Spectacle de Jean-François Peyret et Luc Steels

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Le Cas de Sophie K.
Spectacle de Jean-François Peyret et Luc Steels
Mise en scène Jean-François Peyret
Scénographie : Nicky Rieti
Musique : Alexandros Markeas
Lumière : Bruno Goubert
Dramaturgie : Marion Stoufflet
Costumes : Cissou Winling
Web : Agnes de Cayeux
Avec
Olga Kokorina, Elina Lowensohn, Nathalie Richard, Graham F. Valentine
Création au Festival d’Avignon, La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon du 9 juillet au 24 juillet 2005.
Représentations au Théâtre National de Chaillot du 26 avril au 27 mai 2006
Une production tf2 compagnie Jean-François Peyret, Festival d’Avignon, La Chartreuse-CNETS de Villeneuve
Lez Avignon, avec l’aide de la DRAC Ile de France et le Jeune Théâtre National.
Contact : Claire Béjanin
Association tf2 – Compagnie Jean-François Peyret
2 bis Square du Croisic, 75015 Paris
T / 00 33 1 45 40 48 36
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F / 00 33 1 45 40 32 82
I – LE SPECTACLE : LE CAS DE SOPHIE K.
Jean-François Peyret
Il serait tentant d’attribuer au président de Harvard, Larry Summers, et à sa gaffe récente sur les
capacités du cerveau féminin à faire des mathématiques, l’idée de consacrer un spectacle à la
mathématicienne russe Sophia Kovalevskaïa. L’occasion est presque trop belle de tendre ainsi l’arc
entre la Russie arriérée de la deuxième moitié du XIXème, entre le combat que Sophie K dû mener
pour se faire reconnaître comme mathématicienne et une des plus performantes fabriques de
cerveaux de l’Amérique d’aujourd’hui, fille aînée de la Science, pour constater que le fil de
l’increvable sexisme est ininterrompu. Entre les propos, tenus dans une des plus brillantes fabriques
de cerveaux d’aujourd’hui, et ceux, par exemple, de Strindberg révolté à l’idée qu’on nomme
Sophie, une femme ! à un poste de professeur à l’Université, le chemin parcouru ne semble pas
bien grand, comme si le machisme ordinaire n’était pas le fait de l’ignorant et du fruste mais
sommeillait aussi dans les esprits éclairés, à croire qu’il serait inné…
Ce serait tentant, mais malhonnête puisque notre rencontre avec SK s’est faite autrement, et
beaucoup plus par hasard. Nous étions en effet l’an dernier en train de faire un spectacle sur Darwin
lorsque Une Nihiliste, le roman de notre mathématicienne parut en français; sur la quatrième de
couverture, n’était-il pas indiqué qu’elle avait épousé le traducteur russe de Darwin, qu’elle avait
rencontré l’auteur de L’Origine des espèces ? Cela suffisait pour piquer notre curiosité et donner
l’envie de faire entrer la mathématicienne-écrivain dans notre petit théâtre.
Que le théâtre, ou le roman ou le cinéma soient tentés de s’emparer de la vie et l’œuvre de cette
femme, rien d’étonnant. On dirait qu’elle épouse son époque. De son enfance d’aristocrate russe
ébranlée par le nihilisme, de sa fascination pour les idées nouvelles, de son combat pour faire valoir
ses droits au savoir à la victoire de son féminisme consacrée par sa chaire en Suède et la
reconnaissance de son génie mathématique, en passant par la Commune de Paris, par les relations
qu’elle entretint avec les plus grands esprits de son temps, elle n’a pas ménagé sa passion et on
regrettera seulement qu’elle soit morte si jeune, et n’ait pas connu la suite de cette Histoire si pleine
de bruits et de fureurs. Après tout, en 1917, elle n’aurait eu que 67 ans. Ainsi ses talents
mathématiques ne l’ont pas enfermée dans une tour d’ivoire ; elle était dans le siècle, et voulut s’y
inscrire politiquement en luttant pour l’émancipation des femmes, mais littérairement aussi en se
choisissant écrivain. Bref, pour revenir aux préoccupations de Larry Summers, le cerveau de Sophie
Kovalevskaïa nous intéresse.
Il nous intéresse par son caractère amphibie, le côté scientifique et le côté littéraire, et il nous
intéresse d’autant plus que notre théâtre, littéraire par vocation, cherche, depuis quelques années et
quelques spectacles à être en résonance avec la science et la technique dont il est le contemporain,
à s’en faire l’écho poétique, si ce n’est pas prétentieux de le dire. Qu’on me permette d’ajouter que
cette démarche est, contrairement à une tradition anglo-saxonne plus riche en ce domaine, assez
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rare en Europe continentale. Cela signifie aussi que notre intérêt n’est pas seulement historique
mais qu’il nous importait aussi d’examiner l’héritage de Sophie et de savoir ce que les scientifiques
d’aujourd’hui pouvaient en faire.
Tout ce qui précède explique pourquoi nous avons fait le choix de Sophie. Il faut maintenant dire un
mot du comment. Notre démarche n’est délibérément pas imitative, notre esthétique n’est pas une
esthétique de la représentation ; nous ne chercherons pas à construire une fable représentative où
le personnage de Sophie K. s’incarnerait dans une comédienne bien choisie. Le théâtre ici n’est pas
au service de l’illusion biographique : nous avons des doutes, plus que des doutes, sur la validité
(artistique ou non) de tout projet biographique, projet d’une intenable maîtrise de la part du
biographe qui veut qu’une vie obéisse à un plan, qu’une vie soit de part en part intelligible. Nous ne
voulons pas réintroduire sournoisement un déterminisme à qui la science à cette époque est en train
de tordre le cou. Nous ne posons pas que la vie de cette femme disparue il y a 125 ans, ni que son
œuvre mathématique par nature hors des prises d’un théâtre peu au fait des équations aux dérivées
partielles ou des intégrales abéliennes dégénérées nous soient intelligibles et que nous pourrions
rapprocher Sophie K de nous; non, nous chercherons plutôt à nous approcher d’elle. Ce travail
théâtral est un travail d’approche par les moyens propres du théâtre (trois comédiennes et un
comédien en quête de Sophie K) prolongés par l’apport d’autres pratiques artistiques, comme ceux
de la vidéo, de la musique électro-acoustique et d’internet. Surtout ce spectacle sera l’occasion d’un
commerce entre artistes et scientifiques dont le résultat ne sera pas une conversation académique
ou mondaine mais quelque chose de fabriqué en commun: un spectacle.
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LE CAS DE SOPHIE K.
