LA SCARLATINE La scarlatine, une infection bactérienne contagieuse due à un streptocoque bêta hémolytique du groupe A (SGA) et exceptionnellement aux streptocoques C ou G, complique le plus souvent une angine mais parfois une infection cutanée ou gynécologique (scarlatine chirurgicale ou puerpérale). L’étiology Les bactéries du genre Streptococcus sont des cocci à Gram positif, immobiles, asporulés, capsulés, groupement en diplocoques et en chaîne, cultivées sur milieux enrichis (sang). Elles peuvent être classifiées selon des critères phénotypiques traditionnels, dont : - l’hémolyse complète des globules rouges autour d’une colonie sur une gélose du sang (réaction β) - le sérogroupe de Lancefield (généralement utilisé pour les streptocoques β-hémolytiques), qui permet de distinguer plusieurs antigènes polysaccharidiques de la paroi bactérienne (ex. : sérogroupes A, B [S. agalactiae], C, F, G [S. dysgalactiae]) Le streptocoque β-hémolytique du groupe A, ou Streptococcus pyogenes, est le streptocoque le plus fréquemment en cause dans des infections chez l’humain. Cette espèce peut être divisée en sérotypes, sur la base des différences antigéniques de la protéine M de la paroi cellulaire, ou, plus récemment, en génotypes, sur la base des différences nucléotidiques du gène emm qui code pour la protéine M. Plus de 120 sérotypes et génotypes sont actuellement reconnus. La protéine M, plusieurs substances extracellulaires (ex. : exotoxines pyrogéniques streptococciques) et la présence d’une capsule d’acide hyaluronique jouent un rôle dans la pathogénicité de ces streptocoques. Il sont decritées plusieurs exotoxines pyrogènes, Spe (streptococcal pyrogenic exotoxins)- SpeA, B, C, D, F, G, H, I, J, L, M. Les produits extra-cellulaires du SGA facilitant l’invasion tissulaire sont representés par hyaluronidase, streptolysines O et S, exotoxine SpeB (cystéine protéase), protéines liant le plasminogène (streptokinase), DNases (désoxyribonucléases), NADase (nicotinamide-adéninedinucléotidase). Epidémiologie La scarlatine touche surtout les enfants de 5 à 10 ans, par petites épidémies scolaires pendant l'hiver. Elle est rare chez les enfants de moins de 2 ans en raison de la présence d’anticorps maternels dirigés contre les exotoxines pyrogènes. À 10 ans, 80 % des enfants ont développé des anticorps contre ces exotoxines, qui les protégeront tout au long de leur vie. Ainsi la scarlatine est possible chez l'adulte, mais cela reste très rare. La transmission se fait par contact direct (voie aérienne dans les gouttelettes de salive ou cutanée à partir d’un malade ou d’un porteur asymptomatique) ou plus rare, par contact indirect (objets ou surfaces contaminés). L’épidémiologie des infections à SGA varie grandement en fonction du lieu, du temps et du type d’infection. La scarlatine et la fièvre rhumatismale, relativement fréquentes en Occident jusque dans les années1940, sont devenues plutôt rares aujourd’hui. La pathogénie Plusieurs facteurs reliés au SGA expliqueraient sa pathogénicité. La protéine M est un antigène majeur dans la pathogénicité du SGA. En effet, cette protéine de surface permet au SGA de résister à la phagocytose et ainsi, d’échapper à la réponse immunitaire de l’hôte à l’infection. D’autres facteurs de virulence, définis comme exotoxines pyrogéniques et comme superantigènes, contribuent à la physiopathologie favorisent l’apparition d’une réaction inflammatoire locale importante. Les toxines érythrogènes sécrétées par la bactérie sont responsables des manifestations cutanées et des complications de la maladie. Ces toxines entraînent une vasodilatation, associée à un oedème dermique et à un infiltrat lymphocytaire, le tout expliquant l’érythème cutané. La toxine érythrogène se lie au complexe majeur d’histocompatibilité de type II. L’ensemble est alors présenté au récepteur T des lymphocytes cytotoxiques pour former un complexe ternaire impliquant alors la libération de cytokines responsables du tableau toxinique. Celui-ci réalise une hypotension, une défaillance multiviscérale fébrile, contemporaines du rash cutané. Le tableau clinique L’incubation de la scarlatine dure 2 à 5 jours, la contagiosité comence 24 heures avant le début des signes. Classiquement, la maladie se déroule de la manière suivante : Le début: Il est brutal, marqué par une angine douloureuse, une forte fièvre à 39-40°C, des frissons, des douleurs abdominales et des vomissements, céphalée. La période d’état survient en moins de 2 jours et se caractérise par l’exanthème (l’éruption) et l’énanthème (modifications buccales), maintien de la fièvre, tachycardie, augmentation de volume des ganglions du cou, difficulté à avaler. L’éruption de la scarlatine commence en haut du tronc puis se généralise en quelques jours en épargnant les paumes, les plantes et la région péribuccale. L’éruption n’est pas présente sur le visage, mais les pommettes sont rouges en contrast avec la pâleure péribuccale (le masque Filatov). L’éruption est de couleur rouge très soutenue sans intervalle de peau saine, avec présence de minuscules papules à la surface. Elle peut être prurigineuse. Au toucher, la peau est sèche, brûlante et donne une impression de granité, et s’efface à la vitropression ou à l’étirement. L’érythème est fortement marqué au niveau des plis de flexion, ou on se forment des lignes rouges a cause de la fragilité vasculaire (le signe Pastia Grozovici). L’éruption atteint son intensité maximale vers le 2ème-3ème jour, puis décroît rapidement vers le 6ème jour. La desquamation survient vers le 7ème jour. Elle est fine sur le visage et sur le tronc, et constituée de grands lambeaux sur les mains et les pieds avec un aspect en doigt de gant. Elle se prolonge habituellement pendant entre le 8e et le 30e jour. L’énanthème caractéristique comporte l’angine érythemateuse ou érythematopultacée et le cycle de la langue. L’aspect de la langue est très caractéristique. Au début de la maladie, la langue est recouverte d’un enduit blanchâtre (langue saburrale), puis celuici s’efface progressivement de la périphérie vers le centre de la langue. Au 4ème jour la langue desquame laissant les papilles à nu et devient rouge écarlate (langue framboisée), est lisse au 9e jour et redevient normale au 14e jour. Evolution. Les manifestations générales (fièvre, frissons, douleurs) disparaissent avant la fin de la première semaine. La langue retrouve un aspect normal vers la fin de la deuxième semaine. L’éruption cutanée est remplacée par de petites écailles qui tombent (desquamation) sur l’ensemble du corps, et de grandes écailles au niveau des mains et des pieds ; elle disparaît vers la fin du premier mois et l'éruption elle-même n'est pas contagieuse. La phase contagieuse commence avec les premiers symptômes et se prolonge en cas des sujets non traitées jusqu’à disparition des squames (10 jours à 3 semaines). En cas de traitement antibiotique, l’enfant n’est plus contagieux dès le lendemain du début du traitement. La scarlatine est une maladie immunisante mais l’existence de plusieurs souches antigéniques de streptocoque n’exclut pas totalement le risque de récidive. Cette éventualité est toutefois exceptionnelle au vu de la faible prévalence de la maladie. Les formes cliniques La scarlatine n’est pas toujours aussi typique. La maladie prend souvent des formes atténuées au cours desquelles l’éruption est discrète, parfois localisé avec une descuamation discrète et peu fébrile. L’aspect de « langue framboisée» est en revanche un symptôme quasi constant. Les formes à point de départ extraphfaryngé (postopératoires ou obstétricales), sans angine, s’accompagnent des signes toxiniques intenses. Les formes malignes sont rares et le tableau clinique evoque celui du choc toxique streptococcique. - - Le diagnostic Enquête épidémiologique: contact avec un malade de scarlatine, angine ou porteur de SGA. Clinique. Paraclinique: la sécrétion pharyngienne avant la chimiothérapie peut isoler le SGA; les tests de diagnostic rapide du streptocoque du groupe A réalisables en 5 minutes environ par le praticien ont une spécificité d’environ 95% et une sensibilité de 90%; CRP et VSH augmenté, leucocytose, neutrophilie parfois hyperéosinophilie discrète; recherche d’une élévation du taux d’anticorps, le titre ASLO (anticorps antistreptolysine O) va augmenté apres 10 jours d’infection (>200 UI/ml). Le diagnostic différentiel: viroses avec éruption (rubéole, échovirus, coxsackie, MNI, adénovirus, cytomégalovirus) syndrome du choc toxique staphylococcique allergie médicamenteuse la maldie de Kawasaki d’autant qu’elle s’accompagne d’un énanthème, mais l’aspect framboisé de la langue apparaît dès le premier jour. Les complications peuvent être précoce : septique (otite, rhinite, sinusite, adénite cervicale dont une forme particulière est le bubon scarlatin, septicémie) ou toxique (miocardite, hépatite, néphrite, artrite). Au travers d’un processus immunoallergique induit par l’existence d’une communauté antigénique entre les constituants des streptocoques (surtout du groupe A) et certains tissus de l’organisme, l’infection streptococcique peut également entraîner des complications tardives parmi lesquelles le rhumatisme articulaire aigu, la glomérulonéphrite, l’érythème noueux et la chorée de Sydenham. Les complications de la scarlatine sont devenues rares grâce aux antibiotiques largement prescrits, mais quand elles surviennent, les séquelles sont importantes et parfois définitives. La glomérulonéphrite aiguë : se manifeste 7 à 12 jours après le début de la maladie par la présence de protéine et de sang dans les urines, un oedème au visage et une hypertension artérielle. L’évolution spontanée est favorable dans la majorité des cas, mais une insuffisance rénale chronique peut s’installer plusieurs années après la maladie. Le rhumatisme articulaire aigu : il s’agit d’une atteinte des articulations mais aussi des valves cardiaques. Le rhumatisme articulaire aigu survient 1 à 4 semaines après le début de la maladie et se manifeste par de la fièvre, des douleurs articulaires avec des articulations enflées et chaudes, et surtout une atteintes des valves cardiaques. Le pronostic est généralement favorable, mais les séquelles cardiaques sont fréquentes. L’érythème noueux: se manifeste par l’apparition d’une dermohypodermite nodulaire. Les lésions inflammatoires et douloureuses sont principalement localisées aux membres inférieurs et évoluent en plusieurs poussées aggravées par le décubitus. Avant de disparaître en 10 à 15 jours, le revêtement cutané en regard des lésions va évoluer suivant les stades de la biligénie d’abord rouge puis bleu, jaune et enfin vert. La chorée de Sydenham: s’installe progressive, se manifeste par l’apparition de mouvements involontaires, désordonnés, anarchique, bilatéraux et régresse spontanément en quelques mois. Le traitement La scarlatine est une maladie à déclaration obligatoire (à faire par le médecin traitant). Le traitement de la scarlatine est indispensable pour éviter les complications. Il consiste en une antibiothérapie efficace sur le SGA et l’isolement prophylactique du sujet traité. Le traitement étiologique: Il n’existe pas à ce jour de souches de SGA résistantes aux pénicilline. Pénicilline G: enfant 50 000-100 000 UI/kg/j, adulte 2x 1-2 mil UI/j, 12 h d’intervalle, 7-10 jours. Alternative orale: Pénicilline V (quelques cas de mauvaise tolérance), céphalosporines orales. Après: Benzathine pénicilline (Moldamin) i.m. 600 000 UI/semaine pour l’enfant plus de 5 ans, 1 200 000UI/semaine por l’adulte, 3 semaines. En cas d’allergie à la pénicilline: macrolides ou azalides pour 14 jours (on peut pas administrée Moldamin!), mais la résistance peux etre haute (2030%). Clindamycine diminue la synthèse des toxines et de la protéine M et a un effet post-antibiotique prolongé. L’association de clindamycine à pénicilline est indiquée pour le traitement des formes malignes. Le traitement pathogenique: en cas de miocardite – Prednison 1mg/kg/j, 10-14 jours. Le traitement symptomatique: antipyrétique, antialgique, des antiinflamtoires nonsteroidiens. Une surveillance médicale des fonctions rénale (hématurie, protéinurie) et cardiaque (EKG) est nécessaire pendant un mois. Au moment du retour à l’école, l’enfant doit fournir un certificat médical de non contagiosité La prévention: chez les sujets contacts repose sur la pénicilline V ou un macrolide pendant 7 jours.