Eléments de correction Khôlle n°11

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Eléments de correction Khôlle n°11
Assiste-t-on au retour des guerres des monnaies ?
1. La guerre des monnaies : la manipulation du taux de change au détriment de ses
partenaires
1.1 Formes implicite et explicite de la guerre des monnaies
La typologie d’A.Cartapanis est intéressante, il faut l’utiliser en citant son nom. C’est un
spécialiste reconnu de ce type de questions en France. De manière générale, vous ne portez
pas assez attention aux sources des documents que vous utilisez.
Cartapanis distingue dans son allocution aux Rencontres Economiques d’Aix-en-Provence de
2014 « la guerre des monnaies explicite » et « la guerre des monnaies implicite ».
La « guerre des monnaies implicite » se définit comme les « effets induits de la politique
monétaire sur les structures des portefeuilles des investisseurs internationaux et donc au final
sur les taux de change ». Elle signifie donc que la politique monétaire a des externalités sur
les taux de change. Pour être plus clair : en régime de change flottant, les autorités monétaires
n’ont pas de politique de change (puisque le taux de change doit se fixer librement sur le
marché des changes), cependant, leur politique monétaire peut avoir des conséquences
« indirectes » (ou « implicite » selon l’expression de Cartapanis) sur le taux de change. En
baissant les taux d’intérêt, les capitaux sont réalloués ailleurs, le taux de change se déprécie,
ce qui stimule les exportations. Sans avoir « explicitement » de politique de change, elle
manipule quand même leur taux de change via leur politique monétaire.
La guerre des monnaies explicite se définit comme « une manipulation volontaire des taux de
change de nature à contrecarrer les fondamentaux » afin notamment de « neutraliser une
appréciation sur les marchés » ou à « induire une dépréciation réelle ». On retrouve donc
dans cette catégorie, les politiques de mésalignement (1er cas) et les politiques de dévaluation
compétitive (2d cas). Cartapanis est d’ailleurs plus précis pour distinguer les deux cas. Les
politiques de dévaluation compétitive qui apparaissent dans les années 1930 ont pour but
d’exporter le chômage chez les autres. Elles touchent des pays dont la balance commerciale
est déficitaire. Tandis que les politiques de mésalignement concernent plutôt des pays dont la
balance commerciale est excédentaire et qui essaient d’empêcher l’appréciation de leur
monnaie. Appréciation qui aurait pour conséquence de réduire les excédents commerciaux.
En conclusion, les guerres des monnaies concernent à la fois des pays ayant adopté des
régimes de changes fixes et des régimes de change flottants. Or, le SMI contemporain est
justement caractérisé par la cohabitation de ces deux types de régimes de change. Par ailleurs,
si la dévaluation compétitive est plutôt une stratégie « ancienne », les deux autres types de
guerre des monnaies sont davantage contemporaines.
1.2 Les guerres des monnaies : une caractéristique du SMI contemporain
Idée : le mésalignement et la guerre des monnaies implicite sont typiques du fonctionnement
contemporain du SMI
Guerre des monnaies implicite : Période 2008/2010, les Etats-Unis utilisent la politique
monétaire pour agir sur le taux de change : la baisse des taux pour stimuler l’économie affecte
aussi la parité de la monnaie américaine, qui baisse, ce qui stimule les exportations et donc
l’économie nationale. On retrouve l’idée que le taux de change est une arme pour exporter son
chômage en temps de crise. Ce qui était déjà le principe des dévaluations compétitives
utilisées durant les années 1930. D’ailleurs, la conséquence de ce type de stratégie c’est la
réaction des autres partenaires commerciaux qui « subissent » la dépréciation du dollar =
déclaration du ministre brésilien des finances en 2010, et qui peuvent être tentés à rentrer dans
cette guerre des monnaies. En vous appuyant sur le document 13, vous pouvez rappeler ici
que de nombreux pays développés ont adopté des taux d’intérêt très bas suite à la crise de
subprimes (les USA, le Japon par exemples), ce qui a fait dire à certains économistes qu’ils
cherchaient à relancer leur activité au détriment des autres pays. Mais les Etats-Unis ne sont
pas les seuls a pratiquer cette baisse des taux d’intérêt, le Japon a également suivie cette
stratégie.
