé conclure cette étude sur la langue originale du Message prophétique de Jésus (que la
paix soit sur lui) par ces versets qui sont le flambeau qui enraye toute suspicion sur la Révélation
de Jésus, Messager de Dieu, Verbe divin et Saint-Esprit. Ce sujet m’a préoccupé depuis que je
me suis inscrit au Département d’études araméennes et hébraïques à Madrid. Je me rappelle
qu’en 1987, une enseignante de littérature talmudique, nous avait distribué un texte du Livre
des Dommages. Ce texte contenait des propos insultants et grossiers à l’égard de Jésus (que la
paix soit lui). Nous étions alors trois étudiants : Un Musulman, une Juive et un prêtre chrétien.
Notre irritation était à son comble dans la pièce exiguë où nous nous trouvions. Le prêtre se mit
en colère. L’enseignante et l’étudiante juive rougirent de honte. Quant à moi, je me mis à
fouiller dans mon cartable pour y retirer l’exemplaire du Saint Coran que j’ai transporté avec
moi durant toutes les années que j'ai passées à l’Université. J’ai lu alors à l’assistance les
derniers versets de la sourate de «La Table servie» et j’ai traduit, en toute sérénité, leur
contenu. Le prêtre se calma et il y eut un retour à la normale dans la pièce. L’enseignante
poursuivit l’explication de son texte. Je me suis rappelé alors les paroles d’An-Najâchî, ce Roi
chrétien qui, selon les propres dires du Prophète Mohammad (que la paix soit sur lui), ne pouvait
admettre qu’on soit injuste, en sa présence, vis-à-vis d’autrui. Il avait dit à ceux qui ont émigré
avec le Prophète (que la paix soit sur lui) et qui sont venus lui lire ce que dit le Saint Coran à
propos de Jésus, fils de Marie, alors qu’il s’apprêtait à livrer les prisonniers musulmans à Quraïch
: «Entre la Révélation de Mohammad et celle de Jésus, il n’y a pratiquement pas de différence.
Les deux hommes sont porteurs du même Message».
Le Saint Coran a présenté le Christianisme comme une religion céleste dont l’apport à
l’Humanité fut considérable. Il a levé toutes les ambiguïtés sur la vie de Jésus (que la paix soit
lui) et a réfuté toutes les allégations des égarés qui ont rejeté l’appel du Ciel et qui n’ont pas
voulu médité la portée mystérieuse des miracles.
Les sourates coraniques qui mentionnent Jésus, fils de Marie, reconnaissent que Dieu a révélé à
ce Prophète une mission divine qui se trouve consignée dans l’Evangile, Livre plein
d’enseignements pour l’Humanité.
Il n’existe pas, sur le Christianisme, une source plus sûre que le Saint Coran, notamment après la
destruction des écrits à tendances monothéistes par les Eglises Chrétiennes orthodoxes. Si, de
notre côté, nous nous sommes basés sur le Saint Coran pour analyser le problème de la langue
originale du Message de Jésus (que la paix soit sur lui), nous avons, en revanche, mis l’accent,
dans la présente étude, sur la portée des écrits chrétiens eux-mêmes dont nous avons mentionné
les sites sur internet.
Notes
1. Evangile Matthieu - Chapitre 5 : 17.
2. Expository Times, 67, 1955-1956, pp. 92-93.
3. Ibid, p. 246, p. 317.
4. Historia de la lengua hebrea, Angel Saenz Badillos, pp. 170-171.
5. Fitzmyer, C.B.Q., 32, 1970, pp. 504-505.
6. Dalman, G. Jesu Mutter Sprach, Leipzig, 1896.
7. Dupont - Sommer A., «Les Araméens», Paris, 1949, p. 99. Voir aussi «Les langues araméennes
du Ghabot».
8. «Jésus der Galili» en Die arber in der Altern Welt, Berlin, 1966.
9. Serget S., en Aror 25 et 1957, pp. 21-37.
10. Jean (20 : 11-16).
11. Marc (5 : 41-42).
12. Jean (19 : 19-22).
13. Luc (23 : 38).
14. Marc (25 : 17 et 26), Voir Matthieu (27 : 37).
15. Le Nouveau Testament : Luc, Chapitre 34, dans : Testamentum Arabici, Exbibliotheca Novun
DN. Jesu Christi, Leidensi, Edent. Thoma Erpeino, Leiden, 1616.
16. Matthieu (27 : 46-47).
La phrase : «Eli, Eli, Lema Sabactani» est mentionnée dans l’édition arabo-française, Beyrouth,
1995. Elle est mentionnée également dans l’édition de Dâr Al Kitâb Al Muqaddas, 1991.
On peut la lire aussi dans :
«El Nuevo testamento» de Siodoro de Reino. Cet ouvrage a été publié en 1569 et revu en 1602.
Publications de New York Society, Voir Matthieu (27 : 46-47).
17. Actes des Apôtres (2 : 1-11).
Voir aussi les Evangiles de Marc et Luc.
18. Actes des Apôtres (2 : 1-11).
19. Actes des Apôtres (9 : 29).
20. Actes des Apôtres (11 : 37-40).
21. Matthieu : (13 : 34)
22. Matthieu : (27 : 46)
23. Matthieu : (5 : 17)
24. Matthieu : (15 : 24)
25. «Le Christianisme, des origines au Concile de Nicée». Encyclopédie de la Pléiade, Histoire
des Religions, Tome II, p. 190.
26. Voir les détails de cet événement dans l’ouvrage de Josèphe Flavius, intitulé «Les guerres
juives», Tome IV, Chapitre XV sur Hérode Le Grand.
27. A propos de la générosité manifestée par Auguste à l’égard d’Hérode, voir : Flavius Josèphe,
Tome IV, pp. 84-87.
28. A propos des détails de ce litige, voir : Flavius Josèphe, Chapitres IV, V, VI, VII et VIII.
Pour plus de détails sur le partage du Royaume par l’empereur Auguste et sa répartition entre
les trois fils d’Hérode, voir Flavius Josèphe.
29. Pour plus d'informations sur les sectes juives, voir : Fray Hieronimo Roman : «Republicas del
mundo. Republica christiana», Folio 69, 73 Tome I, Salamanca 1579.
30. Marc (8 : 11).
31. Matthieu (3 : 29).
32. Matthieu (3 : 29).
33. Taylor, V. «The Lige and Ministry of Jesus», London, 1954.
Goguel, M. «Jésus», Paris, 1950.
34. David, S. : «La vie du Christ».
Renan, E. : «La vie du Messie».
35. Voir par exemple les écrits de Nietczhe et Volney sur cette question. Lire sur Internet : «Did
Jesus really live ?»
WWW. SOUTHCOM.COM.AU/..^ CAMRIVER/DIDJES.
Christians were in the habit go meeting on a certain fixed day before it was light, when thez
sang in sltermate yerse of a hymn to Christ as to as God, an bound themselves to a solemn dath,
not to do any wicked deeds, and never to deny a truth chen they when thez should be called
upon to deliver it up.
36. He falsely charged with the guilt, and punished with the most exquisite tortures, the persons
commonly called christians, who hated for their enormities. Christus, the founder of the name,
was put to death by Pontius Pilate, procurator of judea and the reign of Tiberius : but the
pernicious superstition, repressed for a time broke out again, not only through judea where the
mischief originated, but through the city of Rome also (annals XV).
Voir L’Epître n° 10 de Pline le Jeune. (96).
37. Lire les références relatives au Donatisme et les poursuites que subirent les Chrétiens du
temps de Néron.
38. Wow, there was about this time, Jesus a wise man. If be lowgue to call him a man. gor he
wos ader of wonderful works … a cracher of such men as receive the truth with pleasure. He
drew ever to him both many of the jews and many gentiled. He was the Christ.
39. Luc (13 : 31-35)
40. Matthieu (21 : 12)
41. Matthieu (22 : 21)
42. Marc (1 : 14-15).
43. Les Romains (1 : 16-17).
44. «Al Fasl …» de Abû Mohammad Ibn Ahmad Ibn Hazm Addhâhirî. Tome II, p. 2. Imprimerie
littéraire, Egypte 1317 de l’Hégire.
45. Voir les Encyclopédies «Encarta» et «Britanica» (Le Nouveau Testament)
46. Authentification de Mohammad Ach-Charqâwî. Dahru al Hidâyati, Tome II, Egypte, 1986.
47. Publications de l’Université Islamique de Médine. Médine (ouvrage non daté).
48. Authentification de Mohammad Al-Charqâwî. 1405 de l’Hégire.
49. Bulletin de Dâr Asshwati, 1986.
50. Manuscrit à la Bibliothèque Nationale de Madrid n°4499.
51. Timothée II (3 : 15-17)
52. Jean (8 : 1-8)
53. Luc (24 : 44-46)
54. Matthieu (28 : 19)
55. Gospel a word of anglo-saxon origin and meaning «God’s spell» i.e. word of god or rather,
according to others «Good spell» i.e. good news. It is the rending of the Greek evangelion i.e.
«Good message» Bible Dictionary, Eston
www.biblestools.netLLdictionaries/eatonbibledictionary.
56. Bulletin de l’Association du Livre Saint. Beyrouth 1992.
57. Ibn Hazm : «Al Fasl...» Op.cité.
58. J. W Mc.Garvy : «A guide to Bible study»
www.Mc.garvey.aguide to bible study.html
59. Jean (21 : 25)
60. Voir «Préface de l’Evangile», Association du Livre Saint, Liban, Première édition, 1995.
61. Les Colossiens (4 : 15-16).
62. Lagrange, M.J. M : «Histoire ancienne du Nouveau Testament», Paris, 1933.
63. Voir «Encarta» (Le Nouveau Testament)
64. Voir «Britanica» (New Testament : Canon, texts and versions)
65. Emmanuel Bozzi : «La
www.bibliste.com/manuscrit.html
66. Corinthiens II (2 : 17)
Bible
nous
est-elle
parvenue
sans
erreurs
?»
in
67. Corinthiens II (4 : 2)
68. Jean (22 : 18-19)
69. Luc (3 : 23)
70. Robert Amblain, «Jésus ou le mortel secret des templiers», Paris 1970, pp. 371-389.
71. Cheikh Si Hamza Boubacar, Traité moderne de Théologie islamique, Paris, 1993, pp. 143-144
(50).
72. «Al Fasl …» d’Ibn Hazm.
Telfizian, Lisa : «Les rameaux du Christianisme» in «Le Nouvel Observateur» N° 35, 1998.
73. Pour de plus amples détails sur «Concile», voir : «Le Christianisme jusqu’à 325» de Etienne
Troomé, dans «Histoire des religions», La Pléiade), Tome II, pp. 351-365.
74. www.geocties.com/athens/acropolis/ch5html
75. Sur cette secte, voir : «Razonamiento à partir de las escrituras», p.380, Rome, Imprimerie
«Les Témoins de Jéhovah», 1989.
Références relatives à la langue parlée
par Jésus :
- Argyle, A.W.
«Did Jesus spak Greek ?»
ET 67, 1955/1956, pp. 92-93.
- Badillos, A.S.
«Historia de la lengua hebrea»
Editorial Ausa, Sabadell
Coleccion : Estudios Orientales
Sabadell 1988.
- Barr, J.
«Which language did Jesus speak ?»
Some remarks of a semitist
B.J.R.L., 53, 1970, pp. 9-29.
- Cantineau, J.
«Quelle langue parlait le peuple en Palestine au premier siècle de notre ère ?»
Semitica, 5, 1955, pp. 99-101.
- Cavalletti, 5
«Ebraico biblico ed Ebraico mishnico»
Sefarad 17, 1957, pp. 122-129.
- Chomsky, W.
«What was the Jewish vernacular ?»
The second common wealth
JQR 42, 1951/1952, pp. 193-212.
- Dalman, G.
«Gramatic des Jüdisch-Plästinschen aramaisch», 1950.
«Jesus-Jeshua, dei drei sprachen Jesus», Leipzig 1922.
- Diez Macho Alejandro
«La lengua hablada por Jesucrito», OrAnt 2, 1963, pp. 95-132.
«La lengua hablada por Jesucrito», Buenos Aires, 1963, Reed, Madrid, 1976.
- Draper, H.M.
«Did Jesus speak Greek ?»
ET 67, 1955/1956, p. 317.
- Fitzmyer, J.
«The Language of Palestine in the first century a.d.»
CBQ 32, 1970, pp. 501-531.
- Goodenough, E.R.
«Jewish symbols in the Greco-Roman Period»
12 vol. New York, 1955/1956.
- Gundry, R.H.
«The language Milieu of 1st century Palestine». JBL
83, 1964, pp. 404-408.
- Kutscher, E.Y.
«Dar Zur Zeit Jesu gesproschene Aramaïsch Zeitsschrift firdie».
ZNM 51, 1960, pp. 54-56.
- Lieberman, 5.
«Greek in Jewish Palestine»
New York, 1942.
- Ott, H.
««Un die Muttersptache jesu». Forschungen seit Gustaf Dalman»
NT 9, 1967, pp. 19-24.
- Rabin, H.
«Hebrew and Aramaic in the first century, the Jewish people in the first century». S. Safari - M.
Stern eds. Assen/Amsterdam, V.II 1007-1009.
- Russel, J. K.
«Did Jesus speak Greek ?»
ET 67, 1955/1956, p. 246.
Dr Mohammad Mokhtar Ould Bah
Section
Mohammad (que la paix soit sur lui) et la Révélation
I
A l’approche de la quarantaine,(1) Mohammad (que la paix soit sur lui) dont les méditations
antérieures avaient creusé, sur le plan de la réflexion, un fossé entre lui et son entourage, se
complut dans la solitude. Il prit alors l’habitude, après s’être muni de provisions alimentaires,
de s’isoler dans la Grotte de Hîra au Mont de la Lumière, à environ deux lieues de la Mecque. Il
s’agissait là d’une belle Grotte dont la superficie lui suffisait largement. Il se recueillait là tout
le mois de Ramadan. Il nourrissait les pauvres qui venaient lui rendre visite et passait son temps
à vénérer Dieu et à méditer sur l’univers et son Créateur. Le polythéisme ridicule et les
croyances païennes futiles de son peuple le dérangeaient, mais il ne voyait aucune issue à cela
et il ne disposait d’aucune solution qui pouvait lui rendre sa sérénité et sa paix intérieure.
Il y eut donc ce choix pour ce lieu isolé que Dieu lui indiqua afin de le préparer à la grande
responsabilité qu’il devait assumer. Tout être humain dont on désire que la mission soit d’influer
sur la vie des hommes afin de les amener à changer radicalement de comportement, a besoin de
s’isoler quelque temps et de couper court avec les obligations de la vie et les tracas quotidiens.
C’est ainsi que Dieu qui préparait Mohammad (que la paix soit sur lui) à la grande Tâche, au
bouleversement spirituel de la planète et à la modification de la marche et du sens de l’Histoire,
lui a choisi cette retraite, trois ans avant de le charger de la transmission du Message céleste.
Dans se retraite, et durant un mois, le Prophète devait méditer sur la force suprasensible qui
guide l’Univers, avant que n’arrivât le temps où il lui fallait, une fois que Dieu l’aurait autorisé,
composer avec cette force(2).
La langue de Mohammad (que la paix soit sur lui) :
Mohammad naquit et grandit dans la société arabe mecquoise qui parlait la langue arabe et qui a
vu naître de grands orateurs et d’éminents poètes. Mohammad (que la paix soit sur lui) n’était
pas poète et n’aimait point fréquenter les cercles des faiseurs de rimes. Il était connu comme un
homme «probe et intègre».
La société mecquoise de l’époque avait une culture purement orale et était parmi les sociétés
qui comptaient un nombre considérable d’illettrés. Mohammad ne savait ni lire, ni écrire. Avant
la Révélation, il ne fit que deux voyages très courts, d’un mois environ chacun, en dehors de la
Mecque. Le premier, en compagnie de son oncle, à l’âge de treize ans. Le second, en Syrie, pour
s’occuper des affaires commerciales de Khadija. Il avait alors vingt cinq ans environ et ne
connaissait que la langue arabe.
Gabriel, porteur de la Révélation :
A quarante ans, l’âge parfait dont il a été dit qu’il convient à toute mission prophétique,
Mohammad (que la paix soit sur lui) commença à percevoir les premiers signes avant-coureurs de
la Révélation. Ces signes n’étaient autre que les visions qui se présentaient à lui comme la
lumière de l’aurore. Cela dura six ans(3). Au mois de Ramadan de la troisième année de sa
fréquentation de la grotte de Hîra, Dieu a voulu bénir l’Humanité. Il a alors investi Mohammad
de la mission prophétique et lui a envoyé Gabriel, muni de versets coraniques(4).
Les historiens ne sont pas unanimes sur le mois où la Révélation a débuté, mais on pense
généralement qu’il s’agit du mois sacré de Ramadan, car le Très-Haut dit : «La lune de Ramadan
dans laquelle le Coran est descendu d’en haut pour servir de direction aux hommes, pour leur en
donner une explication claire, et de distinction entre le bien et le mal.» [La Vache : 185].
«Nous avons fait descendre le Coran dans la nuit d’Al qadr.» [Al qadr : 1].
On sait que la nuit d’Al qadr a lieu pendant le mois de Ramadan.
Il est donc possible de déterminer la date du commencement de la Révélation : quarante années
lunaires, six mois et douze jours (soit environ trente neuf années solaires, trois mois et douze
jours) depuis la naissance de Mohammad (que la paix soit sur lui)(5).
Durée de la Révélation :
Le Coran fut révélé à Mohammad (que la paix soit sur lui) durant une période qui s’est étalée sur
plus d’une vingtaine d’années environ.
Mohammad (que la paix soit sur lui) se retirait dans la Grotte de Hîra, non loin de la Mecque, où
il passait de longues heures à méditer, à prier et à implorer Dieu. Un jour, Gabriel vint lui dire :
«Lis». Mohammad répondit : «Je ne sais point lire». L’archange Gabriel insista auprès de
Mohammad qui finit par entendre la première sourate révélée «Le caillot de sang» et le premier
verset de ce Livre qui prône le Bien, annonce la Bonne Nouvelle aux bienfaiteurs et met en garde
les oppresseurs et les injustes. Ce verset dis : «Lis au nom de ton Seigneur qui a créé tout» [Le
Caillot de sang : 1]. Le Coran fut révélé aux gens pourqu’il soit lu et psalmodié. Ses versets sont
hautement bien travaillés par un Sage Omnicient et ont été rédigés dans une langue arabe pure
: «A.L.R. Ce sont les signes du Livre évident. Nous l’avons fait descendre du ciel en langue
arabe, afin que vous le compreniez»[Joseph : 1-2-3] pour avertir les habitants de la Mecque et
de sa banlieue : «Tous nos ministres parlèrent la langue des peuples qu’ils prêchaient, afin de se
rendre intelligibles» [Ibrâhîm : 4]. Dieu a ensuite ordonné à son Messager d’avertir tous les gens
partout où ils se trouvent. Avec ses Compagnons, le Messager a déployé tous ses efforts pour
informer tous ceux qui pouvaient l’être de cette mission universelle dont la connaissance du
contenu est considérée comme un droit parmi les droits de l’homme. La croyance au message de
cette mission ne doit pas se faire sous la contrainte. L’homme a le choix entre la foi et ses
bienfaits et l’impiété et ses méfaits. Si les Musulmans ont travaillé d’arrache-pied pour propager
ce dernier message céleste et universel aux peuples de la terre et s’ils ont déployé tous leurs
efforts pour contrecarrer les manœuvres des chefs politiques qui cherchaient à entraver la
propagation de cette foi, ils n’ont, par contre, obligé personne à embrasser la religion
musulmane, car il ne doit pas y avoir de contrainte en religion. Le Très-Haut dit : «Nous t’avons
envoyé vers les hommes,Ô Mohammad, pour annoncer et menacer à la fois. Mais la plus part des
hommes ne savent pas»[Sabâ’ : 28]. Il a dit aussi : «Si Dieu le voulait, tous les hommes de la
terre croiraient. Veux-tu contraindre les hommes à devenir croyants ?» [Jonas : 99].
La Révélation du Coran coïncidait avec les circonstances dans lesquelles se trouvait le Prophète
(que la paix soit sur lui) au moment où il devait faire parvenir son message. Les premières
sourates coraniques lui apportèrent beaucoup de sérénité et l’informèrent que Dieu l’envoya aux
gens pour les guider dans le droit chemin, leur annoncer la Bonne Nouvelle, mais les avertir aussi
et les amener à vénérer un Dieu unique, le Créateur des cieux et de la terre et l’Ordonnateur du
jour et de la nuit, de la lune et de la terre, le Premier et le Dernier.
Or, les Qoraïchites ne voulaient pas se départir de la vénération des idoles de leurs ancêtres. Ils
traitèrent Mohammad de menteur, de possédé du démon et qui ne fait que débiter les histoires
sans fondements des Anciens. Cela lui fut insupportable. Il se replia sur lui-même. Solitaire et
épuisé, il déprima, mais les Qoraïchites le poursuivirent, l’empêchèrent de prier et coupèrent
toute relation avec les siens. Les enfants de Taïf se moquèrent de lui, le blessèrent par des jets
de pierre aux pieds qui lui firent mal au point qu’il fut contraint de s’asseoir(6). Heureusement
qu’il eut le Coran entre les mains pour l’arracher au désespoir. Dieu ne l’abandonna pas. Quelle
est profonde la foi des Prophètes !!