Un projet de théâtre
Le Cas de Sophie K., spectacle de Jean-François Peyret et de Luc Steels, naîtra donc de la
collaboration d’un metteur en scène et d’un scientifique spécialiste en Intelligence Artificielle. Par le
biais du frottement avec d’autres arts, voire d’autres technologies que les techniques proprement
théâtrales, le théâtre de Jean-François Peyret explore en effet depuis près de dix ans les zones
frontalières qu’il contribue à créer, entre science et théâtre d’abord, mais aussi entre ce qui serait
résolument du côté du théâtre tel qu’on se le représente et ce qui semblerait y échapper. Il aménage
donc des rencontres où les contours de “l’imagination créatrice” sont appelés à se redéfinir sur le
plateau. Rencontres entre artistes et scientifiques certes, mais aussi (et surtout?) rencontre avec
des comédiens, qui nous somment de donner corps et mouvement à de telles rêveries.
Ici trois comédiennes, Olga Kokorina, Elina Löwenshon et Nathalie Richard, seront donc
confrontées à Sophia Kovalevskaïa; mathématicienne russe de la fin du XIXème siècle, première
femme à obtenir une chaire de mathématiques à l’Université; romancière aussi. Et peut-être plus
particulièrement à son cerveau : imagination mathématique, imagination poétique. “Je comprends
votre surprise de me voir travailler aussi bien en littérature qu’en mathématiques. Bien des gens qui
n’ont jamais eu l’occasion d’en savoir plus sur les mathématiques les réduisent à l’arithmétique et
les considèrent comme une science sèche et aride. C’est pourtant la science qui demande le plus
d’imagination”, écrivait-elle à une correspondante peu de temps avant sa mort.
Comment des comédiennes réagissent-elles à la proposition Sophie K. ? Que vont-elles chercher
en elles-mêmes pour jouer ? Loin de l’identification, peut-on incarner la pensée, mouvante ?
Comment cela traverse-t-il les corps, son corps, trois corps, n corps…?
Un quatrième comédien, l’homme oublié, Graham Valentine, sera déguisé en femme déguisée en
homme – par exemple pour avoir accès aux scènes du music-hall de l’époque. Il sera le témoin de
la “transformation K” subie par les comédiennes “kovalevskaïamment modifiées”. Un contre-point.
Comme extérieur à cette prise en charge de Sophia Kovalevskaïa par le théâtre – sa scène et ses
actrices – il se fera le rhapsode du spectacle. Une autre façon de se retrouver confronté à l’activité
cérébrale, activité créatrice, politique aussi, et féministe de SK. Il s’agirait donc de dresser sur la
scène le portrait éclaté et changeant d’une femme, cerveau compris !, et de son monde. Univers
nihiliste russe – passe Dostoïevski et ses Démons -, qui demande en mariage la soeur aînée de
Sophia mais cette dernière quitte Saint Pétersbourg pour Paris, s’engage dans la Commune et
épouse Jaclard pour fonder La Sociale. Univers mathématique aussi : du développement de
l’ananlyse moderne avec Weierstrass à l’intuition par Poincaré de la théorie du chaos. Quelles
conditions créer les pour qu’un théâtre s’y retrouve, se retrouve dans cette pensée-là ? Un théâtre
peut-il être familier de ces questions scientifiques? Il nous faudra trouver des tours de théâtre –
comme on dit des tours de pensée – pour approcher, même par métaphore, cette dramaturgie de la
pensée.
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1. La scénographie
La scénographie est à considérer d’un point de vue qui n’est pas celui du théâtre ou de la scène
traditionnelle, ni celui d’une installation contemporaine installée au cœur d’un monument historique
– juxtaposition devenue habituelle au fil des ans. Nous tenterons de parvenir à une synthèse des
deux, c’est-à-dire éviter autant que possible d’une part l’indifférence manifeste que suscite une
scène traditionnelle au-delà de l’arche du proscenium, et d’autre part le manque d’attention de
l’installation artistique pour les textes théâtraux, le jeu des acteurs et la mise en scène. Aussi
secondaires que ces distinctions scénographiques puissent paraître, elles font partie du théâtre de
Jean-François Peyret, qui cherche à re-combiner des disciplines théâtrales et artistiques d’une
façon souvent inattendue, mais toujours vers l'appréciation et la compréhension de textes dont le
contenu n'est jamais limité aux frontières littéraires, théâtrales, ou autres.
2. Un dispositif vidéo
Un dispositif vidéo permettrait en outre de démultiplier les scènes et de jouer sur le trouble que peut
engendrer la captation en temps réel : où sont les actrices que l’on voit projetées sur le plateau ; et
quand ? Sont-elles vraiment éloignées, ou sont-elles susceptibles d’entrer sur scène à tout moment,
alors même qu’elles semblent si loin de notre théâtre? Ou comment se trouver dans deux, n, lieux à
la fois ? Délocalisation. Et si Stockholm n’autorise pas les mêmes choses que Saint Pétersbourg,
une cellule off stage projetée sur le plateau pourrait-elle permettre à une comédienne, sur scène in
abtentia, d’établir un autre rapport aux matériaux convoqués, aux spectateurs rassemblés (ou
dispersés si l’on s’adresse au public à constituer sur le web – voir infra)? Et le champ des possibles
s’ouvre encore si l’on choisit d’explorer l’écart qui s’ouvre entre l’objectivité de la caméra de
surveillance, (plan fixe et témoin, auquel on ne saurait échapper, vecteur de la continuité d’un lieu
donné, assigné, et de la flèche du temps qui se déroule), et l’intimité dévoilée, la mise en scène de
soi, qu’exhibe la webcam qui accompagne l’actrice. Autant d’occasions d’explorer et de démultiplier
les rapports à SK que construisent les comédiennes et le spectacle, fractal.
3. La musique
La musique de ce projet s'articule autour de la dualité entre musique instrumentale et musique
synthétique. L'idée serait de construire deux musiques dissemblables et opposées qui s'écoutent
simultanément, qui gardent leur propre logique de comportement dans le temps et dans l'espace,
qui proposent une lecture différente de ce qui se passe sur scène. Le son du piano, l'évocation de
l'écriture romantique et post-romantique du 19e siècle d'une part, l'univers de synthèse sonore
numérique et les différentes textures sonores issues des labos informatiques formeront les deux
matières qui évolueront de manière indépendante. Leur parcours sera organisé par un programme
de codes d'interaction :
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actions-réactions, impacts-déclenchements, jeux de résonances, rencontres et oppositions
rythmiques. Tout une gamme de gestes musicaux complémentaires ou antagonistes sera ainsi
déclinée jusqu'à une fusion sonore de l'ensemble.
II – LES ATELIERS : premier épisode
Centre National des Ecritures du Spectacle à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon
Depuis quelques années, Jean-François Peyret travaille à faire dans l’espace de la scène des
discours qui lui sont traditionnellement étrangers, par l’exploration, notamment, des frontières entre
les imaginaires scientifiques et les imaginaires artistiques.
