La négociation du sens commun dans les wikis publics Table des matières La négociation du sens commun dans les wikis publics ...................................................................... 1 Problématique de recherche ................................................................................................................. 2 Contexte .......................................................................................................................................... 2 Questions ......................................................................................................................................... 3 Hypothèses ...................................................................................................................................... 4 Définitions conceptuelles ..................................................................................................................... 4 Les wikis publics ............................................................................................................................. 4 La notion de sens commun .............................................................................................................. 6 La notion de négociation par la contribution .................................................................................. 6 Cadre théorique .................................................................................................................................... 7 L'anthropologie des savoirs, un cadre général ................................................................................ 7 Approches politiques des usages des technologies ......................................................................... 8 Les théories sociales et pragmatiques de la cognition ..................................................................... 9 La cognition sociale ................................................................................................................... 9 La pragmatique ......................................................................................................................... 10 Organisation de la recherche: ............................................................................................................ 12 Choix du terrain ............................................................................................................................. 12 Contributeurs québécois à Wikipédia ....................................................................................... 12 Contributeurs au wiki de Koumbit ........................................................................................... 12 Contributeurs québécois au Wiki d'Ubuntu .............................................................................. 13 Approche méthodologique ............................................................................................................ 14 Instruments d'enquête et d'analyse ................................................................................................ 15 Échéancier ..................................................................................................................................... 16 Bibliographie ...................................................................................................................................... 16 Anthropologie des savoirs ............................................................................................................. 16 Sur la politisation usages des technologies de communication ..................................................... 18 Sur la cognition sociale et pragmatique ........................................................................................ 21 Sur les wikis .................................................................................................................................. 25 Méthodologie ................................................................................................................................ 26 Problématique de recherche Contexte Depuis les années 1980, le développement des technologies d'information et de communication a donné lieu à de nouvelles façons de construire et diffuser les connaissances et à des formes de coordination à grande échelle. Certains chercheurs ont décrit la multiplication de ces technologies comme l'avènement d'une ère de l'information (Castells, 1998, Mattelart, 2001) et de la communication en réseau (Mattelart, 2004, Proulx et Breton, 2002, 2006). Plusieurs pratiques 1 sociales inédites ont émergé de l'usage de ces « nouvelles » technologies. Selon moi, deux éléments majeurs ont été transformés: nos modes d'acquisition et de production des connaissances et nos modes d'organisation et d'intervention dans l'espace social. Concernant nos modes d'acquisition et de production des connaissances, à savoir nos modes de cognition, c'est vers une légitimation de la pensée collective que semble tendre les recherches contemporaines. La recherche en sciences sociales et en sciences cognitives a tout particulièrement investi la dimension sociale de la cognition depuis une vingtaine d'années (Lave et Wenger, 1991, Hutchins, 1995, Conein, 2004, 2006, Bouvier et Conein, 2007). Certains auteurs ont cherché à démontrer que la cognition était naturellement sociale, voir distribuée entre des agents qui se complètent pour accomplir une action (Lave, 1988, Lave et Wenger, 1991, Hutchins, 1995). Mais il est clair que les technologies liées à internet et donc organisées en réseaux ont permis de révéler, favoriser voire encourager une certaine socialisation de la cognition (Conein, 2004, Stiegler 2005). Les études portant sur la pensée collective semblent également envisagées sous un nouveau jour depuis le siècle dernier. À la suite d'une littérature critique portant sur « l'infériorité mentale des foules » (Lebon, 1905, p1) ou encore l'immédiateté non réflexive du sens commun (Bourdieu, 1976, 2001), il semble émerger un courant de recherche enthousiaste devant l'intelligence collective (Lévy, 1994, Butler et al. 2002, Stalder et Hirsh, 2002), venant parfois précisément réfuter ces approches critiques comme l'a fait Surowiecki (2004) qui répondait à Lebon (1905) par un traité sur la sagesse des foules. La question de la sagesse ou d'intelligence des masses, des foules et du sens commun est cependant loin de faire consensus. D'un côté, des technophiles humanistes célèbrent avec enthousiasme les perspectives d'un renouveau humaniste, pour une société mondiale connectée à elle-même comme un réseau de neurone. De l'autre, l'érudition prudente ne cesse de montrer du doigt les leurres de la révolution numérique. Cependant lorsque ces deux extrêmes acceptent le débat, celui-ci a pour intérêt de questionner les conditions de cette intelligence du nombre. L'introduction des technologies dans nos modes d'organisation et d'intervention dans l'espace social, a quant à elle déplacé et renouvelé les formes de pouvoir, de décision, et d'orientation. En particulier, les technologies cognitives qui supportent la production, la gestion, la mémorisation et la diffusion de l'information jouent un rôle très important dans notre rapport au savoir. Une certaine forme de politisation critique a émergé au milieu du 20ème siècle, prévenant d'une perte de contrôle dûe à l'emprise de technologies, et cette approche critique a continué avec la diffusion des technologies cognitives. Pourtant, nous verrons que les praticiens ont eux aussi développé un savoir-faire critique. Ainsi si l'usage de ces technologies a certainement favorisé des formes de cognition plus collectivisées, l'intelligence et la légitimité des savoirs issues de ces pratiques ne sont pas seulement questionnées par les penseurs critiques, mais aussi par les contributeurs eux-même: beaucoup de projets collaboratifs rendent compte de débats qui trament leurs évolutions, éclairant le fait que la cognition collective ne se fait pas dans un consensus mou et fluide mais plutôt via des interventions dynamiques et parfois particulièrement rugueuses. Dans un espace invitant à une communication argumentative, la pratique d'une cognition collective est liée à un savoir faire tant technique que politique. Dans leur Histoire des théories de l'argumentation, Philippe Breton et Gilles Gauthier (2000) établissent un lien entre l'émergence de théories de l'argumentation, la pratique d'un discours critique et la naissance d'un espace démocratique (l'agora grecque). Aux interstices d'une société marquée par la communication de masse, voit-on réapparaître des espaces de délibération politisés? Certains acteurs ont investi les technologies liées à internet pour développer des espaces de collaboration souvent sous-divisés en espaces de construction et de délibération. Sur quelles bases s'effectue cette délibération? Que révèle-t-elle des modes de légitimation dans les communautés qui 2 produisent des connaissance publiques? Comment se légitime une contribution dans un système dynamique ouvert (Conein, citant Lazega, 2004c). Ce travail a pour ambition de rassembler quelques éléments de compréhension des conditions d'intelligence ou plus exactement de légitimation de la cognition collective, telle que pratiquée dans un wiki. Ce qui me questionne tout particulièrement, ce sont les questions politiques qui peuvent émerger de la rencontre des producteurs de savoir. Nous savons que les disciplines, les cultures, les cités, les champs, les classes, ont créé des multitudes de sphères de compréhension, aux hermétismes encore persistants. Comment, pourquoi des technologies permettant de penser plus collectivement et de construire à plusieurs atténueraient-elles ses discordes ? Sans renoncer à la possibilité de penser un bien informationnel commun (Aigrain, 2005), je propose d'analyser les rugosités qui traversent la construction des projets collectifs en m'attardant aux controverses et négociations qui émergent de la production des savoirs et de leur règles. Questions Tout d'abord, en m'appuyant sur les approches politiques des technologies, je chercherai à comprendre les enjeux de pouvoir liées à l'usage des TIC. En partant du principe évoqué par Michel Foucault qu'un savoir est lié à un pouvoir, je réfléchirai notamment à l'enjeu de la mise en accès des savoirs et savoir-faire relatifs aux technologies. Le second enjeu que je suivrai est lié à la mise en commun et aux modes de négociation de cette mise en commun. Plus particulièrement, je m'intéresserai à la politisation de ces enjeux par les acteurs. La première question qui guidera ce travail est la donc suivante : Quelle lecture (politique) pouvons nous faire d’un dispositif où les connaissances ainsi que leurs conditions de légitimation sont maintenues ouvertes à l’argumentation ? Ensuite, les approches sociales et pragmatiques de la cognition me permettront de comprendre, en situation, comment se font les opérations de catégorisation, de généralisation et de négociation du sens commun. En particulier, je chercherai à répondre à la question suivante : Qu'est ce que les négociations des acteurs sur les contenus, les échelles (local/global, privé/public) et les conventions nous apprennent de la légitimation des savoirs dans les communautés numériques ? Hypothèses Ce travail s'appuie sur deux hypothèses, l'une de nature empirique, liée à mes premières observations des pratiques collaboratives sur un wiki, l'autre de nature plus théorique, liée à notre compréhension des problèmes posés par les approches politiques des usages et les approches sociales de la cognition. Notre hypothèse empirique est que les technologies numériques n'ont pas mené à une communion des esprits, mais à l'émergence de nouvelles pratiques, incluant de nouvelles formes de collaboration et de sociabilité, mais aussi dissensus, de discussion et de scission. Les wikis étant des sites aux structures particulièrement malléables par leurs usagers, ceux dédiés à la création d'une connaissance publique me semblent constituer un terreau propre à l'analyse de l'émergence de ces pratiques. En laissant l'usager devenir réellement contributeur, les wikis renouvellent en profondeur les logiques de production du savoir. 