Prise en charge des traumas thoraciques : attitudes

Prise en charge des traumas thoraciques : attitudes pratiques
par F. Pons* et B. Tremblay**
* Service de chirurgie viscérale et thoracique, hôpital d'Instruction des Armées, Percy, Clamart,
France.
** Service de chirurgie thoracique et vasculaire, hôpital Avicenne, Bobigny, France.
Les traumatismes thoraciques sont un problème redouté en particulier lorsque les
moyens d'agnostiques et le plateau technique sont limités. L'évolution immédiate ou
différée de ces traumatismes peut mettre en jeu la fonction circulatoire et respiratoire
et peut évoluer rapidement vers une issue fatale. Pourtant des moyens
thérapeutiques simples, au premier plan desquels l'utilisation judicieuse du drainage
thoracique, permettent de traiter efficacement 80 % de ces traumatismes.
I. Mécanismes et conséquences (figure n° 1)
1. Mécanismes
Parmi les traumatismes thoraciques, il faut distinguer 2 mécanismes :
Les traumatismes ouverts ou plaies du thorax
Ils sont provoqués par des armes blanches, des projectiles divers (balles, éclats),
parfois des cornes d'animaux (et il faut souligner le caractère particulièrement
septique de ces plaies). Lors d'une plaie thoracique, il y a ouverture de la cavité
pleurale et si l'orifice est volumineux, cette cavité peut communiquer directement
avec le milieu extérieur, on parle alors de plaie thoracique soufflante. Souvent,
lorsque l'orifice est petit, les plans musculaires assurent une étanchéité au niveau de
la plaie.
Les traumatismes fermés
Ils sont la conséquence de mécanismes de contusion, d'écrasement ou de chutes
(accidents de la circulation ou d'abattage d'arbre, rixes, lynchages). La paroi du
thorax est atteinte ainsi que son contenu mais il n'y a pas de communication avec le
milieu extérieur.
2. Conséquences
Quel que soit le canisme, les lésions peuvent intéresser la paroi du thorax (côtes,
sternum, rachis, vaisseaux intercostaux), les poumons et l'arbre trachéo-bronchique,
le médiastin (coeur et gros vaisseaux, oesophage).
Les conséquences sont doubles : l'hémorragie et le risque respiratoire.
L'hémorragie
Elle se fait le plus souvent dans la cavité pleurale réalisant alors un hémothorax qui
peut provoquer un choc hémorragique et une compression du poumon ou du
médiastin, s'il est de grande abondance.
Le risque respiratoire ou risque d'asphyxie
Il peut être en rapport avec :
- un pneumothorax, présence d'air dans la plèvre provenant d'une plaie du poumon
ou d'une bronche ou d'une plaie ouverte du thorax. Cet épanchement gazeux peut
entraîner un pneumothorax compressif ;
- une obstruction des bronches ou de la trachée, par rupture directe, par inondation
de sang ou par encombrement secondaire chez un blessé algique qui ne tousse plus
;
- des lésions du parenchyme pulmonaire par plaie directe ou par contusion
pulmonaire qui altèrent les échanges gazeux. Les contusions pulmonaires
s'observent surtout dans les traumatismes fermés graves mais peuvent aussi
accompagner les plaies par balle à grande vitesse ou avec explosion réalisant des
lésions de « cavitation » ou de « blast* » ;
- une perte de stabilité de la paroi thoracique ou un volet thoracique* qui, en se
mobilisant à contretemps, réalise une respiration paradoxale*.
Il. Prise en charge des traumatismes du thorax
1.Les trois armes de la prise en charge
Le drainage thoracique ou pleural
Il a pour but d'évacuer un épanchement (hémothorax ou pneumothorax), de
supprimer ou éviter la compression pulmonaire et/ou médiastinale provoquée par cet
épanchement et de recréer le vide pleural nécessaire pour maintenir le poumon en
contact avec la paroi et permettre sa réexpansion.
