aventure, celle de la découverte de mon intériorité, de ma vie profonde. C'est la découverte
de l'intériorité, ce lieu où Dieu habite en nous, comme dira saint Paul (1ère Corinthiens 3, 16) :
"Nous dépassons la surface de nous-mêmes, nous entrons dans les profondeurs de nous-
mêmes". Nous passons, comme le disait Thomas Merton, du moi superficiel au moi profond,
et nous apprenons alors, en prenant de la distance par rapport aux éléments extérieurs, à
nous découvrir intérieurement et à découvrir le vrai lieu de notre liberté.
Cette expérience de Dieu et de la prière fait aussi que peu à peu la vie de Dieu passe
en nous. L'Esprit Saint nous comble de la grâce, et nous apprenons progressivement à
découvrir comment cet Esprit éclaire et illumine notre intelligence, comment peu à peu aussi
cet Esprit donne force à notre volonté pour agir, avec l'action des fruits de l'Esprit Saint, qui
ont un aspect thérapeutique dans la prière. Par la paix de la prière, par le silence, par la joie
que Dieu nous donne, nous apprenons peu à peu à découvrir le langage que Dieu utilise
dans la prière. Il nous parle vraiment, pas avec des mots, mais par la paix, par le silence, par
la joie nouvelle qu'il nous donne. Nous découvrons ce que saint Bernard appelait les "visites"
de Dieu en nous, la présence de Dieu en nous, et qui peut avoir des éléments de guérison et
une action "thérapeutique" sur notre psychologie, même sur notre corps. C'est l'expérience
que vivra le Père François Libermann.
Enfin, dans la relation avec nous-même, cette expérience de la prière nous permet de
vivre une expérience qui est celle du discernement. Quand je rentre en moi-même,
quand je prie Dieu, par le jeu des consolations et des désolations, qui est un langage de
Dieu, je découvre ce que Dieu attend de moi. Il éclaire ma vie, il me permet de faire des
choix, de relire ma vie pour décider dans une vraie liberté.
Si Dieu, rencontré dans la prière, éclaire son propre mystère pour moi, si la prière me
permet de mieux me comprendre, la prière change aussi ma relation avec les autres.
3. La prière change aussi ma relation avec les autres
En effet, la prière authentique me tourne vers Dieu, mais pour mieux me tourner
ensuite vers les autres. Elle permet un décentrement de moi-même, elle est une sorte d’anti-
égoïsme, pour m’apprendre à mieux me tourner vers les autres. La prière permet ainsi
de mieux connaître les autres parce que, dans la prière, quand je prie pour les autres, quand
je médite ou prie ma vie dans mon rapport avec les autres, je regarde avec plus de
détachement, de recul, avec plus de profondeur. Cela me permet de mieux discerner mes
propres relations. La prière me met en relation aussi avec les autres parce que je prie pour
eux, je porte leurs traversées de vie difficiles, leurs échecs, leurs souffrances. Et la prière
me donne un lien fondamental qui est l’expérience ecclésiale et communautaire. En
effet, je ne prie pas seulement pour les autres, mais il m’arrive aussi de prier avec les autres,
je me décentre avec les autres, et je me recentre avec les autres sur la personne de Jésus-
Christ. La prière nous fait ainsi devenir véritablement un corps ; elle nous rend
responsables et solidaires les uns des autres, et elle manifeste aussi visiblement ce corps
mystique. Quand un groupe de prière se réunit, quand une équipe de funérailles
accompagne une famille, lorsque l’Eglise se rassemble évidemment surtout pour célébrer
l’Eucharistie, alors l’Eglise fait corps visiblement. Et c’est bien la raison pour laquelle nous
sommes présents visiblement, mais aussi invisiblement. Car quand je prie même seul dans
ma chambre, comme je suis membre d’un même corps, qu’un même Esprit habite en moi et
dans tous les chrétiens, même seul je prie avec la communauté. C’est ce qui a permis à
l’Eglise, dès les débuts, de légitimer l’existence des ermites qui, même seuls, prient comme
membres du corps et disent, même tout seuls, « Notre Père » parce qu’ils sont en lien avec
les autres.
Enfin, dernier point, la prière non seulement transforme ma relation et est un motif
fondamental parce qu’elle me permet de mieux découvrir Dieu, de mieux me découvrir moi-
même, d’être mieux en relation avec les autres, mais aussi elle transforme ma relation
fondamentale avec le cosmos et le monde.