1 Barbara STEINKE, Paradiesgarten oder Gefängnis, Tübingen : Mohr Siebeck (coll. Neue Reihe 30), 2006, 23 cm, XII-427 p., ISBN 3-16-148883-0, 89 €. Text Verlag : Das Dominikanerinnenkloster St. Katharina gilt als eines der bedeutendsten deutschen Frauenklöster des Spätmittelalters. Seit seiner Reformierung im Jahr 1428 nahm es eine Vorreiterrolle innerhalb der dominikanischen Observanzbewegung ein. Seine Mitglieder galten weit über Nürnberg hinaus als Vorbilder des gestrengen monastischen Lebens. Die vom Geist der spätmittelalterlichen Klosterreformatio getragene Theologie und im Kloster praktizierte Frömmigkeit sowie das von den Nonnenseelsorgern propagierte Spiritualitätsideal erfahren knapp hundert Jahre nach der Reform schroffe Ablehnung durch protestantische Theologen. Ihrer Meinung nach sind Frauen von Gott nicht zu einem jungfräulichen Leben hinter Klostermauern, sondern vielmehr zu Ehe und Mutterschaft bestimmt. Zu den Zielen der vom Nürnberger Rat geförderten und von weiten Kreisen des Patriziats befürworteten Reformation zählte daher die Abschaffung des Frauenklosters. Die Biographien einzelner Nonnen, die aus Überzeugung oder aufgrund mehr oder weniger massiven Drängens ihrer Familienmitglieder austraten, beleuchten in ihrer Verschiedenheit Umstände und Folgen, die für Frauen aus einem Klosteraustritt resultierten. Ungleich größer jedoch war die Zahl derer, die im Kloster verharrten. Barbara Steinke zeigt, daß der Widerstand, den sie gegen die Klosterauflösung leisteten, aus genau den Idealen gespeist wurde, die während der Klosterreform definiert und gestärkt worden waren. NL Intro Analyse les textes ayant servi à l’instruction des moniales (cura monialum et lecture privée, livres copiés au monastère) à Sainte-Catherine (dominicaines) de Nuremberg avant la Réforme protestante sous l’angle des thèses de cette Réforme. 500-600 textes, le plus souvent vernaculaires, souvent copiés au monastère, presque exclusivement après la réforme de l’ordre en 1428. Tendance des réformateurs dominicains (masculins) à éviter tout ce qui renforce le penchant mystique. Lecture privée davantage guidée par intérêt propre des moniales. Durant la période de la mystique féminine, relation confesseur-moniale = réciproque ; réforme dominicaine : prise en main par les hommes, morale remplace mystique. (10s) Chez les pères de l’Eglise, une femme peut gagner le titre « d’homme » par la qualité de sa foi, maintenant la féminité de l’âme, et Christ=fiancé sont dé-métaphorisés. Juge de façon nuancé l’attitude de la Réforme envers les femmes : le monastère n’étant plus une alternative, elle est désormais limitée au rôle d’épouse. I. Les monastères féminins sont des lieux de résistance acharnée contre la Réforme protestante : forte vie spirituelle, grande réputation des abbesses. Retrace l’histoire de la réforme dominicaine à Ste-Catherine. D’abord échec car les femmes tiennent à leur indépendance mondaine, puis succès de la réforme car réformateurs dom. soutenus par le conseil de la ville (pour des raisons essentiellement financiers). La plupart des moniales se décident à rester et acceptent la nouvelle observance. Le conseil de la ville gagne en influence sur le monastère et décide désormais du placement des biens et de l’admission de nouvelles moniales. Les femmes sont jugées incapables à gérer elles-mêmes leurs affaires (25). Ce droit décidera en dernier ressort du destin du monastère après la Réforme prot. La Cura monialium cherche à contrebalancer la tendance vers une privatisation et une individualisation de la piété des moniales en renforçant la vie commune. La lecture à table se fait uniquement en vernaculaire. Les efforts réformateurs n’ont pas réussi à exstirper le « besoin mystique » des femmes (32) jugé comme arrogant par les confesseurs. Les 2 dominicains prêchent humilité et abaissement comme antidote. Ce n’est que guidée par un confesseur que la moniale est autorisée à faire l’expérience du divin (35). Ils ne peuvent pas complètement interdire la réflexion théologique mais font de leur mieux pour l’endiguer. Depuis Jordain de Saxe, les femmes sont appelées à la prière comme les hommes à la prédication. Les moniales vivent dans la certitude d’être par leur prière les bienfaiteurs spirituels d’une population de plus en plus en quête de salut et qui les