L’ESPRIT
Des chances égales pour atteindre l’éveil
Depuis qu’elle est devenue Bhikkhuni, il y a 20 ans de cela, Jampa Tsedroen sest
engagée afin de donner la possibilité aux autres femmes de poursuivre la
pratique de leur foi.
VASANA CHINVARAKORN
L’humilité est son trait de caractère le plus significatif. En dépit d’un engagement important au
cours des deux dernières décennies, la Vénérable Jampa Tsedroen est restée une femme
sereine et modeste.
Mais sa chaleur humaine naturelle est marquée dune sérieuse détermination. En fait, cest
probablement léquilibre entre ces deux qualités qui lui permet de faire ce quelle fait si bien,
c'est-à-dire militer en son nom pour que les femmes du monde entier soient capables de
poursuivre leur chemin vers léveil en tant que Bhikkhuni, c'est-à-dire moniale bouddhiste ayant
reçu la pleine ordination.
La mission quelle simpose est loin dêtre facile; la moniale dorigine allemande remarque en
riant quelle a rarement le temps de dormir. De plus, la nature controversée du problème quelle
a soulevé cest-à-dire que la majorité des moines refusent dentendre parler de la possibilité
dadmettre des femmes, et quen même temps certains groupes de femmes concernées évitent
le sujet ou se plient à lavis de leur contrepartie masculine, conduit la nérable Jampa
Tsedroen à avancer avec une grande prudence.
Bien quen politique et dans la défense dautres causes sociales, lutilisation de termes tels que
“droits ou “combat risque de provoquer des peurs ou me de discréditer le mouvement,
Jampa Tsedroen avance tout de même, prenant le risque dêtre qualifpar ses opposants de
combattante féministe, cest-à-dire de “gung-ho“.
Quiconque intègre la voie bouddhiste préfèrerait de loin vivre une vie paisible en harmonie avec
ses coreligionnaires. Nous voulons pacifier nos propres esprits. Ainsi, par exemple le mot
"combat" nest pas dusage dans les enseignements bouddhistes, nous explique la Bhikkhuni.
“Je viens dune tradition lon nous entraîne à êtres critiques et à nous battre pour nos droits.
Mais je remarque que si je traduis en tibétain le mot “droit“, c'est-à-dire “tobtang“, je ne manque
pas de choquer. Mon professeur me disait souvent quil était plus convenable de dire “gokab“,
qui signifie “chance“ ou “opportunité“. Mais je suis aussi politiquement active, jai étudié le
problème de la violation des droits de lhomme au Tibet. Je suis donc habituée au mot “combat“,
et je suis prête à combattre, si cela s'avère nécessaire.
“Lors de la conférence dinauguration de Sakyadhita International (Association des femmes
Bouddhistes) à Bodh-gayâ en 1987, je me souviens que Sa Sainteté le DalLama lui-même
disait: Vous les femmes, vous devez vous battre pour ça [l'ordination de Bhikkhuni]. Vous ne
pouvez pas attendre que les moines vous la servent sur un plateau”.
La sensibilité sémantique nest quune petite partie du défi que représente la notion d'aider les
femmes bouddhistes. Lobstacle majeur s'inscrit dans les centaines dannées de patriarcat dont
la sphère spirituelle na pas été épargnée.
Ironie du sort, les opposants actuels justifient leur démarche par le fait que le Bouddha n'ait
autorisé le premier groupe de femmes à être ordonné, que sur l'insistance expresse de sa belle-
mère Mahapajapati, étant préci que le consentement ne fut finalement don par le
Bienheureux quaprès que le moine qui l'assistait eut plaique les femmes étaient tout aussi
capables que les hommes datteindre lillumination.
Les opposants à lordination minine se retranchent ainsi derrière le refus initial du Bouddha
face à la demande de Mahapajapati, et l'existence de huit règles appelées Gurudharma qui
restreignent fortement le rôle monastique des femmes.
A de nombreuses reprises, les opposants font également référence à la rupture de la lige
Bhikkhuni en parallèle avec le déclin des institutions ecclésiastiques en Inde et au Sri Lanka.
Face à une telle opposition, lapproche de la Vénérable Jampa Tsedroen se contente dun appel
modéré et poli à un retour à lesprit originel des enseignements du Bouddha.
