P. Gilles Sander
Notre Dame de Fourvière
8 place de Fourvière
69005 Lyon
tel :04.78.25.86.18
06.32.65.01.22
www.catholique-chinois.fr Lyon, le 14 septembre 2004
NOTES SUR LES CHINOIS ET LES CHRETIENS EN EUROPE
QUELQUES ELEMENTS NOUS CONCERNANT TOUS
- Depuis deux ou trois ans, nous sommes devant un afflux très important d’étudiants qui
viennent de Chine pour faire des études en France. Rien qu’à Lyon, ils seraient
actuellement 4 000. Ils poursuivent des études assez longues, en moyenne de deux ou trois
ans.
- Quand on connaît un peu l’histoire récente de la Chine, la fermeture du communisme à la
dimension religieuse de leur culture, on comprend alors que leur « ouverture » actuelle
puisse mettre à jour une profonde demande spirituelle. Leur présence dans nos pays
d’Occident est du coup tout à fait déterminante.
- Les conversions dont j’ai pu être témoin, à la différence des autres cultures, ne sont pas
« exceptionnelles ». Elles entrent bien dans une évolution générale de la Chine.
- Rappelons brièvement que contrairement aux idées reçues le bouddhisme n’est pas la
seule expression religieuse de la culture chinoise. Il y a aussi le Taoïsme , une présence de
l’Islam depuis longtemps, et le Confucianisme, par certains éléments de sa pensée est un
préambule à l’évangile. Enfin, le Christianisme, même s’il est resté minoritaire, a eu à
certaines périodes une expansion rapide. Il est présent en Chine depuis au moins le 7ème
siècle.
- Parmi les asiatiques, les Chinois ont un désir et une capacité de communiquer sur
l’essentiel très caractéristique. J’ai pu le vérifier particulièrement lorsqu’ils ouvrent
l’évangile ou qu’ils rencontrent des chrétiens pour la première fois, comme ce fut le cas au
cours de nos différentes réunions ou par exemple lors de week ends à Taizé. La facilité de
les voir vivre la prière et comprendre l’évangile est impressionnante. On sent qu’il n’y a
pas de barrière, d’objection intellectuelle, qui feraient obstacle à l’écoute du cœur. Et là,
quel contraste avec les Occidentaux !
- Le voyage effectué cet été en Chine est venu confirmer ce que j’avais pu découvrir ici à
travers les rencontres individuelles.Il m’a permis en plus de découvrir la ferveur des
communautés chrétiennes, la solidité de leur foi, ainsi que leur vitalité missionnaire. Sans
doute ce renouveau a-t-il été préparé par tous ceux qui sont restés fidèles dans
l’épreuve ;comme ces prêtres qui ont fait 20 ans de travaux forcés avec qui nous avons
prié.
2
HISTORIQUE DE CE QUI S’EST PASSE A LYON
En arrivant comme vicaire à la cathédrale Saint Jean en septembre1999, j’ai participé à une
messe à la mémoire d’un prêtre chinois, le père Lu, décédé peu avant. A cette occasion, j’ai eu
des contacts avec le « réseau » de Chinois suscité depuis qu’il était arrivé comme réfugié 40
ans auparavant.
Puis, petit à petit, à force de renvoyer les Chinois que je rencontrais dans la cathédrale, à une
des familles que je connaissais, j’y ai été plus attentif.
Au cours d’un repas avec l’un d’eux, un grand scientifique présent en France depuis 15 ans,
j’ai été interpellé par sa profonde intelligence du réel. Je recevais cela comme une attente
spirituelle. Mais surtout, j’étais interpellé par le fait qu’après avoir visité beaucoup de
cathédrales et d’églises en Europe, personne ne lui avait jamais dit quoi que ce soit sur
l’amour de Dieu. Il en était resté 15 ans en arrière.