Dès les premières années, la Révélation du Coran incitait le Prophète à poursuivre sa mission,
ordonnait aux gens de ne vénérer que le Très Haut seul, leur interdisait l’idolâtrie qui ne peut ni
servir, ni nuire et les mettait en garde contre les affres de l’Au-delà, le jour de la Résurrection,
mais les Qoraïchites persistaient dans leur incrédulité et leur rejet de l’existence de l’Au-delà
prétendant qu’il est impensable qu’ils puissent être ressuscités une fois qu’ils seront morts et
qu’ils seront transformés en un amas d’ossements.
Cependant, le Coran persista dans ses avertissements. Dieu qui créa les cieux et la terre et qui
donna naissance aux hommes est capable de ressusciter ces derniers après leur mort comme il le
fait pour la terre frappée de sécheresse.
De la même façon que le Coran a continué à multiplier les avertissements aux Qoraïchites, il n’a
pas manqué de conter au Prophète (que la paix soit sur lui) les récits des Apôtres antérieurs qui
furent martyrisés à cause de leur foi, qui souffrirent le martyre lors de la transmission de leur
message prophétique, mais qui surent s’armer de patience parce qu’ils étaient certains que Dieu
sera de leur côté et qu’il écrasera leurs ennemis comme il écrasera ses propres ennemis parmi
les opresseurs.
Les Qoraïchites finirent par demander au Prophète de leur donner une preuve de la véracité de
ce qu’il avance. Certains trouvèrent bizarre que les anges ne soient pas en sa compagnie, lui, le
Prophète, qu’il n’ait aucun trésor et qu’il ne soit, en fin de compte, qu’un simple homme,
comme eux, qui mange comme le commun des mortels et qui fréquente les marchés. D’autres lui
dirent des propos semblables à ceux du Coran : «Ils dirent : Nous ne te croirons pas, à moins que
tu ne fasses jaillir de la terre une source d’eau vive; ou à moins que tu n’aies un jardin planté de
palmiers et de vignes et que tu ne fasses jaillir des torrents du milieu de ce jardin; ou à moins
qu’une partie du ciel ne tombe sur nous; ou à moins que tu n’amènes Dieu et les anges comme
garants de tes paroles; ou à moins que tu n’aies une maison ornée de dorures, ou à moins que tu
ne montes aux cieux par une échelle, nous ne croirons non plus que tu y sois monté que lorsque
tu nous feras descendre un Lvre que nous puissions lire tous» [Le Voyage nocturne : 90-93].
A l’audition de ces paroles, le Prophète s’affligea et se laissa gagner par l’angoisse, mais Dieu le
consola : «Réponds leur : Louange à Dieu ! Suis-je donc autre chose qu’un homme et un apôtre?»
[Le Voyage nocturne : 93].
Quant aux signes et aux preuves qu’exigent les mécréants, ils sont le fait de Dieu et rien que de
Dieu. Les hommes n’ont point à les fournir selon leur bon vouloir, car si Dieu le voulait, il
guiderait tous les hommes vers le droit chemin, mais Dieu fait ce qu’Il veut.
Malgré donc les difficultés qu’il rencontre dans sa mission, le Prophète est invité à poursuivre sa
mission sans aucune hésitation et avec toute la persévérance qu’il faut. Dieu lui demande de
faire preuve de patience face à l’animosité des mécrants et leur conspiration. Une issue
heureuse est toujours réservée aux croyants.
Ceci se produisait à l’époque mecquoise. Après l’Hégire, la Révélation va poursuivre
l’explicitation de la chari’a et l’organisation des affaires tant spirituelles que temporelles de la
Umma(5).
La langue du discours coranique :
Le discours coranique nous est parvenu par le biais d’une seule personne et dans une seule
langue. Cette personne c’est Mohammad, fils de ‘Abd Allah, le Prophète Messager qui a transmis
aux hommes la Parole divine. Cette Parole que Mohammad (que la paix soit sur lui) a reçue
comme Révélation est faite de mots pleins de signification. Le Très-Haut a dit : «Nous l’avons
fait descendre du ciel en langue arabe afin que vous le compreniez» [Joseph : 2]. Il a dit
également : «Tous nos ministres parlèrent la langue des peuples qu’ils prêchaient, afin de se
rendre intelligibles»[Abraham : 4].
Le Coran est, sans conteste, le Livre qui guide les croyants vers le droit chemin. Dieu qui l’a
révélé à Mohammad (que la paix soit sur lui) lui a révélé également la Sagesse (la Tradition) qui
lui a permis, par le biais de ses dires et de ses actions, d’éclairer les gens sur leur religion, les
guider, les purifier et leur apprendre ce qu’ils ignoraient.
Le Livre fut révélé en langue arabe pure et Dieu dota Mohammad de tout l’arsenal rhétorique
nécessaire pour exprimer sa Sagesse aux gens dans un arabe le plus pur et le plus éloquent qui
soit.
Caractère inimitable du style coranique :
Les Arabes des temps passés et actuels sont unanimes - et ils le seront aussi dans l’avenir - à
penser que la rhétorique coranique est unique en son genre et qu’elle se situe au plus haut
niveau de la perfection expressive de la langue arabe. Nul n’a pu et nul ne pourra produire des
versets et des sourates dont la langue serait identique à celle du Saint-Coran, même les écrivains
les plus talentueux et les plus aptes, parmi eux, à pouvoir mener des argumentations solides.
Mohammad (que la paix soit sur lui) était analphabète. Il ne savait ni lire, ni écrire, mais il fut
connu, avant la Révélation comme étant un homme probe et intègre. Qu’il fût un illettré est la
preuve que le Saint-Coran, tant la forme que la substance, lui a été envoyé par Dieu Lui-même :
«Dis : Quand les hommes et les génies se réuniraient pour produire quelque chose de semblable
à ce Coran, ils ne produiraient rien de pareil, lors même qu’ils s’aideraient mutuellement».[Le
Voyage nocturne : 88].
Section
Rassemblement du Coran et classification des versets et sourates
II
La mémorisation du Coran et sa transcription du temps du Messager
Versets et sourates étaient révélés à l’occasion des événements qui se produisaient dans la
société et des interrogations que les gens se posaient à propos des affaires de la vie spirituelle
et temporelle...Comment donc le Coran fut-il rassemblé et comment furent classés les versets et
les sourates ?
La mémorisation orale :
C’était en écoutant le Prophète (que la prière soit sur lui) réciter le Coran que ses Compagnons
l’apprenaient par cœur. Dans le «Sahîh de Muslim», il est rapporté que ‘Abd allah Ibn ‘Umar a
dit : «J’ai entendu le Messager de Dieu dire : Apprenez le Coran des quatre personnes suivantes :
‘Abd allah Ibn Mas’ûd (il commença par le citer le premier), Sâlem Mawlâ Abî Hudaïfa, Mu’âd Ibn
Jabal et Ubayyi Ibn Ka’b»(7). Le Hadîth indique que ces personnes connaissaient à la perfection
et avec beaucoup de précision le Saint-Coran.
Il existe d’autres Hadîth qui mentionnent d’autres Compagnons qui écoutaient et apprenaient le
Saint-Coran de la bouche même du Prophète (que la paix soit sur lui), comme ‘Abd allah Ibn
Mas’ûd. Celui-ci, cependant, avait appris quelques sourates de la bouche d’Ibn Jâriyya Al Ansârî.
Quant à la classification des versets et des sourates, c’était la Révélation qui permettait au
Prophète de se repérer. Les versets et les sourates étaient ainsi mis en ordre grâce à la
connaissance de la Révélation. Cet ordre était transmis aux transcripteurs et à ceux qui
apprenaient par cœur le Coran. Le Prophète veillait lui-même à ce que l’ordre des versets et
sourates soit respecté de tous. D’après ‘Aïcha qui rapporte d’après Fatima : «Le Prophète m’a
confié : Gabriel venait chaque année, m’exposer et me réciter le Coran. Il lui est arrivé de faire
cela, deux fois par ans. Quand je le vois, je sais qu’il vient dans ce but»(8)
La transcription du Livre :
Chu’ba nous a rapporté d’après Qutâda, d’après Anas Ibn Mâlek (que Dieu soit satisfait de lui) :
«Du temps du Prophète (que la paix soit sur lui) quatre personnes, toutes des Ansârs, se sont
appliquées à rassembler le Coran. Il s’agit de : Ubayy Ibn Ka’b, Mu’âd Ibn Jabal, Abû Zayd Ibn
Tâbit. J’ai dit à Anas : Qui est ce Abû Zayd ? Il m’a répondu : C’est un de mes cousins.(9)»
Ce Hadîth mentionne clairement les noms des Compagnons qui transcrivaient la Révélation de la
bouche même du Prophète (que la paix soit sur lui). Certains Compagnons, il faut bien le noter
ici, transcrivaient le Coran de leur propre mémoire et tel qu’ils ont pu se le remémorer(10).
Classification des versets et des sourates :
Dans son ouvrage intitulé «Al Jâmi’u»(11), Ibn Wahab écrit ceci : «J’ai entendu Sulaymân Ibn
Bilâl dire : J’ai entendu Rabî’a demander : Pourquoi a t-on classé les sourates «Les vaches» et
«Al’Imrân» au début du Coran alors que plus de quatre vingts sourates ont été révélées bien
avant elles ? En plus, ces deux sourates ont été révélées à Médine. Rabî’a a dit : On les a
classées au début du Coran et c’est ainsi. Ceux qui ont mis de l’ordre dans le Coran le savent
bien. Il y a consensus là-dessus et on ne doit plus se poser des questions à ce propos. Synayd a
dit : Mu’tamir nous a parlé de Sallâm Ibn Miskîn, selon Qudâda qui a dit : Ibn Mas’ûd a dit : Ceux
qui, parmi vous, sont rongés par des doutes, doivent chercher leur paix intérieure en suivant
l’exemple des Compagnons du Prophète (que la paix soit sur lui), car ils étaient les plus dévoués
de cette Umma, les plus instruits, les moins prétentieux, les plus probes et les plus corrects.
Dieu les a choisis pour tenir compagnie au Prophète (que la paix soit sur lui) et l’aider à asseoir
sa religion. Reconnaissez-leur leur faveur et suivez et faites ce qu’ils disaient, car ils étaient sur
le droit chemin».
Des savants ont avancé que «la classification des sourates du Coran telle qu’elle se présente à
nous a été faite en accord avec le Prophète (que la paix soit sur lui). Quant à ce qui a été
rapporté à propos de la différence que présente la classification des sourates faite par Ubayy et
‘Abd Allah, cela eut lieu avant les dernières retouches entreprises. Le Prophète (que la paix soit
sur lui) leur a classifié, par la suite, les sourates, alors qu’il ne l’avait pas fait auparavant. Yûnus
rapporte, d’après Abû Lahab : «J’ai entendu Mâlek dire : Le Coran a été classé selon les
directives qu’ils (les Compagnons) entendaient de la bouche même du Prophète. Al An Bârî
mentionne dans son ouvrage «Ar-raddu» que Dieu a fait descendre le Coran dans sa totalité dans
ce bas monde, puis il fut distribué au Prophète, à petites doses, durant une vingtaine d’années.
Les sourates étaient révélées à l’occasion des événements qui avaient lieu à l’époque. Quant aux
versets, leur Révélation venait suite à des interrogations émises par des croyants curieux de
savoir davantage sur leur religion. Gabriel renseignait constamment le Prophète (sur lui la prière
de Dieu) sur l’ordre à adopter dans la classification des sourates et des versets. Le classement
cohérent des sourates ainsi que celui des versets et des lettres, tout cela tenait de Mohammad,
sceau des Prophètes, qu’il tenait, à son tour, du Maître de l’Univers.
Quiconque met en désordre les sourates est pareil à celui qui introduit un dysfonctionnement
dans le système des versets et qui change les lettres et les mots du Saint-Coran. Toutefois, on ne
saurait tenir grief aux Docteurs de la Loi d’avoir placé la sourate «La Vache» avant la sourate
«Les Troupeaux» alors que l’on sait pertinemment que la sourate «Les Troupeaux» a été révélée
avant la sourate «La Vache», car ce classement-là était bien celui qui était adopté par le
Prophète, lequel ne cessait de prodiguer ses directives sur l’ordre à apporter au classement des
sourates que Gabriel supervisait constamment(12).
Une opinion peu sûre veut que la classification des sourates - et non pas des versets - serait
l’œuvre personnelle des Compagnons. Ceci ne diminue, évidemment en rien, la valeur du Coran,
car ses sourates sont cohérentes et chacune d’elles est indépendante de l’autre.
Pour ce qui est de l’ordre des versets au sein de chaque sourate, tous les Musulmans sont
unanimes à croire qu’il est resté tel qu’il était lors de la Révélation. Il y a, à ce propos, diverses
sources(13).
Ibn Attayib a dit : «Il a été dit que les Pieux Anciens n’étaient pas d’accord sur l’ordre des
sourates dans le Coran. Il y en a, parmi eux, qui ont transcrit les sourates selon la date de leur
Révélation. Ils ont placé les sourates mecquoises avant celle de Médine. D’autres ont commencé
le Coran par la sourate «L’Ouverture». D’autres encore débutent le Coran par la sourate «Lis au
nom de Dieu». C’est le cas de ‘Ali dans le recueil du Coran qu’il a rassemblé. Quant au recueil
du Coran rassemblé par Ibn Mas’ûd, il débute par la sourate «l’Arbitre Suprême au Jour du
Jugement», c’est-à-dire la sourate «l’Ouverture», suivie des sourates «La Vache», puis «Les
Femmes». Le recueil du Coran rassemblé par Ubayy débute par la sourate «Louange à Dieu»,
c’est-à-dire la sourate «l’Ouverture», suivie des sourates «Les Femmes», «Al ‘Imrân», «Les
Troupeaux», «Les A’râf», «La Table servie» et ainsi de suite.
Al Qâdî Abû Bakr Attayyib a dit : « Il est probable que l’ordre des sourates telles qu’elles se
présentent à nous de nos jours dans le Coran soit l’œuvre personnelle des Compagnons. Ceci a
été, en tout cas, mentionné par Makki, que Dieu l’ait en sa Sainte Miséricorde, dans l’exégèse
qu’il a faite de la sourate «Al Barâa» (L’Innocence). Il mentionne que l’ordre des versets dans les
sourates et l’ouverture de chaque sourate par la «basmala» (Au nom de Dieu, le Clément, le
Miséricordieux) est l’œuvre du Prophète ( que la paix soit sur lui). Comme celui-ci n’a pas
ordonné que la basmala soit au début de la sourate «Al Barâa», cette sourate est restée sans
«basmala»(14)? Nous pensons que cette règle a été appliquée en ce qui concerne l’ordre des
sourates. Les gens de la science sont de cet avis également» (15).
On rapporte que ‘Aïcha, que Dieu soit satisfait d’elle, a été interrogée par un Irakien qui lui a dit
: «Quel linceul est le meilleur ?» Elle répondit : «Malheur à toi ! Peu importe !». Il s’exclama
alors : «O mère des croyantes ! Puis-je consulter votre recueil du Coran ?». Elle demanda
:«Pourquoi cette curiosité ?». Il répondit : «Pour que je puisse classer les sourates selon
l’exemplaire de ton Coran, car je le lis dans le désordre le plus total». Aïcha eut alors cette
réponse : «Qu’importe ce que tu lis avant ou après. Sache que la première sourate révélée décrit
en détail le Paradis et l’Enfer. Quand les gens ont embrassé l’Islam, il y eut, après, distinction
entre ce qui est licite et ce qui est illicite, car si dès le départ, le Coran avait interdit le vin dans
une première sourate, les gens auraient dit : «Non ! On n’arrêtera jamais de boire le vin». S’il
avait interdit, dès le début, l’adultère, il y aurait eu refus des gens. J’étais encore jeune, quand
Dieu a révélé à Mohammad, à la Mecque, ce verset : L’heure de la vérité interviendra un jour.
Cette heure est dure et insupportable. Les sourates «La Vache» et «Les Femmes» ont été
révélées alors que j’étais en sa compagnie». Il a dit : « Elle est allée chercher son exemplaire du
Coran et elle lui a lu des sourates…»(16).
L’évolution de l’opération du rassemblement des textes coraniques après la mort du Prophète
A l’époque de Abû Bakr
La Révélation a pris fin en l’an 11 de l’Hégire (632 après J.C.) avec la mort du Prophète qui
légua à l’Humanité un Livre complet à même de sauver de l’égarement celui qui s’y attache et
qui sait en prendre soin. L’intérêt que les Musulmans ont porté à ce Livre est considérable. Ils
l’ont appris par cœur, depuis le début de la Révélation jusqu’à son terme. Ils l’ont écrit sur les
peaux desséchées et les omoplates des animaux ainsi que sur les rochers. Il y avait, parmi les
Compagnons, ceux qui l’apprenaient par cœur, ceux qui s’occupaient de sa transcription et ceux
qui le récitaient.
La vraie Tradition indique que le Prophète a laissé, après sa mort, un exemplaire du Coran qui
est sans doute la propriété d’un des Compagnons qui s’occupaient à transcrire la Révélation
comme Zayd Ibn Thâbet. 4aïcha, que Dieu soit satisfait d’elle, avait en sa possession un
exemplaire du Coran(17).
Après la disparition massive de ceux qui connaissaient par cœur le Coran, durant la lutte contre
les renégats, les Compagnons se sont mis d’accord pour publier et diffuser le Coran sous une
forme matérielle nouvelle. Cette «édition» du Coran devait être un Bien de l’Etat et un
document officiel en vigueur dans les Administrations, car la majorité de ce qui circulait comme
feuillets sacrés entre les gens, était rédigé sur des peaux surannées ou sur de feuilles de
palmiers. Et bien que ces feuillets constituaient des recueils de textes coraniques cohérents, ils
étaient, malgré tout, exposés à la perte et à la dispersion. Tel était l’avis de ‘Umar Ibn Al
Khattâb qui insista auprès d’Abu Bakr pour réaliser ce projet. Abû Bakr chargea donc Zayd Ibn
Thâbet de cette mission. C’est ainsi que parut un exemplaire du Coran, esthétique et cohérent.
Il devint un Bien de l’Etat. Abû Bakr le garda chez lui jusqu’à sa mort. Puis ce fut autour de
‘Umar et de Hafsa, mère des croyantes (18), de le garder jusqu’à ce que ‘Uthmân demandât à le
consulter pour le présenter aux Compagnons. ‘Uthmân chargea ces derniers d’apporter encore
davantage de soin à la présentation esthétique dans la calligraphie coranique.
A l’époque de ‘Uthmân : (23-35 de l’Hégire, 644-656 après J.C.)
Après l’immense extension de l’Islam et la dispersion partout en terre d’Islam de ceux qui
apprennent par cœur le Coran, les gens ont pris l’habitude d’écrire celui-ci comme ils
l’entendaient de la bouche de ceux qui le récitaient en se laissant influencés par leurs dialectes
locaux. Il était donc normal qu’il y ait des querelles quant à la façon de prononcer et d’écrire
certains vocables. A ce propos, Hudaïfa a dit au Calife ‘Uthmân Ibn ‘Affâne : «Sauve la Umma
avant qu’il n’y ait de grands désaccords sur le Livre, comme cela a été le cas chez les Juifs et les
Chrétiens»(19). Il voulait attirer l’attention du Calife sur le danger des désaccords qui se
produisaient à propos de la lecture et de la rédaction des textes coraniques.
A cette époque-là, l’Islam s’était répandu de Khorasan à Baraqa et du Yémen jusqu’à
l’Azerbaïdjan. Les Musulmans disposaient alors de plus de cent mille exemplaires du Coran. Il n’y
avait pas de village, ni de ville où on ne trouvait pas de maîtres qui enseignaient le Coran (20).
Le Calife mit à exécution le conseil de Hudaïfa Ibn Al Yamân et ordonna la confection d’un
exemplaire du Coran dont l’écriture et la prononciation devait rallier les suffrages de tous les
Arabes. On en fit un nombre suffisant de copies pour les provinces et on fit circuler parmi les
gens la nouvelle qui leur demandait de brûler toute autre copie différente, non pas que les
exemplaires dont ils disposaient contenaient des erreurs, mais parce qu’il fallait indiquer que le
temps était venu où il fallait que tous les Musulmans s’unissent autour d’une version uniforme
qui soit pour eux un véritable Guide. Il sera ainsi lu correctement par tous les Arabes, consulté
quand il le faut pour en faire des copies et quand le doute s’installe chez les gens à propos d’une
question quelconque.
Quant à sa crédibilité, il faut dire que la Version Guide surpasse tous les autres exemplaires du
Coran qui étaient en circulation parmi les gens à l’époque et qui n’étaient en fait que le fruit du
travail fait, isolément, par des amateurs qui écoutaient réciter le Coran pour le rédiger. La
Version Guide a été, par contre, transcrite, à partir de documents originaux authentiques. Elle a
été relue et comparée avec les versets coraniques appris par cœur par les croyants de la
première heure, puis officialisée par bon nombre de Compagnons tels Zayd Ibn Thâbet, ‘Abd
Allah Ibn Az-Zubayr, Sa’îd Ibn Al’Âs, ‘Abd Allah Ibn Al Hârith Ibn Hichâm (21). Sa graphie était
exempte de la voyellisation et des signes diacritiques qui ont été inventés par Abû Al Aswad
Addualî, fondateur de la grammaire arabe, et Nasr Ibn ‘Asem Allaytî. Ainsi le point en-dessus des
graphème exprimait la voyelle brève «a», et le point en dessous du graphèmes exprimait la
voyelle brève «i». Ces points diacritiques portaient une couleur différente de celle des
graphèmes(22). Quant aux signes de la voyellisation définitive tels qu’ils se présentent de nos
jours dans le Saint-Coran et qui sont de la même couleur que la graphie, ils furent l’œuvre du
célèbre grammairien Al Khalîl Ibn Ahmad Al Farâhidî (mort en 170 de l’Hégire/ 789 après
J.C.)(23).