gratifient largement sur le plan financier pour leur intercession. La résistance des moniales contre la Réforme protestante repose donc sur la compréhension qu’elles ont d’elles-mêmes et de leur rôle dans l’économie du salut, tel qu’ils ont été renforcés par la réforme dominicaine. Renforcement de la clôture extérieure pour mettre à l’abri des tentations, doublé d’une insistance sur la nécessité d’une clôture intérieure, œuvre de chacune. Importance des contacts entre les différents couvents, tant dominicains que franciscains (55) : échange de personnes et d’écrits, solidarité familiale, confesseurs communs. Durant le Xve s. : coopération entre réforme ecclésiastique et intérêts communaux emprise de la ville sur le monastère. Quand la ville passe à la Réforme (prot), ville et protestants s’accordent pour assigner à la femme le mariage comme seule place possible. (65) Le rapprochement de la culture religieuse des monastères féminins à celle des laïcs a préparé l’autonomie (mündigkeit) des laïcs et préparé ainsi le concept du sacerdoce universel. Les facteurs qui ont à la fois été inspirés par la réforme dominicaine et causé la résistance à la Réforme prot. : Renforcement de la vita communis et lutte contre l’individualisme religieux Importance de la prière commune comme action bénéfique à l’ensemble et des vivants et des défunts = vocation Solidarité affective de la famille spirituelle L’ensemble des trois précédentes formant une conscience de soi collective forte II. Témoignages d’enseignement des moniales Explications théologiques simples, surtout édification et instruction pratique. Relation entre moniale et confesseur n’est plus réciproque mais élève-prof. (74) Analyse une série de textes faisant partie de la bibliothèque de Ste-Catherine et destinés directement à l’enseignement : lettres, traités de piété : « pastorale à distance » (94), valeur suprême : obéissance. Humbert de Roman et les miracles de Césaire d’Heisterbach mettant en scène des femmes sont conseillés comme lecture. La vie religieuse est considérée comme fondée bibliquement (101) : association au désert, assimilation de l’absence de biens propres à l’imitatio apostolique. impossibilité de recevoir la critique protestante. Avant la Réforme, l’obéissance à la vocation religieuse prime sur celle aux parents, la Réforme renverse cette relation et autorise, voire incite les parents à sortir leurs enfants du couvent, si nécessaire contre leur gré. La sanctification continue à laquelle sont appelées les moniales (conversion par degrés) (110). L’appel à l’humilité et à la connaissance de soi sont mis en avant dans la réforme dominicaine pour prévenir toute autosatisfaction d’un mérite des œuvres ; la critique protestante devait donc rester incomprise (117). Analyse un traité sur le repentir de Georg Falder-Pistoris : 4 étpaes : grâce divine (gratia praeveniens) provoque remord coopération des deux remission des péchés. Justification = collaboration de la volonté humaine avec la grâce divine. Vie monacale conçue comme locus poenitentiae, voire comme purgatoire sur terre ; souffrance vicaire fait partie de la vocation. Pour Bernard, les vœux monastiques sont un 2e baptmème.(130) 3 La moniale, au moment des vœux, est considérée comme pure de tout péché et sûre de son salut. Cependant, cette certitude n’est pas un acquis mais doit être entretenu par une sanctification permanente. Sur cette voie : Le monastère protège contre tentations, physiquement et par la vie commune (avantage par rapport à recluse) L’obéissance monacale est méritoire La moniale peut compter sur l’intercession de Marie. La mystique nuptiale est transmise aux moniales dans des traités d’édification qui « psychosomatisent » la métaphore, p. ex. « éloge de la vie monastique » (Lob des Klosterlebens : mss ville de Nuremberg)(p150s), valorisation de la composante émotionnelle de la piété. Dans le « miroir de la perfection » (Spiegel der Vollkommenheit du franciscain Hendrik Herp), orig. en neerlandais, transmis à Ste-C. par le dom Peter Kirschlag fin Xve., traduit en allemand par un confesseur Hass : 12 obstacles à la vie contemplative, puis élévation de l’âme par degrés ; mais discrédite des expériences unitives - le but est une unio dans un état d’abandon qui confine à la mystique abyssale (158). Prééminence de l’amour