Les invités scientifiques participent au projet à différents stades et montreront comment la science
peut interagir avec l’art et le théâtre.
Un premier workshop a d’ores et déjà eu lieu du 28 février au 5 mars 2005. Un second est prévu
entre du 21 au 23 avril.
1. Première rencontre autour de Sophia Kovalevskaia / 28 fevrier – 5 mars 2005
PEYRET, Jean-François (metteur en scène)
STEELS, Luc (spécialiste en intelligence artificielle)
BRAIBANT, Sylvie (TV5, Femmes révolutionnaires russes)
DAHAN, Amy (histoire des sciences)
DETRAZ, Jacqueline (mathématicienne, analyse complexe)
DULLIN, Holger (mathématicien, physicien)
VENTURELLI, Andrea (physicien, mécanique céleste)
KOKORINA, Olga (comédienne)
RICHARD, Nathalie (comédienne)
Comment créer les conditions qui nous permettraient, entre chaos et déterminisme, de comprendre
quelque chose du monde mathématique de SK ? Et plus profondément, quelque chose de son
imaginaire mathématique, du fonctionnement de sa pensée, engagée entre mathématiques et
littérature ?
Tout en ayant cette préoccupation théâtrale à l’esprit : quel serait le théâtre contemporain de ces
questions ?
Il nous faudrait trouver des tours de pensée, approcher, même par métaphore, cette dramaturgie de
la pensée qui fut la sienne, sa façon de chercher.
C’est dans cette perspective que se sont organisées ces premières rencontres à la Chartreuse,
mettant en présence chercheurs, comédiennes et metteur en scène, et nous donnant par là
l’occasion de comprendre un parcours, une démarche scientifique – ceux de SK ; mais aussi de voir
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le travail de la pensée, les effets de la pensée sur des corps – ceux de nos invités, revenant avec
nous sur les pas de SK !
Amy Dahan, épistémologue, enseignante à l’EHESS, a commencé par réinscrire les travaux de
Sophia Kovalevskaïa dans leur perspective historique : SK travaille au moment où, avec Poincaré,
s’élabore ce qui deviendra la théorie du chaos. C’est-à-dire qu’elle participe à la remise en
question de l’antagonisme indépassable entre ordre et désordre.
S’attachant à des problèmes
classiques de mécanique céleste, Sophia Kovalevskaïa travaille en effet sur la rotation d’un corps
solide autour d’un point fixe : la toupie, cas particulier du problème de n corps à quoi s’attachait
aussi Poincaré. Et c’est là qu’elle fait exploser le cadre de pensée idéaliste du déterminisme absolu
de Laplace (l’auteur de chevet de son enfance). Sophia Kovalevskaïa prouve en effet qu’en dehors
de trois cas de trajectoires calculables, le reste des équations du mouvement de la toupie n’a pas de
solution. Cela parce que la variation, même infime, des conditions initiales du mouvement, entraîne
l’imprédictibilité du système. Le chaos peut donc surgir au sein de systèmes relativement simples,
puisqu’il suffit de trois corps pour introduire un telle complexité de trajectoires que l’on se retrouve
confronté à de l’imprédictible.
Sylvie Braibant, journaliste pour TV5, spécialiste d’Elisabeth Dimitrieff et des « femmes nouvelles
dans la Russie ancienne », est revenue sur le nihilisme russe, et plus particulièrement sur son
versant féministe, dont semble relever assez exemplairement le trajet de Sophia Kovalevskaïa.
Avec Andrea Venturelli, physicien à l’Université d’Avignon, nous sommes revenus sur des
problèmes de mécanique céleste tels qu’ils se posent encore aujourd’hui : c’est le problème de n
corps qu’abordaient Poincaré et Sophia Kovalevskaïa, ou comment calculer la trajectoire de n corps
soumis à l’attraction générale en même temps qu’à l’attraction réciproque que chacun de ces n
corps exerce sur tous les autres.
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QuickTime™ et un
décompresseur TIFF (non compressé)
sont requis pour visionner cette image.
Andrea Venturelli et Luc Steels
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Holger Dullin / La Toupie de Kovalevskaia
C’est en physicien qu’Holger Dullin, mathématicien spécialiste de systèmes chaotiques, et
notamment du travail de Sophia Kovalevskaïa sur la toupie, s’est penché sur les équations de
Sophia Kovalevskaïa. Pour ce faire, il a donc choisi d’aborder le mouvement de la toupie non pas du
point de vue analytique qui était celui de Sophia Kovalevskaïa, élève de Weierstrass à l’heure où se
fondait l’analyse moderne, mais du point de vue géométrique. C’est-à-dire qu’il s’est attaché au
mouvement de la toupie lui-même, et non pas à sa mise en équation. Ainsi la visualisation de ses
trajectoires devient possible.
Jacqueline Détraz, mathématicienne spécialiste en analyse complexe, enseignante à l’Université
de Marseille et co-fondatrice de l’Association Femmes et Mathématiques, est aussi l’éditrice des
Souvenirs d’Enfance de Sophia Kovalevskaïa chez Belin. Elle a donc fait avec nous des va-et-vient
dans la vie de Sophia Kovalevskaïa, traversant son engagement mathématique, littéraire et
politique.
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décompresseur TIFF (non compressé)
sont requis pour visionner cette image.
Jacqueline Détraz, Olga Kokorina, Marion Stoufflet
2. Deuxième rencontre / 21, 22 et 23 avril 2005
PEYRET, Jean-François (metteur en scène)
STEELS, Luc (spécialiste en Intelligence Artificielle)
NUNEZ, Rafael (spécialiste du geste mathématique)
LOWENSOHN, Elina (comédienne)
Rafael Nunez est professeur au Département de sciences cognitives de l’Université de californie,
San Diego. Il travaille depuis plus de 10 ans sur les systèmes cognitifs, et plus particulièrement sur
la nature et l’origine des concepts mathématiques. Il est co-auteur avec, Walter J. Freeman de
« Reclaiming Cognition : The Primacy of Action, Intention, and Emotion » .
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III– RENCONTRES AVEC LE PUBLIC PENDANT LE FESTIVAL
D’AVIGNON …
Centre National des Ecritures du Spectacle à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon
À travers la figure de la mathématicienne Sophie Kovalevskaïa, la compagnie tf2 continue ce travail
d’exploration pendant la création du spectacle de Jean-François Peyret et Luc Steels : Le Cas de
Sophie K., dans le cadre de la résidence de travail offerte par la Chartreuse de Villeneuve-lezAvignon. Des manifestations sont prévues, avec des scientifiques et des comédiens. Il ne s’agira
pas de conférences, ni de colloques, mais d’une rencontre dans un espace commun, la scène.