L’index des versets : une aide à l’étude du Coran
Il existe des publications d’index relatifs aux versets et aux préceptes coraniques dont le but est
d’aider et de faciliter la tâche des savants et des chercheurs. Citons à titre d’exemple :
* La typologie selon la date de «la descente» de la Révélation :
La classification des sourates du Coran selon les dates de la Révélation intéresse énormément les
Docteurs de la Loi et les chercheurs, car elle leur permet, par exemple, de clarifier des
questions importantes telles que la connaissance des préceptes que la religion abrogeait selon la
progression qu’elle accomplissait au sein d’une société qui tenait jalousement à ses anciennes
habitudes.
Parmi les typologies de ce genre les plus connues celle de Mohammad ‘Azza Druza qui a classé
les sourates selon l’ordre chronologique de leur Révélation(24). Il existe également sur le
marché des logiciels qui permettent de reconnaître l’index des sourates selon l’ordre
chronologique de leur Révélation(25).
* La typologie selon la thématique :
Nul n’ignore l’importance de la classification des versets selon leur thématique. Cette
classification permet, en effet, d’isoler les versets selon leurs thèmes et de connaître les lois
relatives à chaque problème pris à part. Le plus célèbre ouvrage publié sur ce sujet est celui de
Gilles Labum qui a effectué une typologie objective des significations des versets coraniques
traduits en français. Ce travail fut repris par Mohammad Fuâd ‘Abd Al Bâqî en 1924 et, après
l’avoir traduit en arabe, il le publia en 1935(26).
Cet excellent ouvrage incita les chercheurs à s’intéresser à la typologie objective des versets
coraniques. C’est ainsi que Henri Mercier a mis au point une traduction des significations du
Coran, classées objectivement. Ce travail fut publié en arabe et en français(27). Un autre
auteur, Mustapha Mohammad Mustapha entreprit ensuite une typologie objective en langue
arabe(28).
La plupart de ces travaux sont imprimés. Ils sont diffusés parmi les gens et connaissent
constamment des rééditions. Il s’agit bien là de typologies coraniques, mais on ne les considère
pas comme des recueils du Coran, car l’ordre des versets et des sourates dans le Coran obéit,
comme cela a été dit plus haut, à l’ordre chronologique de la Révélation(29).
Section
Sciences Coraniques
III
Dès le début de l’Islam, Les Musulmans ont eu à réfléchir sur les versets coraniques obscurs qui
leur faisaient problème. Les Compagnons d’abord et les Docteurs la loi ensuite se sont adonnés à
l’exégèse et à l’explicitation de ces versets. D’où la naissance de ce qui a été appelé «les
sciences coraniques» que Az-Zarkachî et Jalâl Ad-Dîn Assuyûtî ont respectivement résumées dans
leurs ouvrages «Al Burhân» et «Al itqânu fî ‘ulûmi al qurqâni»(30).
Les savants se sont mis d’accord pour dire qu’une partie du Coran était mecquoise et qu’une
autre était médinoise, mais ils sont partagés quant à la signification à donner à cette distinction.
Certains d’entre eux disent que les sourates révélées avant l’Hégire sont mecquoises et celles
révélées après sont médinoises. D’autres avancent que les sourates doivent porter le nom de
l’endroit où elles ont été révélées. Or, le Coran n’a pas été révélé à la Mecque et à Médine
seulement . Quelques versets sont de Minan comme celui où Dieu dit : «Redoutez enfin le jour
où vous aurez à comparaître devant Dieu, où chacun recevra le prix de ses actes et où personne
ne sera lésée» (La Vache : 281), d’autres versets sont de ‘Arafat comme celui où Dieu dit :
«J’amène en ce jour votre culte à son point de perfection, vous accorde le summum de Ma
grâce, et agrée pour vous l’Islam pour religion». (La Table servie : 3), et d’autres versets encore
sont de Al Juhfa, etc…
Un autre groupe de savants propose que les sourates relatives aux habitants de la Mecque soient
qualifiées de mecquoises, celles concernant la population de Médine soient qualifiées, de leur
côté, médinoises et ainsi de suite. Ainsi envisagées, beaucoup de sourates ne seraient alors ni
mecquoises, ni médinoises comme par exemple la sourate «Le Récit».
L’opinion générale a opté pour la première classification, celle qui distingue les sourates
mecquoises des sourates médinoises. L’important ici c’est que chacune de ces deux catégories
de sourates a ses propres caractéristiques. Ainsi les sourates mecquoises se distinguent par leur
appel apologétique à l’unicité divine et leur condamnation de l’hérésie. Elles promettent
beaucoup de récompenses aux fidèles et beaucoup de châtiments aux infidèles… Le tout
présenté sous forme de récits afin que les gens aient des exemples devant eux et n’oublient
point les issues heureuses ou malheureuses qui les attendent. Quant aux sourates médinoises,
elles s’adressent aux fidèles, leur exposent les préceptes de la religion et les invitent au Jihad
pour la cause de Dieu. La réprobation des hypocrites et des mécréants a ici sa place, de même
que la rétribution des fidèles et le châtiment des impies.
Naissance des sciences des lectures coraniques (Qira’at)
Que le Coran ait été préservé est un des signes de son caractère inimitable et miraculeux, et le
Très-Haut s’est occupé Lui-même de cette préservation : «Nous avons fait descendre
l’Avertissement (le Coran) et Nous le conservons avec soin» (Al Hijr : 9). Cette conservation a
été rendue possible grâce à une chaîne de garants qui se sont relayés pour le transmettre depuis
l’époque du Prophète (que la paix soit sur lui) jusqu’à nos jours. Du temps de la Révélation, et
sur ordre de Dieu, Gabriel était chargé de transmettre les versets et les sourates du Coran au
Prophète, et chaque année, pendant le mois de Ramadan, ce qui était révélé du Coran faisait
l’objet d’une révision générale par Gabriel et Mohammad. Toutefois, lors de la dernière année
de la vie du Prophète, Gabriel va revoir à deux reprises le Coran avec le Prophète. Ce sera là la
dernière révision(31). Le Coran sera ainsi appris par cœur (et préservé) par un groupe de
Compagnons, érudits aux-mêmes, dont les quatre Califes et les célèbres spécialistes de lectures
coraniques tels que ‘Abd Allah Ibn Mas’ûd, Ubayy Ibn Ka’b, Zayd Ibn Thâbet, Abû Mûsâ Al
Ach’arî, Abû Ad-Dardâi, Abû Hurayra, ‘Abd Allah Ibn ‘Abbâs et 'Abd Allah Ibn Abî As-Sâib Al
Makhzûmî.
Après ces spécialistes de lectures, d’autres personnes se sont redues célèbres en se spécialisant
dans la récitation du Coran et dans l’enseignement de cette récitation. On peut citer entre
autres : ‘Abd Allah Ibn ‘Ayyâch Al Makhzumî, Al Mughîra Ibn Abî Chihâb, ‘Abd Allah Ibn Habîb AsSalmî, Abû Al‘Aliah Ar-Riyyahî, Yazîd Ibn Alqa’qâ’Al Madanî, Chîba Ibn Nissah ainsi que les
spécialistes de la lecture coranique dans les villes et dont le travail fut conservé dans l’ouvrage
intitulé «As-sab’atu» de son auteur Ibn Mujahid Al Baghdâdî.
L’importance que les lecteurs accordèrent à la préservation et à la récitation du Coran fut telle
qu’ils mirent au point une science autonome sur la manière de lire et de psalmodier le Texte
sacré. C’est ainsi que des centaines d’ouvrages ont été rédigés sur ce sujet, comportant les
règles fondamentales qui régissent cette science et qui se basent essentiellement sur la langue,
l’authenticité de la transmission orale par la chaîne des garants et l’uniformisation de la graphie
dans les recueils du Coran. L’authentificateur Ibn Al Jazrî résume ces trois règles dans des vers
célèbres en arabe : «-Tout ce qui est conforme à la grammaire
Dont la graphie est attestée
Et dont l’authenticité est assurée
Forment le Coran. Ce sont là ses trois piliers-»
Le premier pilier : La clarté de la langue
Etant donné que le Coran a été révélé dans une langue arabe qui se distingue par sa pureté et
qui a étonné les maîtres de l’éloquence parmi les mécréants arabes, il a été impossible pour qui
que ce soit de relever le défi qui consistait à imiter son style. Dieu a dit dans ce sens : «Dis :
Quand les hommes et les génies se réuniraient pour produire quelque chose de semblable à ce
Coran, ils ne produiraient rien de pareil, lors même qu’ils s’aideraient mutuellement» (Le
Voyage nocturne : 88).
C’est la raison pour laquelle tout ce qui n’était pas conforme à la grammaire arabe dans la
lecture du Coran fut pourchassé. Prononcer «Al Hamdi lullahî» à la place de «Al hamdu lillâhi»
(Louange à Dieu, Souverain de l’Univers) de la sourate «L’Ouverture : 2» fut rejeté, mais par
contre toute infraction grammaticale minime ne portant pas atteinte au message est permise
quand son auteur est un grand savant. Ainsi, par exemple, Hamza Ibn Habîb Az-Zayyât
prononçait le vocable «arhâmi» (les entrailles) au lieu de «arhâma» dans la sourate «les Femmes
: 1» (Craignez le Seigneur au nom duquel vous vous faites des demandes mutuelles. Respectez
les entrailles qui vous ont portés).
La vocalisation d’Az-Zayyât pourrait être justifiée grammaticalement.
Dans le même ordre d’idées, diverses lectures du Coran sont agréées eu égard à la prononciation
de certains phonèmes par différentes tribus arabes. On se base ici sur le Hadîth authentique qui
dit que le«Coran a été révélé pourqu’il soit lu de sept manières». Parmi les récits qu’on a sur ce
Hadîth, on rapporte que l’Imâm Ibn Chihâb, selon Ibn Chihâb, selon ‘Urwa Ibn Az-Zubaïr, selon
‘Abd Ar-Rahmân Ibn ‘Abd Al Qârrî, a dit : «J’ai entendu ‘Umar Ibn Al Khattâb dire : J’ai entendu
Hichâm Ibn Hakîm Ibn Huzâm lire la sourate «Al Furqân» (La Distinction» d’une manière qui
diffère de la mienne qui est d’ailleurs celle que j’ai apprise du Prophète (qua le paix soit sur
lui). J’avais envie de l’arrêter pour le lui dire sur-le-champ, mais je me suis patienté. Ce n’est
qu’un peu plus tard que je me suis rendu en sa Compagnie chez le Prophète (que la paix soit sur
lui) à qui j’ai dit : «O Messager de Dieu ! J’ai entendu cet homme lire la sourate «Al Furqân»
d’une manière autre que celle que j’ai apprise de vous». Le Prophète répondit : «Je l’ai lue telle
qu’elle m’a été révélée», puis il m’a dit : «Lis». J’ai lu la sourate, puis il m’a dit : «C’est ainsi
qu’elle a été révélée. Ce Coran a été révélé pour qu’il soit lu selon sept phonèmes. Choisissezen celui que convienne.»(32)
Ce Hadîth est authentique, mais les avis sont partagés quant à son exégèse. Selon Ibn ‘Abbâs, le
Prophète (que la paix soit sur lui) a dit : «Gabriel m’a fait lire le Coran d’une certaine manière,
mais je n’ai pas pu l’imiter. Il l’a alors lu d’une autre manière différente de la première, mais
toujours sans qu’il arrive à changer la mienne… A la fin, nous nous sommes rendu compte que
nous sommes arrivés à lire le Coran de sept manières différentes(33). Il existe, pour ce Hadîth,
d’autres interprétations qui se rapprochent(34).
Les érudits musulmans sont unanimes à dire que l’objectif visé par ce Hadîth est de ne pas
compliquer l’existence de la Umma quant à la manière qu’il faut suivre pour lire le Coran. Par
contre, ils sont très partagés en ce qui concerne la signification à donner au vocable «manières»
(«al ahruf» en arabe) dans le Hadîth susmentionné, Abû Châma a consacré tout un ouvrage sur ce
qu’il entend par le vocable «manières». A signaler ici que chaque groupe de savants interprétait
le Hadîth selon sa spécialité. Ainsi, les jurisconsultes disaient qu’il s’agissait là entre autres, de
l’absolu et du relatif, du général et du particulier, de l’abrogeant et de l’abrogé, du texte et de
l’exégèse, de l’implicite et de l’explicite, de l’exception et ses règles, etc… Les théologiens,
eux, pensaient qu’il s’agissait de ce qui est licite et illicite, ce qui est authentique et apocryphe,
de l’injonction et de l’interdiction, de la réprimande, de la promesse et de la menace… Pour les
rhéteurs, ce ne pouvait être que l’omission, la liaison, l’explicite et l’implicite, la répétition et
des figures de style telles que la métaphore, la métonymie… Pour les grammairiens, le terme
«ahruf» désigne les idiomes des tribus arabes. Ils citèrent sept idiomes parlés respectivement
par Qoraïch, Hudayl, Thaqîf, Hawâzin, Kinâna, Tamîm et le Yémen. C’était là l’avis d’Ibn
‘Abbâs. Les grammairiens citèrent des termes propres aux idiomes de ces tribus comme «Allahw»
qui signifie «la femme» chez les habitants du Yémen, «yayas» c’est-à-dire «connaître» chez les
Hawâzin…
Les spécialistes des lectures du Coran ont des points de vue rapprochés à propos de la différence
qui existe dans les lectures canoniques. Ces points de vue sont exposés dans les écrits d’auteurs
comme Abû ‘Ubayd Allah Ibn Sallâm, Abû Hâtim As-Sijistânî, Ibn Qutayba et Abû Al Fadl Ar-Râzî.
Quant à Ibn Al Jazrî, il résume son point de vue en disant : «Cela fait maintenant plus de trente
ans que j’essaie de comprendre et d’élucider ce Hadîth et, grâce à l’aide de Dieu, je crois que
je suis arrivé à ce qui pourrait être considéré comme la vérité… J’ai dû, pour ce faire, analyser
toutes sortes de lectures, les meilleures comme les pires…»(35) Le résultat auquel il est arrivé
est, qu’entre ces différentes lectures, il y a sept nuances, ni plus, ni moins. Les voici :
1. Une différence dans la voyellisation des vocables qui ne porte pas atteinte au sens et qui
n’entraîne aucune modification graphique :
Ex : [al bukhlu] (l’avarice) ou [al bahlu].
[yahsibu] (il pense) ou [yahsabu].
La forme graphique de ces vocables reste la même en arabe.
2. Une différence dans la voyellisation des vocables qui entraîne des modifications sémantiques.
La graphie des vocables reste la même.
Dans «Adam apprit de son Seigneur des paroles de prière» (La vache : 37). «Adam» est prononcé
en arabeAdamu (cas nominatif). Si ce nom est prononcé «Adama» (cas accusatif), ce qui est
possible chez des lecteurs non avertis, il y a modification de sens.
3. Existence des paronymes en langue arabe.
Ex : [tablû] et [tatlû]
[nunazîka] et [nunzîka]
4. Une différence dans la graphie des vocables qui restent malgré tout des synonymes.
Ex : [basta] et [basta]
[asirât] et [asirât]
5. Une différence dans le sens et la graphie des vocables.
Ex : [a∫adu minkum] et [a∫adu minhum]
[yatalu] et [yatalu]
6. Vocables antéposés et postposés (ou l’inversion des vocables)
Ex : «Ils tueront et se feront tués» (Le Repentir : 111)
[yaqtulûn wa yuqtalûn]. On aura tendance à dire :
[fayuqtalun wa yaqtulun]
Le sens de ces deux phrases est totalement différent.
7. Les ajouts et les suppressions.
Ex : La suppression de [mâ] dans le verset suivant :
[wa mâ khalaqa adakara wa alunthâ]
«Par la nuit, quand elle étend son voile,
Par le jour, quand il brille de tout son éclat,
Par celui qui a créé le mâle et la femelle» [La nuit : 1-2-3]
Parmi les secrets de ce Hadîth est qu’il a été probablement rapporté lui-même selon «sept
manières». Il a ainsi vu ses significations prendre des proportions très larges et jusqu’à présent,
il reste sujet à d’autres interprétations possibles.
Grâce à ce Hadîth, le Prophète a démontré qu’il était possible aux fidèles de lire de plusieurs
manières le Texte coranique. La Umma s’est donc trouvée à l’aise face à cette problématique,
et on peut dire que ce Hadîth y est pour beaucoup dans la préservation du Coran. C’est un
aspect de la Bénédiction du Très Haut dont a été gratifié le sceau des Prophètes et des
Messagers, qui a donc été divinement inspiré pour émettre ce Hadîth, au sens pluriel. Le fait que
les savants musulmans sont partagés sur la signification de ce dire est une preuve qu’il est
ouvert à différentes interprétations qui ont été toutes bénéfiques pour la sauvegarde du Livre
Sacré.
Le deuxième pilier :
Il s’agit ici de la concordance du Texte lu -tel qu’il est dans la mémoire de ceux qui l’apprennent
par cœur- avec la prononciation de l’alphabet du Coran dit ottoman.
On ne sait pas exactement quel est le nombre d’exemplaires du Coran qui ont été transcrits à
partir de la copie du Coran dit ottoman. Ce que l’on sait est qu’ils étaient cinq. Certaines
sources disent qu’ils étaient sept et qu’ils ont été envoyés à la Mecque, en Syrie, au Yémen, à
Bahreïn, à Basra et à Al Kûfa. Le septième fut gardé à Médine. Toutefois, les exemplaires du
Coran qui sont connus sont celui de Médine, d’Al Kûfa, de Basra, de Syrie et de la Mecque.
Chacun de ces exemplaires était connu comme étant le Recueil -Guide, sorte de vade-mecum
qu’on consultait chaque fois qu’on rencontrait un problème de lecture du Texte sacré.
Il y avait, entre ces exemplaires du Coran, une différence minime qui concernait l’écriture, mais
qui n’avait pas de répercussions sur la sémantique du Texte. Cette différence dans la graphie
donnait une certaine latitude aux spécialistes de la lecture coranique, car notons-le, la graphie
ottomane ne comportait ni voyellisation, ni ponctuation, ce qui donnait lieu à des variantes de
lectures qui étaient en conformité avec l’esprit du «Hadîth des sept manières» ci-haut
mentionné.
Les savants musulmans ont accordé une importance considérable à la forme de la graphie
ottomane à laquelle ils se refusèrent à tout ajout ou suppression ou application d’une nouvelle
règle orthographique. C’est ainsi qu’ils tenaient à préserver la forme graphique d’un vocable,
même si elle ne correspondait plus à sa phonie. Ils ont écrit, par exemple, le vocable «aydin»
(les mains : la puissance) avec deux (y) dans la sourate (Qui éparpillent : 47) : «Nous avons bâti
le ciel par l’effort de notre puissance». De même qu’ils ont écrit «ayyuhâ» tantôt avec le alif et
tantôt en le supprimant. Dans le même ordre d’idées, ils ont beaucoup hésité à employer les
signes diacritiques et la voyellisation. Toutefois, à la fin du premier siècle de l’Hégire, ils ont
été contraints à cet emploi pour éviter des erreurs éventuelles dans la lecture. Le précurseur
dans ce domaine fut Abû Al Aswad Addualî. Puis ce fut au tour de Nasr Ibn ‘Âsim d’introduire les
signes diacritiques dans la graphie pour distinguer entre eux les graphèmes identiques tels que le
(b) :
, le (t) :
, et le (th):
qui, sans ces points s’écrivent de la même façon. On peut
dire la même chose du (j) :
, du (h) :
, et du (h) :
.
Les premiers savants musulmans se sont évertués à utiliser, pour la voyellisation et les signes
diacritiques, une encre de couleur différente de la couleur noire utilisée pour écrire la graphie
consonantique arabe. Au IIème siècle de l’Hégire, d’autres innovations ont été introduites à la
graphie arabe, comme par exemple les voyelles longues, en vue de prémunir la lecture du Coran
contre des déviations préjudiciables à la compréhension. Le grammairien qui s’illustra dans ce
domaine fut Al Khalîl Ibn Ahmad Al Farâhîdî (mort en 170 de l’Hégire/789 de l’ère chrétienne).
On sauvegarda ainsi la graphie coranique et son esthétique et on n’a plus eu recours à des
couleurs différentes pour distinguer entre les signes diacritiques et la voyellisation d’une part,
et les graphèmes d’autre part.
Les déclamateurs du Coran ont écrit beaucoup d’ouvrages sur la calligraphie de ce Texte Sacré.