sur la raison, de l’affectif sur le cognitif, même s’il accorde une forme de connaissance spéculative dans la contemplation. Montre la proximité des deuxièmes ordres des dom et des franc quat à la cura monialum. Psychosomatisation semblable dans la mystique compassionnelle : la moniale est appelé à se remémorer la Passion jusqu’à éprouver elle-même les souffrances. Toute maladie ou souffrance est comprise comme envoyée par Dieu. Les attaques de la Réforme sont comprises dans ce sens. Le souci de la Réforme pour la justification repose sur l’anthropocentrisme humaniste qui n’est pas compréhensible pour les moniales de Ste-C. (168). L’idéal de virginité repose sur les pères de l’Eglise inspirés par la gnose. Il est réinterprété au XIIe selon 3 axes : L’insistance sur l’humanité du Christ (Anselme de Cantervury) implique une plus grande attention à sa masculinité. L’enseignement du mariage spirituel (Hugues de St-Victor) de Marie est transposé sur l’âme individuelle. Le commentaire du Cantique de Bernard va dans le même sens. l’ensemble est dé-métaphorisé et appliqué à la relation entre moniale et Christ qui devient l’apanage de la spiritualité féminine. La consécration de la moniale fait explicitement réf. à ce complexe, elle est de plus en plus calquée sur la célébration d’un mariage mondain et désigne la moniale comme épouse du Christ (Couronne, alliance, réf. aux vierges sages) et un Jésus masculin et désirable.(179) C’est la prieure qui reçoit les vœux et qui bénit la nouvelle moniale. Abandon de toute réf. à la foi virile et au combat de la foi pour valoriser exclusivement la douceur de la fiancée. (184) Souvent Jésus n’est qu’un enfant dans les représentations d’épousailles pour éviter l’érotique. Cette conception de soi garantit la soumission. Les traités destinés aux laïcs montre une image plus positive du mariage, auprès des moniales il est dévalorisé par rapport à la virginité. Depuis Jérôme, le péché originel est expliqué par la sexualité. Seule la pureté virginale de la moniale la rend apte à connaître Dieu, la rend supérieure aux anges, imago dei. La vertu est conçue comme « l’enfant » qui résulte de ce mariage spirituel. La pure moniale est associée à Marie, Jean-Bapt. Et Jn l’évangéliste. Vie monacale comprise comme imitatio. Par son statut conçu comme privilégié de la moniale en tant qu’épouse du Christ elle est censée bénéficier de connaissance mystique qui lui est réservée (211). 4 Sortir du monastère après la Réforme protestante nécessite donc une mise en question de la vision du Christ et de la conscience de soi sans offrir le moindre privilège. Luther dénonce les vœux monacaux en 1522 comme contraires à L’Ecriture La justification par la foi La liberté évangélique La raison humaine et aux commandements divins. Analyse lettres protestantes pour inciter moniales à quitter le monastère : Sebald Pfinzing : Vie monacale pas dans l’Ecriture salut sur mérite Egoïsme des moniales qui n’accomplissent pas l’amour du prochain et de l’ennemi et ne s’occupent pas des parents Le vœux d’obéissance empêche d’accomplir d’autres commandements La pauvreté est fausse puisque la moniale jouit de tout Il n’est pas dans le pouvoir de l’homme de jurer chasteté éternelle Johannes Schwanhäuser Prédicateur à Ste-C. depuis 1525 après avoir été démis de ses fonctions à Bamberg à cause de ses idées réformées. Traite les moniales d’endurcies Monachisme pas voulu par Dieu, pas dans l’Ecriture, amène le groupe à se séparer du reste de la chrétienté Chasteté : seule compte celle du cœur Impossibilité d’aider son prochain Vœux d’obéissance donne l’emprise sur les moines et moniales et les induit en erreur Juge acceptable de rester au monastère que pour les vieilles et malades,, et celle qui n’ont aucune chance de trouver un mari (226). L’argumentation de la Réforme vise à obliger les femmes à se marier car elles sont faites pour avoir des enfants. Luther reconnaît aux femmes la participation au sacerdoce universel mais réduit à l’intérieur de la famille. La première liturgie protestante de bénédiction nuptiale (Nuremberg 1526) fait réf. à 1 Tim 2,15 promettant le salut à la femme par la maternité. L’appel à se marier demande plus aux moniales qu’aux moines parce qu’elles se comprennent comme épouses du Christ, du coup mariage = adultère. Le reproche de