Ensuite, le groupe « Alpha » a servi de révélateur. Le groupe Alpha est une démarche
œcuménique initiée à Londres qui a comme vocation de proposer un témoignage explicite de
la foi, cela à travers 10 soirées autour d’un repas convivial, des exposés des temps de partage
et d’échange. Belle dynamique dont bénéficient en premier ceux qui l’animent. Ce groupe
existait depuis trois ans. Y venaient principalement les personnes rencontrées dans le cadre de
l’accueil à la cathédrale. J’y assurais une présence visible en aube en déambulant dans la nef,
pendant que d’autres restaient en adoration devant le Saint Sacrement exposé.
C’est là, qu’en septembre 2002, sont arrivés en même temps dix Chinois rencontrés
séparément quelques jours auparavant De ces 10, 6 ont cheminé vers le baptême. C’est déjà
une forte interpellation. Mais en plus, il faut noter que l’année dernière à Lyon, sur les 7
Chinois qui ont commencé un chemin vers le baptême, 6 venaient du groupe Alpha… 5 ont
été baptisés à Pâques 2004. Il s’est également mis en place une rencontre le dimanche, une
fois par mois, la première ayant eu lieu en janvier 2000. Nous étions 10, puis le mois suivant
20, puis 30, jusqu’à 40, …(Depuis un an je suis à la basilique N D de Fourvière la même
dynamique à pu se poursuivre)
Si leur point commun est d’être Chinois, les situations sont diverses certains sont mariés,
d’autres étudiants, certains sont en France depuis longtemps, d’autres vont y rester. Ils
viennent du continent, de Hong Kong, ou de Taïwan. Il y a aussi ceux qui sont retournés en
Chine et qui, même s’ils ne demandent pas pour l’instant le baptême, continuent de faire un
cheminement vers la foi.
On peut retenir que s’il y a une attente particulière des Chinois, cette attente appelle à une
proposition explicite de la foi. Elle demande d’aller au-devant d’eux.
LA CHINE N’EST PAS SI LOINTAINE QUE CELA
Nous n’avons pas tout d’abord affaire à une autre culture, une réalité étrangère, un pays
lointain une réalité abstraite qu’il s’agirait d’identifier, mais nous sommes face à des
personnes qui sont là en Europe.
3
Ce qui est en jeu, c’est la culture de la mondialisation que nous avons à intégrer. Le fait d’être
ensemble, d’être liés les uns aux autres par le contexte économique international, le met en
évidence, mais aussi le simple fait qu’ils sont là.
Le terme « d’accueil » des étrangers met déjà une distance. Il est trop faible. A nous chrétiens,
il s’agit plutôt de découvrir en quoi nous sommes leurs prochains. La nouveauté tient au fait
que nous n’avons pas seulement à prendre la mesure de nos différences, mais à recevoir cette
situation comme une nouvelle exigence de communion. La foi nous permet cette communion
dans la différence culturelle et cette différence culturelle appelle à un partage de la foi.
LE PARTAGE ET LE TEMOIGNAGE EXPLICITE DE LA FOI
Nous n’y sommes plus habitués en Europe parce que le contexte a été un long éloignement de
la foi. Les dernières décennies, nous avons eu à faire à des personnes qui soit avaient déjà la
foi, soit l’avaient eue mais l’avait rejetée. Dans ces deux cas, l’annonce explicite de la foi était
mal venue. Or, maintenant c’est différent, et nous risquons de ne pas être prêts à porter un
regard nouveau sur cette situation.
La première erreur, c’est de réserver cette annonce de la foi au seul territoire de la Chine, et la
deuxième de la réserver ici à des super spécialistes parce que nous n’y sommes plus habitués.
Alors que nous ne sommes plus en situation de chrétienté, la proposition de la foi nous paraît
encore trop comme un système qu’on imposerait. Il s’agit de rendre compte de son
espérance : le Christ, avec les mots simples de la foi qui font toute la différence, et permettent
ainsi à la personne de se situer tout en se sentant reconnue et aimée. Aussi c’est la démarche
d’une annonce qui permet un véritable dialogue. Nos « complexes à la Française », nos
réserves, nos objections intellectuelles par rapport à cette démarche paraissent bien ridicules,
surtout lorsque l’on connaît un peu les Chinois et leur conception de l’accueil.
