Les années 70 sont marquées par un double phénomène : l’émergence d’une culture
commune entre les acteurs institutionnels, d’une part, et la crise économique, d’autre part,
qui a frappé de plein fouet la sidérurgie et la construction navale.
Dès les années 60 en effet, en réaction à ce façonnement du territoire à partir de l’extérieur,
va se constituer progressivement « un milieu local » des acteurs de l’aménagement urbain
avec l’objectif de récupérer une partie de la maîtrise des projets de développement
urbains
. En s’appuyant sur un ensemble de pratiques communes et d’habitudes de
travailler ensemble sur les projets de développement, constitutives d’une véritable « culture
commune », ces acteurs locaux ont investi le terrain, quasiment vierge à l’époque en
France, des politiques publiques contractualisées. Mobilisant des outils et des procédures
peu usitées, tels les chartes et contrats divers, ces acteurs se sont forgés un véritable savoir-
faire dans la culture de projet, inscrite dans le temps long et ouverte à différentes
trajectoires possibles, pour faire pièce au carcan de la planification centralisée et au
déterminisme économique
. Plus tard, lorsqu’il s’agira d’introduire la thématique de
l’environnement dans le développement du territoire, ce savoir-faire sera fortement
mobilisé.
Par ailleurs, la crise des années 70 a particulièrement frappé le dunkerquois avec les coups
très durs portés à l’activité sidérurgique. Une fois encore, les acteurs locaux ne pourront
que constater que les grandes décisions dans le domaine économique sont prises ailleurs
(nationalisation de la sidérurgie, réduction des commandes pour les chantiers navals
jusqu’à la disparition complète de l’activité en 1987), et que le territoire entre
progressivement dans une spirale dépressive liée aux suppressions massives d’emploi dans
l’activité dominante, sans qu’ils puissent réagir en s’appuyant sur le reste du tissu
économique local, complètement dépendant de la firme dominante.
Après une période d’intenses restructurations dans les principaux secteurs du bassin
d’emploi, et le choc représenté par la disparition des chantiers navals en 1987, les acteurs
locaux vont se lancer dans une politique de valorisation de l’attractivité du territoire,
politique largement relayée par l’Etat, à la recherche d’implantation tous azimuts de
nouvelles entreprises. Cette politique va s’appuyer sur la mise en avant d’avantages
génériques, tenant notamment à des conditions fiscales avantageuses, à une offre foncière
abondante, et à la situation géographique particulière.
Facilitée par la création d’une
agence de développement économique, cette politique va favoriser tout au long des années
90 une véritable diversification du tissu industriel, permettant l’implantation et la
consolidation de nouveaux secteurs de l’activité économique
. Au cours des années 80 et
90, la sidérurgie sur le dunkerquois s’est d’abord restructurée, à la recherche de gains de
productivité destinés à restaurer sa compétitivité sur le marché mondial, privilégiant pour
cela les innovations technologiques et la recherche de marchés à haute valeur ajoutée
(automobile, électroménager, bâtiment), puis « étoffée » avec le renforcement de quelques
Le point de départ est indiscutablement constitué de la création de l’agence d’urbanisme (AGUR) en 1967 et
de celle de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD)en 1968.
O. Ratouis et M. Segaud (1997) parlent ainsi de « laboratoire urbanistique » pour évoquer cette culture
commune et ce savoir-faire dans le domaine des projets liés à l’aménagement urbain.
L’une des zones du bassin d’emploi a ainsi été déclarée zone défiscalisée de 1987 à 1992, puis éligible à
l’objectif 2 de la communauté européenne de 1993 à 1999.
Parmi les implantations marquantes, on peut noter celles de : Pechiney (Aluminium Dunkerque, 1988), Coca
Cola et Euroaspartame (agroalimentaire), Astra (filiale ASP, industrie pharmaceutique en 1991) ; il faut
souligner également la création d’une filière boîtes de boisson en amont de Coca Cola (Continental Can et
Nacanco) et le renforcement du pôle énergétique avec la présence d’activités liées à l’électricité, le pétrole, le
gaz naturel, la centrale éolienne, et l’oxygène d’entreprise.