1. Ce soir, on improvise !
du dimanche 17 au mardi 20 juillet 05
Autour de Jean-François Peyret, trois « invités » : un biologiste, Alain Prochiantz, un chercheur en
Intelligence Artificielle, Luc Steels, un philosophe, Peter Sloterdijk, et une scène comme laboratoire,
ainsi que trois comédiens comme expérimentateurs, ou comme instruments de recherche. Pendant
trois jours, chacun des invités travaillera avec les comédiens qui improviseront à partir des
matériaux proposés par les différents intervenants, des matériaux qui ne seront pas forcément
« dramatiques ». Le geste sera plus proche de la « manipulation » scientifique, du geste du
chercheur. On ne sera pas tenu d’imiter. Juste expérimenter.
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Autour d’Alain Prochiantz participeront Miroslav Radman et Jean-Claude Weill (ce qui nous
permettrait de revenir sur la transgenèse). Avec Luc Steels, nous inviterons Rafael Nunez (qui aura
déjà travaillé avec nous en amont, pour la préparation du spectacle).
Les trois principaux participants, Alain Prochiantz, Luc Steels et Peter Sloterdijk seront présents à
ces trois soirées, consacrées au cerveau, et qui se déclineront comme suit :
- le cerveau viande (Alain Prochiantz avec Miroslav Radman et Jean-Claude Weill)
- le cerveau machine ? (Luc Steels avec Rafael Nunez)
- le cerveau organe de la clairière (Peter Sloterdijk)
2. Sophie K. matériau : work/playshop
du lundi 11 au samedi 16 juillet.
Par ailleurs, mais dans le même esprit, de jeunes comédiens seront conviés à participer à un
work/playshop autour de la figure de Sophie Kovalevskaia, fille de général russe, féministe, nihiliste,
communiste, première femme au monde docteur en mathématiques.
Beaucoup de matériaux à explorer donc, avec les moyens du comédien, avec sa technique.
Durant une semaine, ces comédiens cristalliseront certaines configurations parmi des matériaux
hétérogènes. Qu’est-ce qui fait qu’un énoncé a priori non fictionnel ou non dramatique va provoquer
l’imagination du comédien ? Comment un énoncé peut quitter son statut de vérité philosophique ou
scientifique et devenir un élément poétique et créer du sensible ? Les comédiens auront aussi à leur
disposition un dispositif technique qui permettra un croisement des pratiques artistiques issues des
nouvelles technologies, tel que la vidéo ou le réseau internet. Les répétitions seront ouvertes au
public quelques heures par jour et donneront lieu à une présentation lors de la dernière séance.
Ces séances se dérouleront sous la direction de Nicolas Bigards (metteur en scène), avec la
participation de Jean-François Peyret, qui se laisseront la liberté de faire participer d’autres (jeunes)
metteurs en scène à l’expérience.
3. Les salons de la Boulangerie
La scène, donc, comme « laboratoire poétique » tel que le désirait déjà Claudel de son théâtre. Pour
prolonger ces travaux, des rencontres seront organisées avec des metteurs en scène présents au
Festival d’Avignon (Olivier Py, Pascal Rambert ou Jean-Lambert Wild, par exemple …) autour du
thème de la mise en scène comme expérimentation. Il faudrait entrer en scène, non comme on
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entre en religion mais comme on entrerait par effraction dans le rêve de d’Alembert et voir surgir du
« grand sédiment » textuel une chaîne improbable de formes inattendues, là où « il n’y a aucune
différence entre un homme de science qui veille et un philosophe qui rêve ».
En effet, comment opérer encore la synthèse de l’expérience poétique d’un monde réduit aux
fragmentations propositionnelles d’une vérité scientifique ? La scène expérimentale apparaissant
alors comme le creuset de l’imaginaire à la fois scientifique et artistique, de l’expérience seule
comme art inchoatif. Pour que l’on ne vienne plus au théâtre y chercher une opinion de plus sur le
monde mais où celui-ci puisse s’offrir comme expérience du sensible.
IV – LE SITE , SK CONNECTEE ON OFF
Proposition réseau de Agnès de Cayeux
Un projet développé en partenariat avec l’ENST
La plasticienne du réseau interroge le plateau de théâtre comme un objet de réalité et présente sur
le web sa nouvelle création SK connectée ON OFF, une série de vues vidéo et audio, un flux
continu autour de ceux qui s’intéressent à Sofia Kovalevskaïa. La création questionne l’internaute,
cet autre spectateur, sur le regard porté à l’écran de l’ordinateur connecté.
1. Dispositif, le temps ON et le temps OFF de SK connectée :
SK connectée ON
SK connectée ON est une scène live qui se déroule sur le web du premier jour des répétitions du
spectacle de théâtre au dernier jour des représentations. Du 3 mai 2005 au 24 juillet 2005.
SK connectée OFF
SK connectée off est une scène qui se rejoue sur le web en hors temps du spectacle de théâtre.
Toutes les données vidéos, 80 jours x 24 heures de flux vidéo sont archivées et mises à disposition
sur le site SK connectée.
Le dispositif OFF s’attache plus spécifiquement à la mémoire des flux continus de données. Le flux
vidéo, le flux sonore et le flux textuel sont stockés respectivement sur notre serveur. L’internaute a
accès à la mémoire des données grâce à une sélection temporelle.
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Cette partie OFF du projet SK connectée restera en ligne pendant une année.
Le spectacle se rejouant au Théâtre National de Chaillot du 26 avril au 27 mai 2006, l’expérience
OFF se clôturera le dernier jour des représentations à Paris.
2. Dispositif, le site :
vues sur l’objet théâtral (à gauche) : flux vidéo et sonore en temps réel, 24h/24, 80 journées, de
Chaillot à Avignon.
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webcam du visiteur (à droite) : le visiteur qui l’accepte peut connecter sa webcam et se laisser
regarder. Il s’offre à travers ce dialogue visuel aux autres internautes.
la question au visiteur (texte inscrit sur la vidéo de gauche) : « Que regardez-vous ? ». Au clic
sur la question, une pop up s’ouvre et l’internaute peut répondre dans une zone de texte appropriée.
les réponses des visiteurs (texte positionné sous les deux vidéos) : les contributions des
internautes sont affichées une à une et sélectionnables par le numéro du visiteur (liste des numéros
disponible sous le texte). Le visiteur lit l’écrit de l’autre.
