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INTRODUCTION
L’île de la Réunion, située à 800 km de Madagascar et à 200km de l’Ile Maurice, qui
est la terre la plus proche est par son éloignement de la France et son isolement dans
l’océan indien encore plus méconnue que les départements français d’Amérique
(Martinique, Guadeloupe, Guyane).
La Réunion se caractérise d’abord par une population très métissée : ses habitants
ont des origines européennes, ouest-africaine, est-africaine, malgache, indienne, viet-
namienne, et chinoises. Cette cohabitation a donné lieu à une langue propre à la réunion le
créole réunionnais, une gastronomie créole fruit du mélange des gastronomies indiennes,
chinoise, européenne, et une musique
Malgré toute cette richesse culturelle et sa nature préservée, la Réunion souffre d’un
chômage très élevé (environ 25%), en raison d’une croissance forte de la population qui
atteint aujourd’hui 800.000 habitants.
Ces particularités proviennent de son histoire : une colonie qui a bâti sa prospérité
sur la culture du café à partir de 1715, puis de la canne à sucre. Ces deux cultures se sont
développées par la main d’œuvre d’esclaves venant d’Afrique puis d’Inde et de chine au
XIXème siècle. Toutefois, contrairement aux colonies des Antilles le métissage des
populations est intervenu dès l’origine, ce qui fait que les blancs créoles ne sont pas autant
concentrés dans la classe possédante. Ce métissage a permis que les antagonismes raciaux
opposant les ethnies sont moins forts que dans les autres DOM. Il est alors possible de se
demander l’origine du département de la Réunion qui a des conséquences sur la situation
économique de la Réunion.
Il est donc intéressant de présenter le contexte historique et institutionnel (I-) pour
comprendre les évolutions économiques et sociales actuelles (II-)
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SOMMAIRE
I- Contexte historique et institutionnel
A- Aperçu historique de la Réunion
B- Spécificités des institutions
II- Une économie dynamique et diversifiée mais un
chômage massif
A- Dynamisme et diversification
B- Un chômage massif
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I- Contexte historique et institutionnel
Un aperçu historique (A-) permet de comprendre le statut actuel qui est spécifique à
la Réunion.
A- Aperçu historique de la Réunion
La Réunion est une des seules îles de l’océan indien dont les premiers habitants aient
été des européens. En effet, l’île était totalement inhabitée avant sa découverte par des
navires européens en route vers les indes. Elle aurait été découverte en 1500 par le
navigateur portugais Diogo Dias, même si des explorateurs arabes semblent l’avoir déjà
repérée avant. Un second navigateur portugais, Pedro de Mascarenhas y débarque en 1512
le jour de la sainte-Apolline, ce qui lui vaut le nom Santa Apollonia. Vers 1520, les îles de la
Réunion, Maurice et Rodrigues sont appelées archipel des Mascareignes du nom du
navigateur Mascarenhas. Au début du 18ème siècle, l’île restait inhabitée, ne servant que d’
escale pour la route des indes pour les bateaux anglais et néerlandais.
Les français y ont ensuite débarqué en 1642 et l’ont baptisé Ile de Bourbon, du nom
de la famille royale. En 1646, douze mutins chassés de Madagascar, alors française, sont
abandonnés sur l’Ile de Bourbon. Le peuplement s’intensifie à partir de 1665. En effet, les
vingt premiers colons débarquent cette année après une traversée marquée par la mort de
douze personnes lors de l’escale du Cap Vert.
En 1715, la présence de la France se renforce dans l’archipel des Mascareignes car
l’île Maurice passe sous son contrôle, prenant le nom d’Ile de France. Bertrand-François
Mahé de la Bourdonnais, gouverneur de l’Ile de Bourbon de 1715 à 1735, donne une
dimension stratégique à l’île, qui sert de base de ravitaillement à l’Île Maurice. Ainsi, jusqu’à
la cession forcée de l’Ile Maurice à l’Angleterre en 1815, le développement de la Réunion est
sacrifié au profit de sa voisine l’Ile Maurice. La culture du café permet une relative prospérité
à la colonie au XVIIIème siècle. Mais d’une part cela n’empêche pas un appauvrissement
d’une partie de la population blanche dont les deux tiers sont considérés indigents en 1836.
D’autre part la culture du café, comme plus tard celle de la canne à sucre est à l’origine du
développement de l’esclavage.
A la Restauration, la perte de l’Ile Maurice fait que la Réunion est avec la Martinique
et la Guadeloupe l’un des trois seuls territoires de production de canne à sucre. C’est pour
cette raison que l’économie est réorientée vers cette culture qui bientôt supplante celle du
café.
La culture de la canne à sucre, permise par l’esclavage, fait culminer sa prospérité
sous le second-empire.
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Le 20 décembre 1848, Sarda Garriga, nommé par Victor Schoelcher pour mettre en
œuvre le décret d’abolition de l’esclavage à la Réunion, proclame cette abolition. Louis-Henri
Hubert Delisle devient le premier gouverneur créole de 1852 à 1858. Malgré sa politique
d’aménagement, la crise économique touche l’Ile à partir de 1870. D’une part, en raison de
l’ouverture du canal de Suez en 1869, qui détourne les grandes routes maritimes loin au
nord de l’Océan Indien. D’autre part, du fait de l’intérêt privilégié que le gouvernement
français porte à partir de 1880 à Madagascar.
La seconde moitié du XIXe siècle voit la population réunionnaise évoluer, par l’arrivée
massive d’engagés indiens dont une partie s’installe définitivement dans l’île, et par la
libération de l’immigration en 1862. De nombreux Chinois et musulmans indiens s’installent
alors, et forment deux importantes communautés qui participent à la diversification
ethnique et culturelle. À partir de la fin du XIXe siècle, les sources d’engagements se tarissent
peu à peu. Nombre de propriétaires terriens louent alors leurs terres (pratique du colonage),
d’où l’émergence d’une population de travailleurs agricoles indépendants.
La Réunion participe à la première guerre mondiale en envoyant de nombreux
réunionnais en métropole, comme Roland Garros l’aviateur, ou Lucien Lacaze ministre de la
guerre de 1915 à 1917. La guerre a des conséquences positives pour la Réunion puisque les
cours du sucre augmentent, la France étant privée de ses terres betteravières, lieux de
combats. La modernisation se poursuit pendant l’entre-deux-guerres : l’électricité apparaît
dans les foyers aisés et dans les rues de Saint-Denis de la Réunion, la radio en 1926.
L’industrie sucrière se concentre en quelques grands groupes, qui se substituent aux
exploitants individuels de sucrerie. Mais ces progrès profitent surtout aux propriétaires
terriens, industriels, cadres, gros commerçants, la masse de la population demeure pauvre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Réunion souffre beaucoup de l’arrêt total de
ses approvisionnements par la métropole. De 1940 à 1942, le régime Vichy est imposé par le
Gouverneur Pierre-Emile Aubert. En 1942, un commando des Forces Françaises Libres
débarque à Saint-Denis et restaure le régime républicain. La guerre laisse la Réunion dans
une situation économique désespérée et il faut attendre la fin du conflit pour que la France
lui apporte à nouveau son aide.
Lors de sa transformation en département par la constitution de 1946, la Réunion ruinée,
bénéficie de gros efforts de la France pour la reconstruction de l’économie et le progrès
social.
La départementalisation à partir de 1946 a donc beaucoup profité à la Réunion, ce qui
explique son fort attachement à son statut départemental malgré les possibilités d’évolution
sous la Vème république, ce qui fait l’objet du B-.
B- Spécificités des institutions
1) Une opinion réunionnaise départementaliste
L’échec de la bidépartementalisation est révélateur de l’attachement beaucoup plus
fort des réunionnais au département. En effet, le projet de loi d’orientation pour l’outre-mer
de 2000 prévoyait dans sa rédaction initiale un article prévoyant la création, au plus tard au
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1er janvier 2002, de deux départements en lieu et place du département actuel. Le
gouvernement Jospin entendait de cette façon résorber le déséquilibre économique et social
entre un nord ouest riche et un sud et est plus pauvre. Rebaptisé « bidep » localement, ce
projet a été abandonné en 2000 en raison de l’hostilité des réunionnais qui ont manifesté à
Saint-Denis, le chef-lieu en scandant « coup’pa nou » qui veut dire « ne nous séparez pas »
en créole. Un sondage réalisé par l’institut Louis Harris du 19 octobre 2000 indiquait que
63% des réunionnais y étaient opposés.
De plus, les deux assemblées locales conseil général et régional ont émis un avis
défavorable sur l’avant-projet de loi. Ce découpage a notamment été contestée par Saint-
Paul et dans l’ouest en général, les habitants de cette micro-région pourtant proche de
Saint-Denis se trouvant lésé par leur inclusion annoncée dans le département sud. D’une
manière générale, la classe politique a été très divisée. Même à droite, certains comme le
maire de Tampon André Thien Ah Koon ont soutenu le projet, tandis que Jean-Paul
Virapoullé maire de Saint-André dans l’est a pris la tête de ceux qui y étaient opposé. Celui-ci
a même fait déposer à proximité immédiate de l’hôtel de ville de Saint-André une plaque
commémorative des manifestations opposées à la bidépartementalisation ou elles sont
présentées comme un grand acte de résistance du peuple de Réunion à une forme
d’oppression.
2) Le refus d’ évolution statutaire inscrit dans la constitution de 2003
Comme les autres DOM, la Réunion est nommément définie par la constitution, ce
qui signifie qu’elle ne peut être supprimée sans révision de la constitution. Elle est régie par
l’article 73 sous le régime juridique de l’assimilation législative. La révision constitutionnelle
a assoupli ce régime qui permet maintenant aux départements d’outre-mer d’adapter les
lois « dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par la
loi » (article 73). Toutefois, les élus n’ont pas voulu de l’alinéa suivant qui permet de fixer
des règles dans des matières relevant du domaine de la loi. Ils ont considéré que c’était trop
s’éloigner du statut des départements de métropole, même si cette possibilité pour les
assemblées de Guyane, Martinique et Guadeloupe ne peut pas porter sur des domaines
régaliens.
L’amendement qui exclue la Réunion du droit d’adaptation des lois a été déposé par
les sénateurs de la union Mme Anne-Marie Payet et Jean-Paul Virapoullé lors de la
discussion de la vision de 2003. La motivation de ces deux sénateurs s’appuyait sur les
propos de Jacques Chirac prononcés à Champ-fleuri à la Réunion le 18 mai 2001 : « chaque
collectivité d’outre-mer a droit à sa liberté de choix, y compris celle de garder son statut
actuel, et ne doit pas se trouver entraînée dans des évolutions qui ne seraient pas
souhaitées explicitement par sa population. A cet égard, la Réunion a choisi de rester dans
son statut départemental actuel et ce choix doit être respecté. » L’exposé des motifs ajoutait
que la Réunion tenait à respecter strictement le principe d’assimilation adaptée des lois et
règlements prévue au premier alinéa de l’article 73 alors que l’alinéa refusé consacrait un
principe proche de la spécialité législative qui régit les collectivités d’outre-mer. D’autre part,
les élus de la Réunion ont aussi refusé la disposition de la loi d’orientation pour l’outre-mer
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