La relation entraineur-entrainé

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La relation entraineur/entrainé
Arnaud BARBIER
La relation entraineur-entrainé
Pourquoi une intervention en psychologie du sport ?
L’objectif de cette intervention est de vous informer sur quelques données essentielles qui
ressortent des travaux en psychologie du sport.
C’est une évidence de dire qu’il ne suffit pas de construire des exercices pour faire progresser
les joueurs. C’est dans le soucis de corriger, d’orienter les pratiques par des consignes
techniques pertinentes qu’un comportement basket pourra évoluer.
Nous allons donc nous intéresser à la relation de l’entraîneur avec ses joueurs dans la situation
d’apprentissage et plus spécifiquement, dans un premier temps aux renforcements
(rétroaction, feedback) exprimés par l’entraineur.
Puis nous irons un peu plus loin en évoquant des stratégies concernant la motivation, thème
qui pourra probablement vous intéresser en ce début de saisons.
A- La rétroaction dans le processus de transmission d’un savoir faire :
Elle constitue une charnière entre l’entraîneur et l’entraîné. Le feedback sert de renforcement
positif ou négatif maintenant l’intensité de la séance et permettant l’acquisition ou le
perfectionnement d’un comportement basket.
Profil des entraîneurs les plus efficaces :
 Ils utilisent 5 fois de plus de FB que les autres
 Ils utilisent 12 fois plus de FB verbaux associés à du visuel que les autres.
 Ils interviennent de façon moins négative, ils renforcent, encouragent plus en cas
d’erreur.
Mais suffit il alors de renforcer positivement ?
Comment se construit ce processus de renforcement qui paraît si évident ?
Qui renforce-t-on ?
1- Expérience de l’effet Pygmalion (Rosenthal, 1971) :
Une équipe de psychologues débarque dans une classe primaire pour faire passer aux
élèves un test d’épanouissement intellectuel. Les test sont corrigés et les résultats transmis
aux enseignants : « Il faudra s’attendre à ce que l’intelligence de tels élèves se développe
tout particulièrement au cours de cette année ».
Tel est le verdict du prétendu test qui en fait ne mesurait rien du tout et dont les enfants
ont été choisi au hasard.
De réels tests de QI avaient été effectués en début et en fin d’année scolaire.
Les résultats montrent qu’il a suffit que les instituteurs soient persuadés des potentialités
de certains élèves, pour que celles ci se manifestent en augmentant.
Cette expérience peut nous interroger grandement sur l’influence des attentes des
enseignants sur les apprenants.
CREPS de Wattignies, Intervention 2001
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Mais comment ces attentes sont elles transmises ?
2- Etude sur les rats :
On s’est aperçu que les étudiants qui croyaient apprendre un labyrinthe à un rat très
intelligent, le cajolaient, lui parlaient davantage que ceux qui devaient travailler avec un
rat déclaré idiot. Il est bien évident que les rats étaient choisis au hasard. Ceux dits
intelligents, obtiennent de bien meilleurs résultats au labyrinthe que les autres.
Quels liens avec la situation de l’entraîneur ?
Ce dernier est soumis à diverses influences extérieures (président, parents, entraîneurs,
etc) mais aussi internes (affectivité, personnalité…) plus ou moins importantes qui
détermineront des attentes vis à vis de leurs joueurs.
Dans la situation de gestion d’un groupe, l’entraîneur a donc nécessairement des attentes
différentes et il est alors soumis aux risques d’étiqueter, de catégoriser (tendance naturelle
et automatique) tel ou tel joueur.
Quelques conclusions dans l’apprentissage basket :
 Les apprenants qui progressent le plus sont ceux qui reçoivent le plus de
feedbacks. Par conséquent, les entraîneurs les moins efficaces sont ceux qui
émettent le moins de feedbacks. (Piéron 1981).
 Selon Martinek (1981), les plus forts auraient tendance à recevoir plus de
renforcements que les autres. De plus, le bon comportement basket d’un bon
élément est plus souvent renforcé positivement que si ce comportement provient
d’un joueur plus faible.
 Par ailleurs, la réussite entraîne beaucoup moins de renforcement que l’échec.