vouloir se justifier par ses œuvres peut être facilement récusé par les moniales qui ont pris au sérieux les enseignements de la réforme dom. Le renvoi vers la seule Ecriture tombe à plat pour des moniales auxquelles on a toujours enseigné que la contemplation vaut mieux que l’enseignement. La réforme médiévale avait assouplit les relations familiales par des « familles spirituelles ». Les moniales ont choisi la mère supérieur contre leur mère biologique. La Réforme protestante dévalorise cette relation spi pour « fixer la maternité sur le biologique. » (239) La critique du monachisme formulé par Schwanhäuser leur demande d’un côté de remettre radicalement en question leur façon de fonctionner, donc un haut degré d’initiative personnelle, mais la seule alternative qui leur est offerte est de retourner chez leur parents auxquelles elles doivent alors obéissance, ou de se marier, auquel cas c’est au mari qu’il faut obéir. La femme ne dispose pour Schwanhäuser d’aucune autonomie juridique. La vie contemplative n’est reconnue d’aucune utilité par la nouvelle éthique du travail. 5 III. Conséquences pratiques : sortir ou rester ? La clôture stricte est un des facteurs qui ont fait que les idées de la Réforme sont entrées tard dans les couvents dom. L’opinion publique gagnée à la Réforme critique le monachisme à partir de trois perspectives : Théologique : justification par la foi Economique : les monastères sont une concurrence pour les artrisans Philosophique : avec l’humanisme, la foi devient une affaire éthique privée : effacement de la barrière entre clercs et laïcs. Par ailleurs, les moniales sont l’objet de diffamations massives. La multiplicité des options religieuse semble intolérable. Ste-C. organise une résistance aux interdictions diverses dont elles sont l’objet : interdiction de sonner les cloches, de la cura monialum et de la prédication dom. Obligation de se soumettre à un entretien personnel et d’écouter des prédications protestantes, obligation de laisser libre entrée aux parents. Les moniales sont appelées à sortir du couvent, les parents obtiennent le droit de les sortir de force. Malgré ces mesures, la majorité des moniales restent. Aucun document où une moniale prend position face aux idées de la Réforme. Seuls les documents de comptabilité permettent de tirer quelques conclusions. Entre 1525 et 1532, 9 moniales ont quitté le monastère. Ursula est repris par la force par sa famille, elle a 17 ans, elle meurt 5 ans après le mariage. 2 sœurs sur pression de la famille. Barbara se laisse convaincre par sa famille, mais est trop âgée pour se marier Barabara Reychin et Katharina Schwarzin sortent par conviction, mais la dernière convainc sa sœur d’y rester car la situation financière de la famille ne permettaient pas de la nourrir. Les femmes qui sortent du couvent ont peu de chances de trouver un travail, d’autant que l’artisanat est pratiquement interdit aux femmes au XVIe s. Appolonia sort pour motif personnel et se marie aussitôt. Elle semble utiliser l’argent que le couvent lui reverse comme dot pour se marier. Les histoires ne sont pas faciles à reconstituer puisque les livres civiles ne mentionnent pas le nom de jeune fille des femmes mariées. Les moines qui sortent des monastères trouvent illico du travail… Les femmes perdent toute possibilité d’un travail intellectuel, même limité, et toute liberté spirituelle.(269) 82% des moniales sont restées. Le couvent est le seul endroit où elles ne dépendent pas d’une tutelle financière masculine, où elles ont une certaine liberté spirituelle et intellectuelle. La nouvelle société civile de la Réforme ne permet plus à une femme de diriger un groupe de personnes, ni de gérer un patrimoine financier. (273) Les moniales arrivent même à faire en entrée clandestinement de nouvelles sœurs. Charles V confirme en 1548 les privilèges du couvent mais il n’arrive pas à s’affirmer contre le conseil de la ville. Le conseil fait tout pour soutirer au couvent sa base financière et n’autorise aucune nouvelle entrée. Le couvent meurt de lui-même. Conclusion 9 des 50 moniales sortent, la plupart sur pression de leur famille. Elles doivent développer un haut degré d’initiative personnelle pour se dégager de l’identité de groupe forte. Leur vision du monde doit les confronter à des angoisses spirituelles