ELEMENTS DE DROIT PENAL CONGOLAIS DE
L’ENVIRONNEMENT
De manière générale, le droit pénal de l’environnement partage les mêmes limites ou lacunes
qui rongent le droit de l’environnement déjà expliquées dans le résumé concernant le droit de
l’environnement. Mais sur le plan pénal, la question de son adéquation à la protection de
l’environnement fait émousser de vives discussions.
Comme toute branche du droit pénal secondaire, le droit pénal de l’environnement qui n’est
pas une discipline autonome du droit pénal ne peut être en adéquation avec les solutions
pénales qu’il propose que lorsqu’il marche de pairs avec les principes fondamentaux qui
constituent les socles mêmes du droit pénal, qu’il soit général, spécial ou procédural. PRADEL
qualifie ces principes comme inhérents à tout « Etat de droit, les uns gouvernant une partie
considérable du droit pénal alors que d’autres ayant une vocation plus générale. Il s’agit des
principes de légalité, principe d’équité, principe d’égalité, principe de culpabilité et principe
d’humanité ».
1
Principe de légalité signifie qu’il n’y a pas d’infraction sans loi « Nullum crimen, nulla poena
sine lege ». De ce principe, en découlent deux autres, celui de l’interprétation stricte et celui
de la non-rétroactivité de la loi pénale.
Principe d’équité qui, intéressant surtout la procédure, veut dire que le droit de forme doit
tendre à l’accomplissement d’une bonne justice. De ce principe découlent celui d’impartialité,
celui de la présomption d’innocence, celui de la publicité, celui des droits de défense de la
personne poursuivie…
Principe d’égalité, en vertu duquel toutes personnes doivent être traitées de la même façon
devant la loi, sous réserve des privilèges et immunités reconnus par la loi.
Principe de culpabilité qui, intéressant essentiellement le droit pénal général, signifie qu’une
personne ne peut être punie que sur base d’un reproche pouvant lui être fait. Ce principe
comporte deux aspects, d’une part celui que l’on ne peut punir quiconque n’a pas commis de
faute : principe de la personnalité de la peine, exclusif de toute responsabilité collective.
D’autre part, celui que l’on ne peut punir un coupable que dans la mesure de sa faute :
principe d’individualisation qui conduit à adapter la peine à chaque délinquant en fonction de
ses caractères propres et notamment de son degré de culpabilité, qu’il s’agisse du prononcé ou
de l’exécution de la peine, voire de la poursuite.
Enfin, principe d’humanité qui a comme corollaires le principe de resocialisation ou
récupération du condamné ; principe du respect à la personne, ce qui conduit à interdire
toutes mesures contraires à la dignité de la personne comme les traitements inhumains ou
dégradants ou les techniques physiologiques de traitement comme la stérilisation ; principe de
la proportionnalité qui implique une balance entre les intérêts contraires ou divergents dont les
1
J. PRADEL, Droit pénal général, 18e édition, Paris, CUJAS, 2010, pp.53-54.
titulaires sont l’Etat, le délinquant et la victime, ce qui nécessite une modération de la réaction
sociale.
Par ailleurs, la mise en œuvre du droit pénal pour protéger l’environnement semble, dans une
certaine mesure, marcher sur quelques principes sacrosaints du droit pénal susévoqués. Avec
son recours fréquent à la technique de « l’incrimination par renvoi »
2
, c’est-à-dire que le texte
de loi ne précise que la sanction encourue, alors que la description de l’acte prohibé se trouve
ailleurs, la connaissance des éléments constitutifs de l’infraction est rendue difficile, tout en
ne répondant pas toujours aux exigences du principe de la légalité criminelle. De ce point de
vue, il est donc parfois difficile, pour le juge et le justiciable, de déterminer ce qui est
sanctionné de ce qui ne l’est pas.
Le non-respect du principe de la légalité criminelle en droit pénal de l’environnement est
aussi favorisé par la multiplicité des normes pénales environnementales contenues dans une
multitude de textes désordonnés et éparpillés, ce qui constitue un « véritable dédale
législatif »
3
, rendant la glementation écologique, qui est déjà moins comprise à cause de sa
technicité, le plus souvent ignorée et inappliquée et dont l’une des solutions préconisées serait
« l’introduction dans le code pénal d’incriminations autonomes sanctionnant les atteintes les
plus graves à l’environnement ».
4
En outre, étant donné que la plupart des incriminations du droit pénal de l’environnement sont
« fréquemment extérieures au code pénal »
5
, on assiste à une « inflation des textes pénaux »
applicables à l’environnement (les plus souvent les prescriptions de mesures de police) qui
conduit à une qualification multiple d’un même fait prohibé, à une hétérogénéité des sanctions
et à une pluralité des régimes répressifs.
Aussi, il est constaté que presque toutes ces incriminations composant le droit pénal de
l’environnement présentent un dénominateur commun : elles sont souvent « d’origine
administrative du fait qu’elles reposent dans certains cas sur la simple faute d’inobservation
des réglementations administratives », ce qui subordonne, en quelque sorte, le droit pénal au
droit administratif qui intervient fréquemment par ses sanctions pour protéger
l’environnement. La lecture des articles 71 à 84 la Loi n°11/009 du 09 juillet 2011 portant
principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement, prouve que la plupart
d’infractions sont réduites aux simples inobservations des prescriptions administratives.
Outre la mise en branle du principe de la galité criminelle, l’exigence d’un élément
psychologique est un autre principe susceptible d’affecter la mise en œuvre du droit de
l’environnement dans sa branche pénale. Car, il n’est pas toujours facile de démontrer la
mauvaise intention de l’auteur dans les infractions relatives à la pollution. Les exemples en la
2
R. NERAC-CROISIER, Sauvegarde de l’environnement en droit pénal, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 36-37.
3
R. NERAC-CROISIER, Sauvegarde de l’environnement en droit pénal, Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 36-37.
4
M. DELMAS-MARTY, « Préface du livre de J.H. ROBERT et M. REMOND-GOUILLOUD », in Droit de l’environnement, Paris, Masson ,
1983, pp. 23-25.
5
La plupart de ces incriminations sont extérieures au code pénal, parce le code pénal congolais est vieux, vétuste et n’a pas tenu compte des
préoccupations environnementales, valeurs sociales nouvelles, parmi celles qu’il protège. Aussi, il est tellement imprégné d’une
conception individualiste de la propriété et des relations humaines qu’il ne s’est guère soucié des atteintes portées à un patrimoine
commun qu’est l’environnement.
matière sont rarissimes à cause du caractère très jeune du droit pénal de l’environnement
congolais dont le texte de base, la Loi n°11/009 du 09 juillet 2011 portant principes
fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement, est encore non vulgarisée et non
assortie de la plupart de ses mesures d’application prévues pour sa mise en œuvre.
Au sujet de la détermination de la responsabilité pénale, elle est heurtée par le problème de
détection, parfois aléatoire et complexe, des actes infractionnels et la preuve difficile à fournir
surtout lorsqu’il s’agit de la pollution. Un recours doit être régulièrement fait aux techniciens,
ce qui fait que les procès pénaux en matière de l’environnement sont très rares.
Des critiques acerbes ont été formulées à l’encontre du droit pénal de l’environnement,
remettant en cause son existence. « Un droit encore à l’apparence redoutable et à l’efficacité
douteuse »
6
, à cause de ses moyens et de ses résultats qui n’arrivent pas encore à protéger de
manière efficace l’environnement ; « un parent pauvre de notre discipline, malgré l’abondance
des études qui y sont consacrées »
7
, « un droit difficilement appréhendé par le public et par les
magistrats à cause de sa technicité »
8
, « un droit parfois imprécis et irrationnel »,
9
du fait que,
premièrement le concept d’environnement étant notion large, qui recouvre des éléments
économiques, sociaux et esthétiques, ainsi que la préservation de l’héritage naturel et
archéologique, il n’est ni un bien, ni une personne, par conséquent, il est difficile de dresser
une liste complète des éléments le constituant et que les atteintes dont il souffre revêtent les
multiples aspects de l’environnement lui-même.
Pour toutes les raisons susmentionnées, une certaine opinion pense que « le recours du droit
pénal dans le domaine de l’environnement devrait être « rationnalisé ». Il ne doit pas être
pensé comme une réaction automatique, adaptée en toutes circonstances. Le droit pénal ne
devrait pas non plus être pensé de manière solitaire. Du fait de sa technicité, le droit de
l’environnement lui impose en effet de considérer la répression administrative comme son
alter ego, afin d’unir leurs efforts. De l’union naît la force, au service d’une même mission : la
pérennité du vivant, à qui l’homme doit sa survie ».
10
6
J. LASSERRE CAPDEVILLE, « Le droit pénal de l’environnement : un droit encore à l’apparence redoutable et à l’efficacité douteuse », in
Sauvegarde de l’environnement en droit pénal, (sous la dir. de R. NERAC-CROISIER), Paris, L’Harmattan, 2005, pp. 10-71.
7
J-F. NEURAY, « L’ordre public écologique en droit belge », in L’ordre public écologique towards an ecologocial public order, sous la
direction de M. BOUTELET et J-C. FRITZ, BRUYLANT, Bruxelles, 2005, p. 230.
8
J. LASSERRE CAPDEVILLE, op. cit., pp. 38-41.
9
J. LASSERE-CAPDEVILLE, op. cit.,, p.40.
10
C. COURTAIGNE-DESLANDE, L’adéquation du droit pénal à la protection de l’environnement, Thèse, Université de Paris II
(Panthéon-Assas), 2010, n° 2053, p.705.
Par ailleurs, l’idée de l’inefficacité du droit nal de l’environnement nous est difficilement
digérable, pour des raisons que nous allons développer à l’explication de notre hypothèse de
la recherche. Une autre opinion contraire des auteurs constate que « le grand paradoxe du
droit pénal de l’environnement est qu’on ne cesse de le décrier au non de son inefficacité en
même temps qu’on ne cesse d’y recourir et de multiplier les infractions environnementales et
les déclarations vindicatives ».
