Aires volcaniques et forestières de la
Martinique
France
Date de soumission : 09/04/2014
Critères: (vii)(viii)(ix)(x)
Catégorie : Naturel
Soumis par :
Délégation permanente de la France auprès de l'UNESCO
Etat, province ou région :
Région d’outre-mer Martinique
Ref.: 5881
Description
D’une superficie de 1 080 km2, l’île de la Martinique se localise au cœur de l’arc des Petites Antilles entre la
Dominique au Nord et Sainte-Lucie au Sud. Longue de 65 kilomètres environ et large d’une trentaine de kilomètres,
cette île orientée Nord Nord Ouest (NNW) - Sud Sud Est (SSE), est la plus excentrée de l’arc antillais. Sur le plan
écologique et environnemental, elle se caractérise par un relief volcanique très accidenté, extrêmement montagneux
au nord avec la Montagne Pelée (1 395m) et les Pitons du Carbet (1 197m au Piton Lacroix). Soumise à un climat
tropical maritime humide, cet ensemble naturel bénéficie d'une pluviosité annuelle abondante renforcée ou au
contraire atténuée par les effets de relief.
La topographie de l’île se caractérise par une partie septentrionale montagneuse et le reste du territoire est vallonné
au sud et relativement plan à l’approche de la baie de Fort-de-France. Toutefois, l’île est avant tout un continuum
volcanique qui s’étire du Nord au Sud. L’île est drainée par 70 cours d’eau pérennes qui se répartissent en deux
grandes catégories : les torrents (au nord et au sud) et les rivières de type mixte (au centre). Le linéaire côtier, de
450 kilomètres environ, offre des paysages aussi diversifiés que des falaises, des anses sablonneuses, des grèves,
des mangroves, des embouchures de rivières exoréiques, tous ces faciès jouxtant des herbiers de phanérogames
marines et des platures coralliennes en relations constantes. Enfin, un ensemble d’îlots (appelés localement îlets)
ceinture le trait de côte et joue le rôle de véritables laboratoires naturels.
La grande diversité des conditions bioclimatiques, topographiques et altitudinales favorise la mise en place de
nombreux écosystèmes terrestres, principalement forestiers, et d'une flore très riche, surtout si on la rapporte à
l'exiguïté du territoire. Ainsi se succèdent, des rivages aux sommets volcaniques, la mangrove, des forêts xérophiles,
mésophiles, hygrophiles, montagnardes, des fourrés semi-arborés au-dessus de 800 mètres et, au-dessus de 1 100
mètres, des savanes altitudinales à fougères et broméliacées.
La flore indigène de ce continuum comprend environ 1 200 espèces de phanérogames dont 12% environ sont
endémiques des petites Antilles, auxquelles il faut ajouter 200 espèces parfaitement naturalisées et se comportant
comme des espèces autochtones.
Parmi les vertébrés, de nombreuses espèces sont également endémiques des Petites Antilles, notamment parmi les
oiseaux (Oriole de la Martinique, Moqueur à gorge blanche, Colibri à tête bleue...) et les reptiles (Anolis roquet,
Trigonocéphale, Sténostome à 2 raies...). Dans le domaine des invertébrés, particulièrement chez les insectes, les
arachnides, les mollusques, la biodiversité s'avère de plus en plus étonnamment riche et intéressante au fur et à
mesure du développement des investigations.
Justification de la Valeur Universelle Exceptionelle
La singularité du bien réside fondamentalement dans l’interaction entre les processus volcaniques et tectoniques, et
les dynamiques biologiques qui contribuent à la constitution d’une richesse floristique et faunistique exceptionnelle.
Critère (vii) : Le monument naturel proposé s'inaugure par la Montagne Pelée qui, par ses velours verdoyants
domine la rade de la ville de Saint-Pierre et bénéficie d’une charge historique particulière liée à sa réputation de
volcan actif. Ce relief comprend des lignes de force paysagère remarquables. Cette splendeur de départ se prolonge
par celle des Pitons du Carbet qui s'élancent d'un singulier ensemble au-dessus des touffeurs forestières. À l'autre
bout, au sud, le continuum s'achève avec les formes très suggestives du morne Larcher (« La femme couchée »),
parachevées à quelques encablures du rivage, par un autre témoin spectaculaire du volcanisme explosif que
constitue le Rocher du Diamant. Ce dernier représente une curiosité géologique, chargée d'histoires, peuplée de
légendes, qui confère à la rade de la commune du Diamant la touche d'une esthétique indiscutable.
Critère (viii) : Scindée en deux parties par le graben du Lamentin, la chaîne volcanique de la côte Caraïbe du
continuum proposé à l’inscription présente un ensemble d’appareils volcaniques bien individualisés regroupant des
stratovolcans qui s’imposent par la qualité paysagère remarquable de leur relief mais elle comporte également au
niveau de la Presqu’île du sud-ouest, un écrin de petits volcans aux dynamismes éruptifs variés.
Ces massifs illustrent parfaitement tous les aspects du volcanisme associé à cette zone de subduction paradoxale,
matérialisée par la marge active de la Caraïbe, au milieu d’une marge passive qui s’étire sur presque un demi-tour du
globe, le long des côtes américaines.
Le continuum proposé présente une mosaïque de formes telluriques, une compacité et une délimitation naturelle de
l’ensemble, des appareils individualisés et des alignements de volcans, une lisibilité des structures géologiques, une
accessibilité des sites, une intégrité des objets géologiques, une grande variété de roches magmatiques, différents
modèles de fonctionnement de chambres.
Par ailleurs, la Montagne Pelée, à cause de l’éruption du 8 mai 1902 jouit d’une notoriété scientifique internationale et
de l’existence d’une recherche scientifique actualisée. Elle est un lieu fondateur dans l’émergence de la volcanologie
moderne et de la surveillance volcanique.
Critère (ix) : La végétation comprend un nombre très important d'espèces endémiques dans les formations
végétales, essentiellement forestières, des zones submontagnardes, montagnardes et altitudinales. Une espèce
arborée sur deux est endémique des Petites Antilles dans ces étages de végétation. Ce processus d'isolement des
populations, renforcé par l'histoire géologique particulière de la Martinique, a sans doute favorisé la spéciation et
l'apparition de nombreuses espèces endémiques dans l’île. Les genres d'arbres forestiers (Sloanea, Eugenia,
Miconia), riches en espèces endémiques sont de bons exemples de radiation évolutive à partir d’espèces ancestrales
originaires du nord de l'Amérique du Sud ou des Grandes Antilles.
Le monument naturel proposé constitue incontestablement un laboratoire de première importance pour comprendre
les phénomènes d’évolution des espèces, de spéciation géographique et d’endémisme. Les coeurs de sites
constituent également, dans certaines de leurs parties, un remarquable laboratoire pour l’étude de la dynamique
successionnelle de la forêt des Petites Antilles. Il offre en effet un formidable processus d’expérimentation naturelle
qui exige un travail scientifique d’envergure.
Critère (x) : Le continuum volcanique et forestier proposé accueille tous les étages de végétation et tous les types
forestiers propres à la Martinique et aux Petites Antilles centrales montagneuses.
Ces espaces se caractérisent par leur richesse biologique et par la qualité des écosystèmes forestiers qu’ils
hébergent. Beaucoup d’entre eux, déjà protégés naturellement par des conditions de terrain extrêmement hostiles,
sont des candidats idéaux pour une conservation optimale à long terme in situ. Certains, quasi inaccessibles, sont
indiscutablement primitifs, comme tout le fond de la vallée de la Grande Rivière, les pentes, crêtes, vallées et ravines
autour du Pain de Sucre, ainsi que l’espace et le plateau compris entre le Pain de Sucre et la rivière des Gommiers.
D’autres, depuis le passé le plus ancien restés éloignés de toute zone habitée, et desservis par de rares traces
(chemins) de chasseurs aujourd’hui abandonnées et effacées par la reprise de la végétation, sont constitués de
forêts hygrophiles anciennes ayant été peu modifiées et globalement subclimaciques.
