A- Quelques définitions de l`apprentissage

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Psychologie du développement et handicap
Psychologie du développement et handicap
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I- Introduction
L'intitulé du cours est "Psychologie du développement et handicap". Il faut préciser que
l'approche proposée ici fera appel à différentes notions portées notamment par la neurobiologie,
la psychologie de l'apprentissage et du développement. En effet, il semble difficile et surtout
lacunaire, réducteur, d'appréhender les processus développementaux sans évoquer les processus
neurophysiologiques qui les sous-tendent.
Cette première intervention se propose de brosser un tableau extensif, large, des différents
aspects qui seront abordés plus profondément au cours des interventions suivantes. Seront mises
en œuvre quelques précisions sur la notion de développement, le rôle du cerveau et les
conceptions qui en découlent.
II- Développement
A- Définition
Ce terme peut se définir par l'ensemble des transformations qui affectent les organismes
vivants ou les institutions sociales, produits de l'activité humaine. Le développement fait
intervenir l’ensemble des mécanismes et des processus qui, à partir d’unités élémentaires, et par
le passage d'un ensemble d'étapes marquées chronologiquement, permettent l'édification chez
l'individu d'ensembles de plus en plus complexes agissant en relation les uns avec les autres. Les
interactions ainsi que la dépendance étroite de ces mécanismes tant à l’égard du programme
génétique qu’à l’égard de l’environnement par exemple rendent compte de cette complexité.
B- Les liens
Ce terme fait immédiatement appel
à différentes notions, comme celle de continuité, de
finalité, d'évolution, de niveau, d'étape, de capacités acquises (comment), périodes, potentialités,
pouvoir de comprendre, d'agir, de réussir. Le développement postule l'apprentissage, l'acquisition
de données associatives, la mise en relation.
Le mot développement fait implicitement référence à l'idée de maturation, désignant selon la
perspective de Gesell (psychologue américain, années 20), l'évolution d'un organisme et plus
précisément de son système nerveux, vers l'âge adulte. Pour Henriette Bloch, les relations entre
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les paliers de maturation biologique et les comportements ne sont pas si linéaires qu'on le pense
généralement. Pour elle, en effet, "le concept de maturation n'est pas des plus clairs en
psychologie, où il est employé sous des acceptions différentes. Il véhicule des modèles qui ne sont
pas propres à la psychologie, mais empruntés à la biologie, ce qui a entraîné, lors de leur
appropriation, des simplifications ou des schématisations. Par exemple, le recours au modèle de
l'épigenèse probabiliste, pour ce qui est de la notion de stabilisation sélective proposée par
Changeux, dont le correspondant comportemental n'est pas nécessairement l'apprentissage."
Cet auteur poursuit en précisant que deux sens demeurent à ce terme, selon elle, dans la
littérature contemporaine :
- "il désigne, de façon générale, l'ensemble des facteurs endogènes du développement. La
maturation a souvent été estimée en termes de tout ou rien d'un moment à l'autre du
développement. Par exemple, la myélinisation , qui a longtemps constitué un critère privilégié pour
le développement sensorimoteur, a été regardée comme déterminant de nouvelles réponses et l'on
ne s'est pas demandé si elle ne présidait pas à une nouvelle organisation de réponses déjà
répertoriées.
- la maturation des différentes parties du corps, des différentes parties du système nerveux
ou du cerveau ne suit pas nécessairement les mêmes cheminements ou le même rythme. Quand on
emploie aujourd'hui le mot maturation, c'est plutôt pour rendre compte des modes de
changements que de leur quantité, pour rendre compte des transformations morphologiques et
fonctionnelles qui affectent une structure ou un ensemble de structures dont les relations sont,
sinon connues parfaitement, du moins supposées avec plausibilité. De plus, les changements
maturationnels ne sont plus considérés comme strictement endogènes ; la maturation n'apparaît
plus comme une organogenèse, mais comme une systématogenèse dans le sens donné à ce terme
par Anokhin (1964), i.e. une évolution à laquelle concourent des facteurs d'expérience ou de milieu
(point de vue transactionniste)."
C'est donc un domaine particulièrement vaste, fécond et complexe que ce terme très général
de développement recouvre. C'est pourquoi peut-être il est difficile à l'heure actuelle de trouver
une théorie générale permettant de rendre compte de façon exhaustive des processus
développementaux. On assiste plutôt de ce point de vue à l'abandon du statut explicatif de
grandes théories unitaires du développement.
C- Caractéristiques
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Cette difficulté provient peut-être du caractère holistique, global du développement (il semble
difficile de l'appréhender sans adopter un mode de pensée systémique). En effet, au cours de
l'ontogenèse par exemple, tous les domaines (affectifs, cognitifs, psychologiques, …) sont
concernés. Ceci peut être illustré par l'exemple de cas de sujets humains atteints du syndrome de
Turner (1938). Il s'agit d'individus de phénotype féminin, porteurs d'un seul chromosome X monosomie). Cette anomalie s'exprime par une croissance insuffisante et une immaturité sexuelle
permanente (absence quasi totale des ovaires), avec parfois des anomalies congénitales des reins
ou du système cardiovasculaire. A ces perturbations s'accompagnent certains troubles du
développement cognitif, avec un schéma corporel insuffisamment différencié, une définition
erronée de la droite ou de la gauche, divers troubles d'ordre dyslexique, des difficultés dans la
représentation spatiale des formes. Enfin, le syndrome de Turner se caractérise aussi par des
troubles de la personnalisation. Cependant, certains auteurs (Bekke, 1974) formulent l'hypothèse
selon laquelle l'infantilisation caractéristique de ces sujets ne relèverait pas d'un problème
chromosomique, mais d'une attitude de surprotection du milieu familial. La dépendance, la naïveté,
le manque de confiance en soi serait relèverait donc de processus réactifs. On le voit donc, un
désordre d'origine biologique peut se traduire également par des signatures psychologiques
importantes.
Différents modèles utilisés par la psychologie génétique ont été utilisés afin de rendre compte
du développement de l'enfant. Ils ont fait appel aux notions de structures (schèmes, opérations
fonctions), de systèmes (systèmes de règles, algorithmes, systèmes d'habitudes, programmes,
procédures), de traitement de l'information (code, mémoire, représentation, image, carte).
III- Apprentissage
A- Quelques définitions de l'apprentissage
Reuchlin (1977), "il y a apprentissage lorsqu'un organisme, placé plusieurs fois dans la même
situation, modifie sa conduite de façon systématique et relativement durable".
Fleishman (1978), "l'apprentissage est le processus neurologique interne supposé intervenir à
chaque fois que se manifeste dans les performances un changement qui n'est dû ni à la croissance
ni à la fatigue".
Schmidt (1982), ; "L'apprentissage moteur est un ensemble de processus associés à
l'entraînement ou à l'expérience conduisant à des changements relativement permanents des
comportements habiles".
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Magill (1989) insiste sur des aspects similaires en définissant l'apprentissage comme "un
changement dans la capacité d'un individu de réaliser une habileté mise en évidence de façon
relativement permanente et résultant de la pratique ou de l'entraînement".
Paillard (1987) : "L'apprentissage est le processus qui conduit l'organisme à utiliser ses
instruments moteurs d'une manière nouvelle, à jouer des mélodies cinétiques originales qui ne
figurent pas dans les partitions déjà inscrites dans son plan de câblage".
Comenius : "L'apprentissage est un changement progressif dans le schéma de compréhension
et dans les formes de comportement en vue de s'adapter aux besoins sentis de la vie".
B- Caractéristiques
L'apprentissage est le processus par lequel la réponse d'un individu ou d'un organisme se
modifie à la suite d'un stimulus. Ce changement observé de réponse doit être dû à la pratique, à
l'expérience, et non le résultat d'états temporaires comme la fatigue, l'anxiété, le stress, la
maladie (dans ce ces cas là, en effet, les modifications se révèlent être à la fois peu durables et
généralement de nature uniquement intensive). Il s'agit donc d'un processus postulant l'exercice,
chaque répétition ou essai de la situation et de la réaction amène une amélioration de la
performance jusqu'au niveau jugé suffisant et efficient. Le changement ou la modification de
conduite est d'abord essentiellement d'ordre interne à l'organisme. Ce changement est
perceptible (extérieurement), actualisé ou formalisé sous forme de performance mesurable.
Le changement peut n'être pas purement quantitatif (il ne se traduit pas nécessairement pas
plus haut, plus fort, plus vite) mais d'ordre qualitatif, montrant une réorganisation dans le
traitement et la gestion d'une activité ou d'un domaine particulier (différentes expérimentations
ont montré ces gestions différentes entre experts et non experts dans les pratiques sportives).
Ce changement peut se faire dans un sens positif (comportements désirables) ou dans un sens
négatif (comportements déviants ou délinquants).
Au plan physiologique, l'apprentissage et la mémoire dépendent de l'acquisition de voies de
communications nouvelles ou plus efficaces dans le système nerveux central. Ce sont en effet les
modifications intéressant les systèmes récepteurs et effecteurs, dans leurs liaisons ou
connexions anatomiques et fonctionnelles, qui ont été retenues comme appartenant au domaine de
l'apprentissage. Ceci implique que la forme de mémoire rendant possible le phénomène
d'apprentissage ne soit pas une mémoire de simple persistance d'une excitation ou de l'effet
d'une réaction, correspondant à l'existence de traces isolées, mais une mémoire associative,
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c'est-à-dire une forme de rétention correspondant à la formation de systèmes ou synthèses de
traces, intéressant les mécanismes récepteurs dans leurs liaisons avec les mécanismes
effecteurs.