3 Notre hypothèse théorique est qu'un rapprochement est à faire entre les approches politiques des usages des technologies de communication et les analyses socio-cognitives des négociations de catégories, règles et références des contenus produits en collaboration. À ce titre, notons que la cohabitation des deux questions de recherche peut sembler révéler une ambiguïté quand à la direction du projet. Le projet vise à démontrer que ces deux questions sont intimement liées, que d'une part l'ouverture du dispositif permet la négociation et que d'autre part l'espace de négociation est en soi politique et participe au modelage du dispositif. Définitions conceptuelles Les wikis publics Les wikis sont des logiciels serveurs qui permettent aux usagers de créer et d'éditer des pages Web via un navigateur. Le premier wiki a été conçu en 1994 par Ward Cunningham afin de supporter la création collaborative d'une base de connaissances liée à des solutions d'ingénierie logicielle. Ce dispositif a été pensé pour favoriser une édition collective rapide (WikiWiki signifie «très vite» en hawaïen). Les wikis servent aujourd’hui de support à l'édition dynamique et collective d'une pluralité de projets constitués autour de la construction collaborative de connaissances. Les wikis ont une syntaxe simplifiée qui facilite la création de nouvelles pages et de liens entre les pages. Ils rendent possible une structuration collective des contributions et des contenus, avec en général, le maintien de l'historique des modifications et pour certains, l'accès à un espace de discussion sur le texte. Ce dispositif a la particularité d'être ouvert et souple, autorisant une intervention libre mais aussi la réécriture des textes, ainsi que parfois, le dialogue entre les auteurs. Je m'intéresse tout particulièrement aux wikis publics qui maintiennent ces caractéristiques d'ouverture. Nous verrons cependant que le caractère public du wiki dans son ensemble, ou d'une certaine catégorie de pages constitue en soi un sujet de débat touchant en profondeur les significations politiques et épistémiques des projets de construction de connaissance. En particulier, la question de la « publicité » telle que développée par Habermas (1978), semble être renouvelée ici, à propos de la gestion d'un espace informationnel à priori public, autorisant l'intervention et la lecture du plus grand nombre. Ward Cunningham prononçait au WikiSymposium de San Diego (2005) une communication intitulée « The Crucible of Collaboration » (le creuset de la collaboration) dans laquelle il faisait la distinction entre pratiques de collaboration et pratiques de coopération. Il est crucial, selon lui, de comprendre ce qui les distingue afin de saisir la spécificité des usages d'un wiki. Son analyse met en perspective les pratiques de la communauté Ebay avec celles des usagers de wikis. La coopération fait référence à une action menée conjointement par une pluralité d'acteurs autour d'un but commun et dont les prestations doivent être identifiées avec soin dans un but de reconnaissance mutuelle et distincte. La coopération permet ainsi de valoriser les prestations, c'està-dire d’attribuer une valeur distincte aux différentes opérations, ouvrant sur une forme d'économie d'échange. La collaboration fait référence quant à elle à une action menée conjointement par une pluralité d'acteurs dont les contributions n'appellent pas d'impératif d'identification parce que le succès du projet collectif semble être ce qui valorise l'apport individuel. Par exemple, on voit apparaître des acteurs discrets, parfois baptisés « WikiGnomes » (ou « jardiniers »), qui viennent parfaire le projet commun par des contributions considérées comme mineures, telles que des corrections orthographiques. On s'écarte ici d'un modèle du « don contre don » pour un modèle du bien commun, où la contribution au bien collectif semble prendre une valeur supérieure à la 4 performance individuelle. Ainsi, dans ce mode de construction collective des connaissances, la signature des actes d'écriture n'est pas requise : « Le système ouvert [des Wikis] permettant à chacun de modifier les pages, nous ne pouvons garantir la validité permanente du contenu. Veuillez également noter que toutes les modifications sont archivées dans l'historique de la page ainsi que l'adresse Internet des contributeurs non inscrits. Sans identification par le nom, c'est l'adresse [Internet] qui apparaît dans le fil des dernières modifications. »1 Comme postulé dans un travail de collaboration orienté vers la construction d'un projet commun, dans bon nombre de wikis, dont Wikipédia, rien n'oblige le contributeur à s'identifier. Selon les principes originels d’usage des wikis, tout mot de passe ou procédure d'identification est considéré comme un obstacle de plus au visiteur qui, de ce fait, hésitera à se faire contributeur. L'écriture dans l'anonymat est novatrice au regard de nos habitudes de responsabilité éditoriale. Contrairement à une logique fondée sur la signature d'un auteur pouvant se voir gratifié (ou fustigé) pour sa contribution, l'individualité de chacun compte moins que l'effort collectif. Si certains écrivent de longs morceaux de texte, d'autres ne font que « jardiner » : par exemple, nettoyer, corriger les coquilles, prendre soin du détail sans pour autant se faire connaître à travers ces actions. Pour la gestion du vandalisme, les communautés d''usagers de wikis publics s'appuient souvent sur un principe dit de sécurité douce. Aidés d'outils de suivi, les contributeurs sont capables de visualiser et de réinitialiser rapidement les pages vandalisées. Ainsi, le vandalisme est dissuadé par la facilité à le contrer. La responsabilité de la gestion du wiki devient alors un enjeu collectif, où la masse de contributeurs actifs fait la force du wiki. Cette logique de collaboration propose une responsabilité partagée qui pourrait être emblématique d’un régime d’espace public collaboratif : c'est au groupe de décider ce qui lui est utile, ce qui constitue une contribution. La notion de sens commun J'utilise le terme sens commun en jouant volontairement sur le caractère polémique de son usage dans les sciences humaines et sociales. Après avoir été valorisé au 18ème siècle par la philosophie des lumières comme une sorte de bon sens, approchant de la connaissance l'universel, les sciences sociales ont travaillé à décliner cette notion dans sa diversité en tant que système culturel (Geertz, 1986 ), ou réalité multiple (James, 2005 et Schütz, 2005). Les sociologues de la rupture