La potentialité originelle de la végétation de l’île est essentiellement forestière : en effet, tous les espaces
primitivement boisés ouverts soit par l'Homme, soit par des catastrophes naturelles, sont rapidement reconquis par la
forêt (même dans les secteurs les plus secs comme la Pointe Caracoli sur la Presqu’île de la Caravelle), dès lors
qu'aucune intervention humaine n’ait été constatée sur une durée suffisante. En outre, un nombre notable de ces
espaces forestiers, lorsqu'ils sont très difficilement accessibles, ou très éloignés, ou très fortement accidentés se sont
maintenus à un stade au moins subterminal (très proche du climax) ou au moins dans un stade secondaire avancé.
La biodiversité végétale, dans l'aire globale du continuum est très élevée : on dénombre environ 1 400 espèces de
phanérogames dont 1 200 autochtones, et 200 naturalisées.
Le territoire du parc naturel régional de Martinique a été identifié dans le cadre d’une étude de chercheurs
internationaux parmi les 100 aires protégées les plus irremplaçables au monde pour les espèces menacées en
raison de son importance internationale pour 13 espèces d’oiseaux et 4 mammifères. Le bien proposé est également
couvert par des priorités internationales, puisqu’il fait partie du hotspot de biodiversité des îles caribéennes, et inclut
10 aires importantes pour les oiseaux.
Déclarations d’authenticité et/ou d’intégrité
Intégrité
En ce qui concerne les espaces du Bien proposé à l’inscription, il s’agit des espaces naturels de qualité biologique et
paysagère majeure qui s’organisent autour des cinq grandes aires géomorphologiques et orographiques d’origine
volcanique qui ont édifié la Martinique et d’un 6ème ensemble plus dispersé :
1re aire : le massif du Piton Mont Conil et les mornes et pitons adjacents sur les communes sur Prêcheur et Grand-
Rivière,
2e aire : l’édifice volcanique récent de la Montagne Pelée et ses différents versants,
3e aire : le massif du Morne Jacob et des Pitons du Carbet, la coulée forestière du Morne Rose à Fond Boucher sur
les communes de Bellefontaine et Case-Pilote,
4e aire : la Presqu’île de la Caravelle à Trinité,
5e aire : la Presqu’île des Trois-Îlets,
6e aire plus dispersée : constituée de 6 zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) du
centre et du sud de l’île, toutes à très haute valeur écologique, Montagne du Vauclin, mornes calcaires de Sainte-
Anne, Morne Aca, Ravine Saint-Pierre et Morne Préfontaine, Morne David et Bois la Charles, Pointe Bateau et Pointe
Jean-Claude et d'îlets ou rochers de grande importance botanique ou ornithologique : le Rocher du Diamant, les îlets
de Saint-Anne et l'îlet Chevalier.
Les menaces qui pèsent actuellement sur ces zones sont principalement d’origine anthropique avec l’urbanisation et
la fragmentation des habitats. Les zones les plus pentues et arrosées peuvent être fragilisées par une sur-
fréquentation en particulier sur les lignes de crêtes qui sont les ouvertures les plus fragilisantes pour ces massifs
montagneux. De nombreuses actions de police sont mises en place pour lutter contre ces dégradations.
Comparaison avec d’autres biens similaires
10 000 hectares. À titre de comparaison l'aire inscrite sur la Liste du patrimoine mondial du parc des Trois Pitons de
la Dominique est de 7 000 hectares, celle (également inscrite sur la Liste du patrimoine mondial) de la zone de
gestion des deux Pitons de Sainte-Lucie est de 2 909 hectares. L'aire centrale du Parc National de la Guadeloupe
est de 21 850 hectares.
Par rapport aux autres biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial dans les Caraïbes, le bien martiniquais
proposé à l’inscription est le seul englobant tous les étages de végétation des Petites Antilles. Par conséquent, le
périmètre central du bien sélectionné propose deux grandes aires forestières s'étendant sans discontinuité du littoral
aux sommets volcaniques.