Si l’annonce explicite du kerygme reste au cœur de la démarche, elle va entraîner ce qui en
découle. Si c’est vrai que la présence d’un prêtre en aube dans la cathédrale en lien avec le
groupe Alpha est à l’origine de la démarche, il y a différentes manières d’y prendre part :
1- L’attention à ceux qui viennent à nos célébrations en leur donnant ce dont ils ont besoin.
L’exemple de la messe de minuit à Fourvière où, deux heures avant, 2 ou 3 groupes de
Chinois étaient déjà là. C’était simple d’avoir préparé une feuille en Chinois avec
l’essentiel de la liturgie et de la leur donner. En tout, ils ont être une quarantaine Nous
avions prévu un repas pour le lendemain, nous nous y sommes retrouvé à 40 avec les
Français !
J’ai rencontré souvent des chinois absolument pas chrétiens qui venaient à l’église et
même participaient à toute la messe des le premier jour de leur arrivée en France !
On devrait pouvoir mettre au point un site chrétien des Chinois à Lyon qui donnerait en
« dossier joint » les feuilles avec l’essentiel de chaque liturgie en Chinois pour que
d’autres puissent s’en servir en paroisse.
2- Si on ne se sent pas de parler Chinois… on peut toujours renvoyer à telle ou telle
personne, à telle ou telle affiche, à telle ou telle rencontre.
3- De manière nérale, la situation actuelle des étudiants demande à ce qu’il y ait des
familles qui puissent les accueillir en proposant un logement, ou simplement la
4
participation à un repas. Ils ne demandent pas mieux.Des familles le font déjà, l’une d’elle
a déjà reçu au total 60 étudiants l’année dernière.
Une paroisse voisine organise des repas tous les mois pour tous les étudiants étrangers.
Le week end, s’ils ne visitent pas l’Europe, ils demandent volontiers à être emmenés pour
voir tel ou tel lieu : Taizé, Ars, Sept Fons où il y a des Chinois, mais aussi tous les autres lieux
forts de la foi. On peut faire une simple annonce par mail pour prévoir un rendez-vous de
départ. L’expérience a montré que c’était possible.
4- Certains étudiants sont en situation de grandes difficultés face aux pressions diverses :
choix des études, famille, problèmes financiers. Beaucoup ne sont pas prêts à affronter
cette situation. Il ne suffit pas que les frontières leurs soient ouvertes, ils ont besoin sur
place d’être soutenus. De sérieux « coups de main » pour les langues ont déjà été donnés.
5- Les fruits à long terme, c’est vrai, sont pour la Chine. Des personnalités, des ministres
même, sont déjà venus en France faire plusieurs années d’études. Ils auraient certainement
changé quelque chose à la politique de leur gouvernement s’ils avaient découvert plus en
profondeur le christianisme...
Si je me permets de souligner ici à quel point le passage des visiteurs dans nos églises est
déterminant, c’est dabord pour ceux qui habitent nos villes plusieurs années.
6 Mais il y a aussi tous les Chinois qui passent rapidement dans nos églises et qui ne sont
pas étudiants. Il s’agit souvent de petits groupes avec un guide chinois, (habitant un des
pays d’Europe), et restant en Europe seulement quelques jours : Eux aussi veulent
connaître le meilleur de notre civilisation. Ce sont :
- des industriels venus faire des affaires
- Des artistes venus pour jouer un spectacle, ou pour une exposition.
- des scientifiques ou médecins participant à tel ou tel congrès
- des fonctionnaires ou hommes politiques présents à cause de leurs fonctions
- Enfin, ceux qui, même s’ils sont venus pour faire un voyage dans le but de connaître
l’Europe, manifestent pourtant le même intérêt pour la foi. Et ils vont être
maintenant très nombreux puisque le gouvernement commence seulement à délivrer
les visas touristiques.
Lorsqu’on sait la population de la Chine, 1 millard 300 millions d’habitants, son
développement économique actuel, cela a de quoi nous motiver.
