
capitaliste globalisée, dont les défenseurs utilisent – entre autres moyens- la peur du
chaos pour décourager toute tentative de contradiction. C’est l’élaboration de ces
questions que nous allons tenter de mettre en forme dans ce travail. Notre objectif est
d’apporter des éléments à un débat, qui ne sera pas facile, dans le champ de la
critique de l’économie actuelle.
Le système-monde capitaliste global impose une individuation qui fragmente et rend
extrêmement difficile la construction d’un « nous » pour penser et élaborer une autre
société qui incorpore d’autres formes d’individuation. La centralité et l’opacité de
l’économie dans l’imaginaire social forment un cercle vicieux qu’il va falloir rompre si on
veut résoudre les problèmes urgents de la vie quotidienne. Il va donc être décisif, de
nous convaincre et convaincre les autres qu’il existe des formes meilleures,
observables ou plausibles, d’organisation micro et méso-économique ; ces formes
pouvant être inventées, évaluées et rectifiées volontairement. Nous devrons aussi
toutefois, nous convaincre et montrer que, pour être viables sur le plan social,
économique et politique, ces formes ont besoin de se constituer en un système
organique. Nous n’atteindrons pas ce but, sans coopérer, nous associer, débattre et
réfléchir ensemble en démocratie. La théorie et la pratique d’une telle entreprise
conduisent nécessairement à acquérir une vision critique de la totalité dans laquelle
nous sommes plongés. Nous sommes donc confrontés, de façon pratique et théorique,
au noyau dur de l’hégémonie : la « naturalisation-inévitabilité » d’une société de
marché extrêmement inégale et génératrice d’exclusion, ainsi que celle de la réduction
de la démocratie à un système de procédés sans capacité d’autodétermination.4
Par chance, contrairement à l’homogénéisation attendue du système capitaliste, sont
en train d’émerger de multiples mouvements critiques de l’économie et de la politique
réellement existantes. Ces critiques tentent d’universaliser, sur la base du non-respect
des intérêts, des droits auparavant reconnus ou nouveaux qui sont ouvertement violés.
Ce processus de diversification d’identités et de conflits présente une riche variété
d’histoires, points de départ et explorations locales et régionales. Ces mouvements -
plus ou moins partiels ou totalisants- peuvent durer, s’enrichir de leur rencontre
pratique et théorique et aspirer à faire partie d’un réseau complexe de mouvements
d’ordre global, comme sont d’ordre global les forces, mécanismes et cadres du marché
capitaliste actuel.5
Le mouvement pour une économie sociale et solidaire
Nées de l'affirmation qu'une autre économie est possible, coexistent de multiples
variantes de ce thème : l'économie sociale, l'économie solidaire, l'économie du travail,
plus beaucoup d’autres propositions concrètes de formes micro méso ou macro-
économiques pouvant être des théorisations liées aux pratiques de survie ou avoir la
4 “... La fonction des pratiques et de la pensée émancipatrices consiste à élargir le spectre du possible au moyen de
l’expérimentation et de la réflexion autour d’alternatives qui représentent des formes de société plus justes.”
(notre traduction) Boaventura de Souza Santos (org), Producir para viver, Os caminhos da produção não
capitalista, Civilização Brasileira, Rio de Janeiro,2002,P.25.
5 Sur les nouveaux mouvements sociaux voir: Boaventura de Souza Santos, Pela Mão de Alice, O social e O
político na pos-modernidade. Cortez Editora, Sao Paulo, 1996, P.256-270.