SYNTHESE DE LA JOURNEE D’ETUDE DU 29 SEPTEMBRE 2011 « Plurilinguisme et internationalisation à l’université : formes, instruments, objectifs » Université de la Calabre Organisateurs : Régine Laugier, Faculté de Sciences Politiques Roberta De Felici, Faculté d’Economie Dans le cadre du cycle sur « Plurilinguisme et monde du travail » organisé par DORIFUniversità, le thème de la journée d’études de l’Université de la Calabre a été centré sur les projets universitaires d’internationalisation. Ce thème est apparu opportun pour prendre en compte la mobilité et les aspects professionnalisants de la formation linguistique universitaire et faire le point sur les politiques européennes et ministérielles. Le colloque intitulé : « Plurilinguisme et internationalisation à l’université : formes, instruments, objectifs » a recueilli la participation de 11 intervenants et réuni des chercheurs des Universités de ReimsChampagne, Catholique de Milan, Macerata et de la Calabre. La collègue de l’Université de Fribourg n’a malheureusement pas pu participer. Après les allocutions de bienvenue du Directeur du Département de Linguistique, M. Francesco Altimari et de la Directrice du Centre universitaire de langues, Mme Carmen Argondizzo, Mme Enrica Galazzi, de l’Université Catholique de Milan, a ouvert les travaux de la journée en présentant les étapes et les objectifs du projet itinérant DORIFUniversità « Plurilinguisme et monde du travail » dont elle est une des responsables scientifiques. Mme Galazzi a ensuite illustré et démontré l’importance des enjeux du plurilinguisme dans la formation universitaire et de l’acquisition de compétences spécifiques permettant aux jeunes licenciés de se rendre compétitifs. La connaissance de langues (autres que l’anglais) représente, a-t-elle poursuivi, un atout indispensable pour faciliter l’entrée dans le monde du travail. Elle a relevé également, dans ce sens, la centralité de la synergie entre apprentissage des langues et besoins du territoire, synergie qui devrait sous-tendre et motiver les processus pédagogiques. Après son intervention, Mme Galazzi a introduit les deux intervenantes de la première séance de la matinée, Melle Mélisandre Caure et Mme Mathilde Anquetil. Mélisandre Caure, de l’Université de Reims-Champagne, a proposé à l’auditoire une communication intitulée « L’université : un cadre propice à une formation au plurilinguisme », dans laquelle elle a décrit les phases principales et les objectifs du projet InterCompréhension Européenne (ICE) mené à bien par une équipe de chercheurs et intégré depuis 2005 au programme du Master professionnel Gestion Multilingue de l’Information (GMI). Le projet ICE a été conçu pour les besoins de lecture/compréhension d’articles de presse en plusieurs langues (romanes et germaniques) des étudiants inscrits au Master. Les résultats sont excellents a souligné Mélisandre Caure pour deux motifs principaux : d’une part parce que le programme est calqué sur les nécessités d’acquisition de la part des étudiants d’une compétence définie, celle de la lecture-compréhension; de l’autre, parce que, pour être efficace, l’intercompréhension demande une conscience linguistique assez développée du fonctionnement de sa propre langue. En cela le public adulte des étudiants du Master répond parfaitement à ces exigences. Mathilde Anquetil, de l’Université de Macerata, s’est arrêtée en particulier sur le rôle des Centres universitaires de langues pour la diffusion de la langue française. Sa communication « Le centre universitaire de langues : du centre de services multilingues au partenaire d’une internationalisation plurilingue et durable, un rôle pour la réflexion francophone ? » a développé deux points principaux : en premier lieu, l’internationalisation et la politique universitaire dans le contexte italien ; ensuite, les réseaux et les projets internationaux des Centres universitaires de langues. En ce qui concerne la politique italienne en matière de langues, les problèmes soulevés par Mathilde Anquetil sont essentiellement : a) l’orientation vers le tout-anglais avec l’ouverture au marché mondial de la formation supérieure ; b) la montée de l’italien langue étrangère contrastée par la banalisation de la présence Erasmus qui réduit l’italien à une langue de « socialisation » vs langue académique ; l’internationalisation des publics contrebalancée par la perte d’un multilinguisme institutionnel (orientation bilingue italien-anglais) ; enfin, la déqualification des enseignements de langue dans les cursus non linguistiques. Dans la deuxième partie de son intervention, après avoir donné de nombreux exemples de réseaux plurilingues internationaux (CERCLES, GULT, HERACLES, etc.), Mathilde Anquetil a insisté sur la nécessité de diffuser des politiques plurilingues dans les CLA en illustrant quelques