Il semble assez raisonnable d’envisager que le salarié adoptera une solution intermédiaire (raisonnable et
conforme aux hypothèses néoclassiques habituelles sur la forme des préférences du consommateur) ; il répartira
l’accroissement de sa richesse entre un surcroît de loisir (ce qui suppose une baisse de son temps de travail) et un
surcroît de consommation. En résumé, l’effet de revenu est tel qu’à une hausse du salaire correspond une baisse de l’offre
de travail.
– Effet de substitution. L’élévation du salaire élève le coût d’opportunité (le « prix ») du loisir, parce que ne pas
travailler coûte plus cher (le manque à gagner d’une réduction d’une heure de travail s’accroît de 5 €). Autre
façon de dire la même chose, le salarié doit renoncer à plus de biens qu’auparavant pour obtenir une heure de
loisir. Autrement dit encore, le prix des biens baisse par rapport à celui du loisir.
Pour atteindre l’utilité (le bien-être) maximum, le salarié réduit sa consommation de loisir (car elle est devenue
plus coûteuse) et augmente sa consommation de biens (dont les prix relatifs ont baissé). Autrement dit, le salarié
réagit à la hausse du salaire en augmentant son temps de travail. De cette façon, il substitue des biens à du loisir.
On parle pour cette raison d’effet de substitution. En résumé, l’effet de substitution est tel qu’à une hausse du salaire
correspond une hausse de l’offre de travail.
L’élévation du salaire a donc deux effets opposés : l’effet de revenu réduit l’offre de travail ; l’effet de substitution
l’augmente. En énonçant d’une façon générale que l’offre de travail s’élève lorsque le salaire croît, les néoclassiques
postulent que l’effet de substitution l’emporte sur l’effet de revenu.
Récapitulons : l’offre de travail est une fonction croissante du salaire réel ; la demande est une fonction
décroissante du salaire réel. Les droites (ou les courbes, peu importe) qui en sont la représentation graphique
doivent donc se couper en un point P [graphique A]. Ainsi se définit un équilibre du marché du travail qui satisfait
à la fois les salariés et les entreprises. Au salaire Wpe, les premiers offrent une quantité de travail Npe, c’est-à-dire
précisément ce que les secondes demandent.
Cet équilibre correspond au plein emploi : tous ceux qui veulent travailler à ce salaire-là le peuvent (par
définition même de la courbe d’offre). En P, il ne peut y avoir que des « chômeurs volontaires », c’est-à-dire des
salariés qui accepteraient de travailler si le salaire était plus élevé, mais ce ne sont pas des chômeurs pour les
économistes. En P, il n’y a en tout cas aucun « chômeur involontaire », c’est-à-dire qu’aucun salarié acceptant le
taux de salaire courant Wp n’est sans emploi.
Dans une telle logique, la seule façon de faire apparaître du chômage est d’imaginer que le salaire est
durablement supérieur au salaire d’équilibre Wpe. Le plus simple est alors de supposer qu’il existe un salaire
minimum Wm (supérieur à Wpe) en dessous duquel le salaire courant ne peut pas descendre, soit parce que c’est
un minimum légal (SMIC) ou contractuel (accords de salaires dans certaines branches), soit parce que les salariés
font obstacle à la concurrence parfaite en se concertant pour refuser des salaires plus bas (les néoclassiques ont
imaginé de nouvelles théories pour avancer que le salaire peut être durablement au-dessus du salaire
d’équilibre).
La demande de travail des entreprises va s’établir à N1, c’est-à-dire plus bas que Npe (si vous ne comprenez pas
pourquoi, relisez plus haut le passage qui explique la relation entre salaire, productivité marginale du travail et
demande de travail). L’offre de travail sera N2, donc plus élevée que Npe (pour le comprendre, relisez
éventuellement le passage sur l’offre de travail). Sur le graphique A, le chômage est donc N1N2.
Un tel raisonnement débouche nécessairement sur l’idée que la lutte contre le chômage passe principalement par
une baisse du salaire ; sur l’idée également que cette baisse aurait lieu spontanément si les mécanismes ou les
institutions qui entravent le bon fonctionnement de la concurrence parfaite étaient détruits.
Jean-Paul Piriou, NM 2003, p. 698-700
Question 7, p. 356
Comment interpréter la notion de chômage volontaire défendue par les auteurs néoclassiques ? (doc. 3)
Certaines personnes sont au chômage (ou à la recherche d’un emploi) parce qu’elles n’acceptent pas de travailler
pour le salaire d’équilibre. Elles attendent de trouver mieux que ce qu’on leur propose. Selon les auteurs
néoclassiques : être au chômage est donc un acte volontaire.
Question 8, p. 356
Comment expliquer la notion de chômage « de frottement » ? (doc. 3)
Keynes se réfère ici à l’analyse de C. A. Pigou et ce que l’on a pris l’habitude de nommer le « chômage
frictionnel ». Celui-ci s’explique par un décalage entre les besoins en main-d’œuvre des entreprises et les
qualifications correspondantes de la population (« une disproportion temporaire des ressources spécialisées »),
ainsi que par une insuffisante mobilité géographique de la main-d’œuvre (« le transfert d’un emploi à un autre ne
peut être effectué sans un certain délai de telle sorte qu’il existe toujours dans une société non statique une