Pour 2009, la dette publique française devrait s’élever à environ 1450 milliards d’euros soit environ 74% du P.I.B. Le gouvernement tablait initialement, dans son budget, sur une dette à 66 % en 2009. Et la tendance devrait se poursuivre : en 2010-2011, la dette devrait culminer à 77 à 78 % du PIB. Selon les critères du Pacte de stabilité et de croissance européen, celle-ci est censée être ramenée à moins de 60 % du PIB. On en est loin. Le déficit public (État, Sécurité sociale et collectivités locales) devrait suivre le même mouvement. En 2009, le gouvernement s'attendait à un trou de 5,6 % du PIB et 5,2 % en 2010 en raison de l'impact de la crise. Il devrait ensuite se réduire à 4,0 % en 2011 pour revenir en 2012 à 2,9 %, en dessous de la limite de 3 % autorisée par Bruxelles. Le budget 2009 prévoyait initialement un déficit de 52 milliards d'euros pour l'État. Il devrait atteindre en fait le chiffre record de 103,8 milliards pour intégrer les dépenses liées au plan de relance (2,65 milliards d'euros pour les mesures d'accompagnement social, 6,9 milliards d'aide à l'industrie automobile) et 7,5 milliards liés à la baisse des recettes, notamment des recettes fiscales (- 6,5 milliards) en raison du ralentissement de l'activité économique. Pour 2010 la charge de la dette est estimée à 42,5 milliards d’euros, c’est le deuxième poste de dépense de l’Etat, derrière l’éducation nationale. Très concrètement, cela veut dire que plus des deux tiers du produit de l’impôt sur le revenu sont uniquement consacrés à payer les intérêts de la dette. Et encore, nous bénéficions actuellement de taux d’intérêt extrêmement bas. La moindre remontée alourdirait considérablement la facture. Avec de tels niveaux, la dette n’est plus seulement une question technique ou économique, elle devient une question de société qui préoccupe de plus en plus les Français La situation n’est pas meilleure dans les autres pays de l’OCDE Un seuil symbolique sera bientôt atteint. Selon l’OCDE, les 30 pays les plus avancés du globe verront leur dette grimper jusqu’à 100% de leur richesse produite en 2010, signalant le quasidoublement de leur endettement en vingt ans. Celle du Japon flirtera avec les 200% de son PIB, suivie par celles de l’Italie (127,3%) et de la Grèce (111,8%). La dette publique mondiale aura gonflé de près de 45% entre 2007 et 2010, soit une augmentation de 15.300 milliards de dollars, et devrait atteindre en 2010, 49.300 milliards de dollars en raison de la crise. Près de 80% de cette hausse sera supportée par les sept pays les plus avancés du globe (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada) qui ont été les plus durement touchés par la crise. Le champion de la dette publique est le Japon avec une dette publique proche des 200% du PIB. Le moment se rapproche où l’Etat japonais ne sera plus en mesure de financer son déficit grâce à l’épargne domestique. Si cette incapacité n’est pas anticipée et prévenue, le Japon risquera d’aller soit vers le défaut, une hypothèse peu probable, soit vers l’hyperinflation, conséquence inéluctable de la monétisation de la dette qui serait alors nécessaire. L’équilibre actuel repose sur le fait que l’épargne domestique est suffisante pour couvrir la totalité des besoins d’emprunt de l’Etat, et que les investisseurs japonais acceptent de placer à long terme pratiquement sans rémunération. La dette est détenue à 93,6% par les investisseurs locaux. Mais, contrairement à une idée reçue, le taux d’épargne des ménages n’est plus élevé aujourd’hui. Pire, il diminue régulièrement du fait du vieillissement de la population. Autour de 20% en 1980, il devrait avoisiner 0% dès 2014. A un horizon de cinq ans, le Trésor japonais ne trouvera plus suffisamment d’investisseurs. La banque centrale sera alors amenée à monétiser la dette publique dans des proportions de plus en plus importantes, provoquant une baisse du yen susceptible de susciter l’intérêt des investisseurs étrangers. Mais ceux-ci n’investiront pas sans une hausse des taux obligataires. Actuellement, grâce aux taux très bas, le service de la dette ne représente que 2,6% du PIB (un ratio inférieur à celui des USA ou de la zone euro). Mais si les taux venaient à monter de 2% pendant une période de dix ans, la totalité des recettes fiscales seraient absorbées par le service de la dette. On voit là que la perspective de long terme va être très difficile à gérer. La faiblesse de la démographie