Plutôt quun appel à l'émotion, la Bhikkhuni et ses coreligionnaires militants se sont engagés
dans une étude rieuse des textes sacrés de Vinaya afin de montrer combien il était
courageux, visionnaire et compatissant d'ouvrir lespace à “lautre sexe“.
Un des textes que Jampa Tsedroen cite souvent est le Cullavaga X, dans lequel le Bouddha
répond à la question de son disciple Ananda quant à la capacité des femmes qui décident de
partir loin de chez elles pour se vouer dans la solitude à la pratique du Dharma, de pouvoir se
libérer du cycle du samsara (le cycle sans fin de naissance, souffrance, mort et renaissance).
Le Bouddha répondit: “Les femmes, Ananda, ayant été loin, sont capables de réaliser le fruit
dun accomplissement continu ou le fruit dun unique retour“, celui de “non-retour ou “niveau
dun Arahant”.
Ces mots vivifiants furent prononcés à nouveau lors dun récent discours capital de Jampa
Tsedroen au bureau de lONU à Bangkok, la moniale faisait partie des 20 destinataires du
prix de lONU 2007 des Femmes Bouddhistes Exceptionnelles.
Que dirait le Bouddha de nos jours ? Peut-on suivre les préceptes bouddhistes tout en mettant à
part les droits de lhomme ? Cest la question que Jampa Tsedroen a posée lorsqu'elle a ru
son prix. Ne serait-il donc plus possible de devenir une Bhikkhuni de nos jours, alors que tout le
monde parle de la parité hommes femmes (droits garantis par la Déclaration Universelle des
Droits de lhomme et par la Charte des Nations Unies), et alors quil y a 2500 ans, pendant la vie
de Bouddha, lordination des Bhikkhuni était effective.
Redonner vie au Sangha des Bhikkhuni ne signifie pas moderniser le Bouddhisme ou
simplement ladapter aux besoins séculiers. Redonner vie à ce Sangha signifie un retour aux
origines et à létat desprit de Bouddha.
Du coup, en dépit du fait que la rable Bhikkhuni refuse de sattribuer le mérite de son
travail, sa campagne au sein du Committee of Western Buddhist Nuns(Comité des Moniales
Bouddhistes Occidentales) annonce un chapitre rafraîchissant dans lhistoire de la
mondialisation du Bouddhisme.
Pour des raisons historiques, la tradition bouddhiste mahāyāna (aussi appelée Dharma Gupta)
telle que pratiqe en Corée du Sud, à Hong Kong, Twan et au Vietnam, a toujours été la
tradition la plus ouverte à l’ordination des femmes. De nombreuses femmes occidentales, dont
Jampa Tsedroen ont cherché et obtenu cette ordination dans ces pays-là.
Il est à noter que la tradition tibétaine autorise l’ordination des femmes seulement en tant que
novices, ou samaneris, alors que la tradition Theravada ne reconnaît ni l’existence des
samaneris, ni celle des Bhikkhuni. Ce sont ces femmes qui, avec l’aide d’autres femmes
bouddhistes ont fermement fait avancer les choses. Selon Jampa Tsedroen, Sa Sainteté le
Dalaï Lama, en tant que chef du bouddhisme tibétain, a accor son soutien au mouvement
destiné à faire revivre l’ordre des Bhikkhuni, en faisant une donation de 50.000 francs suisses
(c'est-à-dire environ 30.600 uro ou 1.400.000 bath) provenant de ses droits d’auteur afin de
financer les activités du Comité des Moniales Bouddhistes Occidentales.
Néanmoins, le leader tibétain a déclaré ne pas pouvoir agir seul face à ce problème crucial. Les
autorités monastiques, hommes et femmes, provenant d’autres traditions et pays bouddhistes
se doivent de participer au bat, afin que soit arrêtée une décision collective. C'est pour cette
raison qu'a été mûri l'idée d'un Congrès International historique portant sur Le rôle des femmes
bouddhistes dans le Sangha - Bhikkhuni Vinaya et lignées d’ordination“, lequel se tiendra du 18
au 20 juillet 2007 à Hambourg, en Allemagne.
En tant qu’organisatrice principale, Jampa Tsedroen a travaillé en liaison aussi bien avec les
supérieurs des moines et moniales de différentes traditions, qu’avec des laïcs et des chercheurs
non bouddhistes travaillant sur le Vinaya et l’histoire du bouddhisme.
