DISCOURS D'OUVERTURE DE Mme ANNE-MARIE SIGMUND
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DISCOURS D'OUVERTURE DE Mme ANNE-MARIE SIGMUND
Très cher Monsieur Tapiola
,
Cher Monsieur Buttler,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis beaucoup de pouvoir vous accueillir aujourd'hui dans cet bâtiment à l'occasion de la
première conférence commune de l'Organisation internationale du travail et du Comité économique
et social européen.
Comme vous le savez, le CESE et l'OIT sont liés depuis décembre dernier par un accord de
coopération. M. SOMAVIA, directeur général, et moi-même étions en effet d'accord sur le bien-fondé
de la mise en place de structures qui rendent notre coopération visible.
Tout un ensemble de thèmes sont traités à la fois par l'OIT et par le CESE, dans leurs domaines de
compétences respectifs.
Il nous est apparu particulièrement important de coopérer dans le domaine de la dimension sociale
de la mondialisation, de la sauvegarde des droits fondamentaux et de la promotion de la démocratie
participative.
Le thème de la présente manifestation est né de mes discussions avec M. BUTTLER au sujet d'un
rapport relatif au modèle social européen qu'il a corédigé.
Nous étions d'accord pour dire que personne ne remet plus sérieusement en cause l'existence d'un tel
modèle social européen et que celui-ci possède des caractéristiques et des qualités communes et
repose sur des valeurs et des principes substantiels, mais que les avis divergent lorsqu'il s'agit de
décrire ses différents modes d'expression.
Le titre du rapport de M. BUTTLER, à savoir "Le modèle social européen Unité dans la diversité",
a suscité en moi une série d'associations d'idées qui m'ont menée à un autre domaine dont je
m'occupe depuis le début de mon mandat en qualité de présidente de ce Comité, à savoir à la
question de "l'identité européenne" qui tient elle aussi son unité de sa diversité.
L'une des premières manifestations de mon mandat qui arrive maintenant bientôt à échéance a
été consacrée à la question de savoir quel est le ciment de l'Europe, quels sont les critères, valeurs,
principes et mécanismes qui déterminent l'identité de l'Europe ou mieux, celle de l'UE.
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Il nous est apparu intéressant de soumettre à une analyse interne et externe ce modèle social
européen porteur de valeurs et d'une vision de société pour l'Europe, en sa qualité de ciment de
l'identité européenne.
Aussi la distribution des rôles entre les intervenants à la conférence coulait-elle de source: ceux
nommés par le CESE couvrent le sujet vu de l'intérieur tandis que nous attendons des participants
de l'OIT qu'ils en donnent une vision extérieure.
Je pense que cette manière d'aborder le modèle social européen est innovante et qu'on n'a pas encore
suffisamment discuté le fait que celui-ci est un constituant à part entière de l'identité européenne.
Il nous semble particulièrement intéressant et fructueux pour les réflexions à venir d'examiner ce
modèle social et de société européen aussi bien selon la perspective des Européens, c'est-à-dire de
l'intérieur, que du point de vue d'autres continents et sociétés, c'est-à-dire d'un point de vue
extérieur.
Nous sommes tous probablement très curieux de découvrir les différentes analyses qui résultent de
ces approches distinctes et de voir comment elle peuvent s'enrichir mutuellement.
De notre point de vue, le modèle social européen poursuit principalement les objectifs suivants:
protéger les individus et les groupes contre les risques sociaux et économiques liés aux
transformations sociales;
garantir des revenus adéquats et des conditions de vie humaines qui permettent de
participer pleinement à la vie sociale;
lutter contre la discrimination et pour l'égalité des chances;
éviter la marginalisation et intégrer les groupes marginalisés;
interrompre le terrible processus de transmission de la pauvreté d'une génération à
l'autre et
réduire les inégalités extrêmes de répartition de la prospérité dans la société.
Le modèle social européen se fonde, comme nous l'avons déjà mentionné, sur une série de critères et
de principes.
Il se fonde avant tout sur les droits civiques individuels et collectifs inscrits pour leur part dans un
système juridique qui permet à chacun d'obtenir ce à quoi il a droit.
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La justice sociale représente donc l'un des principes fondamentaux de ce modèle.
On constate par ailleurs l'extension en cours de la couverture à tous les citoyens, c'est-à-dire qu'à
terme, il ne devrait plus y avoir de groupes privilégiés et qu'en principe chacun doit pouvoir profiter
du système d'assurance sociale.
L'assurance sociale comprend des allocations sous forme de versements combinés des prestations
sociales; ces deux composantes sont indispensables et se complètent mutuellement.
Le système de sécurité sociale repose notamment sur une solidarité sociale; il est financé soit par des
impôts ou des prélèvements proportionnels au salaire, soit par une combinaison de ces deux types de
recettes.
Il ne repose ni sur de la charité pure ni sur une sorte de "politique à la Robin-des-Bois" qui
redistribuerait dans un souci de bienfaisance les ressources des riches aux couches les plus pauvres
de la population.
Le modèle social européen a été inspiré par des conventions internationales et des accords
gouvernementaux acceptés librement et a été développé à partir de ces textes.
Parmi ceux-ci, on peut mentionner:
la Convention européenne des droits de l'homme,
la Charte sociale européenne du Conseil de l'Europe,
les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) ainsi que
la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
pour ne citer que les plus importants.
