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Cycle de séminaires de la Chaire Max Bastin sur le développement de
l’économie wallonne
Rapport du séminaire du 6 mars 2008 de 8h30 à 10h30
à Namur, (Place de l’Ilon, 17).
Thème : Quelle politique industrielle de soutien à l’investissement ?
Intervenant : Michel Mignolet (FNDP)
Discutant : Bernard Wilmotte (CSC-Métal)
Le soutien à l’investissement est un moyen important pour le maintien et le développement
des activités industrielles. Cette politique s’impose en Wallonie notamment en raison des
écarts de productivité et de coût par rapport à d’autres régions ainsi qu’entre sous-régions.
Elle est mise en œuvre par plusieurs instruments qui mobilisent des ressources publiques. Or,
ils n’ont pas les mêmes conditions d’efficacité ni la même efficience (rapport coût public/
impact).
Dès lors, faut-il accorder des subventions en capital ? Faut-il prôner des crédits d’impôts ou
des abaissements de la base taxable en fonction de l’effort d’investissement ? Faut-il abaisser
le taux d’impôt des sociétés ? Faut-il recommander des investissements publics ?
Et quelle doit être l’ampleur de ces interventions pour compenser un éventuel handicap
régional relatif? Bref, quels éléments prendre en compte dans le débat sur la politique de
soutien à l’investissement et comment améliorer les choix de politique économique en ce
domaine ?
Exposé
Introduction : bref examen de la situation de l’économie wallonne
(sources : données ICN, CERPE, projections CERPE et Bureau fédéral du Plan)
Population et activités
Une observation passée : 1995, une présente : 2005, et une projection : 2012 hors impact du
Plan Marshall.
La part flamande dans le PIB belge correspond à la part de la population de Flandre dans le
pays. La part wallonne du PIB reste inférieure à la part de la population et a tendance à
diminuer, tout comme celle de l’emploi. La Wallonie comprend 21% de l’activité marchande
nationale (contre 23% du PIB), ce qui peut être attribué à la fois à une faible attractivité pour
les investissements et à la surreprésentation du secteur non marchand public et privé. La
croissance relativement plus rapide de la part wallonne de l’activité économique entre 2002 et
2005 ne constitue pas un véritable regain, étant liée à un ralentissement en Flandre.
Un élément d’optimisme, la part des investissements (FBCF) en Wallonie augmenterait d’ici
2012, mais en restant inférieure à la part de la population wallonne, alors que celle des
investissements en Flandre dépasse la part de sa population. La poursuite du décrochage de
l’activité wallonne ne devrait que légèrement être améliorée par le Plan Marshall d’ici 2012.
Etant donné que 211 000 Wallons travaillent hors de Wallonie dont 127 000 à Bruxelles, la
part du PNB wallon (26,8%) tout comme la part des revenus primaires des ménages wallons
(28,1%) est supérieure à celle du PIB (23,6%) en 2005. Après transferts, (fiscalité, sécurité
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sociale,…), le revenu disponible atteint 29,4% pour 32,5% de la population belge. L’évolution
de tous ces indicateurs de revenus est en diminution entre 1995 et 2012.
Productivité et coût du travail
Le coût du travail par unité produite était de 2,7% plus élevé en Wallonie qu’en Flandre en
2004, en raison d’une productivité inférieure de 7,9% et malgré un coût du travail inférieur de
5,5%. Mais la situation s’est améliorée par rapport à 1995 parce que les salaires ont
relativement moins progressé. Les différences de productivité sont donc compensées par des
différences salariales mais pas suffisamment. L’écart de productivité atteindrait 18% dans les
services (partiellement compensé par des coûts salariaux inférieurs de 12,5% !), mais la
mesure est incertaine dans ce secteur. La Wallonie n’est globalement pas moins intensive en
capital productif dans l’industrie (rapport capital/travail), malgré une structure sectorielle
différente, mais elle pâtit probablement d’un moindre effet d’agglomération (densité
d’entreprises plus forte dans les zones urbanisées), celui-ci étant par exemple particulièrement
élevé au sein du triangle Bruxelles-Gand-Anvers. Les dotations en infrastructures jouent
également un rôle ainsi que le poids du passé (état de la reconversion). La rémunération du
capital est moindre en Wallonie mais s’est améliorée si l’on compare 2003-2004 avec 1995-
2002.
Un tel handicap impose d’investir dans le capital humain, le capital physique et la R&D
pendant plusieurs années, et plus que le fait la Flandre.
Quels instruments de soutien à l’investissement ?
Incitants ciblés
Incitants généraux
Incitants automatiques (fiscaux)
- Déductions d’investissement,
- Réserves d’investissement,
- Amortissements accélérés,
-
Incitants discrétionnaires (financiers)
- Subventions en capital,
-
Abaissement du coût du capital
- Diminution du barème de l’ISOC
- Régimes spéciaux réduisant la pression fiscale et
affectant la structure financière (Intérêts notionnels,
Centres de coordination, Aides à la recapitalisation,
Régimes anciens)
Instruments qui stimulent la productivité
Source : Michel Mignolet, FUNDP
Incitants ciblés : Leur octroi est conditionné par un investissement.
Automatiques (sans décision des autorités)
Les amortissements accélérés permettent d’augmenter l’économie fiscale.
Discrétionnaires (financiers) (suppose une décision des autorités)
Incitants généraux : Ils créent un cadre favorable aux investissements.
Abaissement du coût du capital
Les barèmes maximum de l’ISOC sont passés de 40,17% à 33,99% depuis 5-6 ans.
Instruments qui stimulent la productivité (construction d’une route,…)
Eclairages ex post (impact observé) et ex ante (impact attendu)
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On s’attend logiquement à un impact d’une réduction du coût du capital sur l’investissement
(ex ante). Mais, mise à part l’efficacité de la mise en œuvre des mesures (gouvernance), la
hausse des investissements (ex post) peut-être due à d’autres facteurs non observables.
Les incitants ciblés ont l’avantage d‘être sélectifs et plus efficients ex post (coût public/hausse
des investissements) comme ex ante (coût public/réduction du coût du capital), et ce,
contrairement aux incitants généraux qui représentent un gain « tombé du ciel » aussi pour les
entreprises qui n’investissent guère, et dont la part explicative des investissements est
difficilement mesurable. Les mesures ciblées comme une subvention en capital, provoquent
une hausse de la valeur des actions des entreprises qui investissent, vu qu’on anticipe des
dividendes futurs plus élevés, et ce au détriment de la valeur des actions des autres
entreprises. Le jeu boursier amplifie donc l’effet des aides publiques. En cas de mesures
générales, c’est la valeur des actions de toutes les entreprises qui vont être majorées.
Mais des effets d’aubaine sont possibles aussi en cas de mesures ciblées (l’investissement
aurait eu lieu en l’absence de la mesure), par exemple si l’investissement a été programmé sur
5 ou 6 ans. Même dans ce cas l’impact n’est pas perdu, car l’économie fiscale qui se
matérialise deux ans après l’investissement constitue un levier pour de nouvelles décisions
d’investissement.
Enfin, outre l’incertitude de se les voir ou non attribuer, les aides ciblées discrétionnaires,
contrairement aux aides ciblées automatiques, comportent des coûts administratifs ainsi qu’un
risque de lobbying, d’erreur et de distorsion de concurrence.
Certaines mesures générales n’ont pas d’effet dans certaines circonstances. La maison mère
américaine ne paiera pas moins d’ISOC si le taux est réduit en Belgique, car l’ISOC belge est
déduit de l’ISOC dû au Trésor américain.
Les mesures ciblées sont globalement plus efficaces et plus efficientes mais sont moins
accessibles aux PME qui ont un accès réduit à l’emprunt, tandis que les aides non ciblées leur
donnent l’occasion de mettre en réserve pour investir sur fonds propres.
Conclusions
Les aides ciblées sont globalement plus efficientes et réduisent le coût du capital des seules
entreprises qui investissent, tandis que les mesures générales sont plus neutres, plus simples et
créent un « climat » favorable. A côté de l‘importance du rendement pour motiver
l’investissement, il faut souligner l’importance de la confiance : éviter l’insécurité juridique,
les changements de politique, manifester la volonté politique et avoir les moyens de sa
politique.
Une régionalisation de l’ISOC fait craindre que la Wallonie aura moins de capacités pour la
réduire. La discipline budgétaire de la Région et de la Communauté peut atténuer les craintes.
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NB : La série des cahiers du CERPE (FUNDP) sont téléchargeables sur le site :
www.fundp.ac.be/facultes/eco/departements/economie/centres/cerpe/cahiers/
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Intervention du discutant
Bernard Wilmotte attire l’attention sur l’intérêt de la contribution sur ce thème au Congrès des
économistes (distribué en séance)
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et notamment sur ses conclusions qui ont motivé ses
réflexions suivantes :
- Le niveau des dépenses en R&D était en 2003 largement supérieur à celui des régions
comparables (1,99% du PIB contre 1,31%).
- La Wallonie a repris le chemin de la croissance plus tardivement que d’autres régions en
reconversion, mais la question importante est de savoir si ce regain est durable et
structurel.
- Le Plan Marshall est une initiative appréciable sortant de la logique des entreprises
assistées. Il faut ajouter l’usage des Fonds structurels alors que pour 2007-2013, la RW
émarge à l’objectif de convergence (1,5 mia pour le Hainaut) et à l’objectif
« compétitivité régionale et emploi » ex-objectif 2 (1,1 mia pour la Wallonie).
- Les instruments de soutien à l’investissement sont très diversifiés, la façon de les mettre
en oeuvre importe aussi, et une analyse au cas par cas s’impose souvent, en distinguant
les PME des GE et les groupes internationaux des firmes à ancrage wallon. L’argent
public étant celui du contribuable, il s’agit de faire des choix malgré le risque de
subjectivité, notamment eu égard à certaines situations très bénéficiaires et aux risques
d’effets d’aubaine, et en tenant compte des impacts différenciés suivant les sous-régions.
- Pour autant, le débat politique sur les intérêts notionnels, alors même que des sociétés
publiques les utilisent, risque de se répercuter sur les investissements privés, s’il devait se
prolonger. Pourra t-on finalement estimer l’impact de cette mesure, son impact serait-il
différent entre Flandre et Wallonie ?
Dans le domaine aéronautique en particulier :
- Il existe des interventions publiques sélectives qui permettent à des PME de participer à
des programmes aéronautiques européens en pré-finançant leurs investissements. Ces
interventions qui se justifient par le volume des investissements nécessaires, ont aussi des
retombées positives pour l’environnement (bruit, consommation énergétique) et pour
d’autres secteurs (matériel médical). Mais le succès n’est pas garanti (10 à 15 ans pour
rentabiliser les investissements, minimum de 300 A 380 nécessaires, marché en dollar qui
baisse, mais très porteur.
- Ce secteur a pu être redressé grâce à de l’aide publique (avances remboursables à prix
meilleur que celui du marché et annulant une partie du risque), sans quoi de gros
programmes nous auraient échappés. Elle constitue une condition de sa viabilité. La
concertation y est cependant rendue difficile par le caractère stratégique des informations
industrielles.
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Hélène Laurent, Olivier Meunier et Michel Mignolet, Quel instrument choisir pour relancer les investissements
dans les régions en retard ?, 17ème Congrès des économistes belges de langue française, Nos Régions en
Europe : voies d’impasse, voies d’avenir. Quel développement pour la Wallonie et Bruxelles ?, 2007, pp 417-
431.
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Le débat
La part de la Flandre dans les indicateurs doit être relativisée par le fait qu’elle constitue une
des régions les plus dynamiques de l’UE sur le plan économique. L’image serait différente si
l’on comparait avec les autres régions contiguës. Mais M.Mignolet signale que d’autres de ces
régions arrivent à améliorer leurs performances par rapport à la Flandre. Et les projections du
CERPE (FUNDP) présentées pour 2012, sont plus positives que celles des organismes
régionaux sur des modèles plus raffinés.
M.Mignolet détaille l’évolution : de 1955 à 1975 la Flandre faisait 1% de croissance de plus
que la Wallonie, ce différentiel s’est progressivement atténué (1% entre 1975 et 1995, 0,5%
entre 1995 et 2000), puis s’est annulé en 2002-2005 (toute récente moindre performance de la
Flandre, l’on attribue ce ralentissement à un manque de consensus fédéral sur des mesures
qui seraient favorables (notamment) à la Flandre).
Il est frappant de constater le décrochage salarial entre Flandre et Wallonie en l’absence de
régionalisation des conventions. Selon M.Mignolet, il y a lieu de mieux accorder les salaires
aux différences de productivité en donnant plus de poids à la négociation d’entreprise dans le
cadre actuel.
Les défis qu’imposent l’évolution de la Wallonie ne devraient pas conduire à verser de
l’argent public de façon inconsidérée à des entreprises qui font beaucoup de profit,
notamment pour payer leurs émissions de CO2.
Si l’estimation budgétaire semble incorrecte, la loi sur les intérêts notionnels garde sa
légitimité selon M.Mignolet, alors que l’Allemagne et la France qui étaient à la traîne ont
brutalement abaissé leur taux d’ISOC. Jusqu’où la sescalade ? La défiscalisaton en cascade
ne nécessite-t-il pas une action au niveau de l’UE pour encadrer la politique de soutien à
l’investissement ? La Commission a toujours été partagée entre l’option de convergence vers
la taxation médiane défendue par la Direction de la concurrence et l’option de politique
régionale consistant à accorder des aides un temps limité à des régions en retard, de façon à
créer de l’activité qui puisse susciter des effets d’agglomération. Il faut remarquer qu’il est
possible de combiner aides ciblées et taux différenciés des aides nérales (Alentejo), comme
le fait d’ailleurs la Chine. On peut se demander si les politiques européennes de convergence
ne contribuent pas à disperser les aides et à minimiser les effets d’agglomération. En théorie,
en Wallonie, il faudrait concentrer sur Liège et Charleroi mais on constate que ce sont les
zones périphériques qui se développent (arr.Verviers, Warremme-Hannut, Brabant-Wallon,
Hainaut occidental, Arlon-Luxembourg-ville) ce qui justifie d’articuler le développement de
la Wallonie et de Bruxelles. Faut-il exploiter davantage ces dynamiques, dont l’axe Bruxelles-
Namur pour créer des effets d’agglomération ? (voir expertise de Jacques Thisse et Isabelle
Thomas)
Si le rendement des recettes d’ISOC était réduit de 20% (2 sur 10 milliards d’euros), cela nous
ferait passer d’un taux effectif de 34% à quelque 26% , qui est la moyenne européenne ! Les
entreprises à fort profit n’en ont pas besoin mais celles à faible solvabilité peuvent se sortir
d’affaire et ne pas se faire absorber. Les études montrent que la sécurité juridique apportée par
le maintien d’une mesure erronée vaut parfois mieux que sa suppression ou son changement
radical.
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