épistémologique et des approches critiques (Durkheim, 1894, Bourdieu, 1976) ont fermement distingué le savoir issu du sens commun de celui produit par la recherche scientifique, qui s'appuie sur des méthodes et une légitimation propre à son champ. Les sociologues qui s'affilient à une tradition de recherche plus pragmatique estiment quant à eux que les gens sont capables de jugement critique, selon certaines conditions : l'existence d'un espace public (Habermas, 1978), la possession de certaines compétences d'argumentation et de justification (Boltanski et Thévenot, 1991), la diversité et l'indépendance des participants, ainsi que la décentralisation des prises de décision (Surowiecki, 2004). Il est approprié de parler de sens commun pour décrire ce qui est produit dans un wiki car c'est à la fois la production d'un sens (d'une connaissance significative) et d'une mise en commun dont il est question. Je m'intéresserai donc tout particulièrement à la nature des interactions qui entourent cette mise en commun dans un wiki public. 1 http://fr.Wikibooks.org/Wiki/Wikilivres 5 La notion de négociation par la contribution Il est important de s'attarder aux négociations qui ont cours sur un wiki pour comprendre son fonctionnement. L'historique des contributions, mais surtout les discussions liées à chaque article regorgent de divergences, organisées sous forme de débats argumentés. Concernant le projet Wikipedia, il est intéressant de noter qu'il s'est doté au fil du temps d'un grand nombre de procédures et de conventions visant à outiller les contributeurs qui délibèrent autour de la neutralité de point de vue, l'universalité des propos, la scientificité des références ou encore la logique de structuration des textes. Ainsi, les fondements de la légitimité du projet d'encyclopédie collective, de même que son contenu, ne cessent d'être formulés, contestés, démentis, reformulés sur la place publique. Il faut rappeler que le projet est porté par plus d'un million de contributeurs qui y ont déposé une parcelle de connaissance. Pour l'heure, la publicité des délibérations entourant la construction collective des connaissances semble constituer une arène symbolique pour la défense de la légitimité du projet, et plus largement, pour la sauvegarde des principes de l'écriture libre et collective dans un régime de type wiki. L’anonymat relatif des contributions doit permettre un traitement égalitaire des interventions, distribuant le contrôle au plus grand nombre et non à des individus légitimés par leur signature. Cette logique collectivise la responsabilité d’une avancée comme d’une erreur, ce qui incite les participants à une contribution accrue dans une logique avant tout délibérative. Ce qui caractérise les façons de procéder des wikis, c'est que l'amateur, pourvu qu'il soit capable d'argumenter son point de vue, sa contribution, d'en défendre l'intérêt selon les conventions de la communauté, est en mesure de négocier avec l'expert, au delà de légitimations institutionnelles. En cela, c'est la possibilité de négocier le bien ou le sens commun, et donc d'avoir un accès public à leur mode d'élaboration, qui est caractéristique du mode de légitimation des connaissances dans l'univers du libre ou des wikis. Cadre théorique L'anthropologie des savoirs, un cadre général Cette étude s'inscrit dans une optique générale d'anthropologie des savoirs. Cette discipline a pour optique de comprendre les significations anthropologiques des formes d'organisation, de construction et de circulation des savoirs relativement à des technologies et des société données. L'anthropologie des savoirs a cherché à répondre à des questions telles que: comment une société pense-t-elle la circulation et la construction de ses savoirs? Comment appréhender le rôle des technologies de support des savoirs? Ainsi, la tradition orale, l'écriture, l'imprimerie ont été étudiées comme autant de techniques qui marquent de façon significative le rapport des sociétés à leurs savoirs (Goody, 1979, 1986). Comment penser ce rapport dans une société qui juxtapose les techniques d'informations et de communications connectées en réseau? Comment appréhender ce rapport? Stiegler (2005) désigne comme technologies cognitives les technologies dédiées à la conservation, la circulation, à l'organisation et la construction des savoirs. Dans une présentation faite à Ars Industrialis, il démontrait que l'analyse de ces technologies cognitives comporte des enjeux épistémologiques, méthodologiques et politiques qui demande d'adopter des outils et des théories qui soient capables de saisir ce qui ce joue dans les pratiques contemporaines. Or, comme le souligne Chateauraynaud (2004), sociologue pragmatique spécialiste des analyses de controverses, les chercheurs en sciences sociales ont désormais affaire à des auteurs et des praticiens qui sont fortement outillés, qui ont développé pour beaucoup une connaissance pratique, 6 critique et réflexive de leurs outils ainsi que de la façon dont ils s'en servent. Approches politiques des usages des technologies La politique, c’est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. Paul Valéry, 1960 L’agir politique est l’initiative d’un quelconque au sein et en vue d’un nous Hannah Arendt, 2001 Si la politique est bien souvent attribuée à la science de la gouvernance réservée à une sphère spécialisée, les penseurs et praticiens qui ont cherché à politiser le quotidien y voient au contraire un devoir d'intervention dans ce qui touche les gens (« ce qui les regarde »). Bien qu'on puisse trouver des traces plus anciennes de l'entrée dans la cité du problème de la technique et de la connaissance, avec le mythe grec de Prométhée, c'est à la sortie de la guerre que se posent les questions les plus significatives concernant la production et l'usage de la technique et de la science. Les postures respectives de Heidegger et de Simondon constituent les termes d'un débat poursuivi par les différentes générations de l'école de Francfort. Pour Heidegger, le XXème siècle est marqué par le signe d'une perte de contrôle des hommes sur la technique, sur sa venue au monde et sur sa signification sociale. Dans La Question de la Technique (1958), il montre que la technique est considérée depuis la Grèce antique