Mésalignement des taux de change : période 2000/2005 puis depuis 2010 en Chine. La
Banque de Chine cherche à contenir l’appréciation du yuan qui devrait découler des excédents
commerciaux (document 5). Pour se faire, la Chine achète sur les marchés des titres en dollars
(essentiellement des titres de dette publique américaine), elle fait donc augmenter la demande
de dollars contre le yuan ; ce qui veut dire qu’elle fait augmenter l’offre de yuan, espérant
ainsi comme dans n’importe quel marché que la hausse de l’offre induise une baisse du prix
(du yuan). L’augmentation exponentielle des réserves de change en dollar détenues par la
Banque de Chine durant les années 2000 illustre ce mécanisme (document 6). Cette stratégie
est pratiquée par d’autres pays émergents (document 7).
Conclusion : les épisodes de guerre des monnaies caractérisent le SMI depuis le début des
années 2000. Ce qui fait dire à J.Mistral dans « Guerre et paix entre les monnaies » que le
SMI contemporain est un non-SMI.
2. La guerre des monnaies : une analyse à relativiser
L’argument de la guerre des monnaies est à relativiser pour deux raisons : d’une part, il est
difficile de « prouver » qu’un Etat manipule sa monnaie, même explicitement ; d’autre part,
dans le cas des externalités de politique monétaire, vouloir éliminer toute conséquence de la
politique monétaire sur le taux de change revient tout simplement à s’interdire d’utiliser cette
politique pour agir sur le niveau d’activité. Or, la politique monétaire reste encore un outil
indispensable des politiques conjoncturelles. La question que l’on doit alors se poser est de
savoir comment limiter les « dégâts » des politiques monétaires sur les taux de change.
2.1 La manipulation des taux de change : un argument difficile à prouver
Plusieurs arguments :
- il faut d’abord pouvoir repérer le taux de change « normal » qui devrait s’établir sans
manipulation ; or, lorsque l’on observe les études faites sur le mésalignement du yuan
on constate les écarts très importants dans les estimations qui sont données (document
8). Certains économistes annonce une sous-évaluation de 15% d’autres de 60% !
- il ne faut pas oublié que de nombreux pays asiatiques ont acquis des réserves de
change, non pas pour manipuler leur taux de change, mais pour se protéger en cas
d’attaque spéculative sur leur monnaie. Ils ont gardé en souvenir les conséquences des
dévaluations et des crises de change des années 1990 et veulent éviter de faire appel
au FMI en cas de problème. C’est le cas de la Russie ou de certains pays d’Amérique
latine comme le rappel le document 10. Il faut aussi utiliser le document 15 de Sitglitz.
D’ailleurs, comme le rappel le document 16, les réserves de « précaution » ont
parfaitement fonctionné au moment de la crise de 2007-2008 ;
- il est difficile de prouver la manipulation (document 4) ; en tout cas, aucun pays n’a
été pointé du doigt par le FMI ou l’OMC ;
2.2 Les politiques monétaires : un outil nécessaire de régulation conjoncturelle mais
un outil qui devrait être coordonné
Le point de départ du raisonnement est le document 12. L’idée est très simple : on ne peut pas
demander à la politique monétaire de ne pas avoir d’effet sur le taux de change car cela
revient à lui demander de ne pas avoir d’effet sur l’activité économique. Ce qui revient donc à
considérer qu’elle ne doit pas être utilisée. Il faut donc plutôt se demander comment limiter
les effets négatifs produit par une politique monétaire sur les taux de change des autres pays.
Cela signifie donc que les politiques monétaires doivent être coordonnées et que les Etats
doivent coopérer à minima pour éviter les représailles. Par le passé les Banques centrales ont
réussi à coopérer dans des situations de crise (document 14) par exemple en 1985/1987
Cet argument est développé par l’économiste française Agnès Bénassy-Quéré par exemple.
La politique monétaire doit rester un outil de politique macroéconomique conjoncturelle. Les
Etats n’ont pas à s’interdire de l’utiliser. Comment faire alors pour avoir autonomie de la
politique monétaire et peu d’effets externes négatifs ?
La réponse tient dans le développement de la coordination des politiques monétaires. C’est
d’ailleurs ce que l’on a observé au moment du choc de demande négatif de 2008 : toutes les
banques centrales ont agit en même temps pour inonder le marché de liquidité et maintenir
leur taux d’intérêt très bas. Ce que certains ont appelé une guerre des monnaies était en fait
une réaction collective à un problème mondial.
Il existe néanmoins une autre solution plus radicale dont découlerait une réforme du SMI :
pour éviter une guerre des monnaies, il faut tout simplement substituer aux monnaies
domestiques qui sont « internationales » et manipulables (dollar, euro ou yuan dans le futur)
une monnaie internationale émise par une « banque centrale mondiale » qu’aucun pays ne
pourrait manipuler dans son intérêt. On retrouve ici le projet du bancor défendu par Keynes
lors de la conférence de Bretton Woods de 1944.
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