importantes, d’autant qu’à cause de la clôture stricte, elles sont confrontées plus tard avec les idées de la Réforme que le reste de 6 la population. Elles doivent s’intégrer dans des structures patriarcales sans aucun espace de liberté personnelle, elles n’ont pas la possibilité de travailler ni d’étudier. IV. D’autres monastères Engeltal : 1/3 des moniales quitte le monastère ; celles qui restent : plus par habitude que par conviction. Les idées luthériennes entrent tôt dans le monastère, la dernière prieure est protestante et le monastère est remis au conseil de la ville en 1565. Anna Tucherin, acquise aux idées de la Réforme, n’obtient pas l’autorisation de ses parents pour sortir du monastère. Lors de la guerre (Markgrafenkrieg) les moniales sont évacuées, retournent en 1554 au monastère, il n’en restent que 10 ; Anna devient prieure d’un couvent de fait sécularisé, mais les femmes préfèrent y rester pour garder leur indépendance. (299). Bamberg : coexistence pacifique entre cathos et prot avant la contre-Réforme ; les archives ne parlent pas de sortie de moniales durant la Réforme mais d’autres sources permettent de conclure que celles dont la famille était prot sont sorties, mais moins qu’ailleurs. Facteurs ayant influencé le destin des monastères fém. Corrélation entre date et intensité de la réforme dom d’une part et la résistance à la Réforme prot de l’autre. Soutien des autorités civiles plus importantes que la disposition spirituelle des moniales : même quand les prieures et leur moniales résistent de tous leurs moyens, elles sont condamnées à disparaître si le conseil est protestant - pression par entretiens perso - suppression des aides financières - politique familiale donnant à la famille le droit de décision - interdiction de nouvelles recrues (les hommes pouvaient toujours faire venir des frères d’ailleurs, ce qui n’était pas le cas pour les femmes) Renforcement de l’emprise familiale et suppression du dernier domaine d’autonomie féminine. Conclusion Pour une femme habituée à l’idée que sa vocation est de participer par sa prière collective au salut de la communauté, non seulement monacale mais aussi civile, qui se sent l’épouse du Christ, son salut personnel est une question secondaire devant la responsabilité spirituelle pour l’ensemble de la société. La Réforme réduit la femme à son rôle de mère biologique, d’autant qu’entre temps la société civile avait supprimé les possibilités d’étude intellectuelle et d’activité professionnelle pour les femmes. Les moines pouvaient se « reclasser » facilement dans la Réforme, ce n’était pas le cas pour les moniales. Annexe - Biblio Description du corpus des mss utilisés : txt de l’ancienne bibliothèque du monastère ste-C. : localisation des mss, titre incipit et fin, genre, auteur, copiste et date, état textuel, littérature (si connus), évtl. Remarques Liste des moniales présentes après 1525, pour autant qu’elles sont connues, et la localisation des notices les concernant Statistiques comptables du monastère Reproduction, transcription et commentaire d’une déclaration de profess Bibliographie index 7 p. 9, 176 Recension Ce livre de belle facture reprend la thèse de théologie de l’auteur, soutenue à Erlangen en 2005. Barbara Steinke cherche à élucider la question pourquoi les monastères féminins de Nuremberg en général, et Sainte-Catherine d’obédience dominicaine en particulier, ont résisté si longtemps et avec tant d’acharnement à la Réforme. Une première partie situe la vie au monastère dans son contexte historique. Sainte-Catherine s’était d’abord opposé à la réforme dominicaine à la toute fin du XIVe siècle. C’est sur la pression des autorités civiles qui s’y intéressent apparemment surtout pour des raisons financières, que le couvent a finalement accepté la nouvelle observance en 1428. Le conseil municipal y gagne en influence, tant par la nouvelle gestion des biens que par son droit de décider des nouvelles admissions. Les nouvelles règles renforcent la clôture stricte et la soumission des moniales à la conduite spirituelle des prêcheurs. Le nombre de volumes de la bibliothèque augmente de façon spectaculaire, la plupart des volumes sont copiés au monastère même. C’est surtout l’analyse de cette littérature, environ 500 manuscrits, presque exclusivement vernaculaires, qui permet à