A la lumière de ces définitions, plusieurs caractéristiques de l'apprentissage peuvent être
mises en évidence :
- l'apprentissage est une activité psychologique : L'apprentissage n'est pas un changement
comportemental mais une série de processus internes dont la mise en œuvre peut conduire à une
modification de la performance. Habileté est finalisée.
- l'apprentissage moteur est le résultat direct de la pratique : Plusieurs facteurs tels que la
croissance de l'organisme, la maturation du système nerveux peuvent conduire à un gain de telle
ou telle qualité physique sans que l'on puisse les attribuer à l'apprentissage lui-même.
- l'apprentissage n'est pas directement observable : Pour Leplat et Pailhous (1981), "il est clair
que ce qu'on observe est une manifestation de l'habileté et non l'habileté elle-même. L'habileté
est au-delà de ce qu'on observe, en arrière plan de ces manifestations, comme ce qui les génère."
- l'apprentissage est relativement permanent : Dès lors, le sujet doit pouvoir reproduire le
même comportement s'il est placé dans des conditions identiques. On peut donc supposer que
l'organisme garde une trace de ces modifications dues à l'apprentissage. Cela implique qu'il soit
possible de stocker des informations et de les réactiver au moment voulu. La mémoire permet la
rétention et le rappel de l'information.
Les processus évoqués précédemment mettent en jeu de façon tout à fait essentielle,
centrale, le cerveau sans lequel tout apprentissage et tout développement apparaissent
impossibles.
IV- Le cerveau
A- Caractéristiques
Le cerveau se caractérise par son extrême complexité. Il comprend environ 10 12, soit cent
milliards de cellules nerveuses, pèse chez l'adulte environ 1400g (300g à la naissance environ)
pour un volume d'environ 1200 cm3. L'accroissement de masse du cerveau coïncide avec la poussée
des axones et des dendrites (le corps cellulaire reçoit un ou plusieurs prolongements assez courts
appelés "dendrites" ; ce sont les organes récepteurs du neurone, ceux qui conduisent l'influx vers
le corps cellulaire. Celui-ci émet un prolongement en général long par où part l'influx : l'axone.
Certains neurones ont des axones de plus de 50 cm), la formation des synapses (l'EU nous dit que
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ce terme fut forgé en 1897 par un helléniste, à la demande de Sherrington, physiologiste anglais,
pour donner un nom (dont la traduction française pourrait être «agrafe») à un concept plus qu’à
l’image d’une réalité reconnue, car à cette époque plus d’un cytologiste niait l’individualité
cellulaire du neurone et croyait à la continuité – théorie dite" réticulariste, selon laquelle les
cellules nerveuses forment toutes les unes avec les autres
un réseau continu - , non à la
contiguïté, des liaisons interneuronales), le développement des gaines de myéline autour des
axones. Mais et surtout, on observe une extrême diversité de réseaux, de relations ou
interconnexions neuronales : chaque cellule nerveuse reçoit ou transmet entre 5000 et 90 000
échanges fonctionnels, permettant de véhiculer l'information. Le cerveau doit être appréhendé en
premier lieu comme le lieu privilégié de relations et d'échanges avec le milieu environnant. Il a
pour cela à sa disposition de nombreux capteurs différenciés, spécialisés, traduisant en potentiels
électriques (potentiels d'action) les stimuli du monde extérieur. Ces derniers, grâce aux
propriétés caractéristiques d'excitabilité de la membrane neuronale, permettent la transmission
des différentes informations aux diverses structures cérébrales. Une fois le potentiel d'action
parvenu à la terminaison nerveuse, l'information électrique est traduite en information chimique
et libérée au niveau synaptique (fente), lieu de contacts et d'échanges entre les différents
neurones (les synapses présentent des temps de fonctionnement de l'ordre de la milliseconde).
Ces informations permanentes nous permettent de construire du monde une image unifiée,
cohérente, stable, par l'intégration au niveau du cerveau des données sensorielles et motrices.
Cette cohérence entre la perception et l'action est essentielle à la fois pour la survie de
l'individu, mais également dans une perspective développementale.
Le cerveau n'arrive à maturité chez l'homme qu'après une période d'environ dix ans. Durant
cette période développementale, comme au cours de l'existence plus tardive du sujet, vont se
mettre en place progressivement et se développer des échanges, des interactions parfois
complexes mettant en jeu divers processus qui relèvent pour partie d'un mécanisme de
maturation (mettant en jeu le patrimoine génétique) et pour une autre partie des relations que le
sujet va pouvoir nourrir avec son environnement, créant ainsi les conditions propices à différents
apprentissages, à la construction de la mémoire.
B- L'existence d'une neurogenèse
Deux grandes périodes peuvent être distinguées dans le développement du système nerveux.
Une phase précoce, essentiellement prénatale, et une phase plus tardive, débordant largement
sur la vie post-natale. Le cortex se forme chez l'être humain par différenciation du tube neural.
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Dès la sixième semaine de vie embryonnaire, la vésicule la plus antérieure du tube neural se divise
en deux compartiments qui vont donner chacun naissance à un hémisphère cérébral. Les cellules
qui composent la paroi du tube neural vont se diviser, produisant jusqu'à 250 000 cellules par
minute. Cette division cellulaire s'arrête environ seize semaines après la fécondation. Pour
certains, cela signifie que l'être humain vient au monde avec un nombre maximal de cellules
nerveuses corticales, nombre qui ne fera que décroître par la suite. Pour d'autres, cette
neurogenèse, c'est-à-dire la formation de nouveaux neurones, se poursuit dans le cerveau adulte,
et ce tout au long de la vie. C'est dans les années 1960 que l'on s'est aperçu pour la première fois
que de nouveaux neurones apparaissaient dans le cerveau des mammifères adultes. Jusqu'à cette
période, on considérait le cerveau adulte comme un organe dépourvu de toute capacité
régénératrice et condamné à perdre définitivement ses éléments les plus précieux, les neurones.
Différentes expérimentations ont montré qu'outre le renouvellement après lésion de certaines
cellules (gliales) d'un type particulier, d'autres cellules présentant des caractéristiques
semblables à celles des neurones apparaissaient à partir d'une zone germinative constituée de
cellules souches, Ces données ont été confirmées par l'apparition dans le cerveau d'un mammifère
(le rat adulte) de quelques cellules possédant des synapses (ce phénomène de neurogenèse est
relativement abondant chez certains reptiles et certains oiseaux). Ce n'est qu'au début des
années 1990 que l'utilisation de marqueurs spécifiques a permis de montrer que le nombre de
cellules nerveuses nouvellement nées était abondant. Cette neurogenèse a depuis été décrite chez
toutes les espèces de mammifères étudiées, dont l'homme, mettant en jeu des zones cérébrales
plus étendues qu'on pouvait le penser de prime abord (d'abord semble-t-il localisé au niveau du
bulbe olfactif et d'une partie de l'hippocampe), comme certaines régions du cortex (néocortex)
des primates. Or, nous savons le rôle essentiel joué par cette structure dans les processus
cognitifs les plus élaborés.
Ceci énoncé, il semble à l'heure actuelle difficile d'affirmer que ce renouvellement constaté
puisse concerner tous les types de neurones. "Aujourd'hui encore, on ne sait pratiquement rien de
l'identité des nouveaux neurones corticaux, on ignore notamment s'ils appartiennent ou non à un
seul sous-type neuronal."
Il semble également probable qu'on ne puisse pas découvrir de neurogenèse dans toutes les
régions cérébrales. Une récente étude sur le néocortex des primates a mis en évidence des
neurones nouveaux dans trois régions du cortex associatif (les zones préfrontale, temporale
inférieure et pariétale postérieure) ; en revanche, malgré un examen attentif, il n'a été observé
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aucun renouvellement dans le cortex strié. Ce résultat est particulièrement intéressant, car le
cortex associatif joue un rôle important dans les fonctions cognitives de haut niveau, alors que le
cortex strié intervient dans le traitement des informations d'origine visuelle. Cette différence
donne à penser que la neurogenèse pourrait jouer un rôle clé dans des fonctions plastiques par
essence, alors qu'elle serait sans objet pour des fonctions comme le traitement des données
sensorielles, qui sont en général stables tout au long de la vie. Cette idée cadre bien avec ce que
l'on sait de la neurogenèse dans le reste du cerveau."
Le développement embryonnaire se poursuit donc sous une forme silencieuse chez l'adulte par
la génération de nouvelles cellules souches qui vont migrer, se différencier et s'insérer dans de
nouveaux réseaux neuronaux, et ce jusqu'à la mort. De ce point de vue, la question du
vieillissement est sans doute à re poser. On pense en effet généralement que ce dernier se
caractérise par une perte de fonctions à partir d'un âge donné. La neurogenèse pourrait nous
fournir un certain nombre de réponses ou de voies de recherche pour comprendre et peut-être
prévenir différentes maladies neurodégénératives comme par exemple la maladie d'Alzheimer.