Vues sur l’objet théâtral
Du premier jour des répétitions au Théâtre National de Chaillot au dernier jour des représentations à
la Chartreuse lez Avignon, l’œil de la webcam suit, poursuit l’objet théâtral. De la fabrication de cet
objet jusqu’à sa représentation, la scène de théâtre est prétexte à une autre scène, celle du web. Ce
flux vidéo est retransmis en temps réel et continu sur le site Internet SK connectée ON.
Que se passe-t-il pour l’internaute lorsqu’il ne se passe rien ? Que peut-il attendre, lui devant l’écran
d’un ordinateur où l’image quitte un statut représentatif et se définit en un flux continu de données
vidéo ? Nous présenterons le huis-clos des répétitions comme une scène du web, où l’intérêt de
l’internaute se porterait sur ce hors champ privé dans ces comédiennes éprouvent leur métier et se
questionnent sur la figure de Sofia Kovalevskaïa.
Webcam du visiteur
SK connectée est un objet réseau autonome, envisagé comme une nouvelle scène du web où la
fiction se construit et se déconstruit à travers la présence, le regard et les écrits de l’internaute. SK
connectée engage une nouvelle forme de narration attachée au médium Internet. SK connectée est
une proposition, une tentative d’écriture pour le web dont les matériaux qui la constitue opèrent d’un
principe de saisi, de délocalisation ou de désynchronisation des acteurs d’une matière vivante : celui
d’un spectacle en cours de fabrication qui se donne(ra) pendant et après l’expérience. SK
connectée questionne le statut de l’image sur ce médium Internet et en interroge la fonction de
mémoire.
La question au visiteur
Que regardez-vous ?
Les internautes sont présents en temps réel sur le site internet. Avec ou sans webcam, ils peuvent
se connecter et regarder, mais aussi écrire. La participation est anonyme et libre. Eux construisent
ensemble la fiction SK à laquelle ils désirent s’adonner.
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Les réponses des visiteurs
La véritable fiction est celle que les internautes modéliseront ensemble à travers leurs écrits. Ce à
quoi ils seront témoins est le temps qui passe. Ce sont eux qui désigneront le geste comme action,
qui inventeront aux événements une succession probable, qui dessineront une psychologie des
« personnages ». Ce sont eux aussi qui ponctueront le temps de repères fictifs.
3. Petits extraits de flux vidéo
Flux vidéo : jour x, il est 7h00, les répétitions n’ont pas encore débutées, la webcam est déposée
dans le hall du Théâtre National de Chaillot, le soleil se lève sur le ciel de Paris et quelques
travailleurs marchent d’un pas décidé au pied de la Tour Eiffel (…) il est 8h00, une personne passe
devant l’oeil de la webcam dans le hall du théâtre. Elle s’affère à son travail, celui de préparer
l’espace public (…) Il est 10h00, la webcam suit des personnes qui entrent dans une salle. C’est le
visage de Nathalie Richard, l’une des trois comédiennes, que l’œil de la webcam a choisi de suivre
aujourd’hui, elle sourit furtivement, puis porte un gobelet de plastique blanc à ses lèvres. Sa moue
désigne une température trop élevée ou bien un café trop serré. La bouche de la comédienne
croque ensuite un gâteau, de ceux qui ont l’air si beurrés. (…) Il est 11h00, une page de papier
cache une partie du visage de la comédienne qui lit une lettre. Il est 12h00, la comédienne lit
encore, un journal cette fois et elle rit, aux éclats. (…) Il est 13h00, plus rien ne se passe. Des livres,
des pages sont posés sur une table. (…) Il est 14h00, la webcam montre une scène où les
comédiennes, texte à la main lisent, lèvent le regard, se sourient. L’une d’entre elles tombent, l’autre
la relève, elles s’embrassent et s’échangent leurs textes. Il est 15h00, des personnes sont groupées
sur une scène, elles font des gestes circulaires de leur bras. Le même geste.
Flux vidéo : jour y, il est 7h00, la webcam est déposée dans la Chapelle ouverte de la Chartreuse.
La vue est celle d’une des pièces du plasticien Absalon exposée ici. (…)Il est 10h00, un homme
petit dépose un sac sur une chaise et en sort un cahier, puis il y écrit des chiffres, des signes. Lui
lève son regard et agite ses bras, ses mains dessinent des courbes. (…) Il est 11h00, les visiteurs
réèls de la Chartreuse contourne l’oeuvre du plasticien, la frôle parfois.
Flux vidéo : jour z, il est 7h00, le ciel. (…) Il est 10h00, des dizaines de personnes s’engagent dans
une allée. L’œil de la webcam les suit. Puis, et après quelques couloirs voûtés, des escaliers de
pierre, l’œil de la caméra longe les murs d’une cellule. Une ouverture dans la pierre là haut laisse
une lumière passer. Quelques personnes touchent la pierre. Leurs regards scrutent l’endroit. L’œil
de la caméra contourne la pièce. Celle d’une cellule de moine de la Chartreuse.
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Intention :
Ces trois extraits de flux vidéo ne construisent pas de scénario.
Nous avons fait le choix d’une caméra unique et mobile afin de restituer le suivi permanent dans ce
quasi huis-clos du plateau de théâtre en devenir. L’œil de la caméra sera subjectif et se portera sur
ce que l’on aime observer, regarder indépendamment d’un rapport à l’objet et à sa structure
narrative.
Si la scène du web est envisagée ici comme un espace privilégié de rencontre avec l’autre, c’est
aussi parce que nous pouvons la faire s’approcher du vivant, le saisir dans un principe de
sensorialité.
Enfin, tous les flux sont stockés : vidéo, sonore et textuel. Les internautes pourront ainsi voir/revoir,
lire/relire, entendre/réentendre. L’accès à la consultation de ces données participe du processus
d’auto-construction de la fiction.
LE CAS DE SOPHIE K / ANNEXE 1.
Sophie Kovalevskaïa (Moscou 1850- Stockholm 1891)
Première femme membre de l’Académie des Sciences de Russie, première femme titulaire d’une
chaire à l’Université (de Stockholm), Sophia Kovalevskaïa est considérée comme l’une des plus
grandes mathématiciennes de son temps. En 1888, elle se voit remettre à Paris le prix Bordin Élève
de Weierstrass, elle établit les premiers résultats significatifs dans le domaine des équations
différentielles partielles. Elle participe au comité de rédaction de Acta Mathematica. Et mène aussi
des activités littéraires, tant comme critique que comme auteur : elle s’essaie au roman, au théâtre,
et publie ses Souvenirs d’enfance.
