PD Accords de libre échange CH

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Service de presse de Travail.Suisse – No 16 – 5 novembre 2007 – Politique étrangère
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Accords bilatéraux de libre-échange CH – pays émergents et en voie de développement
Inclure aussi les aspects sociaux, du travail et de l’environnement
Les négociations commerciales multilatérales à l’OMC étant bloquées, les accords bilatéraux de libre-échange se multiplient. De tels accords doivent aussi
inclure les questions du travail ou de l’environnement. La Suisse doit agir dans
ce sens.
L’imbrication économique de la Suisse se fait essentiellement avec les pays de l’UE : 80%
de nos importations y proviennent et 62% de nos exportations y sont destinées. Mais on
assiste à une rapide redistribution des cartes avec l’émergence de nouveaux mastodontes
économiques dans le monde comme la Chine ou l’Inde. De nombreux autres pays en développement connaissent une importante croissance économique et deviennent des partenaires économiques de plus en plus importants pour notre pays.
Cette redistribution des cartes de la mondialisation, avec un déplacement du centre de
gravité économique vers la zone Asie-Pacifique, représente une chance pour l’industrie
d’exportation helvétique qui peut profiter de nouveaux marchés en plein essor pour ses
produits à haute valeur ajoutée. Un marché mondial de plus en plus intégré se met en
place, à l’image du marché de l’UE mais à une échelle tout autre !
Mais le marché de l’UE fonctionne avec des règles sociales et de protection des travailleurs et travailleuses (certes perfectibles) qui permettent de trouver un équilibre acceptable entre les impératifs économiques et les besoins des travailleurs/euses.
Mieux réguler socialement le marché mondial
Or, rien de tel n’existe au niveau mondial ! Et, avec le poids économique de plus en plus
fort des grands pays émergents, il est nécessaire (et logique) de mieux encadrer la globalisation économique sur le plan social, du travail, de l’environnement et de la démocratie.
Sinon, on assistera à une baisse des normes sociales et du travail dans les pays industriels
traditionnels et à plus d’inégalités dans les pays émergents.
Au niveau mondial, l’intégration économique croissante devrait être réglée au sein de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Et, dans ce cadre, le cycle de négociation
de Doha, qui dure depuis plus de 5 ans, n’a toujours pas abouti. Les raisons principales ?
Les pays industrialisés traditionnels (UE, Etats-Unis) ne sont pas prêts à faire les concessions nécessaires pour ouvrir leurs marchés aux produits concurrentiels des pays du Sud ;
les nouveaux pays émergents, comme l’Inde ou le Brésil rechignent à baisser leurs tarifs
douaniers pour protéger leur industrialisation.
Service de presse de Travail.Suisse – No 16 – 5 novembre 2007 – Politique étrangère
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A terme, il n’y a pourtant pas d’alternative au système commercial multilatéral. Et l’OMC
reste la seule structure qui puisse apporter des réponses adéquates à des problèmes globaux. Face à la concurrence accrue de la Chine, de l’Inde, du Brésil etc., un système commercial bien régulé est dans l’intérêt des pays industriels.
Développement continuel des accords bilatéraux de libre-échange
Avec l’échec à l’OMC, les pays industrialisés, forts de leur puissance commerciale, misent
de plus en plus sur la conclusion d’accords de libre-échange bilatéraux.1 Ces dernières
années, l’UE a conclu de tels accords avec le Mexique, le Chili, l’Afrique du Sud. D’autres,
avec la Chine, l’Inde et la Russie notamment, devraient suivre.
Pour lutter contre les discriminations qui peuvent résulter du nombre croissant d’accords
préférentiels négociés par l’UE ou les Etats-Unis, la Suisse négocie elle aussi, essentiellement dans le cadre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), des accords de
libre-échange avec différents pays, comme les pays du Golfe, la Thaïlande, la Colombie et
l’Indonésie. Des discussions sont aussi menées pour une ouverture de négociations avec
la Chine, la Russie et des pays d’Amérique latine.
