Dans « l’état métaphysique », courant de la Renaissance à la Révolution française, les savants
commencèrent à expliquer rationnellement les causes des phénomènes de la nature (essor de
l’astronomie, de la physique et de la chimie). Les agents surnaturels sont remplacés par des
forces abstraites comme la « Nature ». Lentement, à partir du XVIII siècle, une nouvelle
classe, la bourgeoisie industrielle, tend à se substituer à l’aristocratie guerrière. L’état
métaphysique apparaît donc comme une période transitoire du point de vue social.
Enfin, « l’état positif » correspond à une organisation sociale basée sur l’industrie et qui fait
de la production l’activité centrale de la société. A partir du XIX siècle, les scientifiques
formuleront, par un usage combiné du raisonnement et de l’observation, des « lois » sur
l’ensemble des phénomènes. Après l’apparition des sciences appliquées au XVIII et XIX
siècle (physique, chimie, physiologie), une nouvelle science, la « physique sociale » aura
vocation à expliquer le fonctionnement de la société. Auguste Comte a la prescience que, dans
cet « état positif », les scientifiques joueront un rôle essentiel. Il parle même de « sociocratie »
car il pense que les sociologues, par leurs connaissances particulières sur la société, seront
amenés à diriger les Etats.
- La loi des trois états se place dans le cadre d’une philosophie de l’histoire, dans laquelle
l’Humanité progresse en passant par des étapes successives menant à la connaissance
scientifique. Il s’agit donc d’un évolutionnisme. Mais ajoutons tout de suite que les pays, les
civilisations, progressent à des vitesses différentes sur le long chemin qui mène au savoir
scientifique défini par la loi des trois états. Selon la logique évolutionniste de Comte, certains
pays aujourd’hui, comme l’Afghanistan ou la Somalie, en sont toujours à l’âge théologique,
alors que d’autres, comme la France, en sont déjà à l’âge du positivisme. Ces pays à l’âge
théologique ont toujours des sociétés dominées par une aristocratie guerrière violente, qui
reste animée par une foi religieuse déconcertante pour un esprit rationnel. Par un effet de
miroir, un Européen de 2013 peut voir, dans ces pays « en retard », le passé de sa propre
civilisation. Il y a là un effet « rétroviseur » assez étrange, qui peut susciter une certaine
nostalgie dans le cœur d’un Occidental. La nouveauté de la situation contemporaine réside
dans le fait que la révolution des transports et des nouvelles technologies de l’information
mettent face-à-face des civilisations qui n’ont pas évoluées à la même vitesse. L’Esprit d’un
peuple – c’est-à-dire l’addition des psychologies individuelles d’un peuple - évolue très
lentement, à la vitesse du siècle, alors que les images circulent très rapidement sur les écrans,
en une simple seconde. Cette proximité géographique dans l’écart temporel, accompagnée par
la diffusion de l’armement moderne à l’échelle planétaire, nous réserve sans doute bien des
surprises.
- A partir de la 47ème leçon de son cours de philosophie positive, Auguste Comte remplace
l’expression « physique sociale » par « sociologie ». Il est l’inventeur de cette terminologie.
Pour Comte, la sociologie, science nouvelle expliquant scientifiquement le fonctionnement
des sociétés, s’inscrit dans un projet politique moderniste associant l’ordre et le progrès.
Comte condamne la Révolution française pour sa violence, mais il est favorable à l’idée de
progrès qu’elle suppose (scientifique, économique, social et politique).
- Auguste Comte eut une vie matérielle très difficile et des déboires sentimentaux
pittoresques (ex : son amour platonique pour Clotilde de Vaux et son mariage philanthropique
avec une prostituée). A la fin de sa vie, Auguste Comte fut traumatisé par la mort de Clotilde
de Vaux. Sa pensée sombra alors dans un délire religieux. Il voulut créer une nouvelle
religion, le positivisme, dont Clotilde eût été la prêtresse.
- Auguste Comte fut rejeté de son vivant par les grandes institutions culturelles comme
l’Université ou l’école polytechnique. Il réussit tout de même à regrouper autour de sa
personnalité originale des admirateurs talentueux (ex : Emile Littré), qui, après sa mort,
formèrent un groupe très influent intellectuellement. Cela explique pourquoi on peut voir
aujourd’hui – ironie de l’Histoire - le buste d’Auguste Comte, place de la Sorbonne, à Paris.