comme l'instrument de l'homme ainsi qu'une forme de dévoilement du réel dans l'exploitation de ses propriétés physiques. Avec la modernité, la technique devient une provocation par laquelle la nature est mise en demeure de livrer ses ressources. Or la façon dont la technique prend naissance et sens serait de moins en mois sous le contrôle de l'homme moderne. Plusieurs penseurs critiques de la technique continueront ainsi la veine de la dépossession en montrant que, de par son mode de production même, la technique devient système, automatisé, automatisant. La dépossession des moyens d'action sur la technique et la science sera tout particulièrement exploitée par l'école de Francfort. Allant à l'encontre de cette approche critique, Simondon publie en 1958 une thèse de doctorat sur le mode d'existence des objets techniques. Un des objectifs de la thèse est de démontrer que la technique n'amène pas à une perte de contrôle. Elle doit être appréhendée comme une sphère culturelle. Arrivée au monde, la technique doit-être expliquée, explorée, dévoilée, afin de montrer l'humanisme qu'elle contient toujours. Cette approche fut récemment reprise par certains chercheurs et militants du logiciel libre, qui voient dans la lutte pour l'ouverture du code source, un renouveau de l'ouverture prônée par Simondon. Héritier contemporain de l'école de Francfort, Habermas (1978) analysa l'émergence d’espaces publics bourgeois en tant que scène politique de délibérations agissant comme contrepoids aux pouvoirs absolutistes. Dans les cafés et autres lieux publics, les bourgeois (citoyens lettrés) se livrent à des débats qui commencent à faire poids socialement et politiquement, d’où leur signification au regard d’une logique démocratique. La technique et la science (Habermas, 1990) peuvent ainsi être appréhendées ou critiquées par les citoyens eux-mêmes, selon certaines conditions. À partir de la décennie 1980, la domination technologique et médiatique sur les acteurs du quotidien (dépourvus de jugement critique) tend à être remise en question. En orientant l'analyse vers usages des technologies, la sociologie des usages de même que les approches constructivistes 7 sont venus nuancer une compréhension trop déterministe des technologies. Ces approches ont permis une compréhension plus fine de ce qui se jouait entre la technique et le social en explorant les capacités des usagers à reconstruire et détourner les significations des technologies et des médias dans la vie quotidienne (Proulx 2002, 2005). Reprenant le postulat d’une politisation possible de la technique, le philosophe Feenberg tente un renouvellement du questionnement par une difficile articulation entre théorie critique et perspectives constructivistes. « Comment engager la technique dans l’ère contemporaine dans une perspective de démocratisation au regard des analyses formulées par la théorie critique et des propositions constructivistes des analystes de la technique? » (Feenberg, 2004) Il propose d’explorer comment les acteurs investissent la dimension politique d'une société marquée par la technique. Poursuivant le même dessein, Longford (2005) propose de s'approcher des pratiques des usagers afin de saisir l'émergence d'une citoyenneté technicienne postulant que les acteurs sociaux pourraient pleinement prendre part aux débats et aux négociations concernant les orientations technologiques dans les sociétés contemporaines. Nous pourrions ainsi parler d’une politisation des pratiques lorsque l'usager acquiert une position d'acteur en s'appropriant les moyens effectifs d’un contrôle social sur ses outils. Les théories sociales et pragmatiques de la cognition La cognition sociale Ce projet vise à nourrir le champ des sciences cognitives et en particulier à poursuivre une socialisation des théories de la cognition. Les sciences cognitives visent l'étude et la compréhension des mécanismes de la pensée, ce qui inclus perception, jugement, construction et rationalisation. La cognition a longtemps été le propre des sciences neuronales et psychologiques et a développé des méthodes scientifiques de simulation et de modélisation pour des observations en laboratoire du comportement du cerveau. Selon Dupuis (1994), c'est avec le projet de la cybernétique qu'est née une approche communicationnelle et sociale de la cognition. Il s'agissait notamment de comprendre, pour les modéliser, les processus de traitement et de circulation de l'information. Ces théories ont notamment modélisé la cognition selon un mode computationnel. Cette approche a été reprise et critiquée par des philosophes tels que Stiegler (2005), qui a cherché à démontrer que le modèle mécanique emprunté à la machine de Turing (la conceptualisation théorique de l'ordinateur) supposait notamment une mémoire infinie alors que la cognition humaine se caractérise par une certaine finitude et sa suppléance technique. C'est le processus d'externalisation développé par Gourhan (1965) et les théories du scaffolding développées par Clark (1997). Au même moment se développait à San Diego une dynamique de recherche en sciences cognitives qui allait sortir les études de leurs analyses en laboratoire pour observer la cognition en situation. Parmi ces théories, celle de l'action située s'appuie sur l'idée que toute action dépend étroitement des circonstances matérielles et sociales dans lesquelles elle a lieu. Plutôt que de tenter d'abstraire une structure de l'action pour la représenter sous la forme d'un plan rationnel, l'approche préconisée par Suchman (1987) et les théoriciens de l'action située consiste à comprendre comment l'homme parvient à produire des plans en cours d'action. Ces théories me semblent pertinentes à la compréhension et l'analyse de ce qui se produit, sur le plan cognitif, lors de l'évolution et de la construction d'un environnement hypertextuel. Les théories de la cognition distribuée, telles que développé par Hutchins (1995) me seront également précieuses en ce qu'elles ont su montrer que pour la réalisation de tâches complexes, les 8 acteurs aux capacités cognitives limitées allaient chercher dans leur environnement des supports externes (ce que Clark nomme scaffolding) pour la production et l’échanges de connaissances. Cependant, comment le suggérait Licoppe (2006) dans son analyse des centre d'appel SOS suicide, l'hypothèse de la cognition distribuée atteindrait ces limites lorsqu'on sort du cadre d'une cognition collective située dans une organisation aux structures stabilisées. Dans un environnement au fonctionnement non institué, les acteurs ne peuvent compter sur une distribution ordonnée de leur faculté de penser. Les acteurs doivent alors faire appel à la concertation, à la négociation, à l'explication. Les points de vue, les suggestions se rencontrent, dans une forme d'économie de la pertinence et de la justification, où les énoncés prennent des valeurs qui peuvent dépasser, modifier, reformuler l'organisation établie. Les approches pragmatiques, issues de la linguistique et renouvelées par la sociologie ont plus particulièrement abordés ces dimensions. La pragmatique ``Il faut aller du coté du praticien, c'est lui qui possède le savoir» Wenger, 2004 La pragmatique est née dans le champ de la linguistique pour fonder une science du sens subjectif, instituée dans un rapport entre homme, langage et monde. Discipline linguistique, la pragmatique avait notamment permis d'étudier l'influence du langage sur le contexte. Le philosophe du langage ordinaire Austin (1970) démontrait le lien qui peut unir langage et action sur le monde par l'analyse d'énoncé performatifs. Il introduisait l'idée, révolutionnaire dans la philosophie anglosaxonne de l'époque, selon laquelle les phrases, notamment affirmatives, ne servent pas simplement à décrire le monde, mais peuvent aussi être un moyen d'action : « dire c'est faire ». Son élève, Searle (1972) allait reprendre cette démonstration en théorisant les actes de langage. Grice allait plus tard fonder la pragmatique moderne en sortant l'étude de la langue de son modèle codifié pour démontrer la place des inférences (sens non explicites) qui permettent l'interprétation complète de l'énoncé (Grice, 1957). Il propose une approche coopérative de la communication linguistique, qui obéit à un certain nombre de règles, et dont la violation intentionnelle agit aussi comme un acte de communication. Il s'agit alors d'analyser les modalités d'interprétation de l'énoncé. Dans les années 1980, Sperber et Wilson rapprochent la pragmatique des sciences cognitives en développant une théorie de la pertinence, qui se définit par l'équilibrage entre le coût du traitement et les effets cognitifs de l'énoncé (Sperber, 1986). Les études de Sperber ancrent par la suite la compréhension de la cognition à un cadre culturel et communicationnel. Certains auteurs situent la naissance de la sociologie pragmatique en Amérique du nord dans le contexte de l'analyse de l'immigration, dans le prolongement de l'école de Chicago. Héritage des analyses linguistiques et culturalistes, une des caractéristique de la sociologie pragmatique est de dénoncer l'opposition rituelle du collectif et de l'individuel (Corcuff, 1995), en cherchant à analyser l'intrication des niveaux. Elle vise principalement à revoir les catégories sociologiques usuelles afin de construire une approche qui s'appuie sur le sens commun pour la compréhension du monde social. La sociologie pragmatique reconnaît notamment que les acteurs sont compétents pour prendre position, juger, dénoncer, critiquer, et rendre compte. Il faut souligner que la sociologie pragmatique a, elle aussi, contribué à la formulation d’une théorie politique des activités techniques. Se détournant des impératifs émancipateurs de la théorie critique, elle propose de suivre les acteurs pour comprendre comment ils investissent le sens de leurs actions. Il s'agit de décrire la façon dont les acteurs reconstituent des espaces politiques de 9 débats et de conventions pour gérer le fonctionnement des dispositifs techniques. Répondant au problème du monopole de l'expertise scientifique et technique tel qu'identifié par Habermas (1973), mais refusant l'approche dualiste (experts/profanes) de la consultation citoyenne, Callon et al. (2001) suggèrent la mise en place de forums hybrides qui pourraient permettre une co-construction de savoirs et savoir-faire s'appuyant sur des échanges entre acteurs hétérogènes aux statuts diversifiés. Parmi les théories développées par la sociologie pragmatique, l'analyse des conventions me semble particulièrement appropriée à l'analyse des politiques cognitives qui sont pratiquées sur les wikis. L'analyse des conventions a été notamment développée en économie, en philosophie politique, et en sociologie pour comprendre les situations d'équilibres et les processus d'équilibrage pour la coordination des actions. En ce sens, une convention n’est pas un modèle d’accord, mais une mise en équilibre. La théorie des conventions consiste donc à analyser comment s’élaborent des systèmes de règles plus ou moins complexes, les règles étant interprétées comme des instances de régularité. Organisation de la recherche: Choix du terrain Afin de cerner les négociations propres à la construction de connaissance sur des wikis publics, je ferai l'analyse de trois communautés de contributeurs, certaines étant plus exactement des sous-communautés d'un projet plus large. Toutes trois sont francophones, basées à Montréal, et rassemblent experts, professionnels et profanes autour de la constitution de connaissances communes. Plusieurs contributeurs d'une des communautés choisies sont par ailleurs contributeurs sur l'un et parfois les deux autres wikis. Montréal est enfin une ville connue pour son dynamisme numérique, et en particulier concernant les wikis, ayant rassemblé en 2007 deux des trois principales rencontres mondiales sur les wikis, à savoir le WikiSymposium2 et le Rocococamp3, la troisième rencontre étant Wikimania qui a eut lieu à Taiwan. Contributeurs québécois à Wikipédia La première communauté que j'observerai rassemble les contributeurs Québécois à Wikipédia. En plus du projet plus général de contribution à l'encyclopédie en ligne, les contributeurs québécois visés se rassemblent autour du Portail du Québec4, du Projet Québec5 (qui vise à coordonner les efforts sur le Québec), le panneau d'annonces des wikipédiens Québecois6 et de leur groupe de rencontre7. Ce choix est motivé d'abord par le caractère emblématique de Wikipédia, le wiki rassemblant la plus grosse communauté de contributeurs et surtout le plus grand lectorat. Ce wiki a sans conteste influencé les façons de faire de nombreuses communautés ayant ouvert un projet de wiki à caractère épistémique, depuis son ouverture. Le choix d'un groupe d'usagers québécois se base notamment sur l'intérêt que je porte à la gestion des controverses. Par exemple, l'ancrage territoriale du sous-projet (le Projet Québec) fait émerger des enjeux culturels et 2 3 4 5 6 7 http://www.wikisym.org/ws2007/index.html http://rocococamp.info http://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Québec http://fr.wikipedia.org/wiki/Projet:Québec http://en.wikipedia.org/wiki/Wikipedia:Quebec_Wikipedians'_notice_board/ http://en.wikipedia.org/wiki/Wikipedia:Quebec_Wikipedians'_notice_board/QWMG 10 politiques qui demandent aux contributeurs de négocier le « sens commun » de leur histoire. Mes premières rencontres avec le groupe d'usagers québécois ont fait apparaître que les controverses concernant le contenu d'articles portant sur le Québec ont joué un rôle important dans la consolidation du groupe. Contributeurs au wiki de Koumbit Koumbit est un collectif Montréalais de travailleurs du libre que j'ai étudié depuis septembre 2005 dans le cadre de recherche du LabCMO portant sur les pratiques collaboratives en milieu communautaire. Koumbit est un terme du créole haïtien signifiant plus ou moins « collectif». Le groupe s'est donné une double mission : offrir une structure aux travailleurs du libre montréalais, et fournir aux groupes communautaires des services technologiques qui servent leur autonomisation. Depuis sa création en 2004, ce groupe utilise de façon intensive un wiki qui lui sert à documenter autant son organisation que ses développements techniques. La plupart des pages sont maintenues publiques et proposées sous licence libre afin de favoriser une plus grande transparence, mais surtout dans l'idée que l'information contenue dans ce wiki puisse constituer un bien commun. Des négociations ont eu lieu relativement au caractère public de certaines pages, ce que j'ai commencé à suivre avec intérêt. Mais ce qui me parait encore plus intéressant, c'est que le groupe étant en croissance constante, de nouveau usagers apprennent à utiliser cet outil collectif, à se repérer dans son organisation, et peu à peu, à s'approprier et négocier (ou pas) les contenus et catégories proposées, toujours en vue de contribuer au bien commun du groupe. Ce sont ces apprentissages d'une part et ces négociations (de sens et de classement) d'une autre part, que j'ai commencé à analyser lors des entrevues, et que je continuerai d'approfondir. Contributeurs québécois au Wiki d'Ubuntu Ubuntu est une distribution proposant un système d'exploitation et un ensemble de logiciels libres particulièrement prisée par les nouveaux utilisateurs de Linux. Elle est issue d'un « fork »8 de la distribution Debian. En 2001, un milliardaire sud-africain proposait de subventionner le développement d'une distribution dédiée aux usagers « communs » (Linux for human being). Une partie des contributeurs sont engagés et rémunérés pour assurer un développement régulier et stable de la distribution dédié aux débutants des systèmes d'exploitation libre. Mais une énorme communauté de contributeurs non rémunérés font également partie du projet, offrant des améliorations techniques d'une part, mais aussi en fournissant du service d'aide aux usagers. La documentation technique de la distribution a été dressée sur une ferme de wikis, et se trouve principalement alimentée par les usagers, experts et novices. Le choix d'analyser ce wiki est venu plus tardivement et s'est confirmé pour plusieurs raisons. Tout d'abord, mon usage de la distribution Ubuntu m'a permis de prendre conscience du dynamisme de ce projet, dont la communauté québécoise parmi les contributeurs francophones. Une discussion avec l'un des développeurs rémunérés m'a fait prendre conscience de la relative autonomie des contributeurs au wiki par rapport aux structures de développement. La façon dont les contributions sont organisées et légitimées m'intéresse tout particulièrement, sachant qu'elle n'est pas le fruit d'une présélection professionnelle. Par ailleurs, ce terrain et cet angle d'approche fait écho à des recherches menées par 8 Selon Couture, 2006, p.103, « Les embranchements (« fork ») surviennent dans certains projets de logiciels libres lorsqu'une partie de l'équipe se trouve en désaccord avec la position dominante du projet. Les licenses de logiciels libres permettant cette initiative, les participants démissionnaires poursuivent alors de façon distincte le développement du logiciel original, qui pourra progressivement prendre une autonomie propre, voire éventuellement dominer le « marché. ». 11 Conein au début des années 2000, sur un support et une communauté proche et antérieure à celle-ci: l'usage d'une liste de discussion dans la communauté Debian. Le résultat de cette recherche a été publié dans un article intitulé « Relations de conseil et expertise collective : comment les experts choisissent-ils leurs destinataires dans les listes de discussion ? » (Conein, 2004b). Je prévois ainsi faire une comparaison des pratiques de collaboration entre les communautés Debian et Ubuntu, au regard de l'évolution politique du projet et du changement de support technique. Par ailleurs, comme les deux autres communautés (Wikipedia Québec et Koumbit), je profiterai de premiers contacts que j'ai déjà avec quelques contributeurs pour rencontrer en entrevue une petite dizaine de participants. Approche méthodologique Comme présenté dans mon cadre théorique, j'aborderai l'analyse des négociations en couplant l'observation des accords et des désaccords entre les participants. Pour observer les accords, les théories des conventions me semblent particulièrement pertinentes pour l'analyse des pratiques des wikis. Voici les dimensions des théories des conventions qui serviront à mon étude. Dans un article publié dans Réseaux portant sur Les appuis conventionnels de l'action, Dodier (1993), définit par convention les principes communs de justice et de vérité qui sont convoqués ou établis pendant l’action, et par appuis conventionnels l’ensemble des ressources qui permet d’élaborer une communauté de perspectives pour coordonner des actions. Dodier distingue dans les sciences sociales trois approches du problème des conventions. Une approche universaliste, qui vise l’établissement d’un modèle de coordination générale basée sur la mise en oeuvre d’une convention commune portée par l’ensemble des êtres humains. C’est notamment l’approche de Habermas (1987). Une approche culturaliste, qui se base sur l’idée qu’il existe une pluralité de communautés avec chacun des régimes de conventions, c’est à dire des principes de vérités et de justices qui leurs sont propres ou relatifs. Cette approche recherche l’existence de formules locales, séparées dans l’espace et dans le temps. C’est l’approche développée par Boltanski et Thévenot (1991) dans leur étude sur les sphères de justices contrastées. Une approche interactionniste qui s’intéresse aux conventions qui se font au niveau microsociologique de l’interaction dans l’ajustement incessant des acteurs les uns avec les autres, soumis à la contingence des circonstances. Comme cette étude ne se veut pas descriptive, je m'attacherai à l'analyse des articulations entre les entités et entre les niveaux d'analyse. Si Nicolas Dodier distingue ces trois niveaux, il me semble pertinent de chercher à montrer comment ils peuvent s'articuler, en analysant comment dans l'interaction peut se jouer des renvois à des questions universelles. C'est dans l'analyse des cas de montée en généralité que je chercherai à démontrer une politisation à partir des actions cognitives. J'observerai les désaccords dans cette même articulation des niveaux de référence. Les discussions, disputes et controverses (constituant trois étapes de montée en généralité et en puissance du désaccord) seront principalement suivies sur les pages de discussions des wikis d'Ubuntu et de Wikipédia. Concernant les contributeurs de Koumbit, qui utilisent moins les fonctions de discussion du Wiki, je tracerais les négociations sur la liste de discussion des travailleurs (à laquelle je suis abonnée depuis septembre 2005). Pour chacune des communautés, un nombre limité de désaccords (un à deux) seront ciblés et discutés en entretien. 12 Instruments d'enquête et d'analyse Je procéderai pour l'analyse à trois instruments d'enquête. Observation en ligne des contributions : leur structuration dans le wiki (par rapport aux autres contributions) leur composition et catégorisation recension des controverses : dans les pages de discussions (sur le wiki) ainsi dans les médias liés (liste et forum de discussion) Entretiens semi-dirigés sur trois thèmes apprentissage et conditions d'intervention gestion des contenus : catégorisation gestions des controverses: référence à la justice et à la justesse Film de contribution : film des acteurs et enregistrement vidéo de session Pour l'observation en ligne des contributions, je m'attarderai à leur structuration et catégorisation par les contributeurs. Je procéderai également à une recension des controverses dans les pages de discussions (sur le wiki) ainsi que dans les médias liés (listes et forums de discussions). Dans un deuxième temps, je réaliserai des entretiens semi-dirigés portant sur trois thèmes: l'apprentissage et les conditions d'intervention des usagers, la gestion des contenus et leur catégorisation et enfin la gestion des controverses. Pour finir, j'utiliserai la vidéo pour trois types d'enregistrement. Tout d'abord, un tiers des personnes rencontrées en entretien semi-dirigé sera invité à réaliser un entretien filmé, au cours duquel il lui sera demander de faire une démonstration d'usage. Ensuite, six séquences d'intervention seront enregistrées à partir d'un logiciel de capture incrusté sur les ordinateurs des contributeurs, et enregistrées sur un disque dur dédié. Enfin, le logiciel de montage vidéo Kino servira à reconstituer des séquences d'interaction collective, en passant en accéléré une succession de captures d'écran retraçant la négociation d'un thème controversé. La capture vidéo des actions des contributeurs, avec le dispositif d'une part et avec les autres contributeurs de l'autre, visera à documenter les activités de différents participants devant l’écran, et leurs interactions avec l'environnement technique, leur négociation des contenus et des catégories, et enfin, à produire une représentation dynamique sous forme d’une capture vidéo de l’écran. Échéancier Octobre 2007 : soutenance du projet de thèse La recension de la littérature a déjà débuté et continuera lors des travaux d'observation, jusque Août 2008 Novembre 2007 - Mars 2008 : poursuite des analyses de terrain Novembre : Finalisation du montage des entrevues vidéo réalisées avec 3 membres de Koumbit sur les usages du Wiki Contact avec le « user group » des contributeurs Québécois de Wikipédia Rencontre avec les contributeurs Montréalais d'Ubuntu, identification des controverses liées à l'usage du wiki. Décembre: 13 Reformulation des grilles d'entrevues pour les usagers du Wiki de Koumbit Observation de la structure des échanges et des contributions sur Wikipédia par les contributeurs québécois, recension des controverses Enquête sur l'origine du projet et du wiki d'Ubuntu Janvier: Seconde passe d'entrevues avec 6 autres membres de Koumbit sur l'usage de leur Wiki. Réalisation d'une grille d'entrevue pour 9 contributeurs Québécois à Wikipédia Observation de la structuration des échanges et contributions sur le wiki d'Ubuntu francophone Février: Entrevues avec 9 contributeurs Québécois à Wikipédia Réalisation d'une grille d'entrevue pour les contributeurs Québécois à Ubuntu Entrevues avec 9 contributeurs Québécois au Wiki d'Ubuntu Mars: Film de sessions de contribution, avec 3 usagers de Koumbit,, avec 3 contributeurs de Wikipédia, avec 3 contributeurs d'Ubuntu Avril- Juin : Interprétation des résultats Juin- Décembre : Rédaction (300 pages) Janvier 2009 : dépôt du projet Bibliographie Anthropologie des savoirs Breton, Philippe, 1987. Une histoire de l’informatique. Paris: La Découverte Breton, Philippe, 1996. L’argumentation dans la communication. Paris: La Découverte Castells, Manuels 1998. L'ère de l'information. Vol. 1. La société en réseaux. Paris: Fayard. Gensollen, Michel. 2006. 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