C- Déterminisme génétique et épigenèse
Le développement du cerveau, son unité, s'effectuent sous le contrôle du patrimoine génétique
(on compte environ 30 000 gênes dans le génome humain, dont 15 000 sont de fonctions
supposées et 5 000 assez bien connues), celui-ci mettant au service de ce développement un
nombre élevé de combinaisons possibles (il faut rappeler de ce point de vue que la construction du
cerveau humain ne suit pas un programme particulier. Il est erroné d'affirmer que le
développement de la formidable complexité cérébrale répond à un déterminisme strict (ou à un
sur déterminisme) du génome. Cette prégnance du génome introduirait l'idée de l'existence
d'invariants au niveau comportemental. Cette notion est fondamentale car cela signifie que si l'on
accepte l'idée d'un sur déterminisme génétique, toute possibilité d'apprentissage semble a priori
exclue, le développement suivant alors de façon stricte le "programme" imposé par le génome du
sujet. De ce point de vue, comme le propose Changeux, "il paraît utile d'introduire le terme
d'enveloppe génétique pour délimiter les caractères invariants soumis au strict déterminisme des
gênes et ceux qui font l'objet d'une importante variabilité phénotypique.". Ce déterminisme est
responsable des divers processus développementaux mis en jeu dans la maturation du système
nerveux (par exemple, le comportement du cône de croissance, la mise en place des connectivités,
l'existence d'activité spontanée dès les premiers stades de l'assemblage des circuits nerveux). A
partir d'un même génotype, des phénotypes différents pourront voir le jour en fonction des
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expériences singulières des sujets. C'est le cas pour les vrais jumeaux, dits monozygotes
(provenant d'un seul et même ovule fécondé par un seul spermatozoïde). A partir d'un patrimoine
génétique supposé identique (les vrais jumeaux sont dits isogéniques), les variabilités
phénotypiques constatées ne devraient être dues qu'à des environnements différents. Un travail
récent (Bartley et al., 1997) montre que même les cerveaux de vrais jumeaux se révèlent être
différents. Ces auteurs ont montré que le volume du cerveau humain serait presque entièrement
déterminé par des facteurs génétiques alors que le dessin des circonvolutions cérébrales (ceci
laisse à penser que les populations cellulaires corticales, qui sous-tendent la forme de ces
circonvolutions, ne sont pas réparties de la même façon chez des sujets supposés génétiquement
identiques) dépendrait surtout des conditions environnementales. Ceci confirme l'idée selon
laquelle le système nerveux comporte une part d'individualisation qui n'est pas dictée par le
génome.
D- La théorie du développement du système nerveux par épigenèse
Un certain nombre d'auteurs ont proposé une théorie dite épigénétique du développement. Ce
terme n'est pas nouveau (il était déjà utilisé au dix-huitième siècle – en 1759 par C. F. Wolf), bien
que son acception ait changé depuis un siècle environ. La doctrine de l’épigenèse propose une
thèse selon laquelle la forme individuelle d’un être vivant n’est pas présente à la fécondation.
Cette forme n’apparaît que progressivement, et cette formation lente va durer tout au long de la
gestation, de l’incubation, de la métamorphose ou de la germination. Depuis un siècle, cette thèse
a été étendue à la neurogenèse postnatale, ainsi qu'à la psychogenèse. Cette thèse entre en
contradiction avec la doctrine de la préformation qui postule que la forme singulière, unique,
préexiste matériellement, bien qu’invisible, dans un germe. De ce point de vue, l’ontogenèse serait
ainsi un simple "agrandissement", l’ordre des parties restant invariant du germe à l’individu
achevé. L'épigenèse peut se définir, selon Changeux, comme un "mécanisme combinatoire ne
faisant plus intervenir de modification du matériel génétique, s'exerçant au niveau des ensembles
de cellules nerveuses. Il possède pour origine la topologie (c'est-à-dire la disposition
géographique) du réseau des connexions qui s'établissent entre neurones au cours du
développement."
L’épigenèse propose l'idée selon laquelle l'organisme, confronté aux contraintes particulières
d'un environnement donné, mettrait en place, puis sélectionnerait et stabiliserait les connexions
qui sont effectivement sollicitées et mises en œuvre au cours du développement. Par exemple, le
développement de la vision, l'apprentissage et le développement dans l'acquisition de la langue
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maternelle, procèdent de tels mécanismes. Ces derniers se placent dans le cadre d'une conception
interactionniste de l'individu avec son environnement (on retrouve cette perspective dans les
relations de l'enfant avec l'adulte ou d'autres enfants, les attitudes et conduites des uns et des
autres étant modulées, réorganisées en fonction des relations établies –échanges, mimiques, etc.).
Cette conception interactionniste a donné lieu à de nombreux travaux en théories du
développement et de l'apprentissage.
Ainsi, à l'échelon neurobiologique, les conditions de la synaptogenèse, c'est-à-dire de la
formation de synapses, de relations qui progressivement s'établissent entre les différentes
cellules nerveuses, ont montré qu'au cours du développement de la jonction neuromusculaire
s'opérerait une sélection et une stabilisation de l'un des contacts synaptiques établis, sur la base
de l'exercice fonctionnel de la transmission (une synapse devient fonctionnelle à partir du
moment où elle assure une transmission d’information entre neurone émetteur et neurone
récepteur, par l’intermédiaire d’une substance chimique, le neuromédiateur que sécrète le
neurone émetteur) de la transmission : seule la terminaison la plus fréquemment sollicitée serait
retenue, les autres venant à disparaître. En clair, l'exercice plus ou moins fortuit du
fonctionnement d'une structure au cours du développement serait en pareil cas la condition de
son maintien.
En bref résumé, comme le rappelle A. Prochianz (2000), plus nous sommes stimulés, plus nous
développons des constructions épigénétiques diversifiées. Ainsi, tous les individus, bien
qu'appartenant à une même espèce sont différents. L'usage et l'influence de l'environnement sur
tous les systèmes sensoriels de l'individu participe de façon déterminante à la construction de
ses fonctions et modifient pour chacun la construction de ses représentations au niveau du
système nerveux central. L'épigenèse peut être appréhendée comme un processus adaptatif se
poursuivant tout au long de l'existence.
E- Labilité et dégénérescence synaptiques
Cependant, les connexions nerveuses restantes vont se caractériser au cours de l'évolution du
système par leur labilité, c'est-à-dire une absence de stabilité et une possible dégénérescence
dues notamment à l'absence d'activité de ces éléments nerveux. Ceci a pu être montré lors
d'expériences de section ou de destruction de trajets nerveux particuliers. Il se produit alors
des phénomènes de dégénérescence transneuronale ou transsynaptique, pouvant toucher
différents niveaux de contacts synaptiques, avec effet antérograde lorsque cette section suit le
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trajet de fibres nerveuses afférentes, et rétrograde lorsqu'il s'agit de fibres nerveuses
efférentes. On peut évoquer alors un processus de propagation de cet effet de dégénérescence,
conduisant à une réorganisation de la structure initiale, une modification anatomique des cellules
concernées et la disparition à terme des cellules désormais inactives.
Il se produit donc au cours du développement, qui peut être perçu à juste titre, comme une
période de prolifération tous azimuts des connexions nerveuses, des phénomènes de régression.
La mort des cellules fait partie intégrante du développement du système nerveux. A la naissance,
chez le mammifère (le rat, l'homme) existe une sur-innervation d'un même territoire de fibres
musculaires, caractéristique d'une redondance du système. Ce redoublement des jonctions, cette
redondance transitoire (redondance : initialement, être inondé, déborder - XIIè s. : en latin,
redundare - au XVIè, abondance superflue. Dans la seconde moitié du XXè siècle, passe dans la
terminologie de l'informatique) va peu à peu s'éliminer par la disparition progressive d'un certain
nombre de terminaisons nerveuses actives. Ceci semble logique si l'on se réfère à la somme des
potentialités offertes par ce développement. Toutes en effet ne pourront être mises en jeu,
actualisées. Les cellules non sollicitées, c'est-à-dire non impliquées de façon fonctionnelle dans
un circuit donné, vont passer d'un état transitoirement stable à un état labile, puis finalement à
un état dégénéré. Le nombre de potentialités réellement exercées va diminuer avec la maturation.
C'est la sollicitation, l'exercice, la mise en relation qui va commander un processus de
stabilisation sélective d'une population particulière de cellules, éliminant ainsi peu à peu la
redondance. Ce qui ressort en définitive d'un tel modèle, c'est la capacité de la fonction à créer
peu à peu la structure à partir de données physiologiques qui pré-existent, procédant par le jeu
de combinatoires et d'éliminations successives, à la stabilisation de combinatoires ou de
connexions nouvelles, stables, fonctionnelles.
De nombreux travaux sont venus étayer cette thèse d'apprentissage par sélection synaptique,
de stabilisation fonctionnelle des connexions neuronales, et de régression. L'expérience de
privation sensorielle de Wiesel & Hubel (1963, 1965) a mis en œuvre une approche différente afin
de mettre en évidence ce processus de régression. Il faut ici préciser que ces expériences ont
porté sur des chatons, mais que la reproductibilité ou la généralisation des résultats obtenus pour
la vision doit être envisagée avec prudence, que ce soit au regard d'espèces différentes ou au
regard d'autres aspects (au niveau du système moteur par exemple).
