Atelier du Frère Jean Friant, fsg. - Rencontres Internationales Saint

Rencontre Internationale Saint-Laurent-sur-Sèvres 2004
1
« DIEU SEST FAIT HOMME POUR QUE LHOMME SOIT DEIFIE »
Atelier du Frère Jean Friant, fsg.
Voilà notre vocation : être déifié, participer à la vie divine. Quel programme ! Comment
cela est-il possible ? Rien n’est impossible à Dieu ! Rien n’est trop beau pour Dieu !
C’est bien le plan de Dieu sur nous d’après la genèse : « Faisons l’homme à notre image et à
notre ressemblance. » (Gen 1,26).
Etre comme Dieu c’est donc notre finalité, notre idéal ; c’est pourtant la première tentation
que nous présente la Bible… Le serpent dit à la femme : « …le jour vous mangerez (de
l’arbre qui est au milieu du jardin, l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur) vos
yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance du bonheur et du
malheur. » Ici l’homme veut supplanter Dieu. L’homme voit Dieu comme son rival, alors que
Dieu veut faire de l’homme son partenaire ; faire alliance avec l’homme. C’est son orgueil qui
perd l’homme.
Mais Dieu n’oublie pas son projet de faire l’homme à son image. Dieu est tenace dans son
amour pour l’homme. Ce sera l’Incarnation et l’histoire du salut en Jésus Christ.
C’est toute cette histoire que l’on trouve dans un ouvrage du père de Montfort : « L’Amour de
la Sagesse Eternelle ».
Cet ouvrage est sans doute moins connu que le Traité de la Vraie Dévotion à la Ste Vierge,
mais c’est lui qui pourtant nous donne le meilleur aperçu de sa spiritualité et de son
expérience.
Le titre lui-même nous donne la structure de l’ouvrage en deux parties :
Quand on dit « l’amour de maman », cet amour peut être vu du côté de la maman : l’amour
de maman pour son enfant ; ou du côté de l’enfant : l’amour de maman chez l’enfant.
Il en est de même quand Montfort parle de L’Amour de la Sagesse Eternelle il s’agit:
- et de L’Amour de la Sagesse Eternelle pour l’homme, pour chacun de nous
- et de notre Amour de la Sagesse Eternelle.
Les deux amours se répondent l’un l’autre, mais ce qui est premier c’est l’Amour de Dieu
pour l’humanité et c’est lui que Montfort développe dans les premiers chapitres de son
ouvrage. Et c’est cet amour de Dieu pour nous qui amorcera, si nous savons l’accueillir, notre
réponse, notre amour de Dieu que Montfort développe à la fin de son livre.
Mais avant de continuer je voudrais reprendre avec vous une partie de la prière par laquelle
Montfort commence son ouvrage :
« O divine Sagesse, … je vous demande pardon de ce que je suis assez hardi pour parler de
vos grandeurs, étant aussi ignorant et aussi criminel que je suis (c’est Montfort qui parle,
que puis-je dire !) Comme un enfant, je ne fais que bégayer, il est vrai, mais c'est que je
suis encore enfant, et, en gayant, je désire apprendre à bien parler, lorsque je serai arrivé à
la plénitude de votre âge.
Il n'y a pas, ce semble, d'esprit ni d'ordre dans ce que j'écris, je l'avoue, mais c'est que j'ai si
grande envie de vous posséder, qul'exemple de Salomon je vous cherche de tous côtés en
tournant sans méthode … Agréez donc, mon aimable princesse, mes petits bégaiements
comme des discours relevés, recevez les traits de ma plume comme autant de pas que je fais
pour vous trouver; et donnez tant de bénédictions et de lumières à ce que je veux faire et
Rencontre Internationale Saint-Laurent-sur-Sèvres 2004
2
dire de vous, que tous ceux qui l'entendront soient enflammés d'un nouveau désir de vous
aimer et de vous posséder dans le temps et dans l'éternité. » (ASE 1,2).
Le schéma suivant résume bien toute la démarche que propose Montfort.