11
Aussi, en dépit des difficultés épistémologiques et conjoncturelles réelles auxquelles se heurte
le droit pénal de l’environnement, nous soutenons avec le Professeur DAVID CHILSTEIN « qu’il
ne faut pas se résigner à cette situation et en appeler à une dépénalisation générale en droit de
l’environnement ».
12
En effet, d’un point de vue quantitatif, il est constaté à travers le monde
vers ces dernières années un activisme juridique et une multiplication des sanctions
intéressant la protection de l’environnement. On assiste donc à la montée d’un mouvement
plus large de « pénalisation du droit de l’environnement »,
13
voire une « aggravation des
sanctions pénales en matière environnementales »
14
, qui étouffe de plus en plus celui de
« dépénalisation du droit de l’environnement ».
15
Les valeurs fondamentales qu’incarne l’environnement ne font l’ombre d’aucun doute et ne
sont remises en cause même par ceux qui plaident pour la dépénalisation du droit de
l’environnement. C’est dans cette perspective que ROLSTON précise que « l’urgence de
préserver la biodiversité est liée en grande partie à nos devoirs envers les autres êtres
humains, la nature étant l’instrument des intérêts humains tributaires de leur environnement.
Ces intérêts se conjuguent directement en intérêts nationaux et nécessitent une coopération
internationale. Toutefois, selon une éthique environnementale plus profonde, la nature est
porteuse des valeurs intrinsèques et nous avons des devoirs à son égard. Ces devoirs découlent
des valeurs qui, dans la nature, existent tant au niveau des animaux, des organismes vivants,
11
J. LASSERE-CAPDEVILLE, op. cit., p.13 ; D. GILLIG, « Le volet installations classées du rapport Lepage sur la gouvernance », in
Environnement 2008, dossier 9 ; NICOLAS SARKOZY, Extrait du discours pronon le 25 octobre 2007, à l’occasion de la
restitution des conclusions du Grenelle de l’environnement : « Nous allons faire sauter, avec l’Europe, les barrières
juridiques pour aller chercher les pollueurs ils se trouvent. Il n’est pas admissible que qu’une maison mère ne soit pas
tenue responsable des atteintes portées à l’environnement par ses filiales ? » ; J. MONGIN et E. DAOUD, « Le droit pénal
demeure t-il étranger à la notion de développement durable ? Rien n’est moins sûr ! », in AJDP, 2009, p. 402.
12
D. CHILSTEIN, « L’efficacité du droit de l’environnement », in L’efficacité du droit de l’environnement : mise en œuvre et
sanctions, (sous la dir. de O. BOSKOVIC), Paris, Dalloz, 2010, p.74.
12
D. CHILSTEIN, op. cit., p. 18.
13
L. NEYRET, « La sanction en droit de l’environnement. Pour une théorie générale », in Les sanctions en droit contemporain,
VOL.1. (sous la dir. de Cécile Chainais et Dominique Fenouillet), Paris, Dalloz, 2012, pp. 534-534. Lire également le même
auteur « La transformation du crime contre l’humanité », in M. DELMAS-MARTY (et al.), Le crime contre l’humanité, Paris,
Puf, coll. « Que sai-je ? », 2009, p.81 ; C. LEPAGE, « Pour une cour pénale européenne de l’environnement », disponible sur
http://www.actu-environnement.com/ae/news/cour_penale_europeenne_environnement_8615.php4 (consulté le 8 juillet
2012). ; N. BELAIDI, La lutte contre les atteintes globales à l’environnement : vers un ordre public écologique ?, Bruxelles,
Bruylant, 2008, passim.
14
D. CHILSTEIN, op. cit., p. 80 ; L. NEYRET, op. cit., p. 535.
15
L. FONBAUSTIER, « L’efficacité de la police administrative en matière environnementale », in L’efficacité du droit de
l’environnement : mise en œuvre et sanctions, op. cit., p. 134. Cet auteur estime que « L’approche administrative de la
sanction semble plus efficace, même si elle n’a pas la publicité ni, partant, l’exemplarique l’on pourrait en attendre ».
Mais nous, nous soutenons que les sanctions administratives ne sont plus efficaces que celles pénales en droit de
l’environnement, mais plutôt elles doivent venir au secours des sanctions pénales à titre de sanctions complémentaires.
des espèces menacées et des écosystèmes en tant que communautés biotiques qu’au niveau de
la vie humaine ».
16
Ce succès du mouvement de pénalisation du droit de l’environnement s’explique du fait que
les préoccupations environnementales ont pris, dans la société actuelle, une place considérable
à telle enseigne que les atteintes à l’environnement sont perçues comme les atteintes « aux
états forts de la conscience commune ».
17
Pour les plus amples explications, contactez l’auteur à l’adresse suivante :
info@professeuraugustingumbi.net, Téléphone : +243822631911.
16
H. ROLSTON, « La terre et ses valeurs intrinsèques : la nature et les nations », in Ethiques de l’environnement et politique
internationale, sous la direction de HENK A. M. J. TEN HAVE, Paris, Editions Unesco, 2007, p. 50.
17
H. ROLSTON, op. cit., p. 74.
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