initiatives et projets italiens : « Le français dans les CLA dans une perspective plurilingue », CILTA Bologne février 2011 ; Dottorato PEFLIC (Politique Formation Education Linguistico-Culturelle), Université de Macerata ; Cycle itinérant DORIF: « Plurilinguisme et monde du travail ». Pendant la discussion qui a suivi ces deux premières communications, riches et intéressantes, le débat s’est concentré d’une part sur la nécessité de la présence de professeurs et chercheurs de langue dans tous les futurs « départements » universitaires italiens, en particulier dans les nouveaux regroupements non linguistiques, et sur le développement de la dimension orale dans les méthodes d’intercompréhension. Au cours de la deuxième séance de la matinée, présidée par Régine Laugier, le public a pu écouter trois communications de collègues de l’Université de la Calabre. Dans le cadre du thème de l’internationalisation dans l’université, Anna Franca Plastina, de la Faculté d’Economie, a proposé dans sa communication “Exploring Intercultural Sensitivity for Internationalisation: the case of PhD students at UNICAL”, l’importance d’élargir les pratiques d’internationalisation dans son propre contexte opératif (Internationalisation-at-Home). Dans ce but, ella a illustré l’enquête conduite avec un groupe de doctorants de l’Unical, en appliquant le modèle de Bennet (1993) qui permet de diagnostiquer la sensibilité interculturelle des participants comme situation de départ pour une praxis didactique internationalisée. Les apprenants s’ouvrent à une approche holistique qui cueille les valeurs interculturelles institutionnelles, ne se limite pas seulement au concept d’échanges et de mobilité mais pénètre la praxis didactique at-Home. Ian Michael Robinson, de la Faculté de Sciences Politiques, a parlé de la mobilité des enseignants. Au cours de son intervention intitulée « Teacher mobility: two countries, two EFL experiences », il a exposé, dans une perspective interculturelle, ses réflexions sur son année d’expérience d’enseignant d’anglais à l’université japonaise de Kobé. A l’aide des photographies sur lesquelles il a appuyé son discours, il a montré comment l’impact interculturel a créé quelques difficultés pour la prise de contact avec son groupe d’étudiants. Ian Robinson a approfondi en particulier la « règle du silence » qui semble régir au Japon les échanges entre professeur et étudiants. Le silence qui pour un Européen est conçu comme un signe de désintérêt ou de peur de prendre la parole, est au contraire pour un Japonais la ligne de conduite à suivre pour exprimer respect et attention. Dans ces circonstances, l’esprit d’adaptation de l’enseignant est fondamental pour approcher les étudiants sans enfreindre les règles de la bienséance. L’objectif de cette communication a été celui de mettre en relief, encore une fois, le lien indissociable qu’il existe entre langue et culture, l’une se nourrissant inéluctablement de l’autre. Avec une communication intitulée « la doppia laurea italiano-tedesco : contenuti e obiettivi », Rossella Pugliese, de la Faculté de Lettres, a présenté la convention qui institue le ‘Corso di Laurea Magistrale’ en ‘Lingue e Letterature Moderne/Interculturalite und Integration Master of Arts’ créé en collaboration avec l’université allemande de Schwäbisch Gmünd. Les étudiants italiens et allemands inscrits devront passer un des deux ans prévus dans l’autre pays où ils devront passer un certain nombre d’examens du curriculum. Au terme des deux ans, les étudiants obtiendront deux licences de même valeur, une italienne, l’autre allemande. Malgré les difficultés administratives initiales, a conclu Rossella Pugliese, cette double licence représente une étape importante pour la diffusion et la consolidation de la présence de la langue allemande à l’Université de la Calabre, langue qui a été éliminée dans certaines facultés par manque d’inscrits (Sciences Politiques) et qui est en rapide diminution dans d’autres (Economie). La discussion qui a suivi a concerné en particulier la double licence, son élaboration et les résultats attendus. Pendant la séance de l’après-midi, présidée par Roberta De Felici de La Faculté d’Economie, quatre intervenants ont présenté des initiatives d’internationalisation et des études linguistiques effectuées à l’Université de la Calabre. A partir d’un corpus de messages électroniques des étudiants étrangers qui sont inscrits à l’Université de la Calabre, Andrea Francesco Bilotto, de la Faculté d’Economie, a étudié les langues utilisées de la part de ces étudiants dans leurs relations institutionnelles. Malgré leur provenance différenciée (pays francophones, anglophones, Albanie, Espagne, Pologne, Roumanie, etc.), ceux-ci utilisent à leur arrivée une langue anglaise définie « franca » qui se mêlent peu à peu à l’italien. Andrea