A) Quelles marges de manœuvre

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LA POLITIQUE BUDGETAIRE A-T-ELLE ENCORE UN AVENIR AUJOURD’HUI ?
INTRODUCTION :
Dans l’union monétaire européenne, si la politique monétaire est unique, les
politiques budgétaires demeurent l’apanage des Etats, sous contraintes imposées
par le pacte de stabilité.
Pour une économie nationale, la disparition de l’instrument monétaire n’est
pas neutre puisqu’elle limite sa capacité d’ajustement. Bien sûr, il lui reste
l’instrument budgétaire, mais, d’une part, celui-ci est bridé par les contraintes
d’équilibre de moyen terme, et, d’autre part, les effets de débordement et
d’interdépendance limitent l’autonomie et l’efficacité des politiques budgétaires
nationales.
Evidemment, on peut considérer que l’activisme budgétaire est à proscrire
parce que inefficace ou contre-productif. Si on choisit cette option, l’orientation
consiste à rendre « neutre » la politique budgétaire et à promouvoir des réformes
structurelles pour améliorer la flexibilité des prix et des salaires qui constitue un
moyen d’ajustement jugé alors suffisant.
Il apparaît néanmoins que, quelle que soit l’efficacité que l’on attribue aux
politiques budgétaires, leur pertinence n’est réelle qu’à une échelle européenne.
C’est pourquoi, si l’on en vient à se demander quelle peut être encore
l’efficacité actuelle de la politique budgétaire, nous essaierons ici d’apporter une
« réponse européenne » à cette question.
L’union monétaire modifie cependant fortement les conditions dans lesquelles
vont s’exercer ces politiques, et elles devraient être davantage sollicitées. Il faut
toutefois bien cerner leurs marges de manœuvre ; celles-ci sont en fait très limitées.
Aussi, un possible renouveau des politiques budgétaires nationales ne pourra-t-il
s’exprimer que dans le cadre d’une coordination renforcée ?
I) LE POSSIBLE RENOUVEAU DES POLITIQUES BUDGETAIRES
NATIONALES…
A) Une efficacité retrouvée
 De l’UEM découle un nouveau contexte pour les politiques économiques :
favorise l’efficacité de la politique budgétaire.
 Au niveau interne : ajustement des taux de change imposés + mobilité des
capitaux renforcent l’efficacité des politiques budgétaires. (Mundell-Fleming).
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 Hausse dépenses => hausse taux intérêt => capitaux étrangers =>
croissance => baisse taux d’intérêts. (si la hausse des taux
d’intérêts initiale ne se révèle pas dépressive).
 Effet plus faible dans un modèle à prix flexible (inflation => baisse de compétitivité
interne).
 Mais c’est la flexibilité des taux de change qui organise les relations de la zone
euro avec le reste du monde. Donc l’impact est différent ! L’appréciation de l’euro
(effets déflationnistes) compense l’effet expansionniste de la politique budgétaire
initiale. Les effets varient selon le pays et le degré d’ouverture (Huart, 98 ;
Koenig, 98 => effets de débordement).
 Effet dépend également du caractère + ou – généralisé des politiques de relance.
B) L’autonomie : une nécessité pour une plus grande flexibilité dans la
réponse aux chocs.
 L’usage accru de politique budgétaire trouve sa légitimité dans le fait que l’UE
n’est pas une zone monétaire optimale.
 Parmi les instruments ou mécanismes pour faire face aux chocs asymétriques ou
spécifiques (flexibilité des prix et des salaires, mobilité du travail, budget fédéral),
seule la politique budgétaire est actuellement à la disposition des Etats.
 La politique budgétaire remplit une fonction de stabilité de la conjoncture
(notamment atténuation des cycles de demande).
 Mais elle reste un instrument rigide (délais de compréhension du choc, de la
réponse à apporter, de l’adoption du projet budgétaire).