DIEU
LA SAGESSE
DEUXIEME MOUVEMENT
LA REPONSE d’AMOUR
de L’HOMME
à la
SAGESSE :
Les quatre moyens*
ASE
Chapitre 1 à 14
L’HOMME
PREMIER MOUVEMENT
L’AMOUR
De la
SAGESSE
Pour
L’HOMME
ASE
Chapitre 15 à 17
La Sagesse dans
L’HISTOIRE du SALUT
1) avant l’Incarnation
2) pendant l’Incarnation
3) après l’Incarnation
Contempler
Voir
Regarder
Trouver
* 1) désir ardent
2) prière continuelle
3) mortification universelle
4) tendre dévotion à Marie
AMOUR
Rencontre Internationale Saint-Laurent-sur-Sèvres 2004
3
Premier mouvement : Dieu aime l’homme et veut son bonheur
1. En lisant l’Ancien testament, notamment le Livre de la Sagesse et les proverbes, Louis-
Marie a été fasciné par l’attitude de Dieu, réellement amoureux de l’homme.
« Il y a une si grande liaison d'amitié entre la Sagesse Éternelle et l'homme, qu'elle est
incompréhensible. La Sagesse est pour l'homme, et l'homme est pour la Sagesse » (ASE 64)
« Cette beauté éternelle et souverainement aimable a tant de désir de l'amitié des hommes,
qu'elle a fait un livre (le livre de la Sagesse) exprès pour la gagner, en lui découvrant les
désirs qu'elle a de lui. Ce livre est comme une lettre d'une amante à son amant, pour gagner
son affection. Les désirs qu'elle y témoigne du cœur de l'homme sont si empressés, les
recherches qu'elle y fait de son amitié sont si tendres, les appels et ses vœux y sont si
amoureux, qu'à l'entendre parler vous diriez qu'elle n'est pas la Souveraine du ciel et de la
terre et qu'elle a besoin de l'homme pour être heureuse. » (ASE 65).
« Tantôt, pour trouver l'homme, elle court dans les grands chemins; tantôt elle monte sur
la pointe des plus hautes montagnes; tantôt elle vient aux portes des villes; tantôt elle entre
jusques dans les places publiques, au milieu des assemblées, criant le plus haut qu'elle peut:
«O hommes! ô enfants des hommes! c'est à vous que je crie depuis si longtemps; c'est à vous
que ma voix s'adresse; c'est vous que je désire; c'est vous que je cherche; c'est vous que je
réclame. Écoutez, venez à moi; je veux vous rendre heureux. » (ASE 66).
2. Au cœur du Nouveau Testament, l’Incarnation du Verbe en Marie, est aux yeux de
Louis-Marie, le grand mystère, « l’excès prodigieux de l’amour de Dieu ».
« Enfin la Sagesse Éternelle, pour s'approcher de plus près des hommes et leur témoigner
plus sensiblement son amour, est allée jusqu'à se faire homme jusqu'à devenir enfant, jusqu'à
devenir pauvre et jusqu'à mourir pour eux sur la croix.
Combien de fois s'est-elle écriée, lorsqu'elle vivait sur la terre: «Venez à moi, venez tous à
moi; c'est moi, ne craignez rien; pourquoi craignez-vous? Je suis semblable à vous; je vous
aime. Est-ce parce que vous êtes pécheurs? Eh! c'est eux que je cherche je suis l'amie des
pécheurs. Est-ce parce que vous vous êtes égarés du bercail par votre faute? Eh! je suis le Bon
Pasteur. Est-ce parce que vous êtes chargés de péchés, accablés de tristesse? Eh! c'est
justement pourquoi vous devez venir à moi; car je vous déchargerai, je vous purifierai, je vous
consolerai.» (ASE 70).
« Et voilà la grande merveille du ciel et de la terre, l'excès prodigieux de l'amour de Dieu:
Le Verbe s'est fait chair; la Sagesse éternelle s'est incarnée. Dieu est devenu homme, sans
cesser d'être Dieu; cet Homme-Dieu s'appelle Jésus Christ, c'est-à-dire Sauveur. » (ASE 108).