F- Plasticité du système nerveux et périodes critiques
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Une possible démarche expérimentale utilisée pour mettre en évidence l'existence de
processus donnés procède par perturbation de l'exercice normal d'une fonction particulière d'un
sujet, de façon à tester les limites de fonctionnement du système sans compromettre
globalement l'exercice de cette fonction. Les réactions du système nerveux à ces manipulations
mettent à jour soit la difficulté ou l'impossibilité pour le système de faire face à cette
perturbation, de façon transitoire ou permanente, définitive, soit une certaine plasticité, c'est-àdire la capacité pour ce système de compenser, de réorganiser ou d'orienter son développement
en fonction des contraintes rencontrées. Une autre possibilité consiste en réalisant des lésions
(sections de nerfs par exemple). Hubel & Wiesel ont soumis de jeunes chatons à des conditions de
déprivation sensorielle par suturation unilatérale des paupières réalisée au cours des six
premières semaines de vie de l'animal. Ils ont constaté chez les sujets non seulement un arrêt de
la croissance, mais on noté également une importante diminution de la taille des cellules
neuronales au niveau du corps genouillé latéral, structure impliquée dans la vision et recevant les
projections de cet œil, ainsi qu'une diminution des afférences sensorielles en direction des zones
occipitales. Cette diminution se révèle moindre si l'occlusion est réalisée simultanément sur les
deux yeux. Ce déficit observé chez le chaton présente un caractère réversible (plasticité)
permettant la récupération des effets de la déprivation si la suturation est interrompue au bout
de trois semaines. Il existerait donc une période de sensibilité critique au cours de laquelle les
atteintes sont partiellement réversibles surtout si les conditions normales sont rétablies avant la
fin de cette période. Il faut noter, dans le prolongement de tels travaux, que la privation de
lumière, c'est-à-dire la mise en place de l'absence de stimulation électrique du nerf optique, à une
période critique de 4 semaines à 3 mois après la naissance, provoque une lésion irréversible des
voies optiques et entraîne la cécité définitive de cet œil chez le sujet adulte.
On sait par ailleurs qu'il existe une différence de plasticité, de capacité à se modifier en
réponse à des perturbations de l'environnement, entre le cerveau d'un enfant et celui d'un
adulte, considéré comme anatomiquement stable. Les facultés de récupération après lésion sont
beaucoup plus importantes chez le premier que chez le second. Cette différence - qualitative en
apparence - de plasticité entre le cerveau en développement et le cerveau adulte a été introduite
dans les théories sur le fonctionnement du cerveau. Cependant, la neurogenèse à l'âge adulte
modifie la manière dont il faut envisager le fonctionnement normal du cerveau. Depuis quelques
années, on observe de plus en plus de signes de plasticité anatomique du cerveau adulte, à
plusieurs niveaux, et notamment en ce qui concerne la forme et le nombre des synapses. Au jeu
des hypothèses, on peut se risquer à envisager deux aspects non contradictoires, mais bien plutôt
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complémentaires, qui permettraient à la fois aux tenants d'un cerveau stable, sans modification
anatomique, et aux autres protagonistes, prenant en compte les données actuelles, à savoir le fait
désormais avéré que certains neurones de régions importantes dans les processus d'apprentissage
se renouvellent continuellement (ce qui constitue une modification anatomique relativement
importante) de tomber d'accord. L'idée serait d'imaginer un modèle à la fois plus complexe et
plus souple mettant en jeu un système de relations et d'échanges au sein de certaines structures
entre des populations neuronales où se produisent des phénomènes neurogéniques et des
populations de neurones réputées stables. Ceci n'entrerait pas en contradiction avec les théories
fondées sur la nécessaire stabilité du cerveau afin que les pensées et les souvenirs, inscrits dans
un processus de mémoire à long terme, puissent se conserver tout au long de l'existence. Si le
cerveau est capable de mémoire à long et parfois très long terme, il est également capable
d'occulter un certain nombre d'informations ou de se procéder à, sans que l'on sache trop
comment ces processus se déroulent, l'élimination ou l'effacement d'autres informations non
utilisées. Il est intéressant de rappeler que l'une des fonctions attribuées à l'hippocampe serait
celle de transformer les souvenirs à court terme en souvenirs à long terme. Dans cette
perspective, il est possible que les neurones à longue durée de vie, peu plastiques, soient
essentiels pour la mémoire à long terme, ainsi que pour des fonctions sensitives et motrices qui
n'ont pas besoin de changer beaucoup à l'âge adulte, alors que la neurogenèse pourrait mettre en
jeu de nouvelles populations de neurones intervenant dans les processus rapides d'apprentissage
et de mémoire à court terme.
La notion de plasticité que nous avons évoquée précédemment sous-tend un certain nombre de
processus qui seront abordés plus avant, processus faisant appel aux notions d'équipotentialité,
d'équivalence motrice, de vicariance, de substitution, de réorganisation fonctionnelle, de
flexibilité fonctionnelle. Cette plasticité dépend d'un certain nombre de facteurs. L'âge de
l'animal semble représenter le facteur déterminant, ainsi que les modalités et la localisation de la
lésion (les effets seront différents si la lésion porte sur des systèmes dits d'association,
mettant en jeu différentes structures)
ou sur des systèmes somato-sensoriels primaires
(moindre plasticité dans ce cas).
Il faut également mentionner l'importance prise, dans l'étude des influences épigénétiques,
par la méthode de l'élevage différentiel. Celui-ci consiste en la comparaison entre le
développement d'animaux témoins élevés en milieu conventionnel ou standard et celui d'animaux
expérimentaux placés, à une phase donnée de leur développement postnatal, soit en milieu
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appauvri (par exemple, pour l'étude de rats (Rosenzweig et al., 1972) une petite cage au lieu d'une
grande en situation dite enrichie, un flux de simulations restreint), soit en milieu enrichi (flux de
stimulations accru, possibilités d'exercice et de jeu plus diversifiées). De façon générale,
l'enrichissement du milieu révèle un cerveau significativement plus lourd (correspondant à une
multiplication de certaines cellules dites gliales ou de soutien - "l'intendance" des neurones -, à
une augmentation de taille des neurones avec notamment une arborisation dendritique plus dense)
et entraîne un développement plus rapide et plus achevé, y compris au plan du comportement ;
l'appauvrissement se traduit par un ralentissement dans le développement des potentialités
comportementales. Ce fait a surtout été vérifié à de nombreuses reprises chez le rat et la souris,
encore immatures au plan nerveux à la naissance. En même temps, la maturation nerveuse est
tributaire aussi du flux de stimulations sensorielles et sociales. Le rôle de ces facteurs
d'enrichissement, passant très vraisemblablement par l'exercice actif des fonctions sensorimotrices, met en jeu de la manipulation, du jeu. Chez les mammifères, le rôle fonctionnel du jeu
semble indéniable, non seulement pour l'accomplissement de conduites caractéristiques de
l'espèce, mais également pour confirmer et stabiliser le potentiel de flexibilité comportementale
du sujet. L'enfant par exemple existe par le jeu, il ne joue pas pour apprendre, mais il apprend
parce qu'il joue.
On peut donc, d'une façon générale, conclure à l'existence d'un déficit cognitif permanent
consécutif aux privations ou à l'absence de stimulations de tous ordres dans les premiers mois de
la vie. Ceci énoncé, la période des nécessaires stimulations ne se limite pas aux premiers mois de
l'existence, elle se prolonge tant que la plasticité nerveuse peut encore être sollicitée.
V- Le handicap
A- Définition
Ce terme (Dictionnaire historique de la langue Française, Le Robert) est emprunté en 1827 à
l'anglais handicap, qui représente probablement une contraction de hand in cap. Ce mot a désigné
au XVIIe un jeu où l'on se disputait des objets personnels dont le prix était proposé par un
arbitre, la mise étant déposée dans une coiffure (cap). Puis, par la suite, ce terme a désigné une
compétition entre chevaux. Le glissement de sens s'explique par l'idée de jugement comparatif de
la valeur (des objets, puis des chevaux). En français, ce terme s'est d'abord appliqué au sport,
avec l'idée d'égaliser les chances des uns en imposant des contraintes aux autres (de ce point de
vue, l'introduction des catégories de poids en judo a procédé de l'idée de réduire le handicap).
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Cette appellation, cette formulation socialement correcte désigne de nos jours de façon assez
large un ensemble de déficits (sensoriels ou mentaux). D'un point de vue social par exemple, le
handicap se traduit par la limitation de l'exercice d'une profession, la difficulté de la vie familiale
par les contraintes que cela entraîne, la réduction de son autonomie, le choix particulier de son
lieu de vie et son aménagement.
B- Différents types de handicaps
Le handicap se traduit communément par un désavantage social important pour la personne qui
est atteinte de cette déficience ou de cette incapacité. Il est possible de déterminer, de classer
les différents types de handicaps. On peut par exemple les regrouper autour de trois grands
thèmes, eux -mêmes complémentaires :
- les handicaps à l'indépendance physique (impotence fonctionnelle ou limitation de la
locomotion et donc de la mobilité, de l'autonomie physique du sujet, par la diminution de
l’efficience normale d’une fonction (paralysie, baisse de la discrimination ou de l'acuité perceptive
d’une sensation, incoordination du geste),
- les problèmes d'intégration sociale (par l'expression parfois d'un trait psychologique fort –
le handicap mental se traduit le plus souvent par des difficultés plus ou moins importantes de
réflexion, de conceptualisation, de communication, de prise de décision, consécutives à des
perturbations dans le développement de fonctions cognitives comme la perception, le maintien
d'un certain niveau de vigilance ou des capacités attentionnelles, la mémoire). Ces problèmes ne
sont bien sûr pas considérés comme le signe ou l'expression d'une maladie mentale.