et l’absence d’immigration constituent un facteur aggravant. Le Japon est dès aujourd’hui dans une spirale de la dette dont la sortie va être dans tous les cas difficile : baisse de la devise, hausse des taux et inflation nettement plus élevée seront au rendez-vous. Le Japon doit comprendre que bien que son économie soit très compétitive, ce que traduit la force du yen, elle est entrée dans un processus d’implosion lente. Parlons maintenant de la première puissance mondiale les Etats-Unis. Alors que nous serions sortis de la crise, le bilan de la FED a atteint pour la première fois 2,25 trillions $ soit 2 200 milliards de dollars. Au même moment la dette publique de l'état fédéral américain culminait pour la première foi au dessus du seuil symbolique des 12 trillions de dollars. Or il ne s'agit que de la dette publique du seul état fédéral. Si vous vouliez comparer l'endettement américain à celui de la France ou de tout autre état de l'Union Européenne, il faudrait y ajouter les dettes des états et des collectivités locales, celles des systèmes de santé et de retraite, celles des entreprises dans lesquelles l'état a une participation majoritaire. Au final la dette américaine se situe aujourd'hui autour de 130% de son PIB, alors que celle des pays de l'Union Européenne n'est que de 76% du PIB. Mais rassurez-vous: elle suit le même chemin, inévitablement ! Lorsque la crise immobilière s'est déclenchée, les obligations détenues par les banques et les assureurs se sont considérablement, voire entièrement, dévaluées fragilisant les bilans des banques. Tout le monde se regardait en chien de faïence, ne sachant qui détient la patate chaude. L'absence de transactions rend alors impossible la valorisation de ces papiers. Le mauvais choix est aussitôt fait par la FED. Pour éviter que ces banques viennent pointer à la FDIC et surtout pour éviter que d'influents détenteurs d'obligations soient lessivés, le Système de la Réserve Fédérale décide d'acheter ces papiers. La FED a donc récupéré les obligations des célèbres agences Fannie Mae et Freddie Mac, ensuite les titres adossés à des biens immobiliers (ABS) L'échange représente à ce jour au total 1000 milliards de dollars. La colonne actif du bilan de la FED s'est donc enrichi de 1000 milliards de dollars et les banques restent présentables. Mais que font les banques d'une telle manne ? Vous auriez certainement cru que cet argent serait au service des entreprises et des ménages pour maintenir la vigueur de l'économie. Et bien non ! Ce n'était pas la bonne réponse ! L'argent est retourné dans les banques centrales du Système de la Réserve Fédérale. Tant est si bien que l'excédent de réserves (au delà des réserves obligatoires, qui ne pèsent que 50 à 60 milliards de dollars) est aujourd'hui à un niveau jamais atteint : 1000 milliards de dollars. L’autre pratique américaine qui s’est considérablement développée en 2009 est la monétisation de la dette. Le 30 juillet 2010, le gouvernement américain se vantait d’avoir vendu 28 milliards d’obligations à 7 ans. Un soit disant beau succès, salué par la grande presse et montrant que le marché s’arrache les obligations « les plus sûres » du monde. Oui, sauf lorsqu’on apprend qu’une semaine après, lors d’une opération spéciale, la Fed en rachetait discrètement la moitié, en créant au passage 14 milliards de USD tout frais. Est-ce que les acheteurs savaient à l’avance qu’ils pourraient en revendre une partie à la Fed? En 2009, 32% des montants achetés par les « primary dealers » sont revendus à la Fed dans les 10 jours! Ne serait-il pas plus honnête pour Bernanke d’acheter directement ces obligations au gouvernement américain en indiquant clairement qu’il paye avec des dollars sortis fraîchement de ses planches à billet? Le système bancaire s'est recroquevillé sur lui-même fort du soutien indéfectible du gouvernement américain et le bilan de la FED s'est enrichi de papier dont tout le monde se demande comment elle fera pour les restituer à leurs propriétaires initiaux et récupérer ainsi une partie des liquidités dont elle a inondé la planète. Les partisans des politiques actuelles de fuite en avant massive dans le déficit public, censées relancer la demande ou limiter les conséquences de la crise nous donnent souvent l'argument suivant : La dette publique étant à taux fixe, il suffirait d'un coup de "baguette magique" inflationniste pour "effacer l'ardoise" et remettre les