calculs sont bons, les structures du métamatériau à créer devraient être de l’ordre du
millimètre. Une taille usinable…
Le résultat de l’expérience, publié en 2006, est un succès qui fait grand bruit dans
la communauté scientifique. L’équipe de Pendry a réussi à faire qu’un anneau de 3 cm
devienne «invisible» aux micro- ondes : celles-ci contournent l’objet et reprennent leur
trajectoire comme s’il n’existait pas… Certes, le quidam ne voyant pas les micro-ondes, le
résultat n’est pas spectaculaire. Sauf aux yeux des militaires, eux qui rêvent de jeter une cape
d’invisibilité sur leurs installations et leurs soldats. La Darpa (l’agence de recherche du
Pentagone) et les services de recherches des armées européennes ont aussitôt proposé leur
soutien, témoigne Sébastien Guenneau. «Mais je me suis donné comme principe de ne pas
travailler pour l’armement. J’ai refusé.»
La démonstration de principe est acquise. Le champ de recherches sur les métamétariaux de
l’invisibilité est ouvert. Et les questions affluent. Comment concevoir l’architecture que
doivent avoir des métamatériaux pour la lumière visible ? Et, question subsidiaire d’un autre
ordre : comment présenter au grand public, et aux politiques, les premiers résultats obtenus
sur les ondes invisibles ? En cette année 2006, cette question préoccupe Sébastien Guenneau,
qui en discute avec son collègue Stefan Enoch, chercheur au CNRS à l’Institut Fresnel à
Marseille, et leur étudiant en thèse Mohamed Farhat. L’Institut Fresnel est un haut lieu de la
recherche sur les ondes électromagnétiques. Leur réflexion les mènera, contre toute attente, de
la recherche de l’invisibilité… à la découverte, en 2008, d’une recette de lutte contre les
vagues géantes.
«Dessous-de-plat». «Pour expliquer nos travaux, nous avons eu l’idée de construire une
sorte d’analogue de notre dispositif, mais avec des ondes bien plus grandes. Des vagues.
Après tout, les lois de la physique sont les mêmes pour toutes les ondes qu’elles soient
électromagnétiques comme la lumière, acoustiques comme le son, ou mécanique comme la
vague solitaire d’un tsunami»,explique Stefan Enoch. Les trois chercheurs s’attellent donc à
construire une macromaquette de leurs microtravaux. Ils fabriquent une cuve d’eau,
représentation d’un océan qui sera agité par une vague. Reste ensuite le plus difficile : créer
un métamatériau qui dévie les vagues de manière à ce qu’elles contournent l’objet. Autrement
dit, un métamatériau d’invisibilité à l’onde de la vague. Sachant que celle-ci, dans la cuve, ne
dépassera pas le centimètre, les structures du métamatériau seront hautes de quelques
millimètres, calculent les chercheurs. Réalisable. Encore faut-il définir comment disposer ses
structures.
Au bout de deux ans de cogitations croisées de chaque côté de la Manche, Enoch, Farhat,
Guenneau et son collègue Alexander Movchan, à Liverpool, conçoivent enfin leur
métamatériau antivague : «Une sorte de dessous-de-plat high-tech», dit Stefan Enoch. La
soucoupe «antitsunami» est un disque en métal d’un diamètre de 20 cm, parcouru le long de
sa circonférence de picots à section carré. Le même nombre de picots se répète sur
sept rangées concentriques. En tout une centaine, régulièrement espacées, à la manière d’un
échiquier dont les cases font quelques millimètres de côté. De ce fait, plus on s’approche du
centre et plus les structures sont serrées. Puis, à une distance de quelques centimètres du
centre, plus rien : un cercle vide, l’espace qui sera, si tout se passe comme prévu, épargné par
la vague. Ce métamatériau a en outre une caractéristique remarquable, inconnue dans la
nature : il est fortement «anisotrope», c’est-à-dire que ses propriétés physiques ne sont pas les
mêmes selon les directions. La vague qui arrive frontalement doit être freinée. Celle qui vient
de biais, accélérée.