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au sein de la Locomotive, M. Geir Haarde, ministre des finances de 1998 à 2005, succède en 2006 à
la tête du gouvernement à M. Halldór Asgrímsson, auquel M. Oddsson avait cédé le pouvoir en 2004.
La libéralisation de l’économie islandaise débute en 1994. L’accession à l’Espace économique
européen — la zone de libre-échange des pays de l’Union européenne auxquels se joignent l’Islande,
le Liechtenstein et la Norvège — impose la libre circulation des capitaux, des biens, des services et
des personnes. Le gouvernement Oddsson se lance dans un programme de vente des actifs de l’Etat
et de dérégulation du marché du travail. La privatisation du secteur financier commence en 1998, sous
la houlette de M. Oddsson et du leader du PC, partenaire de la coalition alors au pouvoir, M.
Asgrímsson : la banque Landsbanki est affectée à des dignitaires du PI, cependant que sa
concurrente Kaupthing tombe dans l’escarcelle du PC. Plus tard, une banque privée issue de la fusion
de plusieurs petits établissements, Glitnir, s’installe à la troisième place.
L’Islande passe le cap du millénaire emportée par le souffle d’une finance internationale dopée aux
crédits bon marché. Sur le plan national, trois éléments s’avèrent déterminants : un engagement
politique fort en faveur du secteur ; la fusion des banques d’investissement et des banques
commerciales, permettant aux premières de bénéficier des garanties que le gouvernement offrait aux
secondes ; et une dette souveraine réduite, qualifiant les établissements pour l’indispensable bonne
note de la part des agences de notation internationales. Forts de quoi, les actionnaires majoritaires de
Landsbanki, Kaupthing, Glitnir et de leurs diverses filiales renversent la vieille domination de la
politique sur la finance.
L’administration Oddsson relâche bientôt la réglementation des prêts hypothécaires garantis par l’Etat,
autorisant des emprunts qui atteignent 90% de la valeur d’un bien. Les banques, tout juste privatisées,
se ruent pour proposer des conditions encore plus « généreuses ». L’impôt sur le revenu et la taxe sur
la valeur ajoutée (TVA) baissent, conformément à la stratégie visant à faire de l’Islande un centre
financier international béni par la modération fiscale. La dynamique de bulle s’enclenche.
Les nouvelles élites bancaires islandaises, désireuses d’étendre leur emprise sur l’économie du pays,
s’en donnent à cœur joie. Se servant de leurs actions comme de garanties, elles s’autorisent à
souscrire de lourds emprunts auprès de leurs propres établissements pour procéder au rachat
d’actions... de ces mêmes établissements. Résultat : les cours grimpent. La même opération s’étend
parfois à d’autres banques. Ainsi, les actionnaires de la banque B empruntent auprès de la banque A
pour racheter des actions de leur propre société, avant de rendre l’amabilité à leurs amis de la banque
A, qui procèdent de la même façon. Dès lors, les cours en Bourse des deux banques s’envolent, sans
rapport avec leur activité réelle.
A ce rythme, la petite île s’ouvre bientôt les portes du club des géants de la finance. La surabondance
de crédit permet à la population de célébrer dans l’exubérance la fin des décennies de rationnement
du crédit par le tamis des réseaux politiques : enfin, les Islandais se sentent vraiment
« indépendants ». Ce qui explique peut-être leur sentiment — à l’époque — d’être la population « la
plus heureuse du monde ». Les propriétaires et les dirigeants des banques se rémunèrent de plus en
plus généreusement (un véritable rapt interne au sein des établissements). Et plus ils sont riches, plus
ils bénéficient du soutien des partis politiques — qu’ils financent. Les jets privés déchirant le ciel de
Reykjavík apparaissent alors comme la preuve sonore du succès pour une population qui, depuis le
plancher des vaches, hésite entre l’envie et l’admiration. Les inégalités de revenus et de patrimoine se
creusent, aggravées par des politiques gouvernementales qui renforcent la charge fiscale de la moitié
la plus pauvre de la société. Bref, « les initiatives libérales d’Oddsson sont la plus formidable réussite