La réanimation
Les gestes de base sont toujours: compenser une hémorragie par le remplissage
vasculaire et la transfusion, assurer la liberté des voies aériennes, assister la
ventilation si l'on dispose d'oxygène et de possibilités d'intubation (tableau critères
d'intubation trachéale) et de ventilation prolongée, ce qui implique un plateau
technique assez développé.
La chirurgie
Elle a pour but, par thoracotomie, d'arrêter une hémorragie et de réparer des lésions
importantes pariétales ou trachéo-bronchiques; elle ne demande pas de matériel
spécifique par rapport à la chirurgie viscérale mais elle nécessite parfois une
ventilation prolongée du blessé dans les suites opératoires.
La prise en charge d'un traumatisé du thorax peut donc être difficile pour un médecin
ou un infirmier isolé ne disposant généralement pas de possibilité de ventilation
prolongée et de peu de possibilités chirurgicales ; dans ces conditions d'exercice, la
seule arme dont on dispose toujours est le drainage thoracique et il est donc
impératif de pouvoir le mettre en oeuvre de manière optimale.
Nous envisagerons donc successivement les modalités du drainage thoracique, les
indications thérapeutiques dans les plaies du thorax, les indications thérapeutiques
dans les traumatismes fermés.
2. Drainage thoracique ou pleural
La mise en place d'un drain thoracique est précédée chaque fois que possible d'une
radio afin de confirmer et de préciser le siège de l'épanchement.
Où mettre le drain ?
Deux sites sont classiques (figure n° 2)
- La voie antérieure au niveau du 2e espace intercostal sur la ligne mamelonnaire
verticale. C'est la technique la plus simple chez un blessé allongé par terre ou chez
un polytraumatisé dont on ne peut relever le bras mais la mise en place peut être
gênée par le volume du muscle grand pectoral.
- La voie axillaire au niveau des 4e ou 5e espaces intercostaux sur la ligne axillaire
moyenne entre le bord postérieur du grand pectoral et le bord antérieur du grand
dorsal.
L'introduction est généralement plus facile car le gril costal est directement sous la
peau.
Le choix entre les deux n'a pas une très grande importance. Elle est fonction des
habitudes et des circonstances ; si l'on ne dispose pas de possibilités d'aspiration, il
faut préférer le siège axillaire car le drainage se fait plus facilement par simple
gravité.
Mais deux principes sont à respecter : jamais au-dessous de la ligne mamelonnaire
horizontale (risque de traverser le diaphragme et de blesser foie ou rate) ; ne pas
utiliser un orifice de plaie (risque de reprise hémorragique et risque d'infection).
Quel matériel utiliser ?
Un drain trocart de Joly (figure n° 3) ou un trocart de Monod (figure n° 4), plus sûr, de
bon calibre: 24 ou 28 CH (Charrière*). En fait, on utilise les tuyaux dont on dispose,
éventuellement une sonde urinaire ou un simple tuyau sur lequel on crée des orifices
supplémentaires, en choisissant toujours un gros calibre pour éviter qu'il ne soit
bouché par les caillots.
Comment mettre un drain ?
- Faire une anesthésie locale et une ponction préalable avec une longue aiguille pour
confirmer l'épanchement liquidien ou gazeux. Si l'on ne trouve pas d'épanchement
en ponctionnant, il faut essayer à un autre endroit. Cette ponction préalable doit être
systématique et à plus forte raison si l'on n'a pas pu faire de radiographie
pulmonaire.
- Faire une incision toujours large (2 à 3 cm), vraie « minithoracotomie » qui doit
permettre l'introduction d'un doigt dans la plèvre. C'est le meilleur moyen pour éviter
une blessure du poumon.
- « Disciser* » les muscles avec une pince si possible (type Christophe, Kelly ... ).
- « Racler » le bord supérieur de la côte inférieure (pour éviter le pédicule intercostal
qui suit le bord inférieur de la côte).
- Diriger le drain vers le haut et en arrière (pneumothorax), vers le bas et en arrière
(hémothorax).
- Fixer solidement le drain à la peau et laisser un fil en attente par un point en U.