Dans ce contexte de bilatéralisme croissant, les Etats-Unis et l’UE ont fait inclure, dans les
récents accords de libre-échange, des considérations sociales et du travail. Exemples : depuis 2001, les Etats-Unis ont signé des accords avec le Chili, Singapour, la Jordanie. Dans
tous ces accords « Les Parties réaffirment les obligations qui leur incombent en leur qualité de Membres de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ainsi que leurs engagements qu’elles ont pris en vertu de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits
fondamentaux au travail et à son suivi. ». La reconnaissance et la promotion des droits
sociaux fait aussi partie intégrante de l’ensemble des accords commerciaux récents de
l’UE, à l’instar de l’accord signé avec le Chili ou l’accord de coopération avec l’Afrique du
Sud.2
Le seco ne fait rien pour inclure des aspects sociaux dans les accords bilatéraux
Et la Suisse ? Elle qui au moins s’engageait à renforcer la cohérence entre le commerce
mondial et les normes fondamentales du travail dans le cadre de l’OMC, ne manifeste pas
la moindre intention de faire de même quand il s’agit d’accords bilatéraux de libreéchange ! Pour le seco, chargé du dossier, les questions sociales, du travail ou environnementales n’apparaissent pas dans les critères de choix des partenaires de négociation
des accords de libre-échange.
1
Depuis le début des années 90, le nombre des accords bilatéraux ou régionaux a plus que quadruplé. Selon
l’OMC, il en existe au total près de 300.
2
„Accords de libre-échange et droits des travailleurs: évolution récente“ Cleopatra Doumbia-Henry et Eric
Gravel. Revue internationale du Travail, vol 145 (2006), n° 3.
Service de presse de Travail.Suisse – No 16 – 5 novembre 2007 – Politique étrangère
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S’il n’y a rien à redire à ce que notre pays développe son réseau d’accords de libreéchange pour éviter que l’économie d’exportation soit discriminée, il faut, par contre, que
la Suisse insiste dans les négociations pour intégrer en particulier les aspects sociaux, du
travail et de l’environnement.
La plupart des accords de libre-échange conclus actuellement couvrent un champ large
incluant non seulement la baisse des droits de douane mais aussi les services, la propriété
intellectuelle, la protection des investissements, la concurrence, les marchés publics et
instituent un mécanisme de règlement des différents. Il est ainsi d’autant plus facile dans
une telle configuration de faire figurer les aspects sociaux, du travail ou environnementaux. Le seco doit agir dans ce sens !
Après tout, la stratégie de politique économique extérieure de la Suisse fait partie de la
politique étrangère et ne doit pas défendre uniquement les intérêts de l’économie suisse à
l’étranger mais aussi contribuer à promouvoir les droits de l’homme, atténuer la misère et
préserver l’environnement. Inclure des aspects sociaux, du travail et de l’environnement
dans des accords bilatéraux de libre-échange s’inscrit parfaitement dans la vision de cette
stratégie.
C’est pourquoi Travail.Suisse va accroître sa pression dans l’avenir pour une approche
plus équilibrée de notre pays dans le développement de la conclusion d’accords de libreéchange. Etant donné que la paralysie de l’OMC va persister et que le développement des
accords bilatéraux de libre-échange va s’intensifier, cette requête prend une plus grande
importance. D’autant plus si des négociations démarrent avec les nouvelles locomotives
de l’économie mondiale comme la Chine, l’Inde, le Brésil etc.
Sinon, le sentiment que le nouvel ordre économique mondial est déséquilibré se renforcera encore dans la mesure où les réglementations visant à protéger les intérêts commerciaux, les flux financiers et la propriété intellectuelle sont allées beaucoup plus vite et
beaucoup plus loin que les réglementations sociales ou environnementales.
Denis Torche, responsable du dossier de politique extérieure, Travail.Suisse
Travail.Suisse, Hopfenweg 21, 3001 Berne, Tél. 031 370 21 11, courriel : [email protected],
www.travailsuisse.ch
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