compteurs à zéro. Par exemple, 10 ans d'inflation à 10% diminuent environ d'un facteur 2,5 le poids relatif d'une dette (en monnaie constante). Cet argument est vrai dans un seul cas : Lorsque la dette est à taux fixe, et à échéance suffisamment longue pour que l'agent endetté ait le temps de bénéficier des effets de l'inflation. Dans le cas qui nous intéresse, celui de l'état fédéral US, la réalité est beaucoup moins rose. Nous constatons que la majorité de la dette publique US est une dette de court terme : 53% de cette dette devra être remboursée dans moins de 2 ans, 67% dans moins de 4 ans, 75% dans moins de 5 ans. Cette structure oblige l'état à se refinancer en permanence, c'est à dire à souscrire de nouveaux emprunts pour rembourser les précédents (et financer en plus son déficit). Vu cette structure de dette à large dominante court terme, l'état ne profiterait que très peu d'une reprise de l'inflation, parce qu'il serait obligé de refinancer en moins de 4 ans les 2/3 de sa dette, et que ce refinancement se ferait alors au prix fort (en cas de reprise inflationniste, les taux flambent). Cette proportion de la dette sensible aux taux est en fait encore plus élevée si on prend en compte les TIPs qui sont immédiatement impactés par une variation du taux d'inflation. Si on prend comme référence un taux d'endettement net pour les USA de 100% du PIB (nous y serons en 3 ans environ au rythme de fuite en avant actuel), et un taux d'inflation de 10% (ce qu'il faudrait pour ramener la dette actuelle à des niveaux raisonnables en 10 ans), l'état se refinancerait alors à un taux de 12-14% environ...La seule charge de l'intérêt de la dette publique représenterait alors plus de 10% du PIB au bout de 3 ans ! Plus grave encore, en cas de perte de confiance du marché, avec une structure de dette à aussi court terme, la situation deviendrait très vite incontrôlable pour l'état US On estime que le gouvernement américain à lui seul va devoir trouver 4 500 milliards de dollars en obligations en 2010. Ce montant représente deux fois le capital total de la plus grosse Banque centrale du monde -- la Fed. Même si les Chinois prenaient tout ce qu'ils ont dans leurs réserves financières et s'en servaient pour acheter la dette américaine, il resterait encore près de 2 300 milliards d'obligations invendues. En ce qui concerne le coût de la dette en lui-même, il va lui aussi atteindre des niveaux stupéfiants. L'administration Obama prévoit que les intérêts dépassent de 200 milliards de dollars leur niveau actuel, à 700 milliards de dollars d'ici 2019. C'est sûrement encore sous-estimé. Si le déficit atteint le niveau annoncé par l'ancien directeur du Bureau du Budget et de la Gestion, la dette nationale va grimper de 12 000 milliards de dollars à plus de 20 000 milliards de dollars en cinq ans. Les prêteurs vont certainement demander des rendements plus élevés. Même un banquier va sûrement vouloir plus que 3,5% d'intérêts pour prêter de l'argent au gouvernement sur dix ans. Peut-être 5%... peut-être 10%. Souvenez-vous que pendant les premières années de Volcker à la Fed, les taux d'intérêt sont montés à 18% pour les bons du Trésor à 10 ans. Reste l’euro. Officiellement la Banque Centrale Européenne (BCE) est très prudente et ne monétise quasi rien. Elle n’aurait dépensé que 80 milliards d’euros pour acheter des obligations bancaires ce qui semble dérisoire face aux 1000 milliards de USD que la Fed a utilisé pour acquérir toutes sortes d’obligations contestables. Et pourtant les banques centrales européennes ont augmenté leur bilan de 1500 milliards de USD contre 1200 pour la Fed. Et comme le PIB américain est 12% supérieur au PIB européen, cela revient à dire qu’à PIB égal, les presses de la BCE tournent 50% plus vite que celles de la Fed ! Car même si la BCE n’achète pas d’actifs douteux comme sa consœur américaine, elle prête énormément. Rien que fin juin 2009, elle battait le record des banques centrales en prêtant, d’un coup, à long terme, 442 milliards d’euros. Et que font les banques européennes avec l’argent de la BCE ? Elles ne prêtent quasi rien aux particuliers ou entreprises mais le prêtent volontiers à leurs gouvernements respectifs pour financer leurs déficits! Sans ce mécanisme, les gouvernements grecques, irlandais, autrichien, ...etc seraient dans d’énormes difficultés. Ainsi les banques échangent via la BCE des titres douteux contre des obligations des gouvernements