-
et, finalement, l'incapacité à l'exercice d'une profession.
C- Différentes causes
Le handicap résulte donc de l'existence de différentes déficiences au niveau de la possibilité
d'accomplir un certain nombre d'actions menées au quotidien et élémentaires pour les personnes
dites normales. Le terme deficiens provient du latin (1290), selon le Dictionnaire étymologique de
la langue française, et signifie "manquant". Il a été substantivé par la suite pour désigner une
personne présentant une insuffisance mentale, motrice ou sensorielle. La déficience peut se
définir comme l'altération d'une fonction ou d'une structure psychologique, neuro-physiologique
ou anatomique particulière. Elle se caractérise par le degré d'atteinte (plus ou moins profonde),
par l'espoir ou non d'une réversibilité (atteinte temporaire) et donc de son type d'évolution
(aggravation ou régression).
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Le handicap peut concerner le système sensitivo-sensoriel (la vision, l'audition), le système
moteur. Son étiologie fait apparaître de nombreuses causes à son existence et met en jeu
différents champs scientifiques, comme la neurologie. Cette dernière s'intéresse aux maladies du
système nerveux et possède notamment pour objet l'identification des troubles dont souffre un
sujet, ainsi que l'élucidation de la ou des causes à l'origine de ces troubles. En effet, ces derniers
peuvent résulter de la dégradation, de l'altération d'une fonction due à une lésion dont le siège
peut se situer aux différents étages de l’appareil nerveux, altérant soit ses voies, soit ses
structures. Ce processus de dégénérescence, de dégradation d'une fonction, peut être localisé
aux différents niveaux de l’encéphale, de la moelle épinière ou des nerfs périphériques sensitifs
ou moteurs.
Les causes de ces handicaps peuvent simplement traduire des aspects congénitaux
(conséquences héréditaires), des incompatibilités sanguines par exemple se traduisant par des
aberrations chromosomiques. D'autres causes, dont certaines dues à la misère sociale (alcoolisme)
ou à des abus particuliers (tabagisme, consommations de drogues) peuvent également être mises
en avant au cours de la grossesse. Un problème lors de la naissance (insuffisance respiratoire –
hypoxie, infections, avitaminoses), la prématurité du nourrisson peuvent jouer un rôle également.
Au cours du développement, un certains nombre de facteurs traumatiques (intoxications,
accidents, noyades, asphyxies, commotions cérébrales) ou médicaux (maladies infectieuses,
virales ou métaboliques) peuvent être à l'origine de la survenue et du développement de
différents types de handicaps.
D- Différentes expressions de ces handicaps
Différentes structures du système nerveux central sont touchées par les désordres que nous
venons d'évoquer. Ces désordres se caractérisent par une dégradation de la motricité, et, à
travers elles, de structures comme les cellules «pyramidales» motrices de la circonvolution
frontale ascendante du cortex cérébral, les voies motrices descendantes (pyramidale et
géniculée), cellules motrices de la corne antérieure de la moelle, fibres motrices périphériques,
les jonctions neuromusculaires (plaque motrice) et enfin le muscle lui-même. L'examen
neurologique approfondi de ces voies et de ces organes permet de préciser l’intensité de
l’atteinte motrice (par exemple de type hémiplégique, paraplégique ou tétraplégique) et sa
répartition (centrale ou périphérique).
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a- le tonus musculaire
Le tonus musculaire peut également être touché. Le tonus correspond à l'état de tension des
muscles résultant des propriétés passives liées aux caractéristiques visco-élastiques des fibres
musculaires constituées d'éléments filamenteux (actine et myosine ayant la possibilité d'établir
des ponts plus ou moins nombreux). A cet aspect passif s'ajoutent les effets de la tension active
qui lient la contraction des fibres musculaires à l'action des potentiels d'action transmis par les
axones des motoneurones au niveau de la jonction musculaire (couplage excitation-contraction). Le
tonus est déjà un état préparatoire au mouvement par le maintien de forces musculaires
minimales constituant un pré-requis à toute activité motrice. Cela nécessite une activité
musculaire faible, peu gourmande en énergie, mettant en jeu un pourcentage très limité de la
force musculaire (entre 12 et 22 % selon les muscles et les sujets).
L'exagération du tonus d'un sujet (hypertonie) ou sa diminution (hypotonie) peuvent
s'apprécier cliniquement par l'épreuve dite de Stewart-Holmes, fondée sur la capacité du sujet à
résister à une opposition. On demande à ce sujet de fléchir le bras (de le ramener vers lui), mais
on le saisit au niveau du poignet de façon à s'opposer à ce mouvement. Puis, brusquement;
l'expérimentateur lâche cette opposition. Si le tonus du sujet est normal, le bras se déplace
légèrement puis s'arrête. En cas d'hypertonie, on assiste à un blocage immédiat de la part du
sujet, alors que l'hypotonie se traduit par la frappe du poing ou de l'avant-bras du sujet sur sa
poitrine ou son épaule. Les hypertonies peuvent avoir une origine pyramidale ou extra-pyramidale,
les hypotonies signent parfois un désordre cérébelleux.
Le muscle est donc normalement maintenu dans un certain état de contraction grâce à
l’influence du système nerveux et plus particulièrement, grâce au système de régulation
médullaire et supramédullaire de la motricité. La conjonction de ces différentes influences
permet le maintien de la station debout et sous-tend les différentes phases du déroulement du
mouvement. La posture debout habituelle, appelée posture “ commode ”, est la résultante de
l'excitation stationnaire d'un certain nombre de muscles dits antigravitaires et appartenant aux
plans postérieurs. Cette position de référence dépend pour son maintien d’une répartition
prépondérante de l’activité tonique spécifique de ces muscles. La fonction tonique assure un
certain état de mobilisation de l’appareil moteur conditionnant une disponibilité de celui-ci plus ou
moins grande. La posture peut se définir comme la position relative des différents segments
corporels les uns par rapport aux autres et par rapport à l’environnement, chaque posture
correspondant à une position d’équilibre du corps (ou bien on se trouve alors “en mauvaise
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posture”). Elle correspond à une conformation segmentaire permettant de lutter contre les
forces gravitaires. Le contrôle et la régulation posturale permettent, par la mise en jeu des
processus centraux, la coordination de l'activité musculaire afin de maintenir l'orientation du
corps par rapport à la gravité. Ceci nécessite l'intégration de différentes informations
sensorielles, impliquant le système somato sensoriel (incluant la proprioception musculaire,
articulaire, les afférences cutanées), le système vestibulaire, la vision. Ces informations
s'avèrent parfois redondantes.
Un bon tonus postural ne présentant aucun désordre, un réglage fin et harmonieux du jeu des
agonistes et antagonistes, permettent donc la réalisation d'une bonne coordination du mouvement.
C’est le cervelet, et plus particulièrement certaines de ses régions latérales (neocerebellum), qui
règle la coordination du geste. Par ailleurs, le cervelet reçoit de nombreuses afférences en
provenance de l'oreille interne, organe dont nous dépendons largement pour le maintien de notre
équilibre. Le système vestibulaire constitue en effet le propriocepteur céphalique et joue un rôle
majeur dans le contrôle des équilibres statique et dynamique. Les sujets dits vestibulaires ou
labyrinthiques montrent lors de la marche des déviations préférentielles du côté de l'oreille lésée
ou une tendance à la chute de ce même côté.
Si les troubles moteurs, sensitifs ou sensoriels sont l'expression la plus marquante des
désordres ou affections du système nerveux, les perturbations des sujets touchent également
d'autres aspects de la vie mentale, mettant en jeu des activités nerveuses supérieures. C'est le
cas notamment pour certaines gnosies, impliquant la reconnaissance ou la compréhension du monde
environnant, certaines phasies, mettant en jeu les fonctions du langage, et certaines praxies, les
fonctions gestuelles.
b- les agnosies
Ce terme, créé par Freud en 1891, provient du préfixe a privatif et de la racine grecque gnôsis
signifiant connaissance. Les agnosies se définissent par la perte pour un sujet de la capacité à
traiter les données perceptives, sans pour autant que le sujet souffre de troubles sensoriels ou
de la compréhension. Les agnosies peuvent être de type visuel, de type auditif, de type tactile.
Dans le cas de l'agnosie visuelle, les malades présentant des lésions de la zone occipitale du
cerveau (partie postérieure), bien que n'étant pas aveugles, ne parviennent pas à identifier ce
qu'ils voient. Une patiente atteinte d'agnosie visuelle à la suite d'une lésion occipito-temporale
bilatérale s’avère incapable de discriminer la forme des objets et donc de les identifier. Elle
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semble capable de reconnaître la forme de certains objets familiers aisément identifiés grâce à
leur couleur et à leur texture (elle peut ainsi reconnaître le morceau de pain qui lui est présenté
en utilisant le toucher), mais reconnaît très mal la forme d'objets géométriques arbitraires
(lettres de l'alphabet, dessins en noir et blanc). Par contre, le transport de sa main vers un objet,
l’orientation de cette main et sa disposition particulière nécessaires à la saisie ne posent aucun
problème. L’absence de conscience visuelle de la forme des objets qui l'environnent n’affecte pas
la capacité d'effectuer efficacement des actions dirigées vers les objets qu'elle ne perçoit pas
consciemment.