On peut citer entre autres, les ouvrages d’Abû ‘Amr Ad-Dânî, d’Al Kharrâz Al-Maghribî et de ‘Abd
Allah Ach-Chanqîtî. D’une manière générale, les Musulmans se sont ingéniés à conférer à la
calligraphie utilisée dans le Coran toute la beauté et l’ornementation qu’un tel Texte mérite. Ils
ont produit, dans ce domaine, des chefs d’œuvre incomparables. Les calligraphes les plus
célèbres sont Ibn Al Bawwâb, Ibn Muqla et Ar-Riffâ’î Al Maghribî.
Le troisième pilier : l’authenticité de la chaîne des garants :
Il s’agit là du pilier le plus important qui confirme la façon véritable avec laquelle on doit lire le
Saint-Coran, car quand la chaîne des garants arabe n’est l’objet d’aucune suspicion, tout ce qui
émane d’elle est authentiquement arabe et est consigné dans le Coran.
Il faut noter ici que les spécialistes de la lecture du Texte coranique parmi les Compagnons et
ceux qui sont venus après eux, accordaient la priorité à l’authenticité et à la véracité de la
chaîne des garants. A l’époque du rassemblement du Coran dont il a été fait mention plus haut,
ils n’ont admis que ce qui a été confirmé par le plus grand nombre possible d’autorités en la
matière. De ce fait, le Texte sacré ainsi rassemblé ne comporte aucune déviation. Ce souci de
ne tenir compte que de ce qui a été confirmé par le plus grand nombre de garants dont la
crédibilité n’est contestée par personne les a incités à rejeter des phrases mentionnées dans
certains recueils du Coran qui appartenaient à des spécialistes renommés comme ‘Abd Allah Ibn
Mas’ûd et Ubayy Ibn Ka’b, car il s’est avéré, après de longues analyses et des comparaisons
entre différents recueils du Coran, que ces phrases étaient de simples ajouts dont le rôle était la
clarification et l’élucidation du texte coranique. Les auteurs de ces ajouts n’avaient pas encore
acquis la maîtrise de l’organisation graphique du Texte Sacré avant de recourir à leurs procédés
explicatifs, autrement cette maîtrise aurait pu leur permettre de distinguer dans leur texte ce
qui est inspiration divine de ce qui est notices explicatives.
Il y a consensus de la Umma sur les lectures du Coran, lesquelles ont été léguées à travers le
temps par sept grands déclamateurs dont les noms sont cités dans l’ouvrage d’Ibn Mujâhid. Il
s’agit de Nâfi’ ‘Abd Ar-Rahmân Al Madanî, ‘Abd Allah Ibn Katîr Al Makkî, ‘Abd Allah Ibn ‘Amer
Ad-Dimachqî, Abû ‘Amr Ibn Al‘Alâ Al Basrî, ‘Asim Ibn Bahdala, Hamza Az-Zayyât et Al Kisâî. Les
spécialistes de la déclamation coranique en ont ajouté trois autres qui sont : Abû Ja’far Al
Madanî, Khalaf Al Bazzâr et Ya’qûb Al Hadramî.
Ces lectures sont celles du Prophète lui-même (que la paix soit sur lui). Elles ont été transmises
de génération en génération et se sont propagées parmi les savants des grands centres urbains et
les gens qui savent lire. Plusieurs écrits leur ont été consacrés dont l’ouvrage d’Ibn Mujâhid, les
études d’Al Qâsim Ach-Châtibî, le poème «Hirz al amânî» (l’amulette des espoirs) qui traite du
contenu du livre intitulé «Attaysîr» d’Abû ‘Amr Ad-Dânî, lequel poème fut achevé par Ibn Al Jazrî
par un autre poème qu’il appela «addurratu» (La perle) et qui est identique au poème d’AchChâtibî. Les deux poèmes sont devenus des références fondamentales dans l’enseignement de la
lecture du Coran.
A noter enfin que les déclamateurs du Coran ont mis au point des critères pertinents pour la
critique de l’héritage reçu dans le domaine de la lecture des textes coraniques et ont démontré
si cet héritage provient ou non d’une chaîne de garants crédible. Tout ce qui leur a paru non
conforme aux postulats des trois piliers susmentionnés a été catégoriquement rejeté.
L’exégèse et ses méthodes :
Le discours coranique est composé de versets explicites, dont le sens est clair, de versets
synoptiques dont le sens n’est connu que de Dieu et des vétérans du savoir, et de versets
hermétiques dont Dieu seul à l’accès au sens. Les Musulmans ont donc besoin de recourir à la
Tradition (dires et actions du Prophète) ainsi qu’au patrimoine cultuel légué par les Compagnons
et leurs disciples, pour bien comprendre le contenu de leur Livre Saint.
Les savants musulmans se sont beaucoup intéressés aux sciences exégétiques et ont suivi dans
l’étude du Saint-Coran des méthodes diverses selon leurs propres spécialités. C’est ainsi que les
grammairiens ont axé leurs travaux sur la sémantique et la flexion désinentielle comme cela a
été le cas d’Abû ‘Ubaydah, d’Al Farrâ et de Sarrâj. Certains de ces grammairiens se sont
particulièrement intéressés à la rhétorique et aux figures de style comme Az-Zamakhcharî dans
son «Kachchâf» (Le vérificateur) et Al Baydâwî dans son «Tafsîr» (L’exégèse). Les théologiens,
eux, se sont occupés surtout des préceptes et de leurs sources comme Ibn Al ‘Arabî Al Ma’âfirî Al
Mâlikî et Abû Bakr Al Jassâch Al Hanafî. D’autres savants, par contre, ont tenté d’être plus
exhaustifs dans leur approche du Texte coranique. Ils ont adopté des méthodes éclectiques et se
sont inspirés des dires du Prophète et des Compagnons ainsi que des grammariens et des chefs
des doctrines juridiques. Parmi les exégèses exhaustives les plus célèbres, citons celle de
Mohammad Ibn Jarîr At-Tabarî (à l’époque ancienne) et celle de Mohammad At-Tâher Ibn ‘Achûr
(à l’époque actuelle). Parmi les meilleures exégèses dont nous disposons, nous pouvons citer
celles de ‘Abd Al Haqq Ibn ‘Atiyya, de Mohammad Ibn Ahmad Al Qortobî, d’Abû ‘Alî Al Fadl Ibn Al
Hasan At-Tabarsî, de Chihâb Ad-dîn Al Alûsî et de bien d’autres.
Il faut signaler ici que l’Organisation Islamique compte parmi ses publications un ouvrage sur les
exégèses les plus célèbres (quatre vingt dix à peu près) comportant des renseignements utiles
sur les méthodes suivies dans ces exégèses et leur importance, ainsi qu’une bibliographie de
leurs auteurs. L’introduction de cet ouvrage traite de la genèse de l’exégèse coranique, de son
évolution et de son âge d’or(36).
Bref aperçu sur l’intelligibilité du Coran, ses significations et ses préceptes :
Du point de vue rhétorique, il est possible de distinguer dans le discours coranique quatre genres
de versets :(37)
* Les versets explicites : Ici le sens ne prête à aucune équivoque. Exemple : «Quiconque d’entre
vous verra poindre le croissant jeûnera tout le mois» [La Vache : 185]. La majorité des verserts
coraniques sont explicites.
* Les versets ambigus : Le sens de ces versets n’est connu que de Dieu. Exemples : «Alif. Lâm.
Mîm.» [La Vache : 1]
* «Alif. Lâm. Mîm.» [La Famille D’Imran : 1]
* «Alif. Lâm. Mîm.» [L’Araignée : 1]
* «Hâ. Mîm. » [La Délibération : 1]
* «Hâ. Mîm.» [La Fumée : 1]
* «Hâ. Mîm.» [Les Ornements : 1]
D’autres sourates ont des ouvertures identiques :
* Les versets à sens ambivalent : Il peut y avoir ici des termes à double sens, mais le contexte
permet de lever toute ambiguïté.
Exemple : «Priez».
La prière peut signifier l’imploration de Dieu, mais elle peut également signifier le rite pratiqué
cinq fois par jour par les Musulmans.
* Les versets synoptiques : Ce sont des versets qui ont besoin d’être explicités, car les termes qui
y figurent peuvent être polysémiques. Exemple : «Les Femmes divorcées de vront attendre
durant trois périodes menstruelles avant de se remarier» [La Vache : 227]. Le vocable (qar) en
arabe peut signifier aussi bien «la chasteté» que «la période menstruelle».
Le discours coranique et ses destinataires :
Le discours, dans le Saint-Coran, est destiné d’abord à Mohammad (que la paix soit sur lui) en
tant que sceau des Prophètes et des Messagers, ensuite aux fidèles qui ont cru à Dieu, puis aux
gens du Livre et enfin à toute l’Humanité.
Dieu dit à l’adresse de Son Prophète : «Prophète, prends soin de porter aux hommes la
Révélation qui t’est faite ! Si tu t’abstiens de le faire, tu auras failli à ta mission» [La Table
servie : 67]. La transmission de la Révélation est une obligation pour le Prophète qui doit
«annoncer la Bonne Nouvelle aux hommes, les avertir et les convier vers Dieu avec Sa
permission, à l’égal d’un flambeau rayonnant» [Les Coalisés : 46]. Le Prophète a donc pour
mission d’amener les gens à obéir à Dieu, à croire en Ses Messagers et à ne pas douter de Son
unicité. C’est une grande responsabilité à propos de laquelle Dieu a dit : «Des paroles lourdes de
sens te seront bientôt transmises» (Celui qui s’enveloppe : 5)
Le Prophète était donc tenu, grâce au discours divin qui lui était adressé, d’expliquer aux gens
la religion telle qu’elle doit être appliquée. C’est ainsi qu’il leur a démontré ce qui leur était
permis et ce qui leur était prohibé. Il les a libérés de l’emprise de la gentilité après le rejet, par
eux, de la religion d’Abraham. Bref, le Prophète a fait parvenir aux gens ce dernier Message
divin qui ne leur causa aucune peine, ni aucune difficulté. Dieu a dit : «C’est Lui (Dieu) qui vous
a promu à cet honneur, ne vous astreignant à nulle gêne dans votre religion, la religion de votre
père Abraham. C’est Dieu même qui vous appela autrefois déjà «Les Soumis» [Le Pèlerinage :
78]. Il a dit également : «Point de contrainte en religion. La vérité est désormais distincte de
l’erreur» [La Vache : 256]
Quant au discours adressé aux Musulmans, il a pour objectif de les amener à croire à la mission
de Mohammad, d’accomplir ce qu’il leur ordonne et d’éviter ce qu’il leur interdit. Dieu a dit
:«Ce que le Messager vous donne, prenez-le et ce qu’il vous refuse, renoncez-y» [L’Exode : 7].
Dieu a ordonné qu’on prenne soin de l’unité de la Umma, de la sauvegarde de son existence, de
sa dignité et de la fraternité islamique. Dieu a dit : «Toutes ces religions n’étaient qu’une
religion, Je suis votre Seigneur, adorez-moi». [Les Prophètes : 92]. Il a dit aussi : «Les croyants
sont frères. Rétablissez la paix entre vos frères! Craignez Dieu afin qu’il vous fasse miséricorde!»
[Les Appartements : 10]. «Demeurez tous fermement attachés au pacte de Dieu, ne soyez pas
désunis» [La Famille D’Imran : 103]. «Ne soyez pas comme ceux qui se sont divisés et ont divergé
après avoir reçu Nos Preuves décisives. Voilà ceux qu’attend un terrible châtiment»[La Famille
d’Imran : 105]. «Fuyez toute dispute entre vous, qui affaiblirait votre mordant et entamerait vos
chances de succès! Soyez patients! Dieu est avec les patients». [Le Butin : 46].
Dieu a aussi ordonné aux Musulmans de faire le Bien et d’éviter le Mal. «Vous êtes la meilleure
communauté qui ait émergé face aux nations. Vous recommandez le Bien, proscrivez le Mal et
croyez en Dieu» [La Famille d’Imran : 110]. Il leur a imposé de se constituer en une nation qu’il
a qualifiée de «juste milieu» et qui doit propager la religion musulmane, religion de Bien, à
toute l’Humanité :«Nous fîmes ainsi de vous la communauté du Juste milieu, vous érigeant en
témoins vis-à-vis des hommes, et instituant envers vous pour témoin Notre Envoyé»
Dans le Saint-Coran, le discours est aussi adressé aux gens du Livre, c’est-à-dire les Juifs et les
Chrétiens qui ont, en Islam, une situation particulière qui les distingue des Non-Musulmans. Le
Saint-Coran les a conviés à revoir ce qu’ils entendent par l’unicité de Dieu, et par là à repenser
leur religion. Il leur a démontré que le véritable croyant est celui qui croit à tous les Messagers,
qui ne fait aucune distinction entre eux, et qui rectifie toutes les erreus et les déviations qui ont
altéré leurs missions prophétiques et les religions qu’ils ont prêchées. Dieu a dit : «Dis : O Gens
des Ecritures! Convenons les uns et les autres de ce point commun entre nous, à savoir de
n’adorer que Dieu seul, sans Lui adjoindre d’associé, de ne pas nous prendre les uns et les autres
pour divinités, en dehors de Dieu» [La Famille d’Imran : 64]. Si les pratiques cultuelles
propagées par les Prophètes diffèrent entre elles, il ne faut pas perdre de vue que la religion, en
tant que foi, n’est qu’une. Dieu a prohibé tout schisme en religion. Il a dit : «Il institue pour
vous, en fait de religion, ce qu’Il avait prescrit à Noé, ce qui t’est révélé à toi-même, ce qui fut
donné auparavant à Abrahal, à Moïse, à Jésus. «Acquittez-vous, leur fut-il prescrit, du culte du
Seigneur! N’en faites point, entre vous, un sujet de division!» [La Délibération : 13]. Ceci étant,
les gens doivent embrasser la dernière religion révélée.
Le récit de Moïse, l’interlocuteur de Dieu, revient souvent dans le Coran au point qu’on a taxé
ce dernier de mosaïque. Dieu a dit : «Parle aussi de Moïse dans le Livre. Il était un élu du
Seigneur, un Messager et un Prophète. Nous l’appelâmes du versant droit du Sinaï et l’admîmes
en Notre intimité» [Marie : 51-52].
Le Coran affirme que Jésus est bien le Verbe divin déposé dans le sein de Marie et un Esprit
émanant du Seigneur. Jésus est donc un seviteur de Dieu et un Messager. Dieu a fait de lui et de
sa mère des modèles de vertu pour l’Humanité. Dieu a dit : «Vous, Gens des Ecritures, ne soyez
pas excessifs dans vos dogmes! Efforcez-vous de dire uniquement la vérité à propos de Dieu. Le
Messie, Jésus, fils de Marie est seulement l’Envoyé de Dieu, Son verbe déposé dans le sein de
Marie, un Esprit émanant du Seigneur! Croyez en Dieu et en Ses Prophètes, mais ne parlez pas de
Trinité! Finissez-en; cela vaudra mieux pour vous. Dieu est foncièrement Un. A lui ne plaise
d’avoir un Fils : Sa Gloire ne saurait y consentir. Il est le Maître des cieux et de la terre. Il
répond à Lui seul de toute chose!» [Les Femmes : 171].
Le discours coranique adressé à l’ensemble de l’Humanité invite tous les gens, croyants et
impies, à n’associer aucune divinité à Dieu, à Le vénérer tout seul et surtout à ne pas croire qu’Il
a un Père, un Fils et une Epouse. Dieu a dit : «Il fut un jour où Dieu tira des reins des fils d’Adam
l’ensemble de leurs descendants, et leur demanda, requérant leur temoignage formel : «Ne suisje pas votre Seigneur?». Tous répondirent : «Nous en témoignons!» Ainsi, après un tel aveu, ne
pourrez-vous plus vous prévaloir de votre ignorance une fois que vous serez ressuscités. Ni
encore moins alléguer : «Ce sont nos premiers pères qui ont prêté des associés à Dieu et nous
avons hérité de leur culte. Quoi! Nous feras-tu expier leurs impostures?» [Al A’râf : 172-173].
Dieu a donc ordonné aux êtres humains d’implorer Sa grâce, de craindre Son châtiment et ne
leur a demandé, en matière de religion, que ce dont ils sont capables de faire. Il a dit : «Dieu ne
charge nulle âme au-dessus de ses moyens; et selon qu’elle agit bien ou mal, elle en sera
avantagée ou desservie». [La Vache : 286]. «Qui suit le droit sentier le suit pour son bien ;
quiconque en dévie le fait à son détriment. Nul n’aura à assumer la faute d’autrui ; nul peuple
ne subit un châtiment qu’un messager de Nous ne l’ait déjà averti!» [Le Voyage nocturne : 15].
Par ailleurs, le discours coranique invite les gens à respecter les droits humains, à établir entre
eux des rapports basés sur le bien et à éviter l’injustice et les turpitudes. Dieu a dit : «Dieu
prescrit l’équité, la charité, l’assistance bienveillante aux proches. Il proscrit la turpitude,
réprouve l’inconvenance, stigmatise la violence injustifiée. Dieu vous exhorte ainsi pour vous
inciter à réfléchir» [l’Abeille : 90]. «Humains! Nous vous créâmes d’un mâle et d’une femelle,
pour vous répartir ensuite en nations et en tribus : ainsi vous pourrez vous connaître entre vous.
Les plus honorables d’entre vous auprès de Dieu sont les plus pieux. Dieu est si bien informé, si
clairvoyant à votre sujet.» [Les Appartements : 13].
C’est là donc le discours adressé à l’Humanité d’une manière générale. Il est adressé aux
mécréants pourqu’ils croient en Dieu, et aux croyants pourqu’ils répandent le Bien autour d’eux.
C’est un discours qui demande que les droits de Dieu soient respectés. Dieu est Un. On doit Le
vénérer et Lui obéir. Il demande aussi que les droits des Prophètes soient reconnus. On doit les
croire et suivre leur enseignement. Il demande enfin que les droits de l’homme soient respectés.
Les hommes doivent chercher à se connaître mutuellement, s’entraider et vivre dans la
tolérance.
La traduction des significations du message coranique :
Le Coran est révélé en langue arabe et est destiné à l’Humanité entière. Comme il y a eu
beaucoup de nations non arabes qui ont embrassé l’Islam, elles se sont empressées à apprendre
le Coran par cœur pour accomplir les prières et connaître parfaitment son message et sa
philosophie afin d’agir en conséquence. Les Musulmans non arabes se sont donc mis à apprendre
la langue du Coran dans laquelle ils ont excellé et il est à remarquer ici que beaucoup de savants
musulmans n’étaient pas d’origine arabe comme par exemple Sîbawayh, Abû ‘Alî Al Fârisî et AzZamakhcharî. Certains autres Musulmans dont l’idiome maternel n’était pas l’arabe se sont vus
obligés de se laisser aider, pour bien connaître la religion islamique, par la traduction du
message véhiculé par le Coran, laquelle traduction a commencé très tôt en terre d’Islam. Ainsi
rapporte t-on que Salmân Al Fârisî a traduit la sourate «l’Ouverture» en perse et qu’Abû Hanîfa a
permis à ceux qui ne connaissent pas l’arabe de se contenter, lors des prières, de la traduction
du sens véhiculé par cette sourate. On rapporte également que les significations contenues dans
le Coran ont été traduites en syriaque du temps d’Al Hajjâj Ibn Yûsuf.
Avec l’expansion extraordinaire de l’Islam, les traductions du message coranique se
multiplièrent. Leurs nombres se comptaient par milliers et elles étaient faites dans plus de
soixante langues différentes. Les meilleures d’entre elles furent les traductions en langue perse
et turcque qui partagent avec la langue arabe et l’alphabet et une partie du lexique. Les
affinités qui existaient entre les savants perses, turcs et arabes qui se partagaient la même foi
et la même culture, étaient à l’origine de la réussite des traductions du message coranique en
perse et en turc.
Le message coranique fut aussi traduit en langue urdu, langue d’un grand nombre de savants
musulmans, ainsi qu’en langues chinoise, nipponne et en plusieurs langue africaines dont le
swahili en particulier.
En Europe, les idées coraniques furent traduites en latin au milieu du XIIème siècle de l’ère
chrétienne, puis les traductions se sont succédé dans les langues vivantes telles que l’anglais, le
français, l’espagnol, l’italien, l’allemand. La publication de ces traductions eut lieu à partir du
XVIème siècle, mais ce qu’il faut remarquer ici c’est que les traductions européennes étaient,
dans leur totalité de basse facture. Le message coranique fut sciemment ou par simple ignorance
complètement dénaturé. Ce n’est que ces derniers temps que parurent des traductions
effectuées par des savants et des linguistes arabes qui ont pu rectifier bon nombre d’erreurs
dont étaient truffées les premières traductions.
Publications du Coran, des exégèses et des traductions coraniques par les moyens d’impression
moderne
L’imprimerie a été inventée en Europe au XVème siècle et la première édition du Coran parue,
en dehors du monde islamique, fut à Venise (Italie) au début du XVIème siècle.
Le retard qu’a pris l’impression du Coran par rapport à la date de l’invention de l’imprimerie est
dû à deux causes :
- La première est que l’imprimerie n’a connu son essor dans le monde islamique qu’à une date
tardive par rapport à la date de l’invention de l’imprimerie.