Bilotto a expliqué que cette langue « franca » à base anglaise, est caractérisée par un lexique d’origine anglaise mais dont les structures sont souvent calquées sur la langue maternelle des étudiants. Au fur et à mesure qu’ils se familiarisent avec la langue italienne (soutenus en cela par des cours d’italien organisés par le Centre de langues), leur langage devient mixte et intercale lexique anglais et lexique italien. Malgré leur faible connaissance des deux langues, les étudiants étrangers réussissent à communiquer sans grande difficulté. La question centrale soulevée par cette étude est celle du déséquilibre des compétences (Cadre européen de référence pour les langues) qui représente un atout de compensation communicative. Domenico Sturino, de la Faculté de Pharmacie, a illustré, comme l’indique le titre de sa communication : « Erasmus mobility: chinese students at Unical », les problèmes que pose l’accueil des étudiants chinois. La présence d’une consistante communauté d’étudiants chinois en Calabre vient de l’existence d’un cours sur la médecine chinoise traditionnelle à la Faculté de Pharmacie qui attire de nombreux jeunes désireux de s’installer par la suite en Europe. Depuis quelques années, Domenico Sturino s’occupe des aspects sociaux de leur accueil. Les étudiants chinois, a-t-il relevé, ont plus de difficultés que d’autres étudiants étrangers à s’insérer dans le contexte universitaire. L’apprentissage de l’italien écrit, en premier lieu, est problématique pour des raisons d’alphabet bien connues de tous. Par conséquent, ils ont un besoin constant de soutien et d’aide pour tout ce qui concerne la bureaucratie. Le groupe de soutien mis en place à la Faculté de Pharmacie prend donc en charge tous les aspects de l’insertion sociale des étudiants à l’université et sur le territoire, y compris le problème des soins médicaux. Le sujet présenté par Serafina Filice, de la Faculté de Sciences Mathématiques, Physiques et Naturelles, est d’ordre linguistique et se place dans le domaine du CLIL/Emile : « CLIL dimensions: multi-skilling for the Global Age » . Après avoir rappelé les grandes lignes de la politique italienne en matière de CLIL, la collègue a mis en relief les avantages d’une telle méthode pour la diffusion du plurilinguisme, même si à l’état actuel le CLIL se décline en anglais et se développe en particulier dans les cours scientifiques.. Du côté français, la convention ESABAC entre les ministères de l’éducation nationale italien et français devrait permettre au français, dans les prochaines années, de récupérer un peu de terrain dans les matières humanistes. En conclusion, la méthode CLIL appliquée dans les classes de lycée permet une synergie efficace entre monde universitaire et scolaire et favorise la sensibilisation des élèves à un usage pratique de la langue étrangère. En dernier lieu, Régine Laugier, de la Faculté de Sciences Politiques, a présenté les résultats d’un projet de cours curriculaires en français et en anglais élaboré pour les étudiants de la Faculté de Sciences Politiques : « Les cours curriculaires en langue : objectifs et enjeux ». Pour développer l’apprentissage des langues et sensibiliser les étudiants au multilinguisme, pendant trois ans, de 2006 à 2009, un certain nombre de cours en langue a été proposé dans l’offre formative de la faculté sur la base des ressources linguistiques disponibles dans le corps enseignant. La première année, 3 cours en anglais (matières économiques) et trois cours en français (matières sociologiques et droit européen), la deuxième, 4 pour chaque langue (avec l’ajout du droit européen en anglais et de l’histoire en français), enfin 3 la dernière année. Pendant les trois années du projet, l’adhésion (volontaire) de la part des étudiants a été satisfaisante, avec une légère flexion dans la troisième. Les motivations du choix du cours en langue de la part des étudiants sont liées en grande partie au sujet de mémoire et au sentiment de suivre un cours qualifiant. Le projet a été suspendu à cause de la réduction du nombre des matières qu’impose le dernier « ordinamento » universitaire italien. Le groupe de langue se propose de présenter pour l’année 2012-2013 l’insertion d’un cours en langue obligatoire dans le curriculum de la Licence « magistrale ». Au cours de la discussion de clôture de la journée, deux éléments sont ressortis : - le renforcement d’une politique plurilingue dans les Centres universitaires de langues ; - une offre formative plus spécialisée dans les facultés dites ‘non linguistiques’. Le public présent (doctorants, enseignants membres de l’Alliance française de Cosenza et Catanzaro, collègues universitaires) a manifesté son intérêt pour les différents sujets traités pendant la journée et les intervenants leur satisfaction pour l’échange d’informations et de projets..