A contrario, les sujets privés de la capacité normale d'atteindre et de saisir des objets entre
les doigts de la main souffrent d'ataxie optique (a privatif et racine grecque taxis, désigne la
privation de la coordination motrice) provoquée par des lésions pariétales altérant la voie dorsale
ou par des lésions qui interrompent l'entrée des informations provenant des aires visuelles
primaires dans le circuit de la voie dorsale. Ils reconnaissent les objets, mais ne peuvent pas les
atteindre en vision périphérique, ni guider leur main pour les saisir. Ceci n’exclut pas la possibilité
de transporter la main à proximité de l'objet à saisir, d'identifier et de nommer des objets
présentés dans le champ visuel. Incapables de donner à leurs doigts la conformation permettant
de pincer l'objet, ces sujets peuvent cependant en estimer la taille par l'écart entre le pouce et
l'index. Ce qui est impossible dans une tâche de préhension devient donc possible dans une tâche
de jugement perceptuel.
De la même façon que l'agnosique visuel ne parvient pas à intégrer différentes informations
permettant une comparaison de ce qu'il voit avec ses acquisitions antérieures, l'agnosique auditif
s'avère incapable de reconnaître certains sons connus, bien qu'il les entende parfaitement.
Il existe aussi des astéréognosies, empêchant le sujet, lorsque celui-ci a les yeux fermés, de
reconnaître les objets par la palpation (astéréognosie tactile). Le sujet s'avère parfaitement
capable d'énoncer les différentes caractéristiques de l'objet (poids, forme, consistance), mais
doit ouvrir les yeux pour parvenir à nommer l'objet.
Les patients présentant une lésion dans l'hémisphère cérébral droit présentent souvent un
déficit de la perception de l'espace gauche. Si la lésion siège au niveau de l'hémisphère dominant
- gauche pour un droitier -, on observe une autotopoagnosie, c'est-à-dire une agnosie de l'image
du corps - le patient présente des difficultés pour nommer une partie ou une autre de son corps.
Si la lésion siège de l'autre côté chez un droitier, on peut observer par exemple une
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hémisomatoagnosie (avec un hémicorps gauche perçu comme étranger – voir L'homme qui tombait
du lit), ou une négligence de l'espace gauche (héminégligence). Il est difficile voire impossible
pour ces malades ne souffrant pas de troubles moteurs et dits "négligents spatiaux" de prendre
en compte ou de répondre à des stimuli situés du côté opposé à celui de l'hémisphère lésé. Un
malade héminégligent pourra ainsi ne consommer que la moitié des aliments situés dans son
assiette. Les malades héminégligents ont tendance, lors de leurs déplacements, à tourner de
préférence du côté de la lésion et à mal gérer les obstacles, se heurtant fréquemment à ces
derniers lorsque ceux-ci sont situés du côté opposé à l'hémisphère lésé. Cette héminégligence
peut concerner plusieurs modalités sensorielles simultanément. Les patients négligents présentent
ainsi parfois des déficits associés à leur négligence, comme l'hémianopsie (ils ne voient pas sur un
demi champ visuel) ou l'hémianesthésie (ne pas sentir la moitié de son propre corps). Elle peut
également présenter des degrés divers (porter par exemple uniquement sur le corps du sujet, ou
sur son espace environnant). L'hémianopsie est due à un phénomène dit de "vision aveugle",
consécutif à une lésion de l'aire visuelle primaire. Elle n'est pas à l'origine de l'héminégligence.
Les données de la littérature s'accordent généralement pour dire que les origines de ce
syndrome d'héminégligence ne relèvent pas un déficit sensoriel, mais portent sur des structures
de haut niveau, mettant en jeu soit les processus attentionnels (avec des difficultés dans
l'orientation de l'attention), soit les processus représentationnels. Il est difficile de proposer un
cadre explicatif définitif, et ce d'autant plus que ce syndrome présente souvent, comme nous
l'avons évoqué, des déficits associés. Plusieurs travaux ont montré que la simulation vestibulaire,
par injection d'eau froide dans l'oreille gauche, entraînait une disparition temporaire de la
négligence. Cette stimulation vestibulaire permet également temporairement la restitution de la
perception du toucher.
c- les aphasies
Ce terme a été employé pour la première fois en 1864 par Trousseau. Les premières
définitions, dues à Broca (1865) & Wernicke (1874), désignent les troubles intellectuels de
l'expression et de la compréhension du langage résultant d'une lésion cérébrale unilatérale
(c'est-à-dire limitée à un seul hémisphère, par exemple l'hémisphère gauche chez un droitier),
lésion antérieure ou pré-rolandique dans le cas de l'aphasie de Broca, lésion postérieure dans le
cas de l'aphasie de Wernicke. Cette lésion cérébrale peut être d'origine vasculaire, traumatique,
infectieuse. Le sujet aphasique ne sait plus se servir de la parole (il est dans l'incapacité
d'exprimer ses pensées par des mots), bien que "l'appareil phonétique" demeure intact. Les sons
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qui sont émis ne présentent aucun sens pour l'auditeur, et le patient s'avère également incapable
de saisir le sens des propos qui lui sont adressés.
Dans l'aphasie de Broca, le discours apparaît non fluent (le malade emploie un petit nombre de
mots), avec la possibilité de troubles articulatoires (cf. le malade de Broca, Leborgne, surnommé
tan-tan). Cette aphasie peut présenter d'autres caractéristiques, comme l'agrammatisme (le
sujet prononce des phrases courtes peu enchaînées, caractérisées par un style télégraphique).
D'une façon générale, le malade est conscient des anomalies de son langage. Des troubles associés
apparaissent parfois, comme une hémiplégie sensitivo-motrice droite, une apraxie idéo-motrice de
la main gauche, une apraxie bucco faciale. L'aphasie de Broca est due à une lésion de la partie
postérieure de la troisième circonvolution frontale gauche (aire de Broca) et les régions voisines.
La rééducation orthophonique améliore grandement ces aphasies.
L'aphasie de Wernicke ne fait pas apparaître de réduction du langage. Le discours est fluent
et donne parfois l'occasion d'une logorrhée verbale. L'énonciation est dépourvue de signification
cohérente du fait de l'emploi inapproprié de mots ou de phonèmes plus ou moins déformés
(nombreuses paraphasies - substitution d'un mot inadapté au mot approprié, utilisation d'un mot
pour un autre -, nombreux néologismes, le patient parle une sorte de jargon personnel et, non
conscient du trouble dont il souffre, s'irrite de ne pas être compris). Il montre des troubles
importants de la compréhension du langage parlé et souvent du langage écrit, mais aucun trouble
de l'articulation. Des troubles associés se manifestent parfois, bien que moins apparents que dans
l'aphasie de Broca : troubles de la sensibilité, hémianopsie latérale homonyme. Le pronostic de
l'aphasie de Wernicke est sévère, notamment lorsqu'il existe des troubles majeurs de la
compréhension, un jargon dépourvu de signification, une impossibilité de répéter les mots. La
régression des troubles laisse persister un manque du mot, une difficulté à construire des
phrases, une dysorthographie. L'aphasie de Wernicke est due à des lésions des parties
postérieures des première et deuxième circonvolution temporales (partie postérieure du cortex
temporal gauche).
D'autres types d'aphasies existent :
- de conduction (répétition très perturbée). A souvent été attribuée à l'interruption de la
liaison entre l'aire de Wernicke et l'aire de Broca.
- globale : détérioration importante des possibilités de langage. Lésions dues très souvent à
des infarctus ou des hémorragies.
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- transcorticale : motrice : non fluente – réduction du langage ; sensorielle : fluente, déviations
verbales et dys syntaxies nombreuses. Pas de troubles articulatoires. La maladie d'Alzheimer
peut faire apparaître une telle aphasie au cours de son évolution ; mixte : très sévère. Echolalie
et répétition préservées.
- amnésique : perte du mot très importante (d'où l'utilisation de nombreuses périphrases). Une
maladie d'Alzheimer peut révéler une aphasie amnésique.
On constate souvent l'existence d'alexies, c'est-à-dire des troubles de la lecture consécutifs
à une lésion cérébrale acquise observée en association avec la plupart des aphasies.
