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Le Traité du Milieu de Nagarjuna et la Doctrine de la Vacuité
( et les courants de pensées philosophiques occidentales)
TRINH Khai
** Ce thème a été exposé au cours de deux conférences à l'Université Bouddhiste
« LINH SON MONDIALE », sous la direction du Recteur de l'Institut International des
Études Orientales et Occidentales « Linh Sơn » : le Vénérable Patriarche Thích Tịnh Hạnh,
Docteur en philosophie, Professeur titulaire à l'Université Nationale de Taïwan.
** Ce texte (la 1ère partie) a été revu, corrigé et complété par l’auteur pour la
publication dans le Website de l'Université Orientale « LINH SON MONDIALE ».
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Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Avant de commencer cette causerie je me permets de vous signaler quelques
remarques d’une importance capitale :
** Pour le Bouddha, pas de Bouddhisme sans liberté : au nom de la liberté et de la
responsabilité personnelles, le Bouddhisme répugne à faire du prosélytisme. Sa vraie essence
est la bienveillance envers tous les êtres sensibles ou non.
** Les superstitions…les divinités... les arts divinatoires (astrologie) de la
prédiction du bien et du mal sont interdits….. par le Bouddha, pour qui la plus grave erreur que
l'être puisse commettre c'est le refus de la connaissance, les lumières de la raison.
Nagarjuna.
Nagarjuna (BTát Long Thọ) est considéré comme un Bodhisattva en : Inde,
Chine, Japon, Vietnam, Tibet…… il vivait en Inde entre le Ier et IIè siècle après JC. Avec ses
œuvres d'une grande valeur académique, son intention véritable consiste à guider les lecteurs vers
une démarche qui a pour but d’accéder à la parfaite compréhension de l’essence originelle de la
Voie du Bouddha, ….
Dans le Soutra du Diamant le Bouddha disait : « Les Dharmas (1), tels qu’on les
nomme, ne sont pas en fait les Dharmas. C’est pourquoi ils sont appelés Dharmas ».
Explications / Contradiction apparente:
Les Dharmas (1) ne sont pas en fait les Dharmas du Domaine de l'Inconditionné
(Nirvana). C’est pourquoi ils sont appelés Dharmas (1) quand on est encore dans le Domaine du
Conditionné (monde fini ou conditionné).
A propos du Vide Nagarjuna écrivait : « On peut le qualifier de Vide, ni de non Vide,
ou des deux ou d’aucun, mais pour le désigner on l’appelle le Vide ».
Nagarjuna a essayé d’extraire le nectar de la Voie du Bouddha qui ne pouvait éviter
les paroles imparfaites dans la sémantique très limitée d’un langage du monde conditionné,
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Réservé aux érudits bouddhistes, l’objectif primordial du Traité du Milieu de
Nagarjuna c’est d’atteindre l’esprit du Bouddha ou le Nirvana dont la définition donnée par le
Bouddha était d'une simplicité déroutante : « Large soit ouverte la porte de la non formation (la
naissance) et de la non dissolution (la mort) …. »
Néanmoins toute son œuvre (Nagarjuna) a permis de synthétiser l'épanouissement
du Mahayana à partir du 3è siècle.
Avec une apparence chargée de contradictions, la philosophie de Nagarjuna assez
complexe sera réservée aux esprits cultivés, ouverts et éveillés : La haute pensée de la
méditation se manifeste à travers l'idée (le principe) que la délivrance de la Souffrance réside
au cœur de la servitude (*) et que la servitude c’est la Délivrance (**).
(*) Les exercices du « corps de l’esprit » permettent aux pratiquants de maîtriser parfaitement
ses activités dans le sens de l’idéal du Bouddhisme. Cette discipline de notre conscience et les
vrais savoirs à fond ne peuvent s’atteindre sans effort et sans sacrifice. On ne les obtient
qu’avec peine et de longs désirs : un entrainement graduel et continu.