européens. Ne s’agit-il pas d’une monétisation déguisée par l’intermédiaire des banques commerciales européennes? D’autre part, il ne faut pas oublier que le coût de la dette ne porte pas seulement sur nos enfants et petits-enfants, mais que nous devons payer dès à présent les intérêts de cette dernière. C’est bien là que réside le problème essentiel des Etats surendettés. Car le principe de fonctionnement est malheureusement simple : si la charge de la dette (c’est-à-dire les intérêts payés chaque année par les Etats sur leur dette) est inférieure à la croissance économique du pays, la dette est financée sans difficulté, dans la mesure où elle produit plus de croissance qu’elle ne coûte. A l’inverse, si la croissance forte n’est pas au rendez-vous et a fortiori si les gains économiques ne compensent pas les coûts financiers de la dette publique, les Etats en question s’engagent dans une bulle de la dette, qui se traduit alors par une dégradation de la notation, puis une hausse des taux d’intérêt, donc moins de croissance et plus de charge de la dette… La bulle s’amplifie alors jusqu’à la mise en faillite et le moratoire de la dette. C’est notamment ce que l’on a pu observer en Argentine il y a moins de dix ans. A cela, certains pourront encore objecter que le Japon, avec une dette publique qui représente 180 % de son PIB, n’a toujours pas été mis en défaut et ce malgré une croissance anémique depuis vingt ans. Cela pourrait alors laisser entendre qu’avec un ratio de 80 % en France, 84 % dans la zone euro, 105 % en Grèce et 120 % en Italie, nous avons encore de la marge… Il n’en est rien. En effet, il n’existe pas de barrière limite à partir de laquelle un Etat est en faillite. Tout cela dépend de l’équilibre (ou du déséquilibre) entre la croissance économique et la charge de la dette, mais aussi des origines du financement de cette dernière. Ainsi, le Japon a beau avoir été dégradé, les taux des obligations d’Etat sont restés bas. Non seulement parce qu’il reste en déflation, mais surtout parce que 98 % de sa dette publique est financée par sa propre épargne. Autrement dit, il n’a pas besoin du reste du monde pour financer son endettement explosif, mais « vit » sur l’épargne pléthorique héritée de sa puissance économique passée. Bien différemment, la plupart des pays surendettés ont besoin de l’épargne internationale pour se financer. A titre d’exemple, 50 % de la dette publique française est souscrite par des étrangers. Dès lors, si la charge de la dette devient structurellement supérieure à la croissance économique, la bulle de la dette devient inévitable. Pour connaître les pays qui suivront l’Argentine, Dubaï ou encore l’Ukraine sur la liste des pays en cessation de paiement potentielle, il suffit donc d’observer ceux qui affichent les charges de la dette les plus élevées. En l’occurrence, la Grèce (avec un poids de la charge d’intérêts de 5,6 % du PIB en 2010), l’Italie (4,8 %), la Hongrie (4,5 %), la Belgique (4 %), l’Irlande (3,3 %) et la France (3,1 %). Quant à la zone euro, elle s’illustre également avec un niveau de 3,2 %. Des niveaux qu’il faut comparer à une croissance économique d’au mieux 1,3 % en volume et 2,5 % en valeur pour l’ensemble de ces pays en 2010. En d’autres termes, le modèle de relance basé sur l’endettement excessif des Etats, déjà particulièrement mis à mal en 2009, commence à devenir explosif à partir de 2010. Face à cette débâcle annoncée et a priori inévitable, certains n’hésitent plus à préconiser le retour de l’hyperinflation qui aurait, selon eux, l’avantage d’augmenter la croissance en valeur et d’éponger par là même la charge de la dette publique. Si cet argument peut apparaître sans faille, il pêche néanmoins par deux voies principales. D’une part, l’inflation ne se décrète plus. Nous ne sommes plus dans les années 80. A l’époque, le protectionnisme, les droits de douanes prohibitifs, la faible concurrence, la domination de nombreux marchés par des monopoles ou des oligopoles et l’indexation des salaires aux prix « permettaient » de créer de l’inflation très facilement. Aujourd’hui, il n’en est rien : la forte concurrence internationale, la non-indexation des salaires aux prix, sans oublier la politique orthodoxe de la BCE et le niveau élevé du chômage empêcheront toute résurgence de l’inflation. Vous demanderez peut-être : "trop, c'est combien ?" Selon les chiffres compilés et analysés par les professeurs Reinhart et