On distingue le terme de dysphasie, qui désigne un retard de langage chez l'enfant, de celui
d'aphasie. La dysphasie peut se caractériser par des problèmes importants au niveau de
l'expression du langage parlé. La compréhension verbale peut également être affectée, mais
l'enfant la récupère généralement assez vite et le plus souvent presque complètement. On peut
distinguer ici plusieurs degrés d'affection. Une dysphasie légère transitoire entraîne chez
l'enfant un retard, un démarrage tardif des mécanismes d'acquisition du langage et une durée
plus marquée des différentes étapes de développement du langage. Des difficultés peuvent naître
lors de l'apprentissage du langage écrit. La dysphasie de développement montre un enfant qui
parle mal encore à 6 ans, avec une construction de la phrase encore peu élaborée. Globalement, il
ne présente pas de problème de compréhension (la dysphasie n'est pas le signe d'un retard
intellectuel). Enfin, un stade plus chronique se caractérisera par une dysphasie sévère persistante
(dont le degré varie évidemment selon les sujets), nécessitant alors la mise en place d'une
réadaptation fonctionnelle et d'une pédagogie spécialisée (des difficultés importantes
d'apprentissage apparaissent, avec des problèmes de dyslexie et de dysorthographie). La
dysphasie peut être secondaire à d'autres troubles (infirmité motrice cérébrale, surdité,
autisme).
d- les apraxies
Les praxies peuvent se définir comme les mouvements plus ou moins élaborés, plus ou moins
habiles que l'individu met en œuvre au quotidien dans les différents domaines (travail, activités
physiques et sportives, etc.). Le terme apraxie a été créé par Gogol en 1873, à partir du grec
apraxia, qui signifie inaction. Selon la classification de Liepmann (1902), il est possible de définir
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l'apraxie comme un désordre du mouvement volontaire, résultant de différentes perturbations au
niveau du système moteur. En accord avec cet auteur, on distingue généralement trois formes
principales d'apraxie gestuelle : l'apraxie idéatoire, l'apraxie idéomotrice et l'apraxie motrice.
L'apraxie idéatoire se traduit par la difficulté pour le sujet de réaliser une action ou une suite
d'actions finalisées, ceci donnant lieu à des comportements jugés absurdes. Le sujet se retrouve
dans l'incapacité la plus totale de trouver une cohérence entre son action et le but qu'il s'est
fixé. Tout se passe comme s'il perdait le schéma de son action, comme s'il se trouvait dans
l'impossibilité de se représenter exactement l'ordre de succession des différentes actions
motrices envisagées, alors que celles-ci sont, d'un point de vue strictement moteur, correctement
réalisées. Par exemple, le fumeur va placer l'allumette entre ses lèvres et frotter la cigarette
sur le grattoir. Selon les auteurs, cette apraxie idéatoire est interprétée comme une
perturbation du plan général de l'action ou comme une trouble de l'organisation séquentielle de
cette action (Eustache et Faure, 2000).
L'apraxie idéatoire s'observe lors de lésions étendues de l'hémisphère gauche ou des deux
hémisphères cérébraux, suite le plus souvent à un accident d'origine vasculaire ou à la présence
d'une tumeur cérébrale. C'est une affection qui est fréquemment présente dans la maladie
d'Alzheimer.
L'apraxie idéomotrice, contrairement à l'apraxie idéatoire, n'affecte pas le plan général de
l'action. Mais, si celui-ci est conservé, les gestes simples isolés ou des séquences gestuelles
montrent des perturbations. Le sujet ne peut atteindre le but qu'il s'est ou qu'on lui a proposé,
bien qu'il soit parfaitement conscient de ce but. Certains gestes ne peuvent ainsi être réalisés sur
ordre. Cependant, placé dans des conditions particulières ou dans un contexte familier (entrée
dans une église par exemple), le geste (signe de croix) est exécuté de façon automatique, comme
s'il était déclenché automatiquement par le contexte environnant (ce qui laisse supposer
l'importance de la dimension émotionnelle dans la réalisation correcte du geste). L'apraxie
idéomotrice bilatérale résulte le plus souvent de lésions pariétales gauches. L'apraxie
idéomotrice unilatérale gauche est observée en cas de lésions calleuses. Une déconnexion
interhémisphérique peut également entraîner une apraxie diagonistique, où les deux mains
semblent présenter des comportements antagonistes.
Enfin, l'apraxie motrice affecte la réalisation des mouvements rapides et précis. Elle ne
perturbe généralement qu'un segment musculaire de façon unilatérale. Le sujets éprouve des
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difficultés importantes à réaliser des mouvements spécialisés ou acquis au cours de
l'apprentissage. Il se comporte parfois comme s'il réalisait ces mouvements pour la première fois.
Il n'existe pas de dissociation automatico-volontaire comme dans l'apraxie idémotrice. Pour ces
raisons, cette apraxie est considérée par différents auteurs comme un trouble moteur résiduel,
apparaissant par exemple au décours d'une hémiplégie, et non comme une réelle apraxie. Les
lésions à l'origine de cette affection se situent généralement dans le lobe frontal et notamment à
proximité de l'aire de Broca ou de son homologue droit.
Il semble parfois difficile d'opérer une nette distinction entre les déficits gnosiques et les
troubles praxiques, tant ils apparaissent intimement liés.
Les classifications des apraxies ont été remises en question (Eustache et Faure, 2000), et la
notion de troubles de l'organisation des comportements moteurs finalisés tend à se substituer à
ce terme. Un certain nombre de modèles ont été proposés, prenant en compte par exemple la
représentation de l'action d'un côté et la réalisation effective de cette action d'un autre côté.
E- Dominance cérébrale
Les troubles que nous venons d'évoquer affectent de façon différentielle les sujets en
fonction de la localisation de la lésion cérébrale. Ceci pose la question de l'éventuelle
spécialisation de hémisphères cérébraux et des fonctions qui leur sont dévolues. Les travaux
princeps de Broca (1865) portant sur un sujet privé de la parole à la suite d'une lésion localisée
dans l'hémisphère gauche, s'ils ont posé le problème de la localisation des fonctions, ont permis
d'apporter la preuve d'une inégalité de ces fonction entre les deux hémisphères cérébraux. On a
ainsi peu à peu attribué à l'hémisphère gauche un rôle essentiel dans l'acquisition et la maîtrise
des langages parlé et écrit, ainsi que dans l'expression de la motricité. Pour cette raison, et par
suite d'une généralisation hâtive, voire réductrice, cet hémisphère a longtemps été considéré
comme majeur ou dominant, alors que l'hémisphère droit, dont le rôle est déterminant dans la
construction de l'espace, la gestion des processus émotionnels et attentionels, a hérité du statut
d'hémisphère mineur. Actuellement, le dogme classique d'une dominance exclusive de
l'hémisphère cérébral gauche pour le langage a été remis en question (Hannequin et al., 1987) par
la description d'anomalies de la compréhension et de la production de mots (prosodie) ainsi que de
la communication verbale chez des patients atteints de lésions de l'hémisphère cérébral droit.
Les données actuelles attribuent également des fonctions complémentaires aux hémisphères
cérébraux dans les conduites émotionnelles (l'hémisphère droit sous-tendrait principalement les
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fonctions liées à la génération des composantes végétatives de la réponse, alors que le contrôle et
la régulation seraient le fait de l'hémisphère gauche).
L'idée d'une répartition différente des fonctions selon l'hémisphère a amené à procéder, dans
le cas de certaines affections comme l'épilepsie par exemple, à une technique d'intervention
chirurgicale réalisée en sectionnant purement et simplement le corps calleux, organe unissant l'un
à l'autre les deux hémisphères. L'idée qui prévalait dans ce split-brain, littéralement le cerveau
coupé en deux ou cerveau dédoublé, était d'une certaine façon de mieux comprendre en les
isolant le fonctionnement de chacun des deux hémisphères et également d'empêcher, dans le cas
de l'épilepsie, la propagation à l'ensemble du cerveau des troubles observés dans un hémisphère.
Les travaux menés d'abord chez l'animal ont montré que celui-ci ne modifiait pas son
comportement,
mais
présentait
des
modifications
importantes
dans
la
perception
et
l'apprentissage (le cerveau se comportant alors comme si chaque hémisphère avait sa propre
existence).
Les travaux menés par une équipe américaine (Geschwind & Levitsky, 1968) ont permis, en
faisant le lien avec l'existence connue d'asymétries dans la morphologie du cerveau (un
développement plus important à gauche qu'à droite), notamment au niveau d'une structure, le
planum temporal (située au fond de la scissure latérale dite sylvienne), de relier cette différence
morphologique au rôle joué dans le langage. La théorie de Norman Geschwind repose sur
l'hypothèse que la dominance cérébrale est liée, d'une façon générale,
à l'existence de ces
asymétries anatomiques. L'hypothèse selon laquelle cette asymétrie aurait pu être le fruit d'une
utilisation plus importante des circuits de l'hémisphère gauche a été invalidée par la mise en
évidence de l'existence de ces asymétries chez le fœtus (dès la 29e semaine de gestation).
L'un des domaines d'application de la notion de dominance cérébrale est l'étude de la dyslexie.
Les études menées à ce sujet (Galaburda, entre 1979 et 1985) ont montré que les cerveaux de
sujets dyslexiques présentaient une absence du planum temporale (associée à d'autres anomalies,
notamment au niveau de la couche I du cortex – accumulation anormale de neurones (ectopie),
parfois associée à une distorsion des couches sous-jacentes). D'autres études plus récentes ont
conclut à l'existence d'un autre défaut d'asymétrie dans une autre partie de la zone du langage,
le cortex pariétal inférieur.
VI- Le schéma corporel
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De nombreux désordres, avec pour certains des origines cérébrales, peuvent donc affecter la
relation qu'entretient le sujet à l'espace. Pour bâtir une image cohérente du monde environnant,
nous devons traiter en permanence les informations qui nous en parviennent. Ceci suppose :
- la construction de référentiels notamment spatiaux, des systèmes de coordonnées
permettant au sujet de se situer et de s'organiser dans l'espace. Les données de la littérature
permettent de distinguer différents référentiels en fonction du but et du contexte de la tâche.