 Utilisation plus incertaine (comme toute politique macro-économique) pour les
chocs permanents (principalement les chocs de l’offre). mais la politique
budgétaire devient une mesure d’accompagnement d’actions structurelles à long
terme. Elle favorise alors les ajustements nécessaires en termes
d’investissement, d’emploi ; et atténue les conséquences régionales des chocs.
II) … RESTE SOUMIS A PLUSIEURS CONDITIONS
A) Quelles marges de manœuvre ?
 Sur le long terme, les Etats sont confrontés à des tendances lourdes affectant les
dépenses et les recettes : limitent les marges de manœuvre des politiques
budgétaires.
 Coté dépenses : vieillissement de la population, maintien à un
chômage élevé…
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 Côté recettes : rejet de la pression fiscale, concurrence fiscale
(capital, travail, entreprises)…
 La politique budgétaire est soumise à un double carcan :
 1) le pacte de stabilité (particulièrement coercitif, contrôle prudentiel
radical). Pourtant il peut permettre aussi de renouveler les marges
de manœuvre : possibilité de véritable politique de stabilité (avec un
excédent ou un déficit limité). Mais cette liberté n’est que limitée (en
raison, pour certains pays, de la difficulté de répondre à ces
obligations).
 Le rôle du pacte de stabilité est négatif sur les politiques budgétaires
en renforçant son caractère procyclique. Le risque de biais
déflationniste préjudiciable à la croissance et à l’emploi n’est donc
pas nul.
 2) la contrainte de solvabilité des Etats. (même si elle dépend
largement du contexte macro-économique : croissance et taux
d’intérêts faibles favorisant l’équilibre budgétaire).
B) Une nécessaire coordination
 Efficacité retrouvée mais incertaine, des marges de manœuvre limitées : tout ceci
impose une coordination accrue des politiques économiques.
 Coordination d’abord avec la politique monétaire (qui détermine l’efficacité des
actions budgétaires ; mais incertitude quant à la politique de la BCE). Sera-t-elle
toujours restrictive ? Ou davantage pragmatique ? Avec alors la possibilité d’une
véritable policy-mix européenne ?
 Une coordination budgétaire permettra d’internaliser les externalités des relances
nationales, d’éluder le danger d’une concurrence fiscale. Elle empêchera que les
politiques ne soient ni trop expansionnistes ni trop restrictives.
 2 modalités pratiques :
 1) Peut imposer le respect de règles préalablement définies (comme
le pacte de stabilité). Mais se trouve confronté au manque de
souplesse et à l’hétérogénéité des situations.
 2) La coordination budgétaire discrétionnaire est susceptible de
soumettre la politique budgétaire aux anticipations adaptatives, et
donc d’annihiler les effets escomptés. Peut buter sur les limites
mêmes rencontrées par toute mesure de politique économique.
 Aucune des deux modalités n’est vraiment adaptée. N’existe-t-il pas alors une
forme internationale de coordination ?
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 Solution : établir un programme-cadre de coordination budgétaire à moyen terme.
Il comporterait :
 Des règles plus ou moins souples, mais précises et univoques
établies sur la base de scénarios envisageant la probabilité
d’apparition de chocs de toute origine, nature et durée.
 Des clauses prévoyant la possibilité d’adapter les modalités
convenues de la coordination selon les situations économiques
variables de la Communauté des Etats membres.
 Reste un obstacle : la mise en place d’une institution qui ne serait pas seulement
le lieu de débats et d’informations, mais également de concertation et de
décision, avec une administration rassemblant l’information et préparant les
décisions (ce que ne sont ni le Conseil de l’euro, ni le Conseil des Ministres).
CONCLUSION :
Les possibilités sont donc bien réelles : les politiques budgétaires nationales
sont probablement utiles, nécessaires même en l'absence de tout autre mécanisme
de stabilisation de l’économie.
Il reste à organiser le cadre dans lequel elles pourront fonctionner de façon
coordonnée.
Ce n’est pas le moindre paradoxe de l’union monétaire européenne d’avoir
pour l’instant, comme pour le fédéralisme budgétaire, laissé cette question sur le
côté…
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