- La seconde réside dans le fait que les savants musulmans ont hésité à imprimer le Coran de
peur de défigurer sa calligraphie à laquelle ils tenaient beaucoup. Un autre problème qui les
inquiétait est le sacrilège qui pouvait être commis en confiant l’impression du Coran, Livre
Sacré, à des Non-Musulmans. Leur attitude hésitante était justifiée par le fait que l’édition de
Venise était bourrée d’erreurs graves et ce, dès la sourate «l’Ouverture», et que l’édition de
Hambourg qui a suivi celle de Venise, était elle aussi déformée, car elle a considéré le Coran
comme l’œuvre de Mohammad et n’a, à aucun moment, parlé de son message prophétique.
Avec le progrès technologique et la participation de la Umma islamique dans la diffusion du
savoir par le biais de l’imprimerie, les Musulmans ont pu trouver les solutions idoines pour une
impression du Coran qui tienne compte de ses règles calligraphiques et typographiques ainsi que
de sa sacralisation.
Les publications du Coran se sont succédé et à chaque nouvelle édition, la qualité matérielle
connaissait un haut degré de perfectionnement. On peut signaler ici que, parmi les Institutions
islamiques modernes qui se sont spécialisées dans l’édition du Coran et les traductions de ses
significations, il y a «l’Académie du Roi Fahd» à Médine. Cette Académie publie des millions
d’exemplaires du Coran dont la révision, avant sa publication, est assurée par d’éminents
spécialistes dans les études coraniques et l’art de la déclamation. On peut citer aussi le travail
accompli dans ce domaine par les Ministères des Affaires religieuses dans les pays islamiques
ainsi que par l’Université Al Azhar en Egypte et bien d’autres Organismes publics et privés.
Aujourd’hui, le Coran -son exégèse et ses traductions- peut être consulté sur internet. Toutefois,
certains sites non contrôlés par les Musulmans, présentent des éditions du Coran où les erreurs
typographiques ne manquent pas.
Section
Le discours prophétique
IV
La Tradition prophétique est l’ensemble des dires, des actions et des décisions du Prophète (que
la paix soit sur lui) et est considérée par les Musulmans, comme la deuxième partie du discours
religieux en Islam. C’est la Sagesse dont Dieu dota le Prophète quand Il lui a révélé le SaintCoran. Dieu a dit : «Dieu t’a révélé le Livre et la Sagesse, Il t’a enseigné ce que jamais tu
n’aurais pu savoir par toi-même! La faveur de Dieu a été immense à ton égard.» [Les Femmes :
133]. Ce que dit le Prophète, ce qu’il transmet aux hommes avec toute la sincérité d’un homme
probe est la pure vérité, et Dieu le démontre bien quand il dit : «Ses propos ne procèdent pas de
sa propre inspiration. C’est uniquement révélation inspirée» [L’Etoile : 3-4]
La Tradition comprend, entre autres, les dires du Prophète qui sont de deux sortes :
* Le Hadîth Qodsi (divin) :
Ce sont les Hadiths que Mohammed (Q.P.S.L.) rapporte directement au nom de Dieu. C’est en
quelque sorte la parole de Dieu dite par le Prophète, comme ce Hadîth qui dit : «Mon serviteur a
confiance en moi et moi je suis à ses côtés. S’il pense à moi, je pense à lui. S’il prononce mon
nom en présence d’une assistance, je prononcerai le sien dans une assistance meilleure. S’il me
fait don d’un présent si anodin soit-il, je le lui rendrai au centuple. S’il vient à moi en marchant,
j’irai à sa rencontre en courant.»(38)
Il ne s’agit pas là de Coran, car celui-ci -expression et contenu- émane de Dieu et est, de ce fait,
inimitable.
* Le Hadîth de tradition :
Il s’agit ici de paroles dites par le Prophète (que la paix soit sur lui) loin de toute inspiration
divine directe. C’est le Prophète lui-même qui s’exprime sur les choses de la vie.
La Tradition a pour rôle d’expliciter ce qui a été dit brièvement dans le Saint-Coran. Elle
explique en détails ses lois et ses préceptes. Il arrive des fois qu’elle décrète de nouvelles lois.
Celles-ci sont alors le fruit d’une inspiration divine au plan du contenu et non point de
l’expression, autrement dit l’idée est de Dieu, mais l’expression est de Mohammad (que la paix
soit sur lui). Ne font pas partie de la Tradition les mouvements innés du Prophète, comme sa
façon de marcher par exemple ou ses avis proprement personnels comme les idées émises par lui
sur la fécondation du palmier.
Les thèmes abordés par la Tradition sont nombreux. On y trouve de tout : des ordres et des
interdictions, des directives et des conseils, des prières et des invocations, etc … Tous les dires
du Prophète, ses actions et ses décisions sont des explicitations des préceptes islamiques dont la
base est le Saint-Coran. Dans ce sens, on peut dire que la Tradition prophétique est le
prolongement et le complément du Saint-Coran.
Rassemblement et transcription des dires du Prophète :
Du temps du Prophète (que la paix soit sur lui) on n’avait pas l’habitude d’écrire le Hadîth
comme on le faisait pour le Coran. Ecrire le Hadîth était même interdit de crainte qu’il ne soit
confondu avec le Texte coranique. Abû Sa’îd Al Khudari rapporte que le Prophète (sur lui la paix)
a dit : «Ce que je vous dis ne doit pas être écrit. Quiconque écrit ce que je dis et qui ne serait
pas le Coran, doit le détruire… Discutez mes propres paroles autant que vous voulez et de la
manière qui vous plaît. Celui qui me ferait dire ce que je n’ai pas dit -c’est Humâm qui rapporte
cela- l’aurait fait sciemment et il doit s’attendre à l’Enfer»(39).
Il y a des Traditions qui prouvent que le Prophète (sur lui la paix) a autorisé ‘Abd Allah Ibn ‘Amr
Ibn Al ‘Âs d’écrire le Hadîth. Al Bukhâri rapporte qu’Abû Hurayra n’écrivait pas le Hadîth, mais il
l’apprenait par cœur, alors que ‘Abd Allah Ibn ‘Amr Ibn Al ‘Âs l’écrivait(40). Il rapporte que Anas
Ibn Mâlek écrivait le Hadîth, que Jâber Ibn ‘Abd Allah avait un carnet sur lui où il notait les
Hadîths et que l’Imâm ‘Alî Ibn Abî Tâleb gardait avec soin dans l’étui de son sabre, un feuillet où
il inscrivait les Hadîths(41). De son côté, Al Walîd Ibn Chujâ’ nous informe que le nommé Al
Mubârak Ibn Sa’îd a dit : «Sufiân écrivait le Hadîth sur le mur pendant la nuit. Au petit matin, il
l’effaçait après avoir pris soin de l’écrire sur une feuille»(42).
Ces informations, malgré leur véracité, ne sont pas suffisantes pour confirmer que les dires du
Prophète ont été écrits dans leur totalité à son époque comme ce fut le cas pour le Coran. Cela
ne veut pas dire, non plus, que les Hadîths, qui n’ont été que partiellement écrits du temps du
Prophète, ont disparu de la mémoire de ceux qui les apprenaient par cœur à l’époque du
Prophète et des quatre Califes orthodoxes. Tous les Compagnons tenaient à apprendre par cœur
les dires du Prophètes. Ils y recouraient dans leurs discussions pour confirmer ou infirmer tel ou
tel fait et ils les ont faits apprendre aux générations montantes de l’époque. Parmi ces
Compagnons : Abû Hurayra, ‘Âïcha, Jâber Ibn ‘Abd Allah, Abû Sa’ïd Al Khudrî et ‘Abd Allah Ibn
‘Abbâs etc …
Ce n’est qu’au cours des dernières années du 1er siècle de l’Hégire que commença la
transcription des Hadîths, suite à l’ordre donné par le Calife ‘Umar Ibn ‘Abd Al ‘Azîz à Abû Bakr
Ibn ‘Amr Ibn Hazm. Celui-ci fut chargé de transcrire les Hadîths ainsi que les jugements des
Compagnons.
Parmi ceux qui ont joué un rôle primordial dans la transcription des Hadîths, on peut citer
Mohammad Ibn Chihâb Az-Zuhrî et Sâleh Ibn Kîsân.
Les recueils de Hadîths parurent à la deuxième moitié du IIème siècle de l’Hégire. Ibn Hajar(43)
cite parmi les premiers auteurs de ces recueils, Ar-Rabî’ Ibn Subayh et Sa’d Ibn Abî ‘Urwa Al
Basrî. Vint ensuite Imâm Mâlek qui fit paraître son ouvrage «Al Muwatta» à Médine, et dans
lequel il a réuni en plus des Hadîths du Prophète, ceux des Compagnons et les fatwas de leurs
disciples. Après, parurent en une seule époque, les recueils des auteurs suivants : ‘Abd Al Malek
Ibn Jarîh à la Mecque, Al Awza’î en Syrie, Sufiân Aththawrî à Kûfa, Hammâd Ibn Salmah à Basra,
Huchaym Ibn Bîchû à Wasêt, Mu’ammar Ibn Râched As-San’ânî au Yémen, ‘Abd Allah Ibn Al
Mubarâk à Khorasân et Jarîr Ibn ‘Abd Al-Hamîd à Rayy. On ne sait pas qui fut le premier à avoir
sorti son recueil parmi ces auteurs.
La transcription des Hadîths va connaître un développement important par la suite grâce à
d’éminents érudits tels que Chu’bah Ibn Al Hajjâj, Sufiân Ibn ‘Uyagnah, ‘Abd ALlah Ibn Wahab et
‘Abd Ar-Rahmân Ibn Mahdî. Ces savants qui mémorisaient un grand nombre de Hadîths vont
contribuer à asseoir les fondements des Sciences de la Tradition.
Références principales sur la Tradition :
L'opération de transcription des Hadîths va se poursuivre jusqu’à l’apparition d’ouvrages
volumineux au IIIème siècle de l’Hégire et ce, grâce aux efforts déployés par l’Imâm Ahmad Ibn
Hanbal et Ibn Abî Chîba. C’est l’époque où les grands spécialistes de la Tradition vont préparer
leurs livres qui resteront célèbres jusqu’à nos jours. Citons le «Sahîh» (Le Vrai Hadîth) de
Mohammad Ibn Ismâ’il Al Bukhârî, le «Sahîh» de Muslim Ibn Al Hajjâj et les ouvrages qui
jouissent d’une grande réputation comme ceux d’Abû Dâwud, At-Tirmîdî, Ibn Mâja et An-Nisâi.
Il va sans dire que tous ces auteurs n’ont jamais prétendu que leurs ouvrages sont exhaustifs et
qu’ils renferment, par conséquent, tous les Hadîths authentiques. Le «Sahîh» d’Al Bukhârî, par
exemple, recense environ sept mille Hadîths dont le texte d’un certain nombre d’entre eux
connaît des reformulations différentes. Notons, cependant, qu’At-Tabarânî a rassemblé un
nombre considérable de Hadîths, de même As-Suyyûtî (dans «Al Jâmî’u al Kabîru») et Al-Albânî
dans sa série de Hadîths authentiques et ceux dits de faible crédibilité.
La classification adoptée dans la présentation des Hadîths obéit à la thématique de ces derniers
: les pratiques cultuelles, la purification légale, la prière, le jêune, l’impôt (la zakât), les
relations humaines, les péchés, etc.
Les degrés de la hiérarchie des Hadîths :
Il existe trois catégories de Hadîths : les Hadîths authentiques, les Hadîths sains et les Hadîths de
faible crédibilité. Les théologiens ont mis au point des méthodes qui permettent de distinguer
entre ces différentes catégories de Hadîths.
* Les Hadîths authentiques (sahîh) :
Le Hadîth est dit authentique quand la chaîne des garants est parfaite, et ne pose sur le plan du
contenu aucun problème de fiabilité et de crédibilité. Ici, tous les transmetteurs du Hadîth sont
connus, depuis celui qui le rapporte jusqu’à celui qui l’a entendu de la bouche même du
Prophète (sur lui la paix). Voici un Hadîth authentique dont tous les chaînons de l’isnâd
(transmission) sont connus(44) :
«Il vous interdit de vous livrer à la concurrence déloyale, à l’escroquerie et à la vente illicite».
Il est possible que la chaîne des transmetteurs d’un Hadîth soit juste et qu’il soit, malgré tout,
considéré comme extravagant. Les spécialistes des sciences du Hadîth définissent l’extravagance
comme une information rapportée par un homme digne de confiance dont la chaîne des
transmetteurs qu’il cite est juste, sauf que cette information est considérée comme erronée ou
déformée par l’ensemble de ses confrères, hommes dignes de foi comme lui. Un exemple de
Hadîth extravagant est rapporté par Humâm Ibn Yahyâ d’après Jurayh, d’après Ziyâd Ibn Sa’d,
d’après Anas qui a dit que le Prophète (sur lui la paix) portait un anneau en argent dont il a fini
par se débarrasser(45). Les rapporteurs de ce Hadîth sont des hommes dignes de confiance et sa
chaîne de transmetteurs est juste, mais l’information ne l’est pas, car ce qui est propagé par
l’ensemble des rapporteurs crédibles et ce qui est connu d’eux est que l’anneau du Prophète
(que la paix soit sur lui) était en or et non pas en argent(46). L’extravagance contribue à
diminuer la crédibilité d’un Hadîth comme le fait d’ailleurs l’imputation diffamatoire. C’est le
cas du Hadîth relatif à l’ouverture de la prière par la «basmala» (le fait de dire : au nom de
Dieu, le Clément, le Miséricordieux) qui fut rendu peu crédible à cause des mots différents dans
lesquels il fut rapporté.
Les spécialistes du Hadîth notifient que ce que l’on veut signifier par «Hadîth authentique»,
c’est tout Hadîth qui «réunit les conditions extérieures», c’est-à-dire tout Hadîth dont on n’a
aucun doute sur la chaîne de ses transmetteurs, comme le dit d’ailleurs Zayn Ad-Dîn Al ‘Irâqî
dans un long poème relatif à la science du Hadîth (Al Alfiyya) :
Par (le Hadîth) authentique et (le Hadîth) pur crédible,
(les savants) visent l’aspect formel, non le sens profond …
Ceci veut dire que même si la chaîne des transmetteurs ne comporte aucune erreur, le contenu
du Hadîth peut être erroné, car les transmetteurs dignes de confiance sont susceptibles de se
tromper. Ils peuvent oublier un mot ou substituer un mot à la place d’un autre, ou omettre une
particule grammaticale ou en ajouter une et tout cela peut altérer le sens du Hadîth.
Le Hadîth sain (hasan)
La deuxième catégorie des Hadîths est celle des Hadîths sains. Ce sont ceux rapportés par des
transmetteurs qui n’ont jamais été accusés de mensonge. Ils sont loin de toute extravagance,
mais n’atteignent pas la véracité totale des Hadîths authentiques, c’est-à-dire qu’ils comportent
un doute très anodin sur tel chaînon de l’isnâd. Toutefois, les Docteurs de la loi les agréent et
les adoptent parce qu’il existe des Hadîths authentiques qui soutiennent leur contenu
sémantique ou bien parce que le message qu’ils apportent est en parfait accord avec les
préceptes de la religion islamique. A part les Hadîths authentiques qui ont fait l’objet du travail
assidu accompli par Al Bukhârî et Muslim qui ne se sont intéressés d’ailleurs qu’à ces Hadîths, la
majorité des autres Hadîths ont été considérés comme des Hadîths sains, car ceux qui les ont
rassemblés ont toujours démontré une certaine tolérance vis-à-vis de tel ou tel chaînon de
l’isnâd, ce qui n’était pas le cas d’Al Bukhârî et de Muslim.
Le Hadîth de faible crédibilité (da’îf) :
Il y a beaucoup de types de Hadîths «da’îf». On estime leur nombre à plus d’une quarantaine.
Quand des critiques fondées peuvent être soulévées au sujet d’un ou plusieurs transmetteurs et
de leur fidélité à la Tradition, on parle de Hadîth de faible crédibilité (da’îf).
Le type le plus célèbre est celui dont la chaîne des transmetteurs est tronquée. Il est dit
énigmatique quand deux chaînons de l’isnâd lui font défaut ou qu’il repose sur un transmetteur
particulier. Quand un Suivant l’attribue au Prophète (sur lui la paix), il est dit «mursal»
(rapporté sans ‘isnâd”) et son statut devient alors particulier, car certains savants n’ont pas
hésité à le considérer comme Hadîth authentique «sahîh».
Un autre type de Hadîth «de faible crédibilité» est celui rapporté par le procédé dit «al ‘an’ana»
(utilisation de la préposition «‘an» (par la voie de) marquant la provenance. Cela concerne les
Hadîths où l’un des transmetteurs de la chaîne des garants est connu pour ses penchants
frauduleux. La fraude consiste ici à faire croire que la chaîne des transmetteurs est sans
défaillance, malgré les défectuosités qu’elle présente (omission du nom d’un ou plusieurs
transmetteurs ou substitution du nom du transmetteur par un autre nom inconnu des gens).
Un autre type de Hadîth «de faible crédibilité» est celui qui est forgé de toutes pièces. On
l’impute mensongèrement au Prophète (sur lui la paix). Les forgeurs des Hadîths sont légion.
Beaucoup d’ouvrages on été écrits sur eux pour dénoncer leur imposture et mettre les gens en
garde contre leurs mensonges.
Les raisons à la confection des faux Hadîths sont connues. Les spécialistes de la Tradition citent
par exemple :
* Les agissements des hérétiques et des hypocrites, ennemis de l’Islam.
* Les manigances des passionnés des innovations blâmables pour soutenir coûte que coûte leur
religion à eux.
* Les intentions de certaines personnes naïves qui ont été amenées à forger des Hadîths sur les
vertus des sourates afin d’inciter les gens à lire le Saint-Coran. Les gens se sont laissés leurrer
par ces Hadîths et ont fini par croire qu’ils étaient des Hadîths authentiques.
Un exemple des Hadîths inventés, ceux de ‘Ismat Ibn Nûh Al Marwazî.
Parmi les Hadîths de faible crédibilité qui se sont infiltrés dans les écrits islamiques, il y a lieu
de citer les Hadiths dits «israélites» qui sont des récits rapportés par des ignares ou des
inconnus.
Les spécialistes et critiques du Hadîth ont déployé d’énormes efforts pour la mise au point d’une
batterie de règles leur permettant de déceler les Hadîths qui ont été forgés de toutes pièces par
les falsificateurs et ainsi de mettre de l’ordre dans ce legs si précieux. Ils ont établi les règles de
l’isnâd (chaîne des garants), sans lesquelles il aurait été possible pour n’importe qui de dire ce
qu’il a envie de dire.
Ils ont également rédigé des ouvrages biographiques sur les transmetteurs et ont institué des
échelles d’évaluation à leur intention. C’est ainsi qu’ils ont distingué parmi les transmetteurs,
ceux qui font figure d’autorité (les sommités), ceux qui sont droits et probes et ceux auxquels on
n’a rien à reprocher. Ils ont distingué également les forgeurs des Hadîths, les menteurs, ceux
qui, beaux parleurs, excellent dans l’adoucissement de leur discours, ceux dont on accepte
qu’ils fassent référence à un groupe et non à un tel autre, comme ce fameux Ismâël Ibn ‘Ayyâch
dont on accepte qu’il parle des Syriens, mais dont on se méfie quand il rapporte des
informations sur les habitants du Hedzâz.
Par ailleurs, ils ont mentionné que certains transmetteurs ont été la proie à la démence sénile.
Ils ont signalé avec exactitude la date où ces transmetteurs ont commencé à tout confondre et
ont, par conséquent, accepté les Hadîths rapportés par eux alors qu’ils étaient lucides et rejeté
ceux rapportés par eux du temps où tout se confondait dans leur esprit.
Ils ont aussi mis au point des règles de la narration du Hadîth pour être mieux en mesure de
confirmer ou de mettre en doute l’information qu’il véhicule. Ils se sont intéressés
particulièrement aux vocables ayant trait au champ sémantique de l’audition et ont ainsi
distingué entre des verbes tels que «renseigner», «informer», «rapporter», «dire», «ouïr». De
même qu'ils ont analysé et démontré les critères de recevabilité en matière de narration du
Hadîth.
Tous ces efforts qui ont été accomplis dans la rectification des Hadîths, aussi bien ce qui
concerne leur rassemblement et leur classification que leur critique et leur évaluation, ont été à
l’origine de l’éclosion d’une science spécifique aux érudits musulmans dont le souci constant a
été d’élaguer le discours prophétique de tout élément parasitaire afin qu’il ait l’allure qui lui
convient et qui est, en fait, le sien.
Grâce aux exégèses qu’ils ont effectuées sur les Hadîths afin de déceler leurs bizarreries et le
caratère singulier de certains d’entre eux, les grammairiens ont apporté une aide appréciable
aux spécialistes du Hadîth. Ceux-ci ont été également à l’école des théologiens qui se sont
beaucoup intéressés à la critique du contenu du discours législatif de la Tradition dont ils ont
critiqué le corpus, qui ont analysé les Hadîths qui présentent le même contenu, mais qui sont
rapportés différemment, ceux d’entre eux qui ont été mis en application et ceux qui ont été
rejetés, ceux enfin dont le contenu est resté en vigueur et ceux dont le contenu a été abrogé
par un autre Hadîth ou par le Coran.
Toutes ces actions conjuguées donnent aux gens, de nos jours, une idée claire de l’importance
du discours religieux de la Sainte Tradition.