Sa Sainteté le Dalaï Lama très intéres par les opinions des moines du Theravada car ils
connaissent parfaitement le Vinaya, aimerait que ceux-ci présentent le meilleur moyen de faire
revivre lordre des Bhikkhuni en accord avec le Vinaya. Seront donc invités à Hambourg autant
de chercheurs du Vinaya que de moines leaders de pays du Theravada afin qu'ils se penchent
ensemble sur les spécificités du bouddhisme tibétain.
Sa Sainteté a aussi déclaré quil aimerait trouver un soutien de la part de tous les pays le
Bouddhisme est pratiqué afin qu'ils acceptent de favoriser l'élévation du statut des femmes.
L'idéal serait donc d'aboutir à une résolution internationale commune, permettant de soutenir
moralement tous les leaders bouddhistes dans l'optique de faire revivre les préceptes des
Bhikkhuni“.
La restauration, si elle était mise en place, ne profiterait pas seulement au domaine
ecclésiastique. Dans le même discours devant l’ONU à Bangkok, Jampa Tsedroen affirmait que
le bas niveau social des femmes ne à leur exclusion des ordres religieux, et que cet état de
fait était à l’origine de la perpétuation de leur oppression. Beaucoup de partisans de l’ordination
des Bhikkhuni consirent qu’il existe un lien direct entre le statut inférieur des femmes au sein
du Bouddhisme thaïlandais, et leur statut inférieur au sein de la société civile (thlandaise), ce
qui les expose à des risques d’abus tels que la violence domestique et le trafic sexuel.
En revanche, Jampa Tsedroen faisait remarquer que certaines moniales avaient un rôle majeur
dans le progrès social de pays tels que Taïwan et la Corée du sud. Grâce à l'accès à une bonne
éducation, elles sont devenues des atouts de valeur, au service de leur communauté dans de
nombreux domaines et de nombreuses institutions (hôpitaux, universités, media, chaînes de
télévision bouddhistes), écoles, petite enfance, etc..
À lapproche de la cinquantaine, Jampa Tsedroen qui donne des enseignements et termine une
thèse de doctorat à lUniversité de Hambourg, ne ménage pas ses efforts en faveur de l'aide aux
réfugiés dans le cadre du Centre tibétain de Hambourg, et de la cause des femmes. En vertu
dun programme quelle avait initié s 1988, elle œuvre aussi à la formation de jeunes moniales
tibétaines en Inde du sud. Ce n'est pas sans fierté qu'elle a évoquée comment les élèves
moniales avaient exceldans leur formation religieuse, deux dentre elles ayant de ce fait été
récemment invitées à enseigner de lAbhidharma (matière de très haut niveau) dans un
monastère à Taïwan. Mais lorsque lon en vient à parler de sa propre pratique, la Vénérable
Bhikkhuni reste très modeste. Fidèle à ses vœux de Bodhisattva, Jampa Tsedroen déclare que
le service de la Communauté était pour elle chose plus importante que nimporte quel
épanouissement personnel. Modeste, elle déclare: “J’ai l’impression de ne pas avoir assez
pratiqué. J’ai accumulé des qualités et j’ai grandi en sagesse, mais je n’ai pas assez de temps
pour méditer et prendre du recul.
“Maintenant je me sens vieillir, mes cheveux grisonnent et ma vue baisse, j’ai des problèmes de
dos et je perds la moire. J’ai un peu peur" Puis après une pause elle s’est esclafe pour
déclarer qu'elle mourrait probablement avant de pouvoir pratiquer une méditation appropre".
“Nous devons prendre la vie comme elle vient, et prendre le meilleur de chaque situation. Je
mets donc beaucoup d’espoir dans les jeunes moniales tibétaines.“
Le Congrès International consac au rôle de la femme bouddhiste dans la Sangha se tiendra
du 18 au 20 juillet 2007 à Hambourg en Allemagne.
Pour plus de détails voir http://www.congress-on-buddhist-women.org
Source : http://www.bangkokpost.com/Outlook/25Mar2007_out01.php_
LAssociation Sakyadhita France“, est la branche française de lAssociation
Internationale des Femmes Bouddhistes Sakydhita International“, chargée de la
communication du congrès dans lhexagone
Internet : www.sakyadhita-europe.org Contact : [email protected]r
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