(**) C'est le moment l’esprit clairvoyant et puissant devient le seul maître et le seul juge de
toutes les activités (mentales, orales, physiques), et atteint la Grande Connaissance.
I.- Les bases fondamentales de la Voie (Enseignement) du Bouddha.
En effet il est d’une importance capitale de faire la distinction entre les Lois de la
Nature découvertes par le Bouddha (*), et les lois humaines : les unes immuables, implacables
ne pourront jamais être amendées par aucune divinité et représentent une équité absolue pour
l’homme qui, de ce fait, ne sera jamais lésé, elles constituent l'essence de la pensée profonde du
Dharma ou de la Voie, tandis que les autres lois humaines ne représentent que des règles
particulières et des contraintes valables dans des domaines de définition limités et sont sujets à
des transformations et modifications avec le temps et selon les sociétés.
(*) Comme la Loi de l'Attraction Universelle découverte par Newton ; elles ne sont que des
constations d'ordre de la science physique, auxquelles le Bouddha n'attachât aucunement une
pensée métaphysique. Une loi de la Nature doit respecter au moins les 05 conditions
d'indépendance des facteurs tels : temps espace chose fixité non amendable.
Cependant dans la société des hommes, surtout en Occident, avec leurs conceptions
subjectives, conventionnelles telles : les codes, les lois, les règles, les dogmes religieux...., le
défaut de la connaissance de la cause et l’ignorance des effets constituent une raison
d’atténuation à la faute commise … et parfois une responsabilité collective de la société.
C'est ainsi qu'à propos des lois de la Nature Lao-Tseu disait : « Le Ciel et la Terre
sont inhumains ». Parce que les lois de la nature ignorent les dualités issues des sociétés
humaines, ne se cramponnent pas à des présomptions subjectives entre les faussetés et les vérités,
ne font pas de discriminations entre les sages et les idiots, les riches et les pauvres, les forts et
faibles..... après la mort nous connaîtrons tous les inévitables phénomènes naturels : la puanteur
la putréfaction la décomposition et la disparition.
Voici les principaux piliers (ou les lois de la Nature découvertes par le
Bouddha) du Traité du Milieu de Nagarjuna :
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A.- Loi de l’Impermanence ou relativité universelle .
« Il n'est rien de formé qui ne soit déjà en voie de dissolution »
Le Bouddha
Selon son Enseignement quand une Vérité Absolue (*) a existé, elle existera toujours, et
quand une chose n'a pas une existence en soi (*), elle connaîtra certainement sa disparition,
(*) Existence en soi ou Vérité Absolue ou Vérité ultime ou Chose en soi de Kant
** Être en perpétuel devenir (mouvement permanent).
De l’infiniment grand jusqu’à l’infiniment petit, tout agrégat est formé d’atomes du
tableau de Mendeleïev, et chaque atome se compose d’un noyau (proton et neutron) et des
électrons en mouvement perpétuel se comportant, d’après la physique quantique, tantôt en
particule (forme) tantôt en onde (énergie ou sans forme ou vide) (*). De l’atome aux molécules,
à l’Homme jusqu’à l’Univers entier, nous sommes tous soumis à cette loi de l’Impermanence ou
à des transformations perpétuelles, depuis notre conception jusqu’à notre mort et après notre
mort. Seule la permanence de l’Impermanence soit une fixité.
(*) Phénomène démontré par des interférences lumineuses avec les franges (fentes) de Young.
Devant les mutations perpétuelles du « Corps Physique » et du « Corps Spirituel » (y
compris la conscience) avec le temps mon « moi » d’aujourd’hui n’est pas celui que j’étais hier
et non plus celui que je serai demain. Ainsi la disparition du « moi » d’hier a permis
l’apparition du « moi » d’aujourd’hui…puis de demain.
Avec leurs activités, leurs transformations perpétuelles les « moi » de TRINH à 10
ans, à 20, à 30 ….. à 72 ans, si différents soient-ils, ont été et sont toujours « TRINH ».
Ces états successifs, éminemment transitoires aucun d’eux n’est identique à un
autre - ne représentent qu’une même identité muable (Vô Ngã) et une continuité (1) qui
constitue la personnalité changeante.
D’un état à l’autre dans une suite continue d'états successifs et furtifs (qu'on
appelle la transmigration), l’identité persiste, toujours avec le même nom « TRINH » et
cependant toujours muable.
(1) Selon le Bouddhisme cette continuité n'est pas une production car la cessation (la
disparition) et la production (l'apparition) seront simultanément. (Ex.: la disparition de la
graine ==> l'apparition de la pousse)
** Cycle des transformations sans origine ni fin.
De cette Loi de l'Impermanence, il est d'une impossibilité de notre cerveau d’être à la
fois et en même temps sujet-observateur muable et objet-observé changeant, en conséquence il ne
peut qu’observer l’irréalité des choses soumises à des transformations perpétuelles. Quand tout
change avec le temps, nous devons admettre la relativité universelle (1) qui domine les mondes
physique et phénoménal. Ainsi disait le Bouddha : « Toutes les vérités sont impermanentes » et
l’Impermanence est la Vérité de tout, ce qui confirme le principe d’incertitude ou de
probabilité même dans les domaines scientifiques.
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Suivant cette Relativité universelle : même la physique classique (valeurs
approximatives), la physique quantique (principe de probabilité ou d'incertitude), et la
mathématique ne peuvent donner que des vérités conventionnelles :
** la physique classique : 2 bananes + 3 bananes = 5 bananes (X)
comme il existe des centaines de varìtée de bananes (de 20gr à 200gr), cette relation n'a qu'une
valeur relative.
** La physique quantique : Avec le mouvement éternel des électrons il est d'une impossibilité de
trouver deux atomes identiques ou 02 molécules identiques ….... et 02 bananes identiques, la
relation (X) ne peut donner qu'une vérité relative.
** La mathématique:
Dans le système à base de 10 : (0;1;2;3;.......;9) la relation (X) donne : 2 + 3 = 5
Avec le système à base de 2 ou système binaire : (0;1) utilisé en informatique avec
Algèbre de Boole, voici le calcul de la relation (X) :
2 = 1+1 = 1 ==> somme logique ou 02 circuits électriques en parallèle avec une sortie
3 = 2+1 = 1+1+1 = 1 ==> 03 circuits électriques en parallèleavec une sortie
2 + 3 = 1 ==> 05 circuits électriques en parallèle avec une sortie
D'où la relativité de la relation (X).
La relativité universelle, appelée le principe de l'instantanéité universelle ou
l'immédiateté de la réalité (1): Selon la loi de l'Impermanence, le temps est une notion
abstraite variable liée à chaque agrégat ou identité c'est pourquoi les temps sont différents d'une
essence à l'autre (Hommes, chiens, éléphants...).
Si, comme en physique classique, chaque être est pris comme un système de référence
selon la théorie de la Relativité Restreinte d'A. Einstein, alors ces différents repères avec leurs
différents mouvements, donc différentes vitesses conduisent à des différents temps et confirment
en effet la relativité du temps, car pour Einstein le temps est une fonction de la vitesse ou du
système de référence.
Dans la « Critique de la raison pure », Kant a écrit : « Nous combattons toute
prétention du temps à une réalité absolue... », pour lui il n'y a donc qu'une réalité subjective du
temps toujours indissociable des sensations ou une forme pure de la sensibilité.