Ce qu’il faut signaler ici, c’est que l’expansion du discours traditionniste est restée limitée, car
il n’y avait presque que les spécialistes qui s’y intéressaient, et en langue arabe quasi
exclusivement. Il n’y eut qu’un nombre fort restreint de Hadîths qui furent traduits. Toutefois,
les plus importants recueils de Hadîths, à savoir le «Sahîh» d’Al Bukhârî et le «Sahîh» de Muslim
furent traduits en français et en anglais.
Pour ce qui est de la publication de la Tradition par les moyens modernes d’impression, elle a
connu un essor considérable. Les recueils des Hadîths les plus célèbres sont publiés dans des
éditions spéciales et sont disponibles sur les CD-Rom, comme par exemple le «Sahîh» d’Al
Bukhârî, le «Sahîh» de Muslim, «Al Muwatta» de Mâlek, «Al Musnad» de Ahmad, «Sunanu» Ibn
Mâja, «Sunanu» At-Tirmîdzî, «Sunanu» Ad-Dâramî, etc … Ont été publiés de même des
commentaires des Hadîths dont «Fath al Bârî» d’Ibn Hajar Al ‘Asqillânî et bien d’autres.
Ces derniers temps, on a vu se multiplier les CD-Rom des Encyclopédies des Hadîths. Sur
internet, aujourd’hui, on peut consulter aisément la Tradition qui dispose de nombreux sites
dont le plus célèbre porte le nom de «muhaddith».
Le contenu de la Tradition :
Le contenu de la Tradition comprend :
* Les paroles du Prophète (que la paix soit sur lui) adressées au Seigneur où il implore Son aide
afin qu’il puisse réussir à répandre le Bien autour de lui, éviter les turpitudes, se rapprocher des
nécessiteux et les aimer. Le Prophète implore Dieu, demande Son pardon, se rapproche de Lui
par les prières et communie avec Lui en Le glorifiant.
* Les discours du Prophète adressés aux croyants pour leur donner plus de détails sur les
préceptes religieux mentionnés laconiquement dans le Saint-Coran, leur apprendre les cinq
piliers de l’Islam, les renseigner sur la foi et ses différentes facettes, sur la charité et ses degrés
et les guider vers le chemin de la piété et de la droiture. Mohammad (que la paix soit sur lui) dit
aux croyants : «Ce qui est licite est évident, ce qui est illicite l’est de même et, entre les deux il
existe des choses suspectes susceptibles d’induire en erreur et qui sont inconnues de beaucoup
de gens. Quiconque les évite aura défendu sa foi et sauvé sa dignité et quiconque s’y laisse
prendre est pareil à un berger dont le troupeau paît dans un endroit interdit qui risque de lui
être fatal»(47).
* Les directives prodiguées par le Prophète (sur lui la paix) à la Umma afin qu’elle veille à son
union et à sa fraternité. Les croyants, dans leur union fraternelle, l’amour qui les lie et les liens
d’affection qu’ils entretiennent entre eux, sont solidaires comme les organes qui constituent le
corps humain. Si un organe est atteint par un quelconque dysfonctionnement, c’est tout le corps
qui lui vient en aide pour le protéger et lui porter secours et remède(48). Le Musulman est le
frère du Musulman. Il ne doit ni l’opprimer, ni le trahir(49) . L’entraide doit être de rigueur
entre les Musulmans qui doivent éviter de se faire du mal les uns aux autres. L’équité pour tous
doit être leur devise(50). Toutes les actions humaines doivent être régies et déclenchées par de
bonnes intentions et chaque individu sera rétribué pour les actions qu’il aura accomplies, selon
ses intentions, bonnes ou mauvaises…(51)
* Les ordres et les recommandations du Prophète (sur lui la paix) adressés aux Musulmans
pourqu’ils propagent la paix à travers le monde. Selon ‘Abd Allah Ibn ‘Amr, un homme a
demandé au Prophète (sur lui la paix) : «Quel est le meilleur message de l’Islam?» Le Prophète
lui a répondu : Venir en aide aux nécessiteux et saluer (dire «paix soit sur vous») ceux qu’on
connaît et ceux qu’on ne connaît». Les Musulmans ont le devoir de répandre le Bien autour
d’eux. Ils doivent être équitables dans leur jugement et éviter de trahir, de médire et de
calomnier autrui.
Conclusion :
Le discours religieux en Islam, tant celui du Coran que celui du Prophète est l’expression de
l’alliance qui unit le Très-Haut aux créatures humaines. Il est le prolongement de la mission
céleste qui se traduit par l’honneur que Dieu fait à l’homme en le dotant de la raison et en lui
faisant assumer la responsabilité ici-bas. Dieu a dit : «Nous avons certes proposé l’Engagement
au ciel, à la terre, aux montagnes. Tous refusèrent d’en assumer le dépôt et en furent effrayés.
Seul l’homme s’en chargea sans être foncièrement injuste et insensé» [Les Coalisés : 72].
Quiconque saura assumer le dépôt de la foi ici-bas sera très bien récompensé à l’Au-delà et
quiconque faillira à cette tâche s’exposera au malheur et sera injuste envers lui-même. Dieu a
dit : «Dieu eût pu faire des hommes une seule communauté, s’Il l’avait voulu. Ils ne cesseront
d’être en divergence. A part ceux que Dieu a touchés de Sa grâce. C’est pour être si différents
qu’Il les a créés.» [Houd : 118.119].
L’homme - que Dieu a gratifié en le dotant de la faculté de raisonner et de comprendre et en le
chargeant d’assumer le dépôt - doit se plier aux directives contenues dans le discours religieux.
Pour ce faire, il doit comprendre ce discours dans ses détails et ses subtilités, et savoir ce qu’il
prône et ce qu’il prohibe pour en tenir compte dans la vie et ce, en conformité avec des
principes clairs que les jurisconsultes résument dans les points suivants :
* La sauvegarde de la vie :
La vie est ce souffle que Dieu a entreposé en l’homme. Tuer une vie équivaut, selon Dieu, au
meurtre de toute l’Humanité : «Quiconque aura tué un être humain sans que celui-ci ait commis
un homicide ou semé le désordre sur terre sera censé avoir tué l’humanité entière. Celui qui
aura sauvé la vie d’un seul homme sera tenu pour le sauveteur du genre humain» [La table servie
: 32]
* La sauvegarde de la raison :
La raison est ce qui nous permet d’exister en tant qu’êtres humains. Nous devons donc la
protéger de tout ce qui peut lui nuire comme les boissons ou la drogue.
* La sauvegardede la foi :
La foi est salvatrice ici-bas. Elle est bénéfique pour l’être humain. Pour la sauvegarder, il faut se
cramponner aux valeurs et aux principes qu’elle propage.
Observer ce que la foi nous impose comme prescriptions c’est s’assurer une vie meilleure à l’Audelà, loin des affres de la géhenne.
* La sauvegarde des biens matériels :
Les biens matériels sont nécessaires à la vie de l’homme. C’est la source de la charité et c’est
grâce à ces biens que l’homme, vicaire de Dieu sur terre, peut contribuer au progrès de la
société et de la civilisation humaines.
* La sauvegarde de la progéniture et de l’honneur :
C’est dans les liens familiaux et l’attachement à l’homme que réside la dignité de l’homme, et
les préserver c’est préserver les valeurs sociales avec ce qu’elles engendrent comme équilibre
au niveau de l’individu, de la famille et de la collectivité.
Ceci étant, quiconque se laisse abuser et commet des turpitudes doit savoir que «c’est Dieu luimême qui agrée le repentir de Ses serviteurs et qui reçoit leurs dons pieux. Dieu est celui qui
pardonne et qui fait miséricorde» [Le Repentir : 104], «Il n’est pas de pardon pour ceux qui ne
cessent de faire le mal et qui, sentant venir la mort, disent : «A présent, nous nous repentons!»,
pas plus que pour ceux qui meurent en incroyants. A ceux-là seront réservés d’affreux
tourments» [Les Femmes : 18].
NOTES
1. Voir ici-même l’article d’Abd Aziz Ben Abdellah.
2. * «Rahmatun lil’âlâmîna», Tome I, p. 47.
* Ibn hichâm, Tome I, pp. 235-236.
* Fî Dilâli al Qur‘âni, Tome 29, p. 166.
3. * Sahîh Al Bukhârî - Hadîth n° 6472.
* Sahîh Muslim, (Le Livre de la vision, hadîth n° 4201).
* Sunanu A
bî Dâûd, le Livre de la morale, Hadîth n° 4364.
4. Ibn Hajar a dit : «Al Bayhiqî rapporte que la période de la vision prophétique a duré six mois,
ce qui veut dire que le commencement de la mission prophétique par le biais de la vision a eu
lieu le mois de sa naissance qui est Rabi’I, alors qu’il avait quarante ans et que débuta la
Révélation proprement dite au cours du mois de Ramadan» (Fathu al Bârî - 1/27).
5. Pour de plus amples détails, voir «Précis sur la biographie du Messager» du Cheïkh’Abd Allah
Ibn Mohammad Ibn’Abd Al Wahhâb An-Najdî (p.75). L’on sait que la nuit sacrée eut lieu pendant
le mois du Ramadan. C’est ce que laisse entendre le verset suivant :«Nous l’avons envoyé dans
une nuit bénie, Nous qui avons voulu avertir les hommes» (La fumée : 3). La retraite du Prophète
(que la paix soit sur lui) à Hîra fut au cours du mois de Ramadan. Et c’est au cours du même mois
et au mont Hîra lui-même qu’apparut l’archange Gabriel.
Il y eut des controverses à propos du jour du commencement de la Révélation. Certains ont dit
que la Révélation débuta le septième jour du mois de Ramadan. D’autres ont dit que cela débuta
le dix-septième jour. D’autres encore ont dit que cela eut lieu le dix huitième jour. Voir à ce
propos : «Rahmatun lil’âlamîna 1/49», et le «Précis sur la biographie du Messager», p. 75.
Dans son livre intitulé :«Conférences sur l’histoire des Nations musulmanes», Al Khudarî avance
que la Révélation débuta le dix-septième jour du mois de Ramadan.
Quant à nous, nous pensons que la Révélation débuta le 21 du mois de Ramadan bien que nous
sachions que personne n’a parlé de ce jour. Or, il faut savoir que la quasi-totalité de ceux qui
ont rédigé la biographie du Prophète (que la paix soit sur lui) sont unanimes à dire que la
Révélation débuta un lundi. Les spécialistes de la Tradition corroborent ce fait eux qui
rapportent que, d’après Abû Qutâda (que Dieu soit satisfait de lui), le Messager (que la paix soit
sur lui) fut interrogé à propos du jeûne le premier jour de la semaine, c’est-à-dire le lundi. Il
répondit : «Je suis né un lundi et la Révélation m’a été faite un lundi». (voir «Sahîh» de Muslim,
1/368 ; d’Ahmed, 5/297-299) ; d’Al Bayhîqî, 4/286-300 ; d’Al Hâkim, 2/602). Or, le lundi du
Ramadan de cette année-là correspond au 7, 14, 21 et 28 de ce mois.
6. Voir Biographies du Prophète des auteurs suivants : Ibn Hichâm et Abd Al Wahhâb An-Najjâr.
24. Il existe douze tomes dans cet ouvrage. La première édition est parue à Damas en 1946. La
deuxième au Caire en 1948 et la troisième au Caire en 1956 (Dâr Annach Issa Al Bâbî Al Halabî.
25. C.D. ROM. Saint-Coran 6.31, Ed. Sakhr Logiciels, 1991-1996.
26. Cette classification est souvent rééditée. L’édition la plus célèbre en arabe est celle de Dâru
al kitâbi al’arabiyyi al-lubnâniyyi. Beyrouth. On y trouve l’index d’Edouard Montanier intitulée
«Al Mustadraku».
27. Le Coran : Traduction et présentation nouvelles. Exemplaire n° 741, Rabat, 1956.
28. «Le yique thématique du Coran» de Mohammad Khalîl Itânî Dâr - Al Ma’rifa. Beyrouth. 200.
29. «Tartîbu assuwari wa al âyâti», pp. 164 et suivantes.
30. Ce sont là les titres d’ouvrages célèbres dont les éditions sont nombreuses et sans cesse
renouvelables.
35. Pour plus de détails, voir Ibn Hajar Al’asqillânî dans «Fathu Al Bârî et charhu sahîhi Al
Bulhârî». (Dâr al Ma’rifa -Beyrouth - 1379 de l’Hégire. Tome 9. pp. 28 et suivantes.
36. ‘Abd Al Qâder Zemâma, ’Abd Al Wahhâb At-Tâzî, Fadel ’Abd An-Nabî et Mohammad AlKettâni : «Dictionnaire des exégèses du Saint-Coran» ISESCO. (1417 de l’Hégire. 1997 après J.C.).
37. Pour plus de détails, voir :
* Les ouvrages sur les fondements du fiqh. Les chapitres relatifs aux arguments religieux “Le
Coran”.
* 'Abd Al Wahhâb khallâf : «'Ilmu Usuli al Fiqhi», éd. Dâru a Qalami, Kuwaït 1398 de l’Hégire 1978
J.C.
* 'Alî Hasabu Allah : «Usulu attachrî’i al Islâmiyyi». Dâru al Ma’ârifi -Egypte- 1396 de l’Hégire
(1976 de l’ère chrétienne).
38. * Al-Bukhârî, n° 6856.
* Muslim, n° 4832.
39. * Muslim, n° 5326. «Azzuhdu»
* At-Tirmidhî, n° 2589.
* Ahmad, n° 10663.
40. Al-Bukhârî :«Sahîh» Chapitre sur «La science».
41. Muslim. «Le pèlerinage», 2433.
42. Ad-Dâramie. «L’introduction», 508.
43. Il s’agit d’Ahmad Ibn ‘Alî Ibn Hajar Al ‘asqillânî Achchâfi’î, auteur de l’ouvrage intitulé:
«Fathu al Bârî…» 13. tomes.
44. «Fathu al Mughîthi», Exégèse du poème d’Al’Irâqî, p. 10. Ce Hadîth a été rapporté par
l’Imâm Ach-Châfi’î, d’après l’Imâm Mâlik, etc...
45. Muslim : «Allibâsu wa azzînatu, 3906.
46. Al Bukhârî : «La foi» (Al imânu), 5416.
47. Muslim : «Al musâqâtu», 2996.
48. Al Bukhârî : «Al adabu», 5552.
49. Al Bukhârî : «Al madhâlimu…», 2262.
50. Ibn Mâja : «Al Ahkâmu», 2332.
51. Al Bukhârî : «Bad’u Al Wahyi»,
Dr
Introduction
Héba
Nayel
Barakat
Le Saint-Coran fut l’objet d’un intérêt particulier dans les pays islamiques. On l’a écrit à la
main, on l’a authentifié, son écriture fut embellie, ses pages enluminées et sa parure fut
toujours parfaite. A travers les siècles, les Musulmans ont tenu à avoir recours, pour la
reproduction des copies manuscrites du Coran, aux sources les plus sûres. Ils se sont enorgueillis
d’avoir pu écrire à la main le Coran à partir des recueils coraniques ottomans. Dans beaucoup de
pays, on a vu paraître des exemplaires du Coran, à l’image même de ceux qui ont été écrits à la
main à Médine du temps du Califat de ‘Uthmân et sur lesquels on s’est basé pour en reproduire
d’autres qui furent propagés un peu partout.
Il nous est agréable, dans cette étude, de présenter quelques illustrations des manuscrits
coraniques anciens, d’analyser le parcours de la reproduction manuelle des copies du Coran à
travers les siècles et de comparer le Coran imprimé, tel qu’il se présente à nous de nos jours,
aux premiers manuscrits qui nous sont connus. Pour saisir la portée et l’importance des
manuscrits coraniques anciens, il nous est indispensable de savoir d’abord comment le Coran a
été rassemblé et comment il a été composé. Pour ce faire, et pour éviter les redites inutiles,
nous invitons le lecteur à consulter le troisième chapitre de cet ouvrage qui traite de ce
problème. Nous allons donc nous contenter ici d’aborder les deux points suivants :
Section I : * Les différentes épellations adoptées dans les premiers temps de l’Islam. Nous serons
amené à dire un mot sur les manuscrits du Coran qui ont été copiés au lendemain de
l’avènement de l’Islam, leur état aujourd’hui et les lieux où ils sont gardés. Le lecteur pourra
trouver dans cet ouvrage les photographies de certains d’entre eux.
Section II : * La comparaison de quelques manuscrits du Coran avec les éditions anciennes et
modernes de ce Livre Sacré.
Section
I
Présentation de quelques exemples de manuscrits coraniques au premier siècle de l’Hégire
Nous nous interrogerons ici sur ce qui nous est resté des manuscrits originaux du Coran. Nul
doute que les premiers exemplaires des manuscrits coraniques ottomans sont restés disponibles
et en bon état dans les mosquées du monde islamique. Ils furent l’objet d’une attention et d’un
respect particulier, notamment de la part des hommes politiques et des chefs religieux. Tous les
Musulmans, de par le monde, s’enorgueillissaient de les avoir dans leurs lieux de culte.
Toutefois, il faut rappeler que beaucoup de recueils de Coran ont été pillés au début du
vingtième siècle et ont été expédiés en Occident par les colonisateurs et les orientalistes. C’est
ainsi qu’après la première guerre mondiale, un tas de manuscrits anciens ont été dérobés du
Caire et transférés par l’armée russe à la Bibliothèque Nationale de Saint-Pétersbroug. Les Turcs
ont, de leur côté, transféré eux aussi, de Médine vers Istanbul beaucoup d’exemplaires anciens
du Coran dont on dit qu’ils avaient été écrits par Uthmân Ibn ‘Affân et ‘Alî Ibn Abî Tâleb euxmêmes, que Dieu soit satisfait d’eux.
Les manuscrits anciens se présentent sous diverses formes. Les premiers d’entre eux ne
comportent ni voyellisation, ni points diacritiques, ni enluminures. Leur écriture est celle dite du
Hijâz ou écriture coufique. Il est fort probable que ces manuscrits aient été reproduits à partir
du Coran-Guide qui fut mis au point lors du règne de ‘Uthmân. Certains de ces manuscrits
étaient des copies du Coran-Guide, auxquels on a ajouté postérieurement les signes diacritiques
et la voyellisation. Ils devinrent ainsi des modèles qui permettaient aux gens de reproduire des
copies nouvelles comportant la voyellisation et les signes diacritiques.
La plupart de ces recueils de Coran furent transcrits au cours des cinquante premières années
qui suivirent la Révélation faite à Mohammad (sur lui la paix), c’est-à-dire au septième siècle de
l’ère chrétienne (1er siècle de l’Hégire)
Certains recueils anciens du Coran furent attribués à ‘Uthmân et à ‘Ali en personne, ce qui veut
dire qu’ils furent transcrits par eux, de leur propre main, à partir du Coran-Guide. Parmi ces
recueils coraniques, on peut citer
* L’exemplaire du Saint-Coran (Illustration N°1) qui se trouve au Département des manuscrits à
«Dâr Al Kutub Al Misriyya» à Bulâq» (enregistré sous le n°139. Rubrique : les receuils du Coran).
Il se présente ainsi :
Nombre de feuilles :
Nombre de lignes par feuille :
dimension de la feuille :
support utilisé :
Ecriture utilisée :
Remarques :
560 ( en 1830, on l'a complété avec des
feuilles en papier moderne)
12 dans la plupart des feuilles
45 * 60 cm
parchemin (gazelle)
coufique (grand caractère)
L’écriture coufique est exempte de voyellisation et de signes diacritiques. Il y a très peu
d’enluminures qui ornent les noms de certaines sourates. Pour distinguer entre la fin d’une
sourate et le début de celle qui la suit, il y a un espace de la dimension d’une ligne à peu près.
Il y eut des ajouts, à d’autres époques, avec l’utilisation d’encres différentes. Les caractères
sont étendus sur deux lignes et l’espace entre les lignes est le même. Il existe à «Dâr Al Kutub
Almisriyya» un micro-film de ce manuscrit qui permet aux lecteurs de le consulter sans y avoir
directement accès, ce qui contribue à le garder en bon état.
* Versets su Saint-Coran (Illustration N°2)
Nombre de feuilles :
Nombre de lignes par feuille :
dimension de la feuille :
support utilisé :
Ecriture utilisée :
Remarques
Une grande quantité
15
3,8 cm * 7,37 cm
Parchemin
Hijazi-coufique-ancien
›
Caractères
étendues
›
Absence
› Parchemin bleu et graphie en or.
sur
de
deux
signes
lignes.
diacritiques.
Manuscrits de Tachkent - Ouzbakistan
Parmi les premiers manuscrits du Coran, on peut citer celui de Tachkent en Ouzbakistan. Il est
écrit en caractères coufiques anciens et est exempt de signes diacritiques. On l’attribue à
‘Uthmân Ibn ‘Affân. Il existe un micro-film de ce manuscrit à «Dâr Al Kutub Al Misriyya»
(Rubrique : recueils de Coran, n° 204). La dimension des pages est de 50 cm x70 cm et le
nombre de ses feuilles est, selon toute probabilité, 253. Chaque page comporte douze lignes. Le
manuscrit est écrit en recto verso. A la fin de chaque sourate, il y a un espace vide et les
enluminures sont très discrètes.
Lieux de dépôt de certains manuscrits anciens :
1. Bibliothèque Nationale de Paris. N° 53 KFQ (Art Islamique).
2. Institut National des arts et d’archéologie - Tunis. 197 Rutbi. Ms. R.N.
3. Musée des Beaux Arts - Boston 686.33.MS.
4. Musée d’Art - Université Harvard . 23 1967. MS.
5. Bibliothèque Tatcher Betty N° 1405. MS
6. Sociétés Savantes :
* Société de Rif’at Shîshî Al’Arab. Paris
* Société de l’Emir Sadr Ed. Dîn Agfa Khan. Genève.
Certains de ces manuscrits ont été vendus aux enchères dans des salles destinées à cet effet
comme la Salle Sotheby’s, en 1984. (Lot. N° 147).
Manuscrits d’Istanbûl :
A Istanbûl, il existe des manuscrits de tout le Texte coranique dont la date remonte au 1er siècle
de l’Hégire. En voici quelques uns :
* Manuscrit en caractères coufiques à la Bibliothèque Nûr ‘Uthmâniyya, n°23. Sa transcription
est attribuée à ‘Uthmân Ibn ‘Affân.
* Manuscrit attribué à ‘Ali Ibn Abi Tâleb à la Bibliothèque Nûr ‘Uthmâniyya, n° 25.
* Manuscrit dont la transcription est attribué à ‘Alî Ibn Abî Tâleb. Il est écrit en caractères
coufiques et se trouve à Sulaymâniyyeh (Hamîdiyyeh), n° 3.
* Manuscrit dont la transcription est attribué à ‘Alî Ibn Abî Tâleb. Il est écrit en caractères
coufiques et se trouve au Musée Tubqâ Bosray, n° 2 - 8A. Le nombre de ses feuilles est de 300 et
la date de sa composition est l’an 29 de l’Hégire (voir l’index général du patrimoine araboislamique (les manuscrits). Publications de l’Académie royale des Etudes sur la Civilisation
islamique. Institution al Bayt Al Maâb - Jordanie - Volume I. page 3)
Il se dégage de ce qui est mentionné ci-dessus que les compagnons du Prophète tels que ‘Alî Ibn
Abî Tâleb transcrivaient de leurs propres mains des exemplaires du Coran-Guide.
Les recueils de Coran dont la couleur des signes diacritiques diffère de celle de la graphie :
Les signes diacritiques placés au-dessus, à côté et au-dessous des lettres expriment
respectivement le cas accusatif, le cas nominatif et le cas génétif. C’est la méthode adoptée par
Abû Al Aswad Ad-Dualî.
Les manuscrits anciens de ce genre ont été, selon toute probabilité, transcrits avant la mort
d’Abû Al Aswad Ad-Dualî (mort en 99 de l’Hégire). Voici quelques exemples de ces manuscrits :
1. Le manuscrit déposé au Caire (Illustration n° 3) :
Ce manuscrit se trouve à Dâr Al Kutub Al-Masriyya (Le Caire) et est enregistré sous le n° 24645.
Nombre de feuilles :
Nombre de lignes :
dimension de la feuille :
support utilisé :
270 feuilles écrites en recto verso
entre 17 et 18
50 * 70 cm
Parchemin (gazelle)
Ecriture utilisée :
coufique ancien. les lettres ne sont pas
étendues sur le ligne.
Remarques
Ce manuscrit était détenu par l’Emir ‘Umar Sultân, puis il fut transféré à «Dâr Al Kutub» et de
là, au Musée islamique du Caire. Il n’est pas relié et une grande partie de ses pages ont été
détériorées. Il ne dispose pas de micro-film et aucune étude n’a été faite à son sujet.
2. Feuilles volantes en écriture coufique (Illustration n° 4, 5 et 6)
Nombre de lignes :
dimension de la feuille :
support utilisé :
Ecriture utilisée :
5 lignes par page
16 * 14,22 * 21
parchemin (recto / verso)
coufique avec utilisation des signes
diacritiques d'abû al aswâd
Lieux où sont déposés d’autres manuscrits :
* Bibliothèque As-Sulaymâniyyah (Enregistrement n° Ms 23).
* Société d’Art islamique Khalîlî (n° KFQ 64)
* Musée d’Art islamique à Kairouan
* Bibliothèque Toub Copy Sérail (Enregistrement n° MS. E.H. 30)
* Bibliothèque Nationale de Paris (Enregistrement n° Ms. Arab, 5178 FIII 73).
* Bibliothèque Nationale de Tunis (Enregistrement n° Ms, Rutbi, 198)
Il existe un grand nombre de documents dans les Bibliothèques nationales de la majorité des
pays européens et dans d’autres endroits.
3. Deux pages d’un manuscrit du Texte coranique (illustration n° 7) :
Ces deux pages sont déposées à la Bibliothèque Nationale de Paris sous le n° 342 et 158
(Rubrique : arabe) et concernent les sourates «Jonas» et «Houd».
Nombre de feuilles :
Nombre de lignes :
dimension de la feuille :
support utilisé :
époque :
deux feuilles séparées
11
19 * 28 cm
Parchemin
Xème siècle de l'ère Chrétienne
Remarques
Des rosaces de petit format séparent les versets écrits en écriture coufique. D’autres
ornementations à motifs floraux servent de cadres aux noms des sourates écrites en lettres
dorées.
Les manuscrits de la seconde réforme :
L’autre catégorie de manuscrits est celle qui utilise les signes diacritiques pour distinguer les
caractères qui ont la même forme graphique (ex : f et q en arabe).
L’adoption de ces signes eut lieu du temps où Al Hajjâj As-Saqâfî régnait en maître en Irak
(entre les années 75 et 95 de l’Hégire). Ce fut là ce qu’on a appelé la «seconde réforme». Les
signes diacritiques avaient une couleur différente de celle utilisée par Abû Al Aswad Ad-Duali, de
même que cette couleur était différente de celle de la graphie. Comme il était difficile de
suivre ce modèle, on adopta d’autres signes à la place des signes diacritiques d’Abû Al Aswad.
Section
Recueils de Coran et évolution de l’écriture arabe après le premier siècle de l’Hégire
II
Avec le succès historique fulgurant du Livre Saint qui est l’expression fidèle de l’ultime mission
céleste telle qu’elle fut révélée, l’engouement des croyants pour l’acquisition du Coran n’a fait
que continuer, car pour eux la diffusion des préceptes coraniques était de nature à contribuer à
une connaissance de plus en plus profonde de Dieu et de sa religion par les hommes.
Ainsi donc, après le premier siècle de l’Hégire, le Coran fut voyellisé. Pour éviter toute
ambiguïté dans la lecture, on y ajouta les signes diacritiques et, par respect au caractère sacré
de ce Texte céleste, on sépara les versets par des enluminures.
Les documents visés ici sont :
1. Plusieurs feuilles du Saint-Coran qui ont été conservées à la Mosquée As-Sulaymâniyyeh sous le
n° 23. Elles remontent au IIème siècle de l’Hégire (IXème de l’ère chrétienne). Elles ont été
écrites en caractères coufiques sur des pages en parchemin qui contiennent cinq lignes chacune.
Les signes diacritiques sont de couleur rouge et les traits noirs avec la rosace décorative au
milieu séparent les versets (illustration n° 8)
2. Une seule feuille du Saint-Coran (illustration n° 9). Elle fut exposée dans un album de
fragments historiques, à l’époque des Safavides, en Perse. De nos jours, elle se trouve à
l’Académie d’Art Islamique Khalîli. Elle est constituée de versets de la sourate «Les Fourmis» et
est écrite sur du parchemin. Sa dimension est de 13 cm x 18 cm et renferme quinze lignes.
L’écriture utilisée est le coufique comportant des signes diacritiques noirs et rouges qui
permettent de distinguer les lettres et la flexion désinentielle.
3. Plusieurs feuilles du Saint-Coran dont la dimension est de 27 cm x 37 cm. Chaque page
comporte quinze lignes écrites en couleur dorée et en lettres coufiques sur du parchemin. Les
lettres portent des signes diacritiques et le texte est encadré de traits rouges et noirs. Certaines
sphères les attribuent à l’Imâm ‘Alî. Elles existent dans des recueils particuliers dans les pays
arabes et européens. On les trouve également à :
* La Bibliothèque «An.Nûr Al ‘Uthmâniyya» à Istambûl (illustration n° 10). Index n° 27. MS.
* L’Académie d’Art Islamique Khalîlî (illustration n° 11).
Après le IIIème siècle de l’Hégire (Xème siècle de l’ère chrétienne), la graphie du Saint-Coran a
connu des innovations comme la notation de la quiescence (absence de la voyelle brève), la
gémination, l’allongement, la liaison, le hamza… Les types d’écriture se multiplièrent et chacun
d’eux prit le nom de la ville qui l’a vu naître, mais leurs différences étaient anodines, sauf en ce
qui concerne leur ornementation.
C’est ainsi que l’écriture coufique se développa pour donner naissance à une autre écriture dite
«naskhi», durant le règne des Ummeyyades. Avec l’essor de la civilisation arabo-musulmane,
d’autres types d’écriture furent leur apparition, comme le coufique enluminé qui se répandit au
Caire. Les Mamluks eurent leur propre écriture. En Turquie, on inventa l’écriture dite «diwânî»
qui devait traduire la puissance et le goût d’ostentation de l’Empire Ottoman. En Perse, on a vu
se développer l’écriture dite «nesta’liq» sous l’impulsion de Mîr ‘Alî At-Tabrîzî et de bien
d’autres calligraphes du IXème et du Xème siècles de l’Hégire (XVème siècle et XVIème siècle
de l’ère chrétienne).
Illustrations de graphies anciennes :
* Feuille du Coran, en écriture coufique avec signes diacritiques et enluminures, datant du
IIIème siècle de l’Hégire (illustration n° 13).
* Feuille du Coran, en écriture coufique de forme oblique, provenant d’Irak. Cette feuille
renferme les deux sourates «Le Caillot de sang» et «Le Destin». Elle est embellie par des
ornements convenablement disposés. On peut y remarquer l’emploi de la quiescence, de la
gémination et de l’allongement (illustration n° 14). Tirée du Coran écrit en 1092 de l’Hégire,
cette feuille se trouve à Téhéran (collection de Mehdi Kachânî).
* Pages du Saint-Coran en écriture marocaine, datant de l’an 1142 de l’Hégire (1730 de l’ère
chrétienne) et destinées au Sultan du Maroc. Elles se trouvent actuellement à la Bibliothèque
«Dâr Al Kutub Al-Misriyya» au Caire (Département des Manuscrits : recueils du Coran 25). Ces
pages renferment les deux sourates «Le Secours divin» et «La Corde» et sont savamment
embellies. (Illustration n° 15).
* Feuille provenant d’Iran, en écriture coufique orientale, et renfermant la sourate «Les
Troupeaux», en lettres et encre dorées. Cette feuille fut achetée aux enchères de chez
«Sotheby’s» en 1980 (Lot N° 159 et existe de nos jours dans la collection de Hâchem
Khasrophânî). (Illustration n° 16).
Section
Les éditions coraniques
III
L’imprimerie fut inventée au XVème siècle de l’ère chrétienne, à une époque où les sultans et
les émirs musulmans s’enorgueillissaient de posséder de beaux et volumineux recueils de Coran
dont ils faisaient des biens de main morte à leurs écoles et à leurs mosquées. C’est en ce tempslà que parut à Venise (Italie) le premier Coran imprimé par les soins de Paganino de Paginate. Ce
Coran fut connu sous ce nom et fut probablement imprimé au milieu du XVIème siècle. Il fut
suivi par une autre édition du nom de «Seminary of padua» qui parut également à Venise en 1698
et qui comprenait deux volumes en langue arabe, avec une traduction abrégée en langue latine.
A la même époque, le Coran fut imprimé à Hambourg (Allemange) par la Maison Henkelmann. Il
existe deux exemplaires de ce Coran, l’un à Dâr Al-Kutub Al Misriyya (Rubrique : Les Corans :
176) et l’autre à la Bibliothèque de l’Université du Caire. Cette édition est composée de 560
pages comportant chacune seize lignes et est précédée d’une introduction de quatre vingt
pages.
Il existe d’autres éditions comme celle de Saint-Pétersbourg en Russie tsariste qui date de 1787,
celle de Kazan qui date de 1803 et celle de Leipzig qui date de 1834.
Il va de soi que les éditions du Saint-Coran n’étaient pas exemptes d’erreurs, mais celles-ci
n’étaient pas commises sciemment. Il semble que ces erreurs étaient plutôt dues à un manque
de maîtrise de la langue arabe et à des difficultés de déchiffrement de la graphie des
manuscrits.
Le XIXème et le XXème connurent une prolifération d’éditions du Coran dans les pays
islamiques. Au Caire par exemple, le célèbre manuscrit du Chaïkh Mohammad ‘Alî Khalaf Al
Husseynî fut imprimé en 1923, puis en 1973 sous la supervision d’une Commission composée d’un
groupe d’érudits de l’Université d’al Azhar. Par ailleurs, la «Commission des fatwâs» d’Al Azhar
promulgua une fatwâ (un avis) prohibant toute impression du Saint-Coran qui ne sera pas
précédée d’une révision minutieuse des épreuves.
Il existe des éditions récentes du Coran susmentionné, accompagnées d’études permettant aux
lecteurs d’avoir des renseignements sur la manière de le lire en respectant les signes de
ponctuations et les traits prosodiques propres à la langue arabe. Dans certains cas, la décision de
la Commission qui a ordonné l’impression du Livre Saint, y est mentionnée.
Il faut bien reconnaître ici que l’imprimerie a permis aux Musulmans de propager le Saint-Coran
partout dans le monde. Elle a permis également la traduction de ses significations à d’autres
langues du monde. Le Saint-Coran est disponible dans tous les formats et il est possible
aujourd’hui, grâce à la technologie moderne, de l’écouter sur cassettes et de le lire et de
l’écouter sur des CD - ROM.
La comparaison des éditions récentes du Coran avec les premiers manuscrits de ce Texte sacré
nous permet de constater que ces dernies étaient, certes, d’une beauté exceptionnelle, mais en
même temps cela nous donne une idée du travail gigantesque, ardu et pénible qu’ont dû fournir
les premiers copistes musulmans pour l’écrire et le décorer admirablement bien, comme ils l’ont
fait.
Illustrations de la sourate «L’Ouverture» tirées de divers exemplaires du Saint-Coran
appartenant à des époques différentes :
* Illustration n° 17 : Exemplaire du Coran appartenant au Sultan Cha’bân (an 1369 de l’ère
chrétienne). Dâr Al Kutub Al Misriyya (Coran 7).
* Illustration n° 18 : Exemplaire du Coran appartenant au Sultan Yersi Bây (an 1425 de l’ère
chrétienne). Dâr Al Kutub Al Misriyya (Coran 96).
* Illustration n° 19 : Exemplaire du Coran écrit par le calligraphe Mahmûd An-Nisâbûrî (an 1560
de l’ère chrétienne). Bibliothèque de l’Université d’Istanbûl - enregistrement n° F. 1426.
* Illustration n° 20 : Manuscrit du Texte coranique datant du XIXème siècle. Bibliothèque Top
Capy Sérail, n° F.H 259.
Illustrations de la Sourate «La Vache»
* Illustration n° 21 : Manuscrit coranique ottoman écrit en 1543 de l’ère chrétienne par le
calligraphe Ahmad Karâ Haysârî. Top Capy Sérail - N° 999.
* Illustration n° 22 : Manuscritcoranique de Turkménistan écrit en 1830. Collection de Sa’îd Dzhu
al Faqqâr - Genève - Suisse.
* Illustration n° 23 : Coran imprimé à Médine.
Cette comparaison nous a permis d’analyser de près l’évolution que la graphie du Coran a
connue à travers les siècles. Nous en concluons que le lexique du Coran n’a subi aucun
changement, mais que la méthode suivie dans la lecture et la déclamation ainsi que le contrôle
et la fixation de la flexion désinentielle ont, eux, connu une évolution certaine. La différence
qui existe entre les premiers recueils de Coran et les publications modernes, réside dans le fait
que ces dernières ont permis une facilitation extraordinaire dans la diffusion du Saint-Coran à
travers les pays islamiques et ailleurs, chose qui était pratiquement irréalisable du temps où
l’imprimerie était inexistante et qu’il fallait écrire le Texte coranique à la main, ce Texte qui
fut révélé à toute l’Humanité pour lui annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu et en
même temps pour l’avertir des dangers du polythéisme. La langue arabe d’aujourd’hui ne cesse
d’évoluer, mais cette évolution ne porte nullement préjudice au Saint-Coran dont Dieu a dit :
«C’est Nous qui t’avons révélé le Rappel édifiant, et Nous veillerons certes à son intégrité». [Al
Hijr : 9]. La majorité des gens dans les pays arabes utilisent la scriptio defectiva, c’est-à-dire
qu’ils n’ont pas recours à la voyellisation en arabe qui reste de ce fait une langue
consonantique, mais leur écriture demeure cependant une écriture cursive qui les aide à
manipuler facilement les lettres.
Par ailleurs nul, parmi les linguistes, n’ignore que le Saint-Coran est un paravent contre toute
détérioration ou tout changement radical de la langue arabe. Les malentendus qui existent entre
eux ne concernent, en fait, que la prononciation d’un nombre très réduit de termes coraniques.
Cela n’est pas dû à la graphie et à la manière avec laquelle on les a d’abord écrits, mais plutôt à
la manière dont on les a prononcés dès le départ. Cette prononciation s’inscrit d’ailleurs dans le
cadre du Hadîth dit des sept lectures et n’a aucune incidence sur la cohérence et la cohésion du
Saint-Coran et son message.
Conclusion
En guise de conclusion, nous voudrions attirer l’attention sur le fait que la consultation d’un bon
nombre de manuscrits coraniques n’est pas d’accès facile. La raison alléguée en est la crainte de
les perdre. Ces manuscrits sont disséminés un peu partout dans les bibliothèques de beaucoup de
pays et on les trouve également dans les collections des amateurs d’objets anciens et de
curiosités. Certains d’entre eux, parmi les plus anciens, existent sous forme fragmentée. Ainsi
trouve t-on un fragment à Paris, un deuxième à Rome, un troisième aux Etats-Unis, un quatrième
en terre d’Islam.
Certains manuscrits du Coran perdent, des fois, leur valeur chez leurs détenteurs qui, pour se
faire de l’argent, l’émiettent et le vendent en petits morceaux. Ces documents précieux sont
l’expression authentique de notre religion, de notre culture, de notre patrimoine et il est de
notre devoir de les sauvegarder pour les mettre à la disposition des générations futures et de
l’Humanité entière. En plus de leur valeur scientifique, ces documents constituent les
fondements historiques de l’écriture arabe et donnent une idée claire sur l’évolution de la
prononciation du lexique contenu dans le Saint-Coran.
Les premiers manuscrits du Coran revêtent une importance considérable parce qu’ils ont été
transcrits par les Compagnons et les Califes orthodoxes eux-mêmes, au lendemain de
l’avènement de l’Islam. Ce sont des documents qui expriment l’authenticité, la véracité et la
netteté de la Révélation divine qui a été transmise à l’Humanité par le biais du sceau des
Prophètes et des Messagers, Mohammad (que la paix soit sur lui). Il est donc plus commode aux
hommes de les préserver, dans des lieux sûrs, contre tout danger, au lieu de chercher à les
commercialiser. Pour ce faire, il devient impératif aujourd’hui de rassembler tous ces
documents épars qui constituent pour nous un motif de fierté, parce que faisant partie
intégrante de notre civilisation. C’est là un bien qui appartient à chaque Musulmane et à chaque
Musulman ainsi qu’à tous ceux, qui Musulmans ou non, les jugent à leur juste valeur, c’est-à-dire
comme des documents comportant l’ultime message céleste transmis à l’Humanité.
Par ailleurs, il est indispensable de trouver le moyen de concilier la préservation de ces premiers
manuscrits coraniques contre toute détérioration et leur consultation par les chercheurs qui
voudraient en tirer profit dans leurs études, car interdire leur manipulation, c’est empêcher les
gens d’en connaître la valeur réelle. En tout état de cause, il faut veiller, coûte que coûte, à ce
qu’ils ne s’abîment pas à force d’être consultés. Des efforts doivent donc être conjugués dans ce
sens. Une solution serait de microfilmer ces manuscrits anciens ou de les enregistrer sur des CDROM, ce qui permettrait d’une part de les préserver et d’autre part de les mettre à la
disposition du grand public qui peut les apprécier ainsi dans toute leur beauté. Dans ce domaine,
l’ordinateur peut rendre des services inestimables, sans mettre en péril les anciens manuscrits.
Avec l’Internet, l’accès à ces documents est à la portée de tout un chacun.
Je voudrais, pour terminer, suggérer la programmation, dans le cursus de l’enseignement
fondamental obligatoire des pays musulmans, d’une discipline qui exposerait aux élèves, d’une
manière simple et succincte, d’une part l’histoire des phases qu’a connues la transcription du
Coran et d’autre part, les manuscrits coraniques anciens. Il faut que nos élèves prennent
conscience de l’importance et de la valeur de ces manuscrits qui font partie intégrante de notre
religion, de notre histoire, de notre civilisation et de notre culture.