POUR LE PREMIER CONTACT C’EST TOUT SIMPLE
a) Il suffit d’un élément visible qui va être le «révélateur » d’une recherche spirituelle et de
sa soif de la parole de Dieu chez une personne qui passe : des versets bibliques, une
affiche avec une proposition claire de la foi.
A Fourvière, il y a un grand poster avec l’idéogramme chinois de l’amour en rouge et
jaune et des extraits du Nouveau Testament. A sa vue, la réaction des Chinois est
étonnante. Au pied du poster, des Nouveaux Testaments en chinois, des tracts ou des
invitations pour les rencontres qui leur sont proposées. Soit ils le voient seuls, il suffit
5
alors de venir vers eux pour compléter comme on peut. Soit je m’approche des personnes
supposées être chinoises. Je m’intéresse à elles en leur demandant d’où elles viennent
pour leur montrer l’affiche et le reste se fait tout seul.
Je pense ici à ce Chinois étudiant de Besançon que j’aborde au moment il allait sortir
sans avoir rien vu. Il cherchait depuis plusieurs mois à connaître la foi chrétienne : il avait
dans son entourage uniquement des amis Chinois qui allaient chez les Témoins de
Jéhovah… Il a pu venir ainsi à une des rencontres que nous commencions juste après. Je
pourrais citer beaucoup de rencontres comme celle-là.
A ce propos je ne connais pas un Chinois qui n’ait été interpellé de manière insistante
dans la rue ou le métro par des Mormons ! ! ! Si nous ne répondons pas à la recherche des
Chinois, d’autres s’en chargeront…
b) Dans le sanctuaire marial que j’ai visi cet été à côté de Shanghaï, on trouve comme
explication uniquement 5 grands panneaux de 2 mètres de haut indiquant qui est Jésus,
qu’est-ce que la parole de Dieu, qu’est-ce que l’église, qu’est-ce que les sacrements,
qu’est-ce que la vie chrétienne. Au moins c’est clair !
c) Il n’est pas rare d’avoir été amené à parler de la Trinité dès les premières minutes de
dialogue avec des Chinois qui n’avaient jamais rencontré de chrétiens. S’ils passent
quelques jours en Europe, comme à Fourvière, le temps de présence dans la basilique se
limite à quelques minutes. Bref instant qui pourtant est d’autant plus déterminant qu’ils ne
reverront pas facilement des chrétiens en rentrant en Chine, les animations publiques y
étant interdites. Dans ce contexte, donner la parole de Dieu à travers par exemple un
Nouveau Testament en Chinois ou tel ou tel petit livret est toujours un moment de grande
joie. C’est cette joie de la rencontre qui est au ur de toute cette démarche. Il faut avoir
goûté à cette joie pour comprendre tout le reste et se mettre en mouvement.
d) Si nous n’avons comme proposition dans nos églises que des choses culturelles ou
touristiques, nous n’aurons que des réactions culturelles ou touristiques en réponse. En
visitant les anciens lieux de culte chinois réduits à de simples lieux touristiques, on
comprend davantage l’importance que nos sanctuaires chrétiens marquent un contraste en
restant avant tout des lieux de prière. Qu’ils ne restent pas seulement des vestiges du
passé, mais le signe parlant de la présence vivante du Seigneur agissant dans nos vies
d’aujourd’hui.
C’est impressionnant de voir que, face aux barrières de la langue, finalement la « parole
de Dieu » reste la médiation privilégiée, un vecteur unique de dialogue et de communion
entre les personnes de cultures si différentes.
De fait, jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas eu besoin de connaître beaucoup de mots en
Chinois pour faire passer l’intérêt que je leur porte. Au contraire, c’est dans la pauvreté
que se vit le respect dont ils ont avant tout besoin.
La pauvreté spirituelle reste de toutes façons le fondement de toute véritable rencontre.
CONCLUSION
Si le champ est immense, si la démarche suppose un saut dans la foi « avance en eaux
profondes » c’est bien là le cœur de la question.
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !