Psychologie du développement et handicap
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Yves Kerlirzin 1 Licence 2001-2002
Psychologie du développement et handicap
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I- Introduction
L'intitulé du cours est "Psychologie du développement et handicap". Il faut préciser que
l'approche proposée ici fera appel à différentes notions portées notamment par la neurobiologie,
la psychologie de l'apprentissage et du développement. En effet, il semble difficile et surtout
lacunaire, réducteur, d'appréhender les processus développementaux sans évoquer les processus
neurophysiologiques qui les sous-tendent.
Cette première intervention se propose de brosser un tableau extensif, large, des différents
aspects qui seront abordés plus profondément au cours des interventions suivantes. Seront mises
en œuvre quelques précisions sur la notion de développement, le rôle du cerveau et les
conceptions qui en découlent.
II- Développement
A- Définition
Ce terme peut se définir par l'ensemble des transformations qui affectent les organismes
vivants ou les institutions sociales, produits de l'activité humaine. Le développement fait
intervenir l’ensemble des mécanismes et des processus qui, à partir d’unités élémentaires, et par
le passage d'un ensemble d'étapes marquées chronologiquement, permettent l'édification chez
l'individu d'ensembles de plus en plus complexes agissant en relation les uns avec les autres. Les
interactions ainsi que la dépendance étroite de ces canismes tant à l’égard du programme
génétique qu’à l’égard de l’environnement par exemple rendent compte de cette complexité.
B- Les liens
Ce terme fait immédiatement appel à différentes notions, comme celle de continuité, de
finalité, d'évolution, de niveau, d'étape, de capacités acquises (comment), périodes, potentialités,
pouvoir de comprendre, d'agir, de réussir. Le développement postule l'apprentissage, l'acquisition
de données associatives, la mise en relation.
Le mot développement fait implicitement référence à l'idée de maturation, désignant selon la
perspective de Gesell (psychologue américain, années 20), l'évolution d'un organisme et plus
précisément de son système nerveux, vers l'âge adulte. Pour Henriette Bloch, les relations entre
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les paliers de maturation biologique et les comportements ne sont pas si linéaires qu'on le pense
généralement. Pour elle, en effet, "le concept de maturation n'est pas des plus clairs en
psychologie, où il est employé sous des acceptions différentes. Il véhicule des modèles qui ne sont
pas propres à la psychologie, mais empruntés à la biologie, ce qui a entraîné, lors de leur
appropriation, des simplifications ou des schématisations. Par exemple, le recours au modèle de
l'épigenèse probabiliste, pour ce qui est de la notion de stabilisation sélective proposée par
Changeux, dont le correspondant comportemental n'est pas nécessairement l'apprentissage."
Cet auteur poursuit en précisant que deux sens demeurent à ce terme, selon elle, dans la
littérature contemporaine :
- "il désigne, de façon générale, l'ensemble des facteurs endogènes du développement. La
maturation a souvent été estimée en termes de tout ou rien d'un moment à l'autre du
développement. Par exemple, la myélinisation , qui a longtemps constitué un critère privilégié pour
le développement sensorimoteur, a été regardée comme déterminant de nouvelles réponses et l'on
ne s'est pas demandé si elle ne présidait pas à une nouvelle organisation de réponses déjà
répertoriées.
- la maturation des différentes parties du corps, des différentes parties du système nerveux
ou du cerveau ne suit pas nécessairement les mêmes cheminements ou le même rythme. Quand on
emploie aujourd'hui le mot maturation, c'est plutôt pour rendre compte des modes de
changements que de leur quantité, pour rendre compte des transformations morphologiques et
fonctionnelles qui affectent une structure ou un ensemble de structures dont les relations sont,
sinon connues parfaitement, du moins supposées avec plausibilité. De plus, les changements
maturationnels ne sont plus considérés comme strictement endogènes ; la maturation n'apparaît
plus comme une organogenèse, mais comme une systématogenèse dans le sens donné à ce terme
par Anokhin (1964), i.e. une évolution à laquelle concourent des facteurs d'expérience ou de milieu
(point de vue transactionniste)."
C'est donc un domaine particulièrement vaste, fécond et complexe que ce terme très général
de développement recouvre. C'est pourquoi peut-être il est difficile à l'heure actuelle de trouver
une théorie générale permettant de rendre compte de façon exhaustive des processus
développementaux. On assiste plutôt de ce point de vue à l'abandon du statut explicatif de
grandes théories unitaires du développement.
C- Caractéristiques
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Cette difficulté provient peut-être du caractère holistique, global du développement (il semble
difficile de l'appréhender sans adopter un mode de pensée systémique). En effet, au cours de
l'ontogenèse par exemple, tous les domaines (affectifs, cognitifs, psychologiques, …) sont
concernés. Ceci peut être illustré par l'exemple de cas de sujets humains atteints du syndrome de
Turner (1938). Il s'agit d'individus de phénotype féminin, porteurs d'un seul chromosome X -
monosomie). Cette anomalie s'exprime par une croissance insuffisante et une immaturité sexuelle
permanente (absence quasi totale des ovaires), avec parfois des anomalies congénitales des reins
ou du système cardiovasculaire. A ces perturbations s'accompagnent certains troubles du
développement cognitif, avec un schéma corporel insuffisamment différencié, une définition
erronée de la droite ou de la gauche, divers troubles d'ordre dyslexique, des difficultés dans la
représentation spatiale des formes. Enfin, le syndrome de Turner se caractérise aussi par des
troubles de la personnalisation. Cependant, certains auteurs (Bekke, 1974) formulent l'hypothèse
selon laquelle l'infantilisation caractéristique de ces sujets ne relèverait pas d'un problème
chromosomique, mais d'une attitude de surprotection du milieu familial. La dépendance, la naïveté,
le manque de confiance en soi serait relèverait donc de processus réactifs. On le voit donc, un
désordre d'origine biologique peut se traduire également par des signatures psychologiques
importantes.
Différents modèles utilisés par la psychologie génétique ont été utilisés afin de rendre compte
du développement de l'enfant. Ils ont fait appel aux notions de structures (schèmes, opérations
fonctions), de systèmes (systèmes de règles, algorithmes, systèmes d'habitudes, programmes,
procédures), de traitement de l'information (code, mémoire, représentation, image, carte).
III- Apprentissage
A- Quelques définitions de l'apprentissage
Reuchlin (1977), "il y a apprentissage lorsqu'un organisme, placé plusieurs fois dans la même
situation, modifie sa conduite de façon systématique et relativement durable".
Fleishman (1978), "l'apprentissage est le processus neurologique interne supposé intervenir à
chaque fois que se manifeste dans les performances un changement qui n'est dû ni à la croissance
ni à la fatigue".
Schmidt (1982), ; "L'apprentissage moteur est un ensemble de processus associés à
l'entraînement ou à l'expérience conduisant à des changements relativement permanents des
comportements habiles".
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Magill (1989) insiste sur des aspects similaires en définissant l'apprentissage comme "un
changement dans la capacité d'un individu de réaliser une habileté mise en évidence de façon
relativement permanente et résultant de la pratique ou de l'entraînement".
Paillard (1987) : "L'apprentissage est le processus qui conduit l'organisme à utiliser ses
instruments moteurs d'une manière nouvelle, à jouer des mélodies cinétiques originales qui ne
figurent pas dans les partitions déjà inscrites dans son plan de câblage".
Comenius : "L'apprentissage est un changement progressif dans le schéma de compréhension
et dans les formes de comportement en vue de s'adapter aux besoins sentis de la vie".
B- Caractéristiques
L'apprentissage est le processus par lequel la réponse d'un individu ou d'un organisme se
modifie à la suite d'un stimulus. Ce changement observé de réponse doit être à la pratique, à
l'expérience, et non le résultat d'états temporaires comme la fatigue, l'anxiété, le stress, la
maladie (dans ce ces cas là, en effet, les modifications se révèlent être à la fois peu durables et
généralement de nature uniquement intensive). Il s'agit donc d'un processus postulant l'exercice,
chaque répétition ou essai de la situation et de la réaction amène une amélioration de la
performance jusqu'au niveau jugé suffisant et efficient. Le changement ou la modification de
conduite est d'abord essentiellement d'ordre interne à l'organisme. Ce changement est
perceptible (extérieurement), actualisé ou formalisé sous forme de performance mesurable.
Le changement peut n'être pas purement quantitatif (il ne se traduit pas nécessairement pas
plus haut, plus fort, plus vite) mais d'ordre qualitatif, montrant une réorganisation dans le
traitement et la gestion d'une activité ou d'un domaine particulier (différentes expérimentations
ont montré ces gestions différentes entre experts et non experts dans les pratiques sportives).
Ce changement peut se faire dans un sens positif (comportements désirables) ou dans un sens
négatif (comportements déviants ou délinquants).
Au plan physiologique, l'apprentissage et la mémoire dépendent de l'acquisition de voies de
communications nouvelles ou plus efficaces dans le système nerveux central. Ce sont en effet les
modifications intéressant les systèmes récepteurs et effecteurs, dans leurs liaisons ou
connexions anatomiques et fonctionnelles, qui ont été retenues comme appartenant au domaine de
l'apprentissage. Ceci implique que la forme de mémoire rendant possible le phénomène
d'apprentissage ne soit pas une mémoire de simple persistance d'une excitation ou de l'effet
d'une réaction, correspondant à l'existence de traces isolées, mais une mémoire associative,
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