
milliers de techniciens et ingénieurs dans les usines américaines pour y assimiler la
modernité organisationnelle : les deux premières missions, en octobre 1949, visitent
notamment des sites General Electric, Westinghouse, Budd et MacCormick (à
Philadelphie, Baltimore et Pittsburgh). Mais ce mouvement d’américanisation des
entreprises américaines est désormais bien connu
; aussi notre étude vise-t-elle
inversement à scruter le déploiement des sociétés américaines en France, à déterminer
comment le mouvement historique de leur ’’multinationalisation’’
a marqué la France.
Il s’agit de préciser ce que des ouvrages pionniers
ont déjà esquissé et de repérer « les
secrets des géants américains » : « L’entreprise américaine [...] peut-elle être acclimatée
en France ? »
Nous nous interrogerons sur la place de la France dans la stratégie des entreprises
américaines : a-t-elle constitué un marché spécifique, avec son outre-mer, son niveau
de vie en voie d’embourgeoisement, son marché en plein boum grâce à l’essor de la
société de consommation et au renforcement de l’équipement de base de l’industrie et
des transports ? A-t-elle aussi été un levier pour pénétrer le vaste marché en cours de
constitution à l’échelle de la Communauté économique européenne ? Sur ce registre, il
faudrait préciser en quoi elle a pris une importance croissante par rapport aux cibles
favorites des investissements américains, le Royaume-Uni, la RFA et le Benelux. Nous
désirons établir une chronologie de ces flux d’argent et de ces initiatives
d’investissement, pour l’après-guerre, pour la période de démarrage de l’expansion (les
années 1950), puis pour l’apogée de la croissance, pendant les années 1960-1970, en
tentant de soupeser le poids de ces investissements secteur par secteur.
Nous préciserons la tactique suivie par les entreprises américaines dans la mise en
oeuvre de leur stratégie de déploiement en France, en précisant les contours juridiques
et financiers de cette pénétration : alliances, partenariats, simples transferts de licences,
investissements industriels directs, filiales, etc. Nous évaluerons également la position
prise par les entités créées et développées en France au sein de la division
internationale du travail organisée par les groupes à l’échelle européenne, afin de
soupeser leur capacité à assumer des responsabilités dans la conduite de la stratégie,
dans le management, dans la recherche et développement, dans la production de valeur
ajoutée.
La préparation du congrès de Buenos Aires de l’Association internationale d’histoire
économique a stimulé ainsi la parution de plusieurs ouvrages, dont : Dominique Barjot (dir.),
xxxxxxx. Matthias Kipping & Ove Bjarnar (dir.), The Americanization of European Business
1948-1960: The Marshall Plan and the transfer of US management models, London,
Routledge, 1998. Cf. aussi : Jonathan Zeitlin & G. Herrigel (dir.), Americanization and its
Limits, Oxford, Oxford University Press, 2000 (particularly: Matthias Kipping, “A slow and
difficult process: The Americanization of the French steel-producing and using industries after
the Second World War”, pp. 209-235). Marie-Laure Djelic, Exporting the American Model. The
Postwar Transformation of European Business, Oxford, Oxford University Press, 1998.
Richard Kuisel, Seducing the French. The Dilemma of Americanization, Berkeley, University of
California Press, 1993.
Mira Wilkins, “Defining a firm: history and theory”, in Peter Hertner & Geoffrey Jones,
Multinationals: Theory and History, Aldershot, Gower, 1986.
Mira Wilkins, The Emergence of Multinational Enterprise: American Business Abroad from
the Colonial Era to 1914, Cambridge (Mass.), 1970. Mira Wilkins, The Maturing of
Multinational Enterprise: American Business Abroad from 1914 to 1970, Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 1974.
Publicité pour le livre de François Hetman, Les secrets des géants américains, Paris, Seuil,
1969, publiée dans L’Express, 29 septembre 1969, p. 75.