Sophie (Korin-Kurkovskaya) Kovalevsky grandit dans un milieu social privilégié, parmi les meilleures
familles russes. Son père était général et propriétaire terrien ; sa mère, la fille d’un astronome russe
renommé, une musicienne accomplie. Ses premiers souvenirs en matière de mathématiques
remontent aux récits que lui faisait un oncle autodidacte : “c’est lui, par exemple, qui me parla le
premier de la quadrature du cercle, des asymptotes, et si le sens de ses paroles me restait
incompréhensible, elles frappaient mon imagination et m’inspiraient pour les mathématiques une
sorte de vénération, comme pour une science supérieure, mystérieuse, ouvrant à ses initiés un
monde nouveau et merveilleux.”
Alors qu’elle avait onze ans, “il fallut réparer la maison familiale” et poser de nouvelles tentures dans
toutes les pièces. Mais le papier manqua pour la chambre de Sophie : “pendant bien des années,
ma chambre resta inachevée, le mur simplement tendu de feuilles lithographiées des cours
d’Ostrogradski sur le calcul intégral et différentiel, jadis achetées par mon père étudiant. (…) Je me
rappelle avoir passé des heures entières devant ce mur mystérieux, cherchant à déchiffrer quelques
phrases isolées et à retrouver l’ordre dans lequel ces feuilles devaient se suivre. Cette
contemplation prolongée et quotidienne finit par graver dans ma mémoire l’aspect matériel de
beaucoup de ces formules, et le texte, quoique incompréhensible au moment même, laissa une
trace profonde dans ma mémoire.”
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Sophie et sa soeur aînée faisaient partie de l’intelligentsia nihiliste ; elles croyaient au pouvoir
qu’aurait l’éducation de hâter une révolution pacifique visant à renverser les structures sociales
tsaristes, améliorant ainsi le lot de l’humanité – femmes comprises ! Les universités russes étant
interdites aux femmes, le seul recours était de partir étudier en Suisse ou en Allemagne. Mais en
dépit du désir véhément que manifestait Sophie de devenir médecin ou chimiste (“d’être utile”), il
était hors de question pour sa famille de laisser partir une jeune fille seule à l’étranger. Aussi
contracta-t-elle, de conserve avec sa soeur, un mariage blanc : en 1868, elle épousait Vladimir
Kovalevsky, jeune paléontologue traducteur de Darwin. Ils partirent tous deux pour Heidelberg, où
Sophie se consacra aux mathématiques, parvenant à obtenir l’autorisation d’assister à des cours
dont, là aussi, l’accès était interdit aux femmes. Quant à sa soeur, en mal d’action révolutionnaire,
elle partit pour Paris où germait la Commune.
Après deux années passées à Heidelberg, Sophie rejoignit Berlin, munie de recommandation à
l’attention de Weierstrass. Pourtant à Berlin, la règle semblait absolument incontournable : il était
impossible pour une femme de pénétrer à l’université. La légende veut que lorsque Sophie vint
trouver Weierstrass, celui-ci lui soumit des problèmes destinés à ses étudiants les plus avancés
dans leur travail, souhaitant ainsi la décourager. Mais elle les résolut rapidement, et ses solutions
étaient si claires et originales qu’il accepta de lui donner des leçons particulières ; et il en vint
rapidement à la considérer comme l’une ses étudiantes les plus brillantes et prometteuses.
En 1874, Sophie présentait trois mémoires (!) : l’un sur la forme des anneaux de Saturne ; le
deuxième sur les elliptiques intégrales ; le troisième établissant un théorème pionnier pour la théorie
générale des équations différentielles partielles. Et puisque qu’il était inenvisageable d’obtenir le
moindre diplôme à Berlin, Weierstrass la présenta à l’université de Göttingen, où les candidats
étrangers étaient autorisés à soutenir leur mémoire in abstentia. C’est ainsi qu’elle devint Docteur en
philosophie des mathématiques en juillet 1874. Épuisés par ces quatre années de travail intensif, les
Kovalevski retournèrent alors en Russie. Sophie ne pouvant accéder à un poste d’enseignement,
elle se tourna vers l’écriture, devint critique de théâtre et journaliste scientifique pour une revue de
Saint Petersbourg, et se mit à travailler à un roman. Pendant six ans, elle ne fit pas de
mathématiques. Ils eurent une fille, tentèrent de faire fortune et de créer une université pour les
femmes, se lancèrent dans des spéculations financières. Mais ils se ruinèrent. Et Vladimir se suicida
en 1883.
En 1880, Sophie avait commencé à se remettre aux mathématiques et elle publia un article qui fut
salué jusque chez les mathématiciens russes conservateurs. Mittag-Leffler, un ancien étudiant de
Weierstrass, fut impressionné si vivement qu’il se battit trois ans durant contre les obstacles qui se
dressaient sur le chemin d’une femme en voie de devenir professeur en Suède – où l’on considérait
que les femmes mariées n’avaient pas besoin de travailler. Dans le même temps, Sophie séjourna à
Paris où elle rencontra des mathématiciens renommés, tel Poincaré ou Hermite. Finalement, elle
obtint un poste à l’Université de Stockholm en 1883, d’abord à titre provisoire, puis, au vu du succès
de ses cours, elle fut titularisée pour cinq ans. Elle devint en même temps rédactrice pour la revue
Acta Mathematica. Sa carrière atteignit son apogée en 1888 lorsqu’elle reçut le prix Bordin, prix
remis par la prestigieuse Académie des Sciences de Paris. Le prix lui fut décerné pour son mémoire
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Sur le Problème de la Rotation d’un Corps Solide autour d’un Point Fixe : à la suite de Euler et
Lagrange, elle établissait le troisième cas de stabilité pour ces systèmes dynamiques complexes.
Elle devint membre de l’Académie des Sciences de Russie en 1889, titre purement honorifique
néanmoins, puisque, en tant que femme, elle n’était conviée à aucune assemblée de cette
Académie, pas plus qu’elle n’était autorisée à enseigner en Russie ; mais son poste à l’université de
Stockholm se mua en un poste à vie.
Entre 1888 et 1891, en sus de ses activités mathématiques, elle écrivit deux romans, collabora avec
la soeur de Mittag-Leffler à deux pièces de théâtre, et écrivit de nombreux articles.
Sophie mourut prématurément en 1891, des suites d’une pneumonie. Le ministre de l’intérieur de
Russie estima alors qu’on avait prêté trop d’attention à “une femme qui, en fin de compte, n’était
qu’une Nihiliste.”
Mais elle est la seule femme mathématicienne qui ait un timbre à son effigie en Russie… Et presque
cent ans après sa mort, un cratère sur la lune fut baptisé d’après son nom.
LE CAS DE SOPHIE K / ANNEXE 2.