Avec Nagarjuna la notion de temps ne peut pas s'appliquer à la réalité ultime parce
qu'elle est une légitimité totalement conventionnelle ; sa nature réelle consiste dans la Vacuité,
(1) A propos du temps, voici une expression du Grand Maître ZEN japonais Dôgen Zenji (13è
S.) : l'instant de l'éternel présent. Quand le passé mort n'existe plus, l'avenir n'est pas encore une
réalité c'est le principe de l'instantanéité universelle issue de la relativité universelle, qui
détermine la pensée, le comportement, et le mouvement de l'être. En conséquence la vie ne
représente qu'une éternelle suite des instants du présent..... jusqu'à la dissolution ou la mort
B.- Loi du Karma. (Responsabilité et liberté individuelles)
Avec la loi de L’impermanence, Il est pertinent de constater que le « moi » d’hier
est la cause du « moi » d’aujourd’hui étant l’effet qui sera la cause du « moi » de demain. A
partir d’une suite d’états successifs et furtifs, chacun d'eux joue, en effet, le double rôle de cause
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puis d’effet en fonction de la charge du Karma qu'on appelle encore le Karma individuel
(Nghiêp), et des conditions interdépendantes (duyên).
La Loi du Karma ou l'impermanence d'une identité peut être déterminée comme une
continuité mais jamais une production, Ces deux états successifs « Cause et Effet » ne
peuvent jamais coexister ensemble ou être concomitants donc l’effet ne peut non plus précéder la
cause. Avec l’Enseignement du Bouddha, le temps est cyclique c’est à dire qu’après la
naissance, la vie, la maladie, la vieillesse puis la mort, l’être, qui ne saurait quitter le cycle
Samsara sans passer par l'Éveil, devrait revivre avec tout le poids de son karma mais avec une
autre identité toujours muable parce qu’au cours de sa vie précédente sa personnalité comme son
identité était changeante avec le temps. C’est ce qu’on appelle la transmigration, et qu'avec leur
karma les êtres ne sont jamais nés égaux, ni identiques à qui que ce soit.
Le Karma individuel constitue l’historique (patrimoine) de l’ensemble de nos
activités « mentales, orales, physiques » au cours des vies passées et actuelle, dans tous ces
changements perpétuels seule la continuité constitue la personnalid'une identité muable
mais ce n'est pas une production.
Loi du Karma : Devant les transformations perpétuelles, il n’est aucun agrégat,
aucun objet, aucun phénomène, aucune manifestation d’activité qui ne soit des causes suivies
par leurs effets qui s’enchaînent, se suivent et ne se rompent jamais ».
C.- Loi de l’Interdépendance (coproduction dépendante).
Ainsi dans la transformation perpétuelle et éternelle de la Loi de l’Impermanence
se produisent en dépendance des causes multiples, de la cause des causes la formation et la
disparition de toute chose du monde.
C'est le principe philosophique : « Du rien rien ne vient ». De ce principe de
causalité toute production est nécessairement dépendante de causes multiples - du Karma
et des facteurs externes (le Karma collectif) -. En remontant la chaine ADN (1) on remarque la
vie de chacun dépendant des milliers d’autres vies et de multitudes éléments formant notre corps
(les atomes, les molécules, les protéines, les aliments...) et notre esprit (l'éducation, les études, les
lectures..., l'adaptation) - Lamarck et Darwin -. Nous sommes donc des êtres causés,
dépendants. En effet, Tout s’agrège au cours de la vie et enfin tout se désagrège au moment de
la mort. On peut l'appeler la coproduction conditionnée (phénomènes conditionnés).
(1) l’hérédité acquise par adaptation sous les effets des circonstances (théorie de Lamarck) ou
par évolution en fonction de l’environnement (théorie de Darwin) …
Pour Nagarjuna ce, qui naît des causes, ne naît pas en réalité : que l’être causé et
conditionné que nous sommes ne représente pas une existence en soi et pour soi, et que le
« moi » impermanent (Vô-Ngã) ne peut être intrinsèque, indépendant et autogène…
Dans le Domaine du Conditionné (Samsâra), suivant la loi de l’Interdépendance
tout existe en dépendance des causes, des causes des causes …. à l’infini : Rien n’existe sans
une cause, et Rien n’existe en soi et pour soi.
D'ailleurs Nagarjuna a précisé :
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