Un travail de réflexivité sur sa pratique est donc nécessaire pour mieux percevoir les
modalités de renforcement les plus fréquemment utilisées (verbales, visuelles, kinesthésiques)
et vers quels joueurs les feedbacks sont destinés . Il peut être intéressant de se faire observer
par un collègue qui pourra mieux repérer ces différents paramètres.
B- Rétroaction et motivation :
S’intéresser aux renforcements implique un questionnement sur la motivation.
Qu’est ce qui motive les joueurs ? Comment les motiver ?
Voici des questions très fréquentes pour l’entraineur à la recherche de la meilleure
performance.
La majorité des travaux semble démontrer que plus la motivation du sportif est
autodéterminée plus ce dernier présentera une attitude positive par rapport à la situation
d’entraînement et spécifiquement dans l’intensité et la durée de la charge de travail, et donc
dans la situation d’apprentissage.
La motivation autodéterminée se définit par le fait que plus un athlète choisit volontairement
de faire une action, et plus sa motivation sera autodéterminée.
Classiquement on distingue trois types de motivation :
 La motivation intrinsèque
CREPS de Wattignies, Intervention 2001
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La motivation extrinsèque
L’amotivation : le sujet ne perçoit pas de relation entre ses actions et le résultat obtenu.
Réfléchir à la motivation du groupe, c’est commencer à établir une stratégie de préparation
mentale. Vers quel type de motivation l’entraineur pourra orienter son travail ?
1- La motivation intrinsèque :
Elle se réfère au fait de pratiquer une action pour le plaisir ressenti durant son exercice :
aucune contrainte extérieure.
La motivation intrinsèque à la connaissance se réfère au fait de pratiquer une action pour le
plaisir d’apprendre de nouvelles techniques.
La motivation intrinsèque à l’accomplissement se réfère au fait de pratiquer une action pour le
plaisir de surpasser.
La motivation intrinsèque à la stimulation se réfère au fait de pratiquer une action pour le
plaisir de ressentir des sensations plaisantes.
On entend de plus en plus dans le sport de haut niveau l’importance que les entraineurs
accordent au plaisir de jouer mais aussi au plaisir de vivre avec un groupe soudé, motivé… .
A au niveau la différence semble se situer à cet endroit.
La motivation intrinsèque est par définition la motivation la plus autodéterminée car elle n’est
pas soumise à des contraintes extérieures.
Une des premières pistes à suivre par les entraineurs est donc d’orienter son discours vers les
aspects intrinsèques de la pratique basket rendant plus autodéterminée la motivation.
Comme vu plus haut, la motivation autodéterminée est un des facteurs potentialisant les
facultés d’apprentissage, réduisant les risques d’arrêts de pratique, la démotivation et orientant
davantage la pratique sportive vers une réalisation de soi.
2- La motivation extrinsèque :
Elle est liée aux facteurs extérieures entourant la pratique, c’est à dire les conséquences.
GAGNER PERDRE
LA REPUTATION
L’IMAGE DU GROUPE
L’ARGENT
Lorsqu’un joueur est extrinsèquement motivé, il ne fait pas l’activité pour l’activité mais
plutôt pour en retirer quelque chose de plaisant ou pour éviter quelque chose de déplaisant.
La motivation extrinsèque est donc la motivation la moins autodéterminée puisque contrôlée
par de multiples et diverses influences extérieures.
Les recherches en psy du sport montrent les limites d’une approche entraineur entrainé
centrée uniquement sur une motivation extrinsèque.
Gagner ou perdre ne peuvent donc être les seuls objectifs à réaliser ou à éviter.
Exemple d’un effectif très faible ou très fort … .
Alors comment renforcer les joueurs pour les motiver intrinsèquement ?
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C- Un modèle motivationnel de la relation entraineur/entrainé d’après Deci et Ryan.
3 besoins influencent la motivation intrinsèque.
 Le besoin de compétence et d’efficacité.
 Le besoin d’autonomie.
 Le besoin d’appartenance sociale.
Ces 3 besoins vont influencer les différents niveaux d’autodétermination de la motivation.