Appareillage et maintenance du drainage
Les difficultés commencent lorsque le drain a émis en place: comment l'équiper et
comment le surveiller ? Un système de drainage pleural doit être :
- aseptique : manipuler avec précautions, faire un pansement autour du drain, ne pas
repousser un drain dans le thorax, ne pas réutiliser un orifice ancien ;
- perméable : un drain non fonctionnel car bouché est inutile (voire dangereux en cas
d'épanchement compressif). Il faut « traire » le drain plusieurs fois par jour à la main
ou à la pince pour fragmenter d'éventuels caillots ; cette traite peut être confiée après
éducation au blessé ou à la famille accompagnante ;
- irréversible : c'est-à-dire que les liquides et l'air ne doivent jamais pouvoir retourner
vers le patient : pour cela il faut deux choses : un récipient pour recueillir le liquide et
un système dit antiretour qui interdit le passage de l'air ou du liquide vers le patient.
Plusieurs systèmes antiretour sont possibles. Le plus simple est réalisé par une
poche à urine comme récipient et une valve unidirectionnelle de Heimlich entre le
blessé et la poche. En l'absence de valve de Heimlich, un doigt de gant fendu et
noué sur le drain peut en tenir lieu mais reste cependant d'efficacité moyenne (la
poche à urine doit être percée pour permettre l'évacuation de l'air). Autrement, un
système avec un bocal et de l'eau (figure n° 5) fait à la fois office de récipient et de
dispositif antiretour. Le tuyau venant du drain (patient) est plongé dans l'eau de 2 cm
ce qui interdit à l'air de revenir, un tube court ne plongeant pas dans le liquide un
orifice fait communiquer le bocal avec l'atmosphère. Ainsi toute ré-entrée d'air est
impossible lors des mouvements inspiratoires mais une remontée liquidienne est
toujours possible lors de mouvements très amples et, il faut, pour l'éviter, que le
bocal soit au moins à 40 cm au-dessous du thorax du patient. Il est donc important
que ces patients ne soient pas allongés par terre ; au fur et à mesure que le niveau
du liquide monte, l'aspiration devient moins efficace et il faut changer le bocal ou
remonter le tuyau dans le liquide ; des dispositifs plus efficaces (mais plus
compliqués) avec deux, voire trois bocaux peuvent aussi être utilisés.
- Aspiratif : l'idéal est de raccorder le (ou les bocaux) à une aspiration, ce qui facilite
la vidange pleurale et la ré-expansion pulmonaire ; mais ceci est souvent impossible
dans des structures limitées car on dispose rarement de source de vide et l'on peut
avoir recours à d'autres solutions : siphonnage simple où l'évacuation du liquide se
fait par simple gravité et qui peut être efficace si le drainage est parfaitement surveillé
; traite régulière de la valve de Heimlich par le blessé lui-même ou par son entourage
après éducation ; aspiration discontinue plusieurs fois par jour en fonction des
disponibilités du matériel et des infirmiers, en utilisant une aspiration à pied type
Pedavid ou un petit aspirateur électrique.
- Un dispositif de retransfusion. Il faut citer l'intérêt de l'autotransfusion (figure 6)
dans une structure les disponibilités en produits sanguins sont limitées. Le sang
recueilli dans une poche à urine pourra être immédiatement retransfusé au patient
après filtrage en utilisant une tubulure de transfusion.
Il faut souligner que lorsque l'on appareille un drain thoracique, un des principaux
problèmes est celui des raccords. Si l'on ne dispose pas de raccords du commerce,
il est généralement facile d'en fabriquer avec des bouts de tuyaux et de caoutchouc.
Il est donc indispensable que tout médecin ou infirmier isolé ait prévu, avant de
recevoir en urgence un traumatisé du thorax, et en fonction du matériel dont il
dispose, les différents raccords nécessaires depuis le patient jusqu'au dispositif de
recueil ou de retransfusion. Un système complet et cohérent doit ainsi être prêt et
stérilisé. Il faut vérifier régulièrement le montage : drains, tuyaux, raccords. Tous les
raccords doivent être apparents et non dissimulés par des pansements pour éviter
qu'ils ne se désadaptent sans que l'on s'en aperçoive.
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