En outre, l'aire centrale du continuum martiniquais "Pelée-Pitons-Péninsule du Sud-ouest" possède le nombre le plus
élevé d'arbres forestiers autochtones recensés dans un parc ou une réserve des Petites Antilles, soit 321 espèces
autochtones. La Martinique est d'ailleurs l'île qui héberge le plus grand nombre d'espèces arborées autochtones des
Petites Antilles.
Sur les 321 espèces arborées autochtones présentes dans le continuum martiniquais proposé au classement,
environ 88 (78 en zone de montagne au-dessus de 400 m et 10 seulement dans la zone basse) sont endémiques
des Petites Antilles, c’est à dire endémiques d’une seule île ou de deux îles ou davantage. Pour la Guadeloupe ce
chiffre, selon Bernard Rollet[1], s’élève à 71, pour la Dominique à 58, pour Sainte-Lucie à 56, pour Saint-Vincent à
33. Ainsi, dans son seul périmètre, le bien délimité contient plus d’espèces arborées endémiques des Petites Antilles
que n’importe laquelle des autres îles prise dans sa totalité.
Enfin, la Martinique est l’île possédant le plus grand nombre d’espèces arborées endémiques strictes. Elle en
contient 13, 11 dans sa zone de montagne et 2 dans sa zone basse. Sur ces 13 espèces 12 sont incluses dans le
périmètre du continuum proposé à l’inscription. A titre de comparaison, les espèces endémiques sont au nombre de
5 pour l’île de la Dominique, de 4 pour Sainte-Lucie, de 3 pour la Guadeloupe et de 1 pour chacune des trois îles
suivantes : Saint-Vincent, Grenade et Barbade. Dans l’aire proposée à l’inscription, la diversité spécifique est
également très importante parmi les ptéridophytes et les bryophytes. Pour toute l’île, 260 taxons de ptéridophytes ont
été répertoriés [2] alors que la Guyane française, 77 fois plus grande, compte 335 taxons de ptéridophytes[3].De
plus, l’île de la Martinique contient 355 espèces de bryophytes[4]. La quasi-totalité des espèces de ces deux derniers
groupes est située dans le continuum proposé.
En ce qui concerne l’analyse comparative relative à l’endémisme de la faune, si les inventaires sont complets pour
les vertébrés terrestres, ils sont loin de l’être pour les invertébrés. De nombreuses familles d’insectes et d’araignées
sont encore très mal connues, non seulement à la Martinique mais aussi dans les autres îles des Antilles. Des
inventaires concernant les Antilles françaises sont en cours de réalisation et des ouvrages sur les orthoptères et les
mollusques terrestres sont en cours de parution. A titre d’exemple, quelques comparaisons ont été faites pour
certaines familles de Lépidoptères (Rhopalocères) et de Coléoptères (Cerambycidae et Scarabaeidae). Une étude
récente a également été réalisée sur les mollusques terrestres. Il s’agit d’une analyse comparative des espèces
endémiques strictes avec les îles environnantes : Guadeloupe : 9 espèces[5]; l’île de la Dominique : 15 espèces[6];
La Martinique : 11 espèces[7]. Cependant, les dernières recherches effectuées et en cours de publication portent à
16 espèces au moins le nombre des espèces endémiques strictes de la Martinique. La Martinique apparaît
actuellement comme l’île des petites Antilles où le nombre d’espèces de mollusques terrestres endémiques est le
plus important.
[1] Bernard ROLLET et Coll "Arbres des Petites Antilles" - Tome 1 - édité en 2010 par l'ONF
[2] Bernard, étude DEAL/ONF en cours
[3] Boudrie & Cremmers 2009
[4] Lavocat Bernard & Schäfer-Verwimp, 2011
[5] Bouchet & Cosel, 1991
[6] Robinson et al. 2009
[7] Bouchet & Cosel, 1991
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