Dans le même ordre d’idées, je voudrais demander aux Bibliothèques du monde entier, qu’elles
coopèrent ensemble, afin de rassembler et de diffuser tous les manuscrits coraniques anciens
dont elles disposent. Je lance également un appel aux chercheurs pourqu’ils redoublent
d’efforts en vue de plus de progrès dans ce domaine, car il est sûr que les générations futures
chercheront un jour à avoir plus d’informations sur les sources authentiques de la Révélation
divine. Nous n’avons pas le droit de les en priver.
Références
1. Les manuscrits (microfilmés) de Dâr Al Kutub Al Misriyya
2. Les manuscrits (microfilmés) de l’Institut Arabe des Manuscrits - Le Caire.
3. Karl Bruckelmann : «Histoire de la littérature arabe» (en anglais et en arabe - Dâr Al Ma’ârif
al Misriyya - 1959 (Traduction de ‘Abd Al Halîm An-Najjâr.
4. Adolphe Gruhmann : «From the World of Arabic Papayri». El Ma’ârif Press. Le Caire, 1952.
5. Ghanêm Kaddûri al Hamd : «La graphie du Coran - Etude linguistique et historique». Baghdâd 1982.
6. Su’âd Maher : «Machhad Al Imâma ‘Alî fî Najaf» - dâr Al Ma’ârif - 1308 de l’Hégire. Le Caire.
7.‘Abd As-Sabûr Châhîn : « Histoire du Coran». Dâr Al qalam (1966)
8. Mohammad Hamîd allah al Haydar Ab^âdî : «Les documents historiques du temps du Prophète
et des Califes orthodoxes». Le Caire (1941).
9. Nasêr An-Naqachbandî : «Le Saint-Coran au début de l’Islam». Revue «Sumer». Vol. XII. 1956.
10. Naser An-Naqachbandî : «Genèse de la graphie arabe et son développement jusqu’à l’époque
des Califes orthodoxes». Revue «Sumer» - Vol. III. 1947.
SYNTHESE
Des études précédentes, il ressort que les Messagers ont été choisis par le Très-Haut, afin de
transmettre le message céleste aux hommes et ce, dans la langue que ces derniers connaissent
parfaitement.
Chaque religion révélée se présente comme un ensemble de dogmes et de pratiques cultuelles.
Le dogme consiste à rappeler à l’homme l’existence de Dieu et de l’Au-delà afin de renforcer
chez lui l’innéisme de la foi face aux tentations diaboliques et les forces du mal qui ne cessent
de le harceler pour l’amener à rejeter sa foi, à se laisser tenter par l’impiété et à lui faire croire
qu’il trouvera là le moyen de s’affranchir des chaînes que lui impose la religion, ce qui lui
permettra de recouvrer sa quiétude et sa liberté. Ce n’est là que pur illusion, car s’adonner
excessivement aux plaisirs de la vie et à ses jouissances finit par ennuyer l’être humain, et
l’ennui, faut-il le rappeler, est une forme d’emprisonnement. L’opulence comme d’ailleurs le
dénuement sont deux calamités d’ici-bas qui peuvent assaillir aussi bien le croyant que l’impie.
La sagesse dit que l’âme enchaînée, parce que non croyante, est le pire des malheurs.
Quiconque n’a pas goûté aux délices de la foi ne peut récolter de la vie que ses futilités et ses
malheurs qui finissent par le jeter en proie à l’ennui et au dégoût.
Il est inimaginable que Dieu envoie aux humains des Révélations qui comportent en leur sein des
contradictions sur le plan des dogmes. Il est inconcevable et irrecevable que l’être humain
puisse imaginer Dieu dire dans une Révélation à un Prophète qu’Il est Un et Unique et dans une
autre annoncer que cet Univers est géré par deux ou plusieurs Dieux, car l’Etre Suprême,
Seigneur de l’Univers, est Eternel et Son Essence divine n’est sujette à aucun changement,
comme c’est le cas chez les créatures.
Les pratiques cultuelles, quant à elles, englobent toutes les actions et tous les rites qu’il faut
accomplir ainsi que toutes les turpitudes qu’il faut éviter comme le recommande Dieu. D’une
religion à une autre, ces pratiques cultuelles diffèrent à propos de certains détails et ces
différences qui ne portent jamais atteinte à la quintessence des religions existent parce que les
circonstances dans lesquelles vivent les communautés humaines et l’évolution que celles-ci
connaissent ne sont pas les mêmes… Par contre, des actes aussi abominables que le vol,
l’adultère, le crime gratuit, entre autres, sont condamnés par toutes les religions.
L’homme doit croire à toutes les religions révélées et à tous les Messagers envoyés par Dieu.
Pour ce faire, il faut qu’il déploie des efforts pour s’informer, comme il se doit, sur les messages
divins tels qu’ils ont été révélés. Il faut qu’il aille aux sources de ces messages pour saisir et
comprendre le discours divin dans toute sa clarté et toute sa limpidité. C’est de cette manière
qu’il peut espérer dissiper toutes les idées fausses et les contradictions que les hommes
introduisent dans les religions et qu’ils attribuent à Dieu.
Quelles sont les origines des contradictions que nous avons à propos des religions célestes ?
Il faut souligner d’abord que les contradictions ne proviennent point des religions elles-mêmes,
mais bien des connaissances que nous avons accumulées sur elles. Si les documents originaux et
authentiques de toutes les religions révélées étaient à notre disposition, ils auraient pu être
expressifs d’eux-mêmes. Les gens seraient alors assurés que l’objectif de toutes ces religions est
de faire connaître Dieu, l’Unique, Celui qui n’ a point d’associé.
Jadis, les communautés humaines avaient beaucoup plus recours au discours oral qu’au discours
scriptural. L’expansion de l’écriture était très limitée. Or, comme les religions qui ont été
révélées aux Prophètes étaient répandues parmi les populations, le premier souci de ces
dernières était la mémorisation et l’apprentissage par cœur des messages verbaux des
Prophètes. Nul ne peut contester le fait que les capacités de mémorisation des gens ne sont pas
pareilles. C’est la raison pour laquelle certains contemporains des Prophètes arrivaient à
mémoriser leurs messages tels quels, alors que d’autres n’arrivaient pas à tout mémoriser ou
bien ils déformaient ce qu’ils apprenaient sous l’influence de leur imagination et de leurs
propres idées.
Nonobstant ces déformations dues à des défaillances personnelles des mémoires des gens, il
reste que la majorité d’entre eux se partagent un dénominateur commun, à savoir la confiance
solide qu’ils ont de leurs propres connaissances. Ils ont ainsi tendance à douter des
connaissances peu sûres de leurs semblables. Il faut souligner ici que très peu de gens arrivent à
se rendre compte de leurs propres défauts qui les poussent à la confusion ou à la compréhension
fautive.
Ceci nous amène à dire que la mémorisation verbale seule n’était pas suffisante pour la fixation
et la préservation du message divin, car les gens sont différents dans leur nature et leur
caractère et ne sont pas toujours d’accord entre eux. Dans ces conditions, il devient très
difficile pour ceux qui possèdent une très forte mémoire et qui retiennent les informations dans
toute leur cohésion et dans tous leurs détails, de s’imposer aux gens. Ce qui se produit alors
c’est que, dès que les Prophètes meurent, les informations que les gens ont emmagasinées sur
les messages révélés changent et connaissent des contradictions. Il ne s’agit pas seulement
d’une question de forte mémoire chez certaines personnes et de faible mémoire chez d’autres,
mais les choses prennent des proportions plus graves. Ainsi donc, après le décès d’un Prophète,
hypocrites et mécréants démontrent subitement leur dédain à l’égard de son message auquel
leurs actions étaient assujetties, ce qui limitait leur liberté d’action. Ils se mettent alors à
inventer, sans vergogne ni scrupule, des histoires mensongères qu’ils attribuent au Prophète
défunt. Ils savent très bien qu’ils ont beaucoup de chance que leurs balivernes soient acceptées
par les simples d’esprit, en l’absence du Prophète qui aurait pu les dénoncer s’il était resté en
vie. De la même manière, les ignares peuvent, de leur côté, dénaturer complètement la religion
en y introduisant, sciemment ou inconsciemment, des idées étrangères. Ce faisant, ils croient
fermement qu’ils font ainsi aimer le religion aux gens et la leur facilitent. Les textes sacrés se
trouvent alors truffés de légendes, d’anecdotes et de créations de l’imaginaire.
Ceci veut dire que la notation écrite du message divin directement de la bouche du Prophète et
tel qu’il l’a reçu, était indispensable pour qu’il n’y ait aucune suspicion à son propos. Si par la
suite, il s’avère qu’il y a des divergences entre les gens et les auteurs des livres sur le message
céleste, ils n’ont qu’à recourir aux textes originaux pour distinguer le vrai du faux.
Avec quelles langues les Prophètes ont prêché et qu’est-ce que les gens ont retenu, par écrit, de
leurs messages ?
L’écriture existe depuis des temps immémoriaux, mais son apprentissage et son expansion était
jadis le privilège de l’élite seulement de la population. Parmi cette élite, y a t-il eu des gens qui
ont noté directement les messages de Moïse, de Jésus et de Mohammad (que la paix soit sur eux
tous) ?
Si certaines personnes disent que les tables de Moïse (que la paix soit sur lui) étaient un prodige
de Dieu et que les idées divines se dégageaient d’elles dès que Moïse ou son frère Aaron y
jetaient des regards, nous ne mettons pas en doute leur propos, mais nous sommes en droit de
nous poser cette question : «Ce prodige concernait-il seulement Moïse et Aaron en leur qualité
de Prophètes ou bien était-il destiné à tous les gens ? Ceux-ci avaient-ils la possibilité de saisir
les idées du message céleste dès qu’ils jetteraient leur regard sur les tables de la Loi mosaïque ?
Si on tient compte du premier volet de cette question, on peut se demander ce que les gens ont
noté directement du discours céleste tel qu'il leur a été transmis par Moïse dans leur propre
langue à eux. On peut se poser également la question de savoir quelle langue était parlée à
cette époque-là. Etait-ce l’araméen, l’égyptien antique ou bien y avait-il d’autres langues
parlées à l’endroit où eut lieu la Révélation ?
Si on tient compte du second volet de la question, on doit se demander où sont ces tables, car
les croyants, tous les croyants sont animés par la passion de les consulter pour saisir et
comprendre les idées et les significations du discours céleste dans toute leur authenticité. Ceci
permettra à tous les gens - quelle que soit leur langue maternelle - de comprendre, comme il se
doit, la religion.
Dans le même ordre d’idées, on dit que Jésus fut envoyé à un peuple divisé en groupes divers
tant sur le plan ethnique que linguistique et culturel. Parmi les miracles dont Dieu le dota pour
le soutenir est qu’il faisait ses discours d’une voix basse, mais chaque personne qui l’écoutait quelle que fût sa langue maternelle - le comprenait, même si la langue utilisée par Jésus n’était
pas la langue du destinataire. La même question posée auparavant est à reposer ici : «Qu’est-ce
que les gens ont pu noter directement de la bouche de Jésus par le biais de la langue avec
laquelle ils ont reçu son message, que ce soit l’araméen, ou le grec, ou l’hébreu ou d’autres
langues ?».
Pourquoi sommes-nous constamment à la recherche des documents originaux des messages
célestes ?
Les Textes originaux des missions célestes constituent un patrimoine qui appartient à toute
l’Humanité. Les générations antérieures se devaient de les préserver par tous les moyens, mais
le temps, ses vicissitudes et les circonstances de la vie et ses impondérables ont contribué à la
perte des premiers documents relatifs aux missions célestes révélées avant l’Islam. De toutes les
missions célestes, il ne reste de documents authentiques transcrits que ceux du Saint-Coran. En
effet, le Saint-Coran est le document le plus authentique et le plus complet qui fut directement
transcrit par les scribes, de la bouche même du Prophète (que la paix soit sur lui). On peut
même dire qu’il représente l’unique document original d’une mission révélée par le Très-Haut.
C’est un bien qui appartient à toute l’Humanité, car il est l’expression d’une religion qui
s’adresse à tous les êtres humains et à toutes les sociétés.
Nous nous devons, nous qui vivons en ce siècle où les technologies d’information (imprimerie et
internet
notamment)
se
sont
extraordinairement
développées,
d’entreprendre
des
investigations, conformément aux traditions suivies dans la recherche scientifique, pour
recouvrer les textes originaux de toutes les missions célestes. Ainsi, si deux traducteurs ne sont
pas d’accord sur le contenu de certains passages d’un Livre Sacré qu’ils traduisent, il faut
absolument qu’ils aient recours au Texte original dont la langue dans laquelle il a été écrit doit
être une langue vivante. Ce recours est nécessaire afin que toutes les personnes intéressées
puissent distinguer dans la traduction la part du vrai et celle du faux.
Par conséquent, il est possible d’avancer que, pour que les textes originaux des messages révélés
aux Prophètes puissent être d’une parfaite utilité parmi les gens, il faut qu’ils aient été
transcrits directement de la bouche même des Prophètes, comme ils leur ont été révélés dans
leur intégralité. Il faut également que la langue employée dans cette transcription soit encore
de nos jours, une langue vivante afin qu’elle ne crée pas de difficultés de compréhension à ceux
qui veulent connaître à fond le contenu de ces textes.
Il va de soi que nul ne conteste l’importance que revêt la transcription écrite, dans le domaine
qui nous concerne ici, et nous savons tous que la mémorisation des textes est sujette - avec le
temps - à maintes défaillances comme l’oubli de certains passages, la substitution des vocables
les uns aux autres et les modifications morphosyntaxiques.
Si maintenant, nous partons du fait évident qu’aucune contradiction ne peut émaner de Dieu et
si, en même temps, il nous est impossible de rassembler les Textes sacrés, authentiques et
originaux, des missions célestes, nous pouvous nous contenter de l’existence d’une mission
céleste qui a été transcrite directement de la bouche du Prophète à qui elle a été révélée dans
une langue qui est toujours vivante et qui n’a pratiquement connu aucun changement
morphosyntaxique, et ce pour pouvoir saisir la portée réelle du message divin relatif à la foi.
C’est sur ce principe rationnel que se basent les Musulmans pour affirmer leur foi en l’unicité
divine, leur croyance sincère à toutes les Révélations célestes sans exception et leur respect
profond ainsi que leur attachement indéfectible à tous les Prophètes.
S'agissant maintenant des pratiques cultuelles, il faut souligner ici que le fait de croire à tous les
Prophètes et à toutes les missions célestes dont ils ont été chargés, n’est pas en contradiction
avec l’obligation où nous nous trouvons d’observer toutes les pratiques rituelles qui se trouvent
contenues dans la plus récente mission révélée, à savoir celle de Mohammad qui est,
historiquement, l’ultime mission. Cette attitude est identique à celle des gens face aux lois
positivistes. D’habitude, un citoyen se voit contraint d’adopter la loi la plus récente promulguée
dans son pays par les autorités compétentes et cette loi abroge nécessairement la précédente,
décrétée par ces mêmes autorités. La situation est pareille en religion, car la terre est à Dieu, et
les êtres humains sont tous citoyens en terre de Dieu. En outre, le discours divin ne fait aucune
distinction entre les êtres humains en ce qui concerne leurs lieux d’habitation, leur sexe et leur
couleur.
Certes, jadis l’accès à l’alphabétisation était l’apanage d’une élite composée, entre autres, de
fils de notabilités, de princes, de monarques ainsi que de théologiens. En Péninsule arabique, le
nombre des alphabétisés était très réduit, mais cela n’a pas, en revanche, empêché le Prophète
(sur lui la paix) qui ne savait pas écrire, de veiller à convoquer Zayd Ibn Thâbet pour lui
demander de transcrire les versets coraniques que Dieu lui révélait. Zayd n'était pas le seul
scribe à transcrire le Coran. D’autres Compagons se faisaient un devoir de transcrire les versets
coraniques que leur dictait le Prophète. Parmi ceux qui se sont portés volontaires pour effectuer
cette noble mission, on peut citer Ubayy Ibn Ka’b, Ma’âd Ibn Jabal et un homme du nom d’Abû
Zayd. Certaines sources citent également le nom d’Abu Ad-Dardâ. Quelques Compagnons
transcrivaient le Coran de leur propre mémoire, après l’avoir appris par cœur. D’autres
s’inspiraient des documents rédigés par d’autres collègues pour transcrire le Coran.
Dieu qui révéla le Coran, expression de l’Ultime mission céleste, inspira à Mohammad (que la
paix soit sur lui) d’ordonner aux lettrés de son entourage d’apprendre aux tous petits la lecture
et l’écriture. Dans sa lutte constante contre les mécréants, il est allé même jusqu’à leur
proposer qu’il était possible pour lui d’affranchir les prisonniers impies qu’il détenait si chacun
d’eux acceptait d’affranchir les tous petits enfants musulmans du joug de l’ignorance.
Le résultat de cette sage politique fut que, quelques temps après la mort du Prophète, le SaintCoran qui était transcrit, connaissait une large diffusion dans la société arabe, comme si, à
l’époque, on vivait l’avènement de l’imprimerie. C’est cela qui a permis à cette Ultime mission
divine de garder et de sauvegarder ses traces écrites, dans toute leur intégralité et telles
qu’elles ont été transmises, verbalement par le Prophète lui-même. Depuis cette époque, la
mémorisation du Coran s’accomplissait à partir du Texte coranique écrit qui est resté, grâce à sa
transcription, à l’abri des ajouts, des suppressions et des falsifications de toutes sortes.
L’enseignement de la langue arabe avait désormais pour base d’abord et avant toute chose, le
Saint-Coran.
Dès que le Saint-Coran fut révélé, il fut appris par cœur par beaucoup de gens qui l’ont transmis
oralement, d’une génération à l’autre, au moment même où les recueils de Coran connaissaient
une large diffusion. Peut-on trouver ailleurs qu’au monde islamique, un nombre si considérable
de gens qui apprennent le Texte sacré d’une religion révélée et qui le psalmodient - à toutes les
époques que l’Humanité a connues - comme le font les Musulmans pour le Saint-Coran ? Tous les
Musulmans, depuis l’avènement de l’Islam, accomplissent leurs prières quotidiennes en récitant
des versets coraniques.
Ceci étant, la langue du Saint-Coran n’a connu aucune altération depuis des siècles et est restée
langue vivante. D’ailleurs, les gens ne trouvent aujourd’hui, aucune peine à lire le Saint-Coran
dans le texte arabe ou à comprendre ses significations traduites dans d’autres langues.
Nous prenons fait et cause pour le Saint-Coran en nous basant sur les idées que nous venons
d’exposer. En outre, il faudra préciser ici qu’il a été impossible, jusqu’à présent, pour qui que
ce soit d’imiter l’éloquence du Texte coranique ou d’écrire une seule sourate qui ait l’allure
d’une sourate du Coran. Par ailleurs, le lecteur non-Arabe trouve dans les idées traduites du
Coran, sagesse, exhortation, équilibre et tous les attributs dignes du Très-Haut. Le Saint-Coran
oriente, exhorte, promet, avertit et confère à tous les Prophètes les attributs dignes de leurs
rangs. C’est la raison pour laquelle des millions de Non-Arabophones croient en le Saint-Coran,
expression de l’Ultime message que Dieu a adressé à tous les hommes.
Que nous soyons Musulmans, cela ne nous est pas d’une grande utilité ici-bas, si nous
n’appliquons pas les préceptes du Saint-Coran, si nous ne nous plions pas à ses ordres et si nous
n’évitons pas ses interdictions. Nous savons pertinemment que le Saint-Coran est un message
céleste qui a été adressé à tous les êtres humains et non pas seulement aux seuls Arabes.
N’importe quelle société, quelle que soit sa langue, ses origines et ses racines, qui mettra en
application le contenu du Saint-Coran et le propagera en tant que message céleste destiné à
toute l’Humanité, occupera une place de choix dans le mouvement de revivification de la
religion et jouera un rôle prépondérant dans l'essor des sociétés humaines. Dieu lui portera aide
et secours, Lui qui dit : «Humains ! Nous vous créâmes d’un mâle et d’une femelle, pour vous
répartir ensuite en nations et en tribus : ainsi vous pourrez vous connaître entre vous. Les plus
honorables d’entre vous auprès de Dieu sont les plus pieux. Dieu est si bien informé, si
clairvoyant à votre sujet». [Les Appartements : 13]. L’Histoire est témoin que des peuples ont
hissé haut le drapeau de l’Islam et pourtant, ils ne sont ni de race, ni de langue arabe.
La Sainte-Tradition vient seconder et appuyer le Saint-Coran. Elle explicite ses préceptes,
détaille et étoffe ce qui a été exprimé brièvement par ses versets et donne des explications
claires concernant les pratiques cultuelles. La Tradition est la Révélation de Dieu transmise à
Mohammad, non pas verbalement, mais sous forme d’idées et d’actions. C’est l'ensemble des
dires du Prophète, ses actions et ses décisions relatives à la religion. Le Prophète (sur lui la paix)
a dit : «Je vous ai légué ce qui vous sauvera pour toujours si vous vous y attachez fermement : le
Livre de Dieu et la Tradition de Son Prophète».
Quiconque dénie au Saint-Coran sa qualité de Verbe divin, exhaustif et exempt de toute
altération, et ne le considère pas comme un canal qui véhicule avec clarté et sincérité le
Message ultime tel qu’il a été révélé par Dieu, aura dénié à toute l’Humanité contemporaine son
droit à la croyance à la véritable source de toute mission divine révélée.
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