Une augmentation ou une diminution de ces trois perceptions (compétence, autonomie,
appartenance) chez un sportif augmentera ou diminura sa motivation autodéterminée.
 Le besoin de compétence :
L’entraineur cherchera à augmenter les sentiments de compétence par des rétroactions
positives suite à la réalisation d’une tâche.
 Le besoin d’autonomie :
Se réfère à la liberté de faire des choix dans son sport. Ne pas (plus) être sous la dépendance
totale d’un entraineur tout puissant, (entraineur controlant).
Quid de la capacité des entraineurs à pouvoir laisser aux joueurs une marge d’autonomie,
d’indépendance et leur reconnaître une possible pertinence dans leur propositions ?
Une étude (Blanchard et Vallerand, 1996) indique que plus un joueur de basket ball perçoit
que son entraineur supporte son autonomie, plus cet athlète se sent compétent, autonome et
connecté à son équipe. En retour, ce même sportif présentera un profil motivationnel plus
autodéterminé.
 Le besoin d’appartenance social :
Correspond au sentiment d’être accepté et écouté par les personnes qui l’entourent. Nécessite
de la part de l’entraineur de capacités de disponibilité et d’écoute.
En résumé, la théorie de l’évaluation sociale de Deci et Ryan (1991) semble montrer que les
perceptions de compétence, d’autonomie, et d’appartenance sociale sont les 3 médiateurs
entre le comportement de l’entraineur et la motivation.
L’entraineur pourra donc s’appuyer sur ces 3 repères pour orienter sa stratégie
motivationnelle vers plus d’autodétermination.
Exemple :
Un entraineur pourrait dire « bravo, bon 1*1 ». Cette rétroaction bien que positive n’est pas
assez précise. Il est important que l’entraineur fasse ressortir l’aspect de compétence de cette
action « Bon 1*1, ton changement de rythme était excellent ». Ce type de rétroaction
informationnelle augmente la motivation autodéterminée parce qu’elle renforce la
compétence efficace mise en jeu.
La rétroaction de l’entraineur doit aussi influencer les sentiments d’autonomie. « Bravo, tu as
passé ton défenseur exactement comme je te l’avais dit ». Cette rétroaction est positive mais
contrôlante. Le joueur ne sent pas à l’origine de son action. Une rétroaction positive non
contrôlante serait « Bravo, tu as fais un excellent choix de passer ton défenseur en changeant
de rythme à ce moment là… » ou « j’ai bien aimé la façon …. »
Donc, chercher à renforcer positivement le sentiment de compétence et d’autonomie.
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Les effets de la motivation autodéterminée :
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Plus d’émotions positives.
Diminue le risque d’arrêt de la pratique.
Augmente la persévérance.
Augmente la concentration.
D- Conclusion :
L’ensemble de ces recherches semblent montrer que les entraineurs ont tout intérêt d’orienter
leur stratégie de management vers le développement d’une motivation autodéterminée chez
les joueurs.
Les entraineurs ne seront alors plus la seule « locomotive » qui tire le reste des wagons.
Orienter son travail vers cette perspective, c’est alors nécessairement développer une stratégie
axée vers la fixation de buts, d’objectifs en commun : entraineur et joueurs.
A la question : « Comment fait on pour augmenter la motivation de nos joueurs ? » Une
réponse pourrait alors être de favoriser l’autonomie des joueurs et de renforcer leurs
perception de compétence à l’aide de rétroaction positive.
Cette démarche peut surprendre mais avec un peu d’imagination, on peut espérer
qu’entraineur et joueurs construisent ensemble leur projet d’équipe.
NB : Cette démarche générale sera aussi très influencée par votre profil d’entraineur (leader
manager ou leader transformatif, autocrate ou démocrate, etc.) Thème qui pourrait être abordé
lors d’une prochaine intervention.
E- Bibliographie principale :
Guide pratique de la préparation psychologique du sportif, de E.Thill et P. Fleurance, édition
Vigot.
Sommes nous tous des psychologues ?, de Leyens, édition Mardaga.
Multiples articles dans la revue Basket-ball et sur le site internet de la FFBB :
www.basketfrance.com
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