Rogoff, c'est impossible à déterminer. Un pays peut supporter une dette publique de 200% de son PIB (le Japon nous vient en tête)... un autre s'effondre à 50% (pensez à l'Argentine). Alors, à combien a-t-on trop de dette ? Tout dépend de ce pour quoi vous utilisez l'argent... combien d'actifs vous avez... si vos revenus sont en hausse ou en baisse... et un certain nombre d'autres questions. Mais même si les réponses ne sont pas simples, les questions devraient malgré tout être posées : si vous accumulez des dettes, comment allez-vous les rembourser ? Que se passera-t-il si vous ne les remboursez pas ? Un professeur de l'université de Bâle, Peter Bernholz, pense avoir la réponse. Il a étudié les cas d'hyperinflation. Il pense qu'on a de l'hyperinflation chaque fois que le gouvernement dépense 166% ou plus de ce qu'il encaisse en revenus. Voilà qui devrait déclencher la sonnette d'alarme. Le budget américain est désormais à 170% environ des recettes fiscales. Pour éviter des faillites massives des banques, les Etats ont alors dû intervenir en garantissant les dettes des banques, en garantissant ou en achetant leurs actifs risqués («toxiques») en les recapitalisant et même en les nationalisant (au RoyaumeUni, aux Pays-Bas...). Au total, au terme de ce processus, une partie substantielle du risque lié à l'excès d'endettement des ménages est donc passée dans les mains des Etats. On peut même considérer que les déficits publics, donc les hausses des dettes publiques, qui ne correspondent pas directement au sauvetage des banques mais résultent du soutien de l'économie correspond à ce même processus de transfert des risques vers les Etats: les transferts de revenus aux ménages, qui viennent des dépenses publiques supplémentaires et des baisses d'impôts, permettent aux ménages de se désendetter et réduisent donc le risque de défaut des ménages au prix d'une hausse des dettes publiques. De même que les Banques centrales jouent le rôle de prêteur en dernier ressort, les Etats jouent donc le rôle de porteur des risques et d'assureur en dernier ressort. Il est donc très important que la solvabilité des Etats reste toujours intacte, ce qui leur permet, en accroissant les dettes publiques, de réduire les risques de défaut liés à l'excès d'endettement du secteur privé. Si les Etats ne sont plus solvables, plus personne ne peut re-solvabiliser les banques lorsque celles-ci sont en difficulté, ce qui impliquerait des défauts en chaîne, l'arrêt de la distribution du crédit... Plus personne ne peut lever de la dette, si la dette publique devient aussi suspecte que la dette privée et qu'il y a défiance des épargnants vis-à-vis des dettes privées. Or, on a observé dans la période récente, comme dernier développement de la crise, les premiers signes de défiance vis-à-vis des dettes publiques, en particulier une forte hausse des taux d'intérêt payés par beaucoup d'Etats de la zone euro par rapport à ceux sur les titres publics allemands (150 à 300 points de base d'écart de taux pour la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, l'Italie...). Le risque, lorsque ce type d'évolution se produit, est la démultiplication de la chute des prix des actifs par la perte de liquidité sur les marchés de ces actifs, ce qu'on a observé durant la crise pour de nombreux actifs financiers: actions, obligations d'entreprises, prêts interbancaires... Un doute apparaît sur la solvabilité d'un emprunteur, ceci conduit à une baisse du prix de sa dette qui fait disparaître les acheteurs. La liquidité sur le marché de cette dette disparaît, son prix s'effondre, et l'emprunteur, qui ne peut plus émettre, est en grande difficulté. Si une telle évolution se produisait pour des dettes publiques de la zone euro, les pays concernés pourraient être en situation de cessation de paiements, et toute possibilité, pour eux, d'aider le secteur privé à rester solvable, disparaîtrait: il n'y aurait plus de porteur de risque, d'assureur en dernier ressort dans la zone euro. Même si certains pays ont des dettes publiques trop élevées (Grèce, Italie, Belgique), il est indispensable que leurs possibilités d'émission restent intactes, d'autant plus que leurs difficultés viendraient bien plus d'un problème d'illiquidité que d'un problème de perte réelle de solvabilité: les déficits publics de la zone euro ne sont pas gigantesques, la grande majorité des pays pourraient accroître la pression fiscale en cas de besoin.