3. Jésus Christ a aimé jusqu’à donner sa vie sur la croix
« Entre toutes les raisons qui nous peuvent exciter à aimer Jésus Christ, la Sagesse
incarnée, la plus puissante à mon avis [ce] sont les douleurs qu'il a voulu souffrir pour nous
témoigner son amour. » (ASE 154).
« Quel excès de charité nous fait-il voir en ce mystère, et quel doit être notre étonnement et
notre reconnaissance! » (ASE 155).
« A parler sainement, connaître ce que Notre Seigneur a enduré pour nous et ne point
l'aimer ardemment, comme le monde fait, est une chose moralement impossible. » (ASE 166)
En Jésus Christ Dieu continue aujourd’hui à aimer tout homme :
Rencontre Internationale Saint-Laurent-sur-Sèvres 2004
4
« Et, depuis que, par l'excès de l'amour qu'elle lui portait, elle s'est rendue semblable à lui en
se faisant homme, et s'est livrée à la mort pour le sauver, elle l'aime comme son frère, son ami,
son disciple, son élève, le prix de son sang et le cohéritier de son royaume, en sorte qu'on lui fait
une violence infinie lorsqu'on lui refuse ou on lui arrache le cœur d'un homme. » (ASE 64).
Deuxième mouvement : l’homme en quête de la Sagesse
Montfort nous fait contempler la Sagesse afin que nous parvenions à la connaître et par le
fait même à l’aimer car pour lui « connaître et ne pas aimer est une chose moralement
impossible. »
1. Un premier moyen sans lequel rien n’est possible, ressort indispensable à la mise en
route pour une recherche de la sagesse c’est le désir ardent. Désirer, c’est l’attente active,
joyeuse, persévérante qui rend le désir de plus en plus ardent et impatient. Il est don de Dieu à
l’homme.
2. Le second moyen lui est lié, c’est la prière continuelle ; c’est la forme que prend le
désir. « le don de la Sagesse est le plus grand de tous les dons de Dieu » (184) ; plus un don est
grand, plus il est difficile de l’obtenir ». C’est une demande instante l’homme reconnaît
son incapacité ; appeler à l’aide c’est déclarer être dans le besoin et sans la possibilité de s’en
sortir seul. A cette humilité Montfort nous demande de joindre une foi vive et ferme : « plus
on a la foi, et plus on a la Sagesse ; et plus on a la Sagesse et plus on a la foi ; » (187).
Le mieux est de voir ce désir et cette prière à l’œuvre dans la vie même de Montfort.
Voici ce qu’il écrit à la sœur Marie-Louise vers avril-mai 1703 :
« Ma chère Fille en Notre-Seigneur Jésus Christ, Le pur amour de Dieu règne dans nos cœurs
avec la divine Sagesse.
Je sais plus par mon expérience que par votre lettre, que vous priez instamment votre
époux pour ce chétif cheur Continuez, redoublez même à demander pour moi la
divine sagesse, après laquelle je soupire nuit et jour. Non, je ne cesserai jamais de demander
ce trésor infini, et je crois fermement que je l'aurai quand tous les anges, les hommes et les
démons me diraient le contraire. Je crois vos prières trop efficaces Ce qui me fait encore
dire que je l'aurai, ce sont les persécutions que j'ai eues et que j'ai tous les jours, jours et nuits.
Je vous prie donc, ma chère fille, de faire entrer dans ce parti de prières quelques bonnes
âmes, vos amies, particulièrement jusqu'à la Pentecôte, et de prier avec elles depuis une heure
tous les lundis jusqu'à deux. Je le ferai à la même heure. Envoyez-moi leurs noms par écrit. »
Le 24 octobre de la même année 1703 il écrit à nouveau à Marie-louise Trichet :
« Oh quand posséderai-je cette aimable et inconnue sagesse ? Quand viendra-t-elle loger chez
moi ? Ne manquez pas, ma chère enfant en Jésus de répondre à mes demandes, pour
satisfaire mes désirs. Vous le pouvez, oui, vous le pouvez, de concert avec quelques
favorables amies. Rien ne peut résister à vos prières ... Priez donc, soupirez, demandez la
divine Sagesse pour moi, vous l'obtiendrez tout entière pour moi, je le crois. »
3. Quant aux deux autres moyens la croix (mortification universelle) et Marie ce sont
deux moyens que la Sagesse a pris pour venir à nous et que nous devons donc prendre pour
aller à lui.
La croix, témoin de l’amour de la Sagesse éternelle à notre égard, est également conçue
comme la source et le témoin de l’amour de l’homme pour la Sagesse éternelle.
Rencontre Internationale Saint-Laurent-sur-Sèvres 2004
5
La croix « est le témoignage le plus assuré qu'on aime Dieu. C'est de ce témoignage dont
Dieu s'est servi pour nous montrer qu'il nous aime; et c'est aussi le témoignage que Dieu
demande de nous pour lui montrer que nous l'aimons. » (ASE 176).
« Ne vous y trompez pas: depuis qu'il a fallu que la Sagesse incarnée est entrée dans le ciel
par la Croix, il est nécessaire d'y entrer après lui par le même chemin. » (ASE 180).
4. « Voici enfin le plus grand des moyens et le plus merveilleux de tous les secrets pour
acquérir et conserver la divine Sagesse, savoir: une tendre et véritable dévotion à la Sainte
Vierge. » (ASE 203).
« Ce n'est … que par Marie qu'on peut obtenir la Sagesse. » (ASE 209).
« … partout est Jésus, au ciel ou en terre, dans nos tabernacles ou dans nos cœurs, il est
vrai de dire qu'il est le fruit de Marie, que Marie seule est l'arbre de vie, et que Jésus seul
en est le fruit.
Quiconque donc veut avoir ce fruit admirable dans son cœur doit avoir l'arbre qui le produit:
qui veut avoir Jésus, doit avoir Marie. » (ASE 204).
Comment avoir Marie en nous ? en lui confiant tout notre être.
« Voici le grand conseil, voici l'admirable secret: Faisons entrer, pour ainsi dire, Marie en
notre maison, en nous consacrant à elle, sans aucune réserve, comme ses serviteurs et esclaves
et cette bonne Maîtresse se donnera à nous d'une manière incompréhensible, mais
véritable; et c'est en elle que la Sagesse éternelle viendra demeurer ... » (ASE 211).
Marie nous transformer en Jésus Christ, en enfantant en nous la Sagesse éternelle.
« Il n'y a jamais eu que Marie qui ait eu le pouvoir d'incarner et mettre au monde la
Sagesse éternelle et il n'y a encore qu'elle qui, par l'opération du Saint-Esprit, ait le pouvoir de
l'incarner pour ainsi dire dans les prédestinés. » (ASE 203).
« … c'est à elle à nous engendrer en Jésus Christ et Jésus Christ en nous, … en sorte qu'elle
peut dire d'elle avec plus de vérité que saint Paul ne disait de lui-même: ‘Je vous engendre
tous les jours, mes chers enfants, jusquce que Jésus Christ, mon Fils, ne soit parfaitement
formé en vous.’ (Gal 4,19) » (ASE 214).
Telle est bien notre vocation : être semblables à Dieu, comme nous le disions au début ;
devenir d’autres Christ.
C’est bien ce que développe Montfort dans un passage que le pape Jean-Paul II aime bien
citer :
« Toute notre perfection consistant à être conformes, unis et consacrés à Jésus Christ, la
plus parfaite de toutes les dévotions est celle qui nous conforme, unit et consacre le plus
parfaitement à Jésus Christ. Or, Marie étant la plus conforme à Jésus Christ de toutes les
créatures, il s'ensuit que, de toutes les dévotions, celle qui consacre et conforme le plus une
âme à Notre-Seigneur est la dévotion à la Très Sainte Vierge, sa sainte re, et que plus une
âme sera consacrée à Marie, plus elle le sera à Jésus Christ.
C'est pourquoi la parfaite consécration à Jésus Christ n'est autre chose qu'une parfaite et
entière consécration de soi-même à la Très Sainte Vierge, qui est la dévotion que j'enseigne;
ou autrement une parfaite rénovation des vœux et promesses du saint baptême.
Cette dévotion consiste donc à se donner tout entier à la Très Sainte Vierge, pour être tout
entier à JésusChrist par elle. » (VD 120,121).
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !