Les nouvelles figures du militantisme. L`expérience

Congrès Marx International V - Section Sociologie – Paris-Sorbonne et Nanterre – 3/6
octobre 2007
Inconscient Politique et Rapport Social d’Humanité
Jacques Broda
Préface Alain Miguel
Marseille
Université de la Méditerranée

Congrès Marx International V - Section Sociologie – Paris-Sorbonne et Nanterre – 3/6
octobre 2007
Dire signifiant faire.
Et donc signifiant être
Notre façon d'être est de pratiquer
la parole militante

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octobre 2007
Inconscient Politique et Rapport Social d’Humanité
Long a été le chemin pour qu’émergent ces concepts, ces notions qui aujourd’hui font partie
du bien commun. Nous sommes partis d’un groupe de paroles, d’un atelier d’écritures et
aujourd’hui d’un séminaire. Tout ceci dans le cadre, le lieu, Fédération des Bouches-du
Rhône du Parti Communiste.
Au début nous ne savions pas où nous allions, et puis petit à petit les choses se sont décantées,
elles ont émergé, au prix d’un travail très intense de chacun et d’une fidélité indéfectible de
tous. Je reste persuadé que la bascule, le sel, le piment, l’originalité très profonde de notre
démarche réside dans la place faite à l’écriture, et aux retours. L’écriture, parce qu’elle a
permis à chacun de poser sa pensée, voire son identité, dans des textes où la subjectivité s’est
trouvée mise en mouvement, une subjectivité étonnante, vivante, expérientielle, celle où l’acte
militant est rapporté à tout autre chose qu’une conviction idéologique, à un engagement
subjectif. Expérience et connaissance de l’acte militant. Mise en rapport entre l’acte et le
désir. Et le tout dans un acte d’écrire, sans précédent.
Sans cet engagement profond, cette volonté de savoir et de faire savoir, l’Inconscient
Politique comme concept et comme livre à venir n’auraient pas existé. La rencontre entre le
sociologue et le militant a généré conceptualité et subjectivité. La démarche n’est pas
académique, ni politique au sens où un sociologue viendrait transmettre son savoir, tout au
contraire il s’agit d’une co-construction. Le retour des textes, le travail individuel avec
chacun, chaque-un, la discussion, la critique ont été au cœur de l’invention.
L’Inconscient Politique, c’est le rapport inconscient à la politique, il est structuré comme
une image, un souvenir, une représentation d’une injustice subie, vue, dont on aurait été
témoin. Elle touche souvent à la mère. Mais pas toujours. Elle est à la fois réelle et imaginaire.
L’engagement la symbolise. Souvent, très souvent la lutte contre l’injustice est au centre de
l’acte militant. Car le militant pose un acte, des actes permanents, il écrit, il parle, il anime, il
conteste, il revendique, il manifeste, il élabore, il pense.
Ces actes sont pris dans un complexe de pulsions, nous en avons pointé deux : la pulsion
commune et la pulsion d’effacement. La pulsion commune vise à rassembler, à unifier, à
aimer, à désirer, elle fait lien, elle crée, elle cherche à savoir, elle est évidement du côté de la
pulsion de vie. La pulsion d’effacement est son opposé, à minima elle dissout le sujet, il
s’efface, ne parle pas, ne dit pas ce qu’il pense, ne l’écrit pas, il adhère mais son adhésion le
désubjective. Plus loin et plus gravement la pulsion d’effacement, se greffe sur la pulsion de
mort, elle devient alors destructrice, voire auto-destructice.
Cette conceptualité, absolument innovante a émergé au fil du temps et du travail théorique
que nous avons tous conduit dans le collectif du lundi soir.
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Au détour, deux autres notions ont
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Nous nous sommes réunis une fois par mois, à la F.D des Bouches-du-Rhône, nous étions à chaque fois entre six et
neuf, assis autour d’une table ovale, véritable atelier qui œuvre, tisse, interroge, les réels, tous les réels : de l’exploitation
à la sublimation. Ce collectif a existé deux ans, son nerf : l’écriture, sa méthode : le retour de chaque séances, son : but
un livre à venir, cette communication. Ont participé Leïla Arif, Jacques Baudoux, Jacques Broda, Michel Carrière,
Suzanne Catelin, Sophie Celton, Jean-Marc Coppola, Geneviève Droin, Christine Mendelshon