L’équipe artistique
Jean-François Peyret est metteur en scène, auteur, traducteur et universitaire (Sorbonne Nouvelle,
Paris III). De 1984 à 1994, il dirige le Sapajou Théâtre avec Jean Jourdheuil. Ensemble, ils
confectionnent - écriture, traduction et mise en scène - une quinzaine de spectacles depuis Le
rocher la lande la librairie, d'après Montaigne (Théâtre de la Commune d'Aubervilliers, 1982) jusqu'à
Shakespeare Les sonnets. (Théâtre de la Bastille, 1989, MC93- Bobigny 1990), Lucrèce la Nature
des choses, (MC93-Bobigny, 1990 et 1991), Le Loup et les sept Blanche Neige, MC93- Bobigny,
1993, sans oublier la traduction et la création de bon nombre de textes de Heiner Müller (Heiner
Müller-De l'Allemagne, Odéon 1983; Paysage sous surveillance (Bobigny, 1987), La Route des
chars (MC93- Bobigny, 1988) et Le cas Müller (Festival d'Avignon, 1991). En 1994, avec Sophie
Loucachevsky, il réalise et anime le Théâtre-Feuilleton au Théâtre de l’Odéon : écriture et mise en
scène d’une série de spectacle (Qui moi ? d’après Kafka). En 1995, il fonde une nouvelle
compagnie, tf2, Compagnie Jean-François Peyret et se lance dans le cycle du Traité des
passions à la MC93- Bobigny (octobre 1995 - printemps 2000) qui s’achève par l’épilogue sur la
poésie d’Auden au Théâtre de la Bastille.
Traité des passions
- Spectacle préparatoire, dans le cadre du festival "Mettre en scène" de Rennes, sous le titre : Le cri
de (la) Méduse - une étude, TNB (Rennes), 1995.
- Traité des passions 1 (Descartes/Racine), MC93 - Bobigny, 1995
- Traité des passions 2 (Notes pour une pathétique), MC93 - Bobigny, 1996.
- Traité des passions 3 ou Des asters pour Charlotte, MC93-Bobigny 1996.
- Un Faust - Histoire naturelle (Traité des passions 4), texte Jean-François Peyret et Jean-Didier
Vincent, MC93 - Bobigny et Théâtre National de Bretagne (Rennes),1998.
- Turing-Machine, MC 93,1999.
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- Histoire naturelle de l’esprit (suite et fin), MC93 - Bobigny, TNB (Rennes), TNT (Toulouse), 2000.
- Projection privée/Théâtre public / sur des poèmes de W.H. Auden, Théâtre de la Bastille, 2000.
En 2002, il met en chantier, avec Alain Prochiantz, un nouveau projet : le Traité des formes
-
La Génisse et le Pythagoricien : Théâtre National de Strasbourg (Avril-Mai 02) et Théâtre de
Gennevilliers (Nov-Dec 02)
-
Des Chimères en automne ou l’impromptu de Chaillot (Théâtre National de Chaillot,
automne 2003)
-
Les Variations Darwin (Théâtre National de Chaillot, 2004 ; Théâtre National de Strasbourg,
Théâtre du Port de la Lune, Théâtre de Caen, 2005 )
Depuis octobre 2003, Jean-François Peyret est metteur en scène en résidence à l’Ircam
Derniers ouvrages parus : Trois traités des passions. Théâtre Typographique, 1998, Faust - Une
histoire naturelle de Jean-François Peyret et Jean-Didier Vincent. Odile Jacob, 2000, La Génisse et
le Pythagoricien de Jean-François Peyret et Alain Prochiantz, Odile Jacob, 2002
Luc Steels a étudié la linguistique à Anvers et l'informatique aux États-Unis. En 1983, il devient
professeur en informatique à l'université de Bruxelles et directeur du laboratoire de recherches sur
l'Intelligence Artificielle. En 1996, il fonde le laboratoire de recherches en informatique de Sony à
Paris. Luc Steels donne des conférences dans de nombreuses universités dans le monde entier, a
produit une série télévisuelle de vulgarisation scientifique et publié bon nombre de livres. Il intervient
sur de nombreux sujets - linguistique, biologie, informatique, Intelligence Artificielle - et a souvent
collaboré avec des artistes de théâtre et d'arts plastiques (Capc musée de Bordeaux, Musée d'Art
Moderne de la Ville de Paris, Biennale de Venise, 2003).
Alexandros Markeas, compositeur, est né en 1965 à Athènes, il étudie le piano et l'écriture au
Conservatoire National de Grèce. Il poursuit ses études et obtient les premiers prix de piano et de
musique de chambre au Conservatoire National Supérieur de Paris. Il donne de nombreux concerts
en soliste et en formation de chambre. Parallèlement, il se consacre à la composition. Il continue
ses études au Conservatoire de Paris, dans les classes d'écriture, d'analyse et de composition avec
Guy Reibel, Michael Levinas, Marc-André Dalbavie et Laurent Cuniot, et obtient les premiers prix de
contrepoint, fugue et composition, discipline dont il suit le cycle de perfectionnement. Il est aussi
sélectionné pour suivre le cursus annuel de composition et d'informatique musicale de l'Ircam.
Cherchant à enrichir son travail au contact de différents domaines d'expression (texte, théâtre, arts
plastiques), il s'intéresse au théâtre musical, à la musique pour l'image, ainsi qu'à la composition
pédagogique. En 1999, il gagne le prix de Rome ce qui lui permet de résider comme pensionnaire à
l'Académie de France à Rome à la Villa Médicis de jusqu’en 2001. Ses pièces sont jouées en
France et à l'étranger par divers ensembles : l'Ensemble Intercontemporain, Court-Circuit,
L'Itinéraire, TM+, le quatuor Habanera, les Jeunes Solistes, l'Orchestre philharmonique de Radio
France, etc, et sont éditées aux Editions Gérard Billaudot.
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Nicky Rieti, scénographe, est né
aux Etats-Unis en 1947. Il a étudié l’histoire de l’art et
l’architecture à l’Université de Yale. Il vit et travaille en France depuis 1972 comme scénographe
pour le théâtre et l’opéra. Il a travaillé pour les principaux établissements parisiens et nationaux : La
Comédie Française, l’Odéon, l’Opéra Bastille, le Théâtre National de Chaillot, le Théâtre National de
la Colline, la MC93 de Bobigny, le Théâtre de Genevilliers, les opéras de Lausanne, Lyon,
Strasbourg, Nancy et Bordeaux.
Il a également travaillé pour la Scala de Milan, le Welsh and Scottish National Operas et le
Bayerisches Staatschauspiel, le Franckfurt Schauspiel, et le Théâtre National de Catalogne.