l’auteur d’aborder dans sa deuxième partie les thèses luthériennes à travers le prisme de la vision du monde et de soi telle qu’elle apparaît à travers ces textes. La vision du monde que les dominicains s’efforcent à inculquer aux moniales à travers des lettres et des traités de piété – l’auteur parle de « pastorale à distance » - peut se résumer de la façon suivante : combat de l’individualisme spirituel des moniales pour renforcer la vie conventuelle ; formation théologique limitée, centrée surtout sur une vie contemplative ; préséance de l’amour sur la raison, sans exclure totalement la réflexion intellectuelle ; mise en garde contre toute autosatisfaction spirituelle. Les dominicains transmettent aux moniales une christologie particulière, différente de celle prêchée aux hommes : un Christ masculin et désirable est proposée à la contemplation des femmes désignées comme ses épouses. Une connaissance mystique leur est accordée comme privilège de leur statut d’épouse virginale. Ce qui, dans la mystique nuptiale, était une métaphore, devient ici réalité psychosomatique. De même la com-passio est dé-métaphorisée pour inciter la moniale à sentir physiquement la souffrance du Christ. Ainsi ces femmes vivent dans une conscience de soi très affirmée, sûres de participer par l’accomplissement de leur vocation au salut, non seulement personnel, mais pour l’ensemble de la société. Même si le temps des grandes femmes mystiques est révolu et qu’il s’agit maintenant d’une piété bien soumise au premier ordre, les moniales gardent encore une relative autonomie. Elles gèrent leurs ressources et la vie intérieure au monastère ; c’est la prieure qui reçoit les vœux des nouvelles moniales après leur noviciat. L’analyse des lettres et traités écrits après la Réforme montre que cette vision du monde fait tomber à plat les arguments luthériens. C’est le cas notamment pour la justification par la foi. En effet, celle-ci présuppose une vision anthropocentrique du salut propre à l’humanisme, mais qui reste étrangère à ces femmes strictement cloîtrées, entrant en contact tardivement avec les nouvelles idées. Le reproche d’une justice des œuvres n’est guère recevable tant qu’elles sont habituées à traquer toute autosatisfaction spirituelle. Pour elles, la vie monacale est fondée bibliquement par la métaphore du désert et l’imitatio Christi. Le reproche d’être inutile à la société, fondé sur la nouvelle éthique du travail, leur est incompréhensible tant elles sont persuadées d’œuvrer pour le salut de tous. Mais surtout, la Réforme ne leur laisse aucune autre alternative que celle du mariage. Si les anciens moines trouvent facilement un nouvel emploi, tel n’est pas le cas des moniales. Tant les études que l’artisanat sont fermés aux femmes depuis la fin du Moyen 8 Age. Les luthériens condamnent sévèrement l’obéissance monacale, mais seulement pour la remplacer par celle au mari ou aux parents. Le sacerdoce universel s’applique en théorie aux femmes, mais uniquement à l’intérieur de la famille. Ainsi leur résistance devient compréhensible. Elle est détaillée dans la troisième partie qui retrace le destin des différentes moniales dont la vie a pu être reconstruite du moins dans les grandes lignes. 82% des moniales restent malgré les intimidations sévères. Le couvent disparaît finalement par la mort des dernières femmes, le conseil de la ville ne permettant aucune nouvelle admission. La comparaison plus succincte avec les autres couvents des environs confirme la tendance. Le cas de la dernière prieure d’Engelthal est particulièrement intéressant : gagné très tôt aux idées de la Réforme, elle voudrait sortir du couvent, mais ne le peut pas sans le soutien financier de la famille. À un âge plus avancé, elle devient prieure d’un monastère de fait sécularisé, mais dans lequel les femmes restent pour sauvegarder les dernières bribes d’autonomie. L’annexe donne le détail des manuscrits utilisés, la liste des moniales présentes après 1525, les statistiques comptables du monastère, les index d’usage et la reproduction, la transcription et le commentaire de la déclaration de foi d’une moniale. L’ensemble représente un travail fouillé, de lecture agréable, et constitue une pièce importante à verser au dossier pour la compréhension des ressorts idéologiques à l’époque de la Réforme.