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émergé : la traditionalité et l’internationalité. Elles signent le rapport au temps et à l’espace
de l’engagement communiste. La traditionalité, c’est l’invention dans l’actuel d’une utopie
qui engrange les acquis et les symboliques du passé, elle est dépassement des formes et
injections des essences nouvelles. Quant à l’internationalité elle au cœur d’un humanisme
politique qui doit tout à l’internationalisme, mais aussi, aux luttes, valeurs de l’hospitalité, de
l’accueil, du respect des altérités, et fait de chaque-un l’éclat de tous.
Inconscient Politique, Pulsion commune, Pulsion d’effacement, Traditionalité et
Internationalité sont les notions phares de ce texte.
Deuxième temps, le groupe de paroles et l’atelier d’écritures se transforment en séminaire. Il
se réunit trois fois par an. Le cercle s’élargit, de nouveaux participants, une volonté
d’approfondir, d’échanger de partager, textes et paroles circulent. A chaque réunion il est fait
retour d’un compte-rendu interprétatif de la réunion antérieure.
Un nouveau concept émerge : le Rapport Social d’Humanité. L’essence humaine, c’est
l’ensemble des rapports sociaux. Cette thèse de Marx est d’une portée anthropologique
extraordinaire. Il nous faut la faire travailler dans tous les sens. L’ensemble des rapports
sociaux, ils sont infinis. Tous n’ont pas la même prégnance, la même prévalence, les rapports
sociaux de production, certes, mais aussi de consommation, de distribution, de répartition, de
coopération. Dans la foulée, de notre question originale : qu’est ce qui fonde l’engagement
politique ? Nous interrogeons le Rapport Social d’Humanité, celui dans lequel les hommes
créent de l’humain, de la qualité, de la responsabilité, de l’éthique, voire de l’amour.
Le Rapport Social d’Humanité, répond d’un véritable d’un travail sur soi. On ne part pas de
rien, ni de personne. Peut-être que tout petit déjà, le petit d’homme est placé dans un rapport
social d’humanité quand on lui donne soin, et que l’on répond à sa détresse originelle. Le
geste et la parole sont au cœur, plus bien plus encore, les sentiments, l’amour, la tendresse,
l’affection, l’écoute, donnés en réalité font du petit d’homme, un ‘réceptacle’ actif. Car tout ce
qui est donné n’est pas reçu, et l’ambivalence est partagée.
Malgré tout, parfois malgré tous, le petit d’homme, se construit, construit avec lui, et à son
tour génère le rapport social d’humanité. On peut faire l’hypothèse qu’au plus il est inscrit
dans des systèmes et des relations symboliques au plus il s’hominise et s’humanise.
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Le rapport social d’humanité, nous le faisons autant qu’il nous fait. Nous le défaisons autant
qu’il nous défait. La violence, qu’elle soit physique ou verbale, a ici un rôle véritablement
destructeur, sur plusieurs générations, dans les générations. Toutes les actions, devoirs de
mémoires, rapports à la Shoah, l’esclavage, la guerre d’Algérie, la Résistance, le stalinisme,
cherchent par un travail symbolique à réparer, ce qui bien souvent est irréparable.
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Cette grâce, ce don, ce geste, cette responsabilité de l’un pour l’autre, et de l’autre pour l’un en sa réciprocité,
inscrit l’éthique avant le politique, au cœur de l’être. Cette inscription n’est en rien fatale et/ou inamovible. Son
inverse, son opposée travaille tout autant le Rapport Social d’Humiliation. Il est le quotidien de l’exploitation,
de la domination, il est aussi le quotidien du quotidien. La révolte des banlieues (Novembre 2005), disait à sa
manière la sur-accumulation des humiliations non ressaisies à la base du geste politique : le Rapport Social
d’Humanité ; la barbarie génère la barbarie, dans un véritable face à face pervers, où insultes et violences jouent
en miroir la tragédie d’une politique pré-fascisante, celle qui écrase le Rapport Social d’Humanité, au profit du
profit, du Rapport Social d’Humiliation, enkysté du rapport social (humiliation : abaisser, ce qui blesse
l’amour-propre).

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Non pas puisque nous sommes encore là, à tenter non seulement de réparer, mais de créer une
alternative politique, où le Rapport Social d’Humanité sera au cœur du Rapport Social.
Ce projet s’appelle communiste. C’est pour lui, ou quelque chose qui lui ressemble que des
millions d’hommes, de femmes, d’enfants, luttent consciemment ou inconsciemment. Ici nous
bouclons une boucle en spirale. Quel rapport entre Inconscient Politique et Rapport
Social d’Humanité ?
J’ouvre le débat
Pour conclure, je voudrais préciser les référents théoriques qui sous-tendent le propos. Il n’y a
pas de pièce maîtresse, c’est un choix partisan, de n’appartenir à aucune école de pensée, mais
de chercher dans tous les sens de la production humaine le sens de nos questions, de mes
questions. La politique étant pour moi : la question de la question. En ce sens elle ne peut se
résoudre, à la prise du pouvoir.
Sur le plan philosophique et politique nous ouvrons le dialogue avec : Marx, Lénine, Mao,
Alain Badiou, Walter Benjamin, Emmanuel Lévinas, Lucien Sève, Paul Boccara à qui nous
devons beaucoup.
Quant à la psychanalyse elle convoque les incontournables Freud et Lacan, mais aussi
Winicott, André Green, Serge Leclaire, Bernard Doray.
C’est dans le champ de la poésie que nous sommes allés le plus au vif : Paul Eluard, Marina
Tsvetaeva, Paul Celan, Yannis Ritsos, Pablo Neruda, Miguel Hernandez, Octavio Paz,
Maîakovski, Francis Ponge, Holderlin, Mallarmé, Rimbaud, Alain Jouffroy, à qui nous
devons la notion de nouvelle subjectivité révolutionnaire…
Tous ces auteurs, non cités in-extenso, jalonnent ma réflexion, et puis surtout, les écrits et les
dires de ceux qui participent, interviennent, écrivent.
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Quant au mode d’exposition, il est conforme au mode d’investigation, il suit la
progression chronologique de notre travail : le texte avance au fil du récit, et j’associe le
lecteur à la progression de la pensée, à la genèse du concept. Chaque paragraphe du texte
correspond à une séance de l’atelier. La dialectique entre la parole, l’écriture, le retour,
l’élaboration, fait du concret de l’atelier un concret de pensée. Trois parties, trois paragraphes
par partie, condensent neuf séances de travail. Entre 2004 et 2006, nous avons fait retour de
notre atelier, le texte qui suit est un résumé, condensé de ce travail d’analyse. Telle la bobine,
la pensée se dévide au fil du temps, des rencontrent, des retours. C’est une invitation au
voyage, à se laisser porter par le flux-déroulé d’une parole où citations et répétitions ne sont
pas absentes.
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Nous n’avons pas appliqué le mot d’ordre de Lénine : désormais il nous faudra travailler sans citations. Nous
n’avons pas pu - dans les conditions d’écritures qui étaient les nôtres - pu faire référence à chaque instant aux
auteurs singuliers. Ce qui au début se voulait une position de fluidité quant à l’écriture, s’avère dans l’après-coup
comme une lacune, dont nous nous excusons auprès du lecteur.