Pour Jean-François Peyret, il a conçu les scénographies des productions suivantes :
Théâtre Feuilleton (série de spectacles divers) - Traité des Passions 1, 2 et 3 - Un Faust, Histoire
Naturelle, de J.-F. Peyret et J.-D. Vincent (d’après Goethe) - Histoire Naturelle de L’Esprit (Suite et
Fin), de Jean-François Peyret - Projection Privée, Théâtre Public - La Genisse et Le Pythagoricien
(d’après les Métamorphoses d’Ovide) de J.-F. Peyret et Alain Prochiantz - Chimères en Automne
de J.-F. Peyret et A. Prochiantz - Les Variations Darwin de J.-F. Peyret et A. Prochiantz
Agnès de Cayeux, web dramaturge, a dédié une partie de ses recherches sur la façon dont les
gens utilisent le réseau web. Elle s’est interrogée sur la place du corps dans un environnement
réseau et la production numérique. Ses projets tentent de montrer comment les utilisateurs se
perçoivent à travers l’interface web, comment ils utilisent leur clavier et leur souris. Elle a également
développé de nouveaux outils de communication, confrontant espaces réels et espaces virtuels.
Agnes de Cayeux participe à de nombreuses expositions et festivals : Centre Georges Pompidou,
Theatre de Paris Villette, Zeppelin Festival, Centre Culturel Contemporain de Barcelone.
Son projet « In My Room » est exposé au Flash Festival 2005 ( Centre Georges Pompidou) Paris, à
La Nuit Blanche 2005 à Paris, et est produit par Arte France.
Agnes de Cayeux travaille avec la Compagnie tf2 depuis 2000 afin de mettre en perspective les
relations possibles entre le plateau et le réseau (www.tf2.asso.fr)
Nicolas Bigards, collaborateur artistique, est né en 1971, a suivi une formation de
comédien au Conservatoire du Xème arrondissement (Paris) et une licence d'Études
Théâtrales à la Sorbonne-Nouvelle.
En 2003, il met en scène Manuscrit Corbeau de Max Aub à la MC93 -Bobigny. En 2001, il coréalise avec Jean-François Peyret
Le vol au-dessus de l'océan, pièce radiophonique de Bertolt
Brecht et Turing Machine -1999 à la MC93. Il met en scène La dernière toilette de S. d'après Le
Banquet de Platon - 1999, Tendre Marie d'après Marivaux et Michèle Rozenfarb - 1997, J'avance en
poésie, récital québécois.
Il a été l'assistant et/ou dramaturge de Jean-François Peyret sur de nombreuses mises en scène :
La Génisse et le Pythagoricien - 2002, Histoire naturelle de l'esprit, et Projection privée / Théâtre
public. Sur des poèmes d'Auden - 2000, Un Faust - Histoire naturelle - 1998, Traité des passions III
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(Traité des couleurs), Traité des passions II (Notes pour une pathétique) - 1996, Traité des passions
Descartes/Racine - 1995. Dramaturge sur Le Lépreux de la cité d'Aoste de Xavier de Maistre,
assistant sur Monotapa ou les Bêtes de scène, Pièces en dix minutes de Djuna Barnes, deux
spectacles du Miroir Ouvert - 1994, de W. Znorko sur La cité cornu avec Bruno Boëglin – 1990.
LE CAS DE SOPHIE K / ANNEXE 3.
La distribution
OLGA KOKORINA
FORMATION
Elève à l’ESAD (Ecole Supérieur d’Art Dramatique) – Maison des Conservatoires
THEATRE
2004/2005
« LE GENIE DE LA FORET », de Tchekhov, rôle : Sofia Alexandrovna
Roger Planchon
2003
« LE MALADE IMAGINAIRE », de Molière, rôle : Angélique
Catherine Riboli
2002/2003
« C’EST QUOI TON NOM », de Jean-Michel Baudoin, rôle principal féminin
Stéphane Fievet
2001
« L ‘ECHANGE », de Claudel, rôle : Lechy,
Hermine Karagheuse
2001
« J’AI TANT PLEURE POUR TOI»
J. L. Cotillard
2001
« SOUDAIN RIMBAUD »
Hermine Karagheuse
ELINA LOWENSOHN
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THEATRE
TWELFTH NIGHT
Msc. Travis PRESTON
Indiana Repertory
DEMOCRACY IN AMERICA
Msc. Travis PRESTON
Indiana Repertory
DON JUAN
Msc. Travis PRESTON
Mark Taper Forum
LAST AMERICAN IN PARIS
Msc. Travis PRESTON
Trueblood Theatre
KING LEAR
Msc. Travis Preston
Cal Arts Theatre
PANIC
Msc. Richard FOREMAN
The Ontolical
ROBERTO ZUCCO
Msc. Travis PRESTON
Cucaracha Theatre
THE KILLER INSIDE ME
Msc. Royston Coppenger
The Ohio Theatre
THE POSSESSED
Msc. Kristin MARTIN
The Ohio Theatre
THE GHOST SONATA
Msc. Travis PRESTON
Westbeth Theatre
HAMLET
Msc. Travis PRESTON
New York
NATHALIE RICHARD
FORMATION
Atelier International de Théâtre (B. Salant), Conservatoire National d’Art Dramatique de Paris
Danse, formation classique – Karol Armitage – Cours Cunningham
DANSE
1980-81 « Drastic Classism » Chorégraphie de Karol Armitage
DTW New-York, Festival d’Automne, Festival de Chateauvallon
1981-82 « Les portes de l’Italie » Chorégraphie François Verret
Opéra de Lyon
THEATRE
1995-97
« UN MOIS A LA CAMPAGNE » Mise en scène Yves Beaunesne,
Ivan Tourgueniev, rôle de Natalia Petrovna – TGP, tournée
1998
« FAUST, UNE HISTOIRE NATURELLE » (création) Mise en scène Jean-François
Peyret et Jean-Didier Vincent – MC93 Bobigny
1998
« WOYZECK » Mise en scène André Engel
Georg Büchner, rôle de Marie – Théâtre de Genevilliers
2000
« PROJECTION PRIVEE / THEATRE PUBLIC » Mise en scène Jean-François
Peyret sur les poèmes de WH Auden – Théâtre de la Bastille
2004
« ONCLE VANIA » Mise en scène Yves Beaunesne
Compagnie de la chose incertaine, Théâtre de la Colline
GRAHAM F. VALENTINE
Après avoir étudié le théâtre à Paris, Graham F. Valentine a travaillé de nombreuses années au
théâtre, au cinéma et a pris part à de nombreux projets européens, par exemple avec Deborah
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Warner sur « King Lear » et « The Good person of Sichuan », avec Claude Régy « La Terrible Voix
de Satan » et « Chutes » et avec Graham Vick sur « Un Rè in Ascolto ».
En 1999, Graham Valentine jouait le rôle titre dans « Punch et Judy » de Birtwistle.
Depuis 2000 il fait partie de la Schauspielhaus de Zurich.
Il est associé depuis 20 années au travail de Christoph Marthaler.
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