Une caractéristique centrale du modèle social européen, surtout en comparaison avec d'autres
systèmes sociaux, est le rôle moteur assumé par les organisations d'employeurs et de travailleurs
dans la politique économique et sociale.
Certains pensent même que ce sont les organisations d'employeurs et de travailleurs qui confèrent
au modèle social européen son caractère unique.
Il ne fait aucun doute que l'un des aspects importants du modèle social européen réside dans le fait
qu'il a la volonté et la capacité d'ouvrir un dialogue et de concilier les intérêts, comme le traduisent
notamment les réussites du dialogue social et en dernier ressort également civil.
Mais nous ne devrions pas faire l'erreur de prendre le modèle social européen pour la panacée,
utilisable en tout temps et en tout lieu.
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Il a certainement des faiblesses et n'a pas encore été en mesure de résoudre tous les problèmes que
nous rencontrons en Europe, l'exclusion sociale par exemple.
Mais pour nous autres, Européens, le modèle social européen est une réalité et pour les non-
Européens, il est au moins une source d'inspiration.
Un autre point m'apparaît important: je crois que nous ne pouvons pas entreprendre une analyse et
une évaluation du modèle social européen sans mentionner la stratégie de Lisbonne.
De manière un peu regrettable, on mentionne surtout et de manière presque incantatoire la partie
aux termes de laquelle [je cite mot pour mot] il convient de faire de l'Europe "
l'économie de la
connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance
économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi, d'une
plus grande une cohésion sociale et de la préservation d'un environnement attrayant
".
Même si cette stratégie apparaît au premier abord comme un projet purement économique, elle
représente en réalité un modèle assez équilibré pour l'avenir de la société européenne.
Ce modèle repose sur trois piliers interdépendants, à savoir sur:
une croissance économique accrue, créatrice d'emplois supplémentaires,
une plus grande cohésion sociale et
la durabilité dans le domaine de l'environnement.
Chacun de ces éléments, qui se renforcent mutuellement, est indispensable au succès de cette
stratégie.
Mais la déclaration de Lisbonne de 2000 stipule également:
"Les changements auxquels nous
aspirons touchent tous les aspects de la vie de chacun et doivent être abordés d'une manière
conforme aux valeurs et aux convictions de la société européenne"
(fin de citation).
Dans la déclaration de Lisbonne, il est souligné plus loin de façon tout à fait remarquable, et il me
semble qu'il s'agit là d'une phrase clé de la stratégie de Lisbonne sur laquelle on devrait insister bien
davantage, que (
je cite à nouveau): "Les ressources humaines sont le principal atout de l'Europe et
devraient être au centre des politiques de l'Union. L'investissement dans les ressources humaines et
la mise en place d'un État social actif et dynamique revêtiront une importance capitale tant pour la
place de l'Europe dans l'économie de la connaissance que pour faire en sorte que l'émergence de cette
nouvelle économie n'ait pas pour effet d'aggraver les problèmes sociaux actuels que sont le chômage,
l'exclusion sociale et la pauvre".
(fin de citation)
Dans cette perspective, il me semble entièrement justifié de considérer également la stratégie de
Lisbonne comme un concept de société qui contient des aspects tout à fait visionnaires.
Dès le début, le CESE a soutenu sans restriction la stratégie de Lisbonne et s'est tenu aux objectifs
globaux de celle-ci.
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C'est ce que traduit également notre avis (rapporteur: M. Ehnmark) consacré au modèle social
européen. Il part de l'hypothèse que ce modèle, à la fois réalité et vision d'avenir, devrait proposer à
tous ses citoyens l'image d'une Europe:
démocratique,
respectueuse de l'environnement,
compétitive,
solidaire,
sans exclusion sociale,
et possédant les caractéristiques d'un État providence.
Derrière ce projet, il y a l'idée selon laquelle une politique sociale bien conçue est un facteur
susceptible d'exercer une influence positive sur la croissance économique de l'UE, non seulement par
une augmentation de la productivité et de la compétitivité mais aussi par la création d'une cohésion
sociale et la garantie des droits fondamentaux. Ces derniers acquièrent ainsi une fonction
importante pour garantir la paix sociale et la stabilité politique sans lesquelles un progrès
économique durable n'est pas possible.
En d'autres termes, on peut dire que la politique sociale est un élément productif.
Ses coûts sont en général rapidement perceptibles tandis que ses bénéfices ne le sont souvent qu'à
long terme.
Les investissements dans le capital humain et social peuvent conduire à un accroissement de
l'efficacité économique puisqu'ils améliorent la productivité et la qualité de la main-d'œuvre.
Un manque de solidarité et de sécurité sociale compromet la prospérité de la société.
Je souhaiterais mentionner encore une chose: le modèle social européen est soumis actuellement,
comme nous le savons tous, à une pression importante.
On peut citer dans ce contexte la mondialisation, une population vieillissante, de nouvelles
technologies et beaucoup d'autres facteurs, utilisés également comme arguments en faveur de la
transformation qualitative du modèle social européen.
Je pense qu'en tant qu'Européens, nous devons aborder cette situation de manière très circonspecte
et responsable et bien réfléchir à la manière dont nous voulons agir politiquement et
stratégiquement pour préserver et consolider - notamment par l'intermédiaire de la politique sociale
- ce qui fait la qualité de notre modèle de société typiquement européen.
Enfin, nous devons bien sûr soumettre ouvertement et pleinement nos choix à l'évaluation des
citoyens européens avec toutes les conséquences que cela implique.
Mesdames et Messieurs,
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