Ces référentiels sont généralement de nature égocentrée (i.e. centré sur l'individu lui-même), exo
(ou allo) centrée (favorisant l'évaluation des déplacements du corps par rapport à l'espace) et/ou
géocentrée (basé sur la verticale gravitaire et les forces de réaction de la surface de support,
proposant un cadre de référence aux actions orientées dans l'espace et permettant notamment la
construction par le sujet d'une verticale subjective.) La puissance de cette notion de référentiel
est de permettre une manipulation mentale des relations entre les objets sans avoir à les référer
en permanence au corps propre. La représentation mentale de l'espace devient indépendante de
l'endroit où l'on se situe, elle devient manipulable par certaines opérations. Une autre
caractéristique des références utilisées par le cerveau en plus de leur multiplicité est leur
flexibilité lui permettant, en fonction de l'action, de jouer sur un répertoire de référentiels
possibles. La notion de référentiel est centrale à toute description mettant en jeu l’espace. Elle
s'illustre par l'expression familière "cela dépend de quel point de vue on se place", concernant la
prise en compte d'une question donnée ou l'approche d'un événement particulier.
- l'existence également d'un schéma global de notre corps auquel ces diverses informations
puissent être rapportées et comparées, intégrées, permettant ainsi l'unification des différents
espaces (auditif, visuel, proprioceptif,…). Comme le propose Paillard, "la relation que nous avons au
monde par l'intermédiaire de nos organes des sens reposerait ainsi sur le principe du traitement
en parallèle d'une pluralité de sous espaces sensori-moteurs coordonnés en un espace global et
unifié". Ce serait le rôle du schéma corporel. Le terme a été proposé la première fois par Head en
1920. C'est une notion ambiguë et qui demeure controversée, mais dont il est difficile de faire
l'économie. La régulation de la position et de l'orientation du corps nécessite de la part des
centres supérieurs l'élaboration d'une représentation interne. Les données de la littérature
s'accordent pour définir celle-ci comme un modèle interne de configuration du corps et de son
orientation dans l'espace, un schéma corporel impliquant classiquement une connaissance
consciente de la configuration du corps. Le schéma corporel propose une synthèse entre des
perceptions variées provenant des différentes parties du corps, créant au niveau du cortex
cérébral un modèle postural.
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Cette représentation interne du corps serait élaborée à partir de la prise en compte par le
sujet de sa représentation de la verticalité basée sur les informations labyrinthiques,
proprioceptives et visuelles, sur la perception du grand axe du corps, sur la géométrie et la
métrique (perception de la position des différents segments corporels les uns par rapport aux
autres, amplitudes relatives de leur orientation, relations entre ces segments) et la dynamique
(masses et inerties segmentaires, forces d'appui au sol).
Le traitement continu des informations proprioceptives relatives à la cinématique des
segments corporels et aux tensions musculaires fournit une contribution essentielle à l'entretien
du schéma corporel, une représentation du corps qui constitue un système de référence pour la
perception et l'action. Chaque message sensoriel peut être localisé dans cette représentation et
chaque programme moteur peut être élaboré dans le cadre de ce référentiel remis à jour en
permanence. Ce schéma corporel se construit sur la base des expériences motrices actives et
détermine les relations qu'entretient le corps avec l'espace. L'action du sujet apparaît comme le
facteur d'intégration des différents espaces, favorisant la construction d'une représentation
stable de l'espace dans lequel évolue le sujet.
L'organisation du schéma corporel se traduit par des activités spatialement orientées, qu'elles
soient de positionnement ou de transport. Pour certains auteurs, cette représentation serait pour
partie déterminée génétiquement, pour partie acquise par
apprentissage. C'est cette
représentation interne qui permettrait la flexibilité du contrôle postural et finalement, pour une
tâche définie et à l'intérieur d'un contexte donné, créerait pour le mouvement les possibilités
d’atteindre son but de façon coordonnée. C'est elle également qui permettrait la simulation du
mouvement et sa répétition sans exécution.
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VII- La suppléance sensorielle
L'organisme, dans sa relation à l'environnement, fait appel à différentes modalités
sensorielles. L’action conjuguée de ces différentes modalités sensorielles, visuelles, vestibulaires
et proprioceptives permet le contrôle du mouvement. Dans le cas de la posture par exemple, cette
multisensorialité met en œuvre trois modalités afin d'assurer son maintien : la vision à partir des
éléments du champ environnant, le système vestibulaire à partir des forces gravito-inertielles et
la sensibilité sensorielle à partir des informations issues du contact avec le sol et des indices
proprioceptifs musculaires et articulaires. De la même façon, un déplacement relativement rapide
de la tête est détecté simultanément par trois systèmes différents : le système labyrinthique par
les canaux semi-circulaires, le système visuel par le flux optique se projetant sur la rétine et le
système proprioceptif par les muscles du cou. Enfin, l'orientation spatiale d'un sujet fait aussi
appel à différentes sources d'informations ou s'organise selon différents référentiels, utilisant
en cela la redondance du système : un référentiel visuel, un référentiel gravitaire, un référentiel
égocentré (cf. supra). Il existe donc au niveau des centres supérieurs une redondance de
l’information qui va créer pour le sujet la possibilité de favoriser à un moment donné, en fonction
des conditions dans lesquelles il se trouve, un type particulier d’information (d’afférences
sensorielles) plutôt qu’un autre. Cette sorte de parallélisme multimodal peut intervenir à des
niveaux plus ou moins complexes de la conduite. Quand vient à manquer une donnée sensorielle,
l'organisme pallie cette absence ou ce déficit sensoriel en recourant à une autre entrée, voire à
d'autres modalités sensorielles de façon à pallier la carence consécutive à ce manque. L'ensemble
du vivant répond aux contraintes environnementales par des modifications adaptatives. Le sujet
met en jeu des mécanismes de régulation en se réorganisant voire en innovant face à des
contraintes nouvelles. Il existe ainsi des réarrangements, des réorganisations, des changements
plastiques permanents (cette notion de plasticité peut être comprise dans l'acception proposée
par Vital-Durand (1974), à savoir "la propriété que possède le système nerveux d'orienter son
développement en fonction de contraintes imposées par des lésions ou des manipulations de
l'environnement sensoriel ou moteur" - elle correspond également, selon Paillard (1977), à "la
capacité que peut présenter ce système de modifier durablement sa structure interne en
acquérant une possibilité nouvelle de fonctionnement non prévue dans son plan de construction
initial"), grâce auxquels le cerveau peut s'adapter à des interruptions du fonctionnement sensoriel
normal. De nouvelles connexions peuvent s'établir afin de permettre à nouveau un câblage
fonctionnel. L'idée majeure est ici celle de la compensation par le système nerveux central des
effets d'une lésion. Ceci se fonde sur différents principes ou fonctions, comme le principe
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d'équipotentialité, le principe de substitution (qui concerne aussi bien les aspects neuronaux que
comportementaux) et la fonction de vicariance que nous évoquons un peu plus bas. Ainsi, la vision
déficiente sera remplacée par l'audition pour les objets lointains (écholocation) ou par le toucher
ou la somesthésie pour les objets plus proches. Certaines recherches ont pu montrer
qu'inversement la surdité, qu'elle soit d'origine génétique ou acquise au cours de la petite
enfance, conduisait à une réorganisation partielle du cerveau. On a pu montrer chez l'animal que
des neurones du cortex auditif acquièrent des caractéristiques des neurones visuels. Chez
l'homme, les données expérimentales ont montré que tout se passait comme si une partie du
cortex visuel s'appropriait certaines zones du cortex normalement destinées à l'audition.
A- La notion de vicariance
Ce qui rend possible cette substitution sensorielle est l'existence du schéma corporel, de ce
référentiel commun auquel sont rapportées les informations traitées par l'organisme. La capacité
de l'organisme à substituer un système sensoriel à un autre avec la même efficacité correspond à
la notion de vicariance (ce terme a été proposé par Reuchlin en 1978 dans le cadre de la
psychologie différentielle). Le modèle différentiel des vicariances, se caractérise selon cet
auteur, par deux propriétés principales : (i) chaque individu possède une partie, sinon la totalité
du répertoire des processus susceptibles de traiter un problème déterminé ou de faire face à
une même situation donnée (on parle parfois de catalogue et de rotation du catalogue, c'est-àdire du choix de la réponse la mieux à même de faire face aux contraintes rencontrées, avec un
facteur particulier permettant de choisir l'outil le mieux adapté : dans le cas de la chute, le
moteur de rotation sera la posture, alors que dans le cas des canards –cf. figure infra -, c'est le
rapport distance/vitesse) (ii) chez un individu donné, certains processus seraient plus facilement
évocables que d'autres. La variabilité dans les hiérarchies d'évocabilité trouve son origine dans
l'histoire personnelle des sujets et dans les éventuelles interactions entre cette histoire et leur
patrimoine génétique. Pour un même individu, la hiérarchie d'évocabilité des processus varie avec
les situations.
Pour Ohlmann (1990), il est vraisemblable que cette concurrence entre des processus donnés
ne vaut que pour résoudre une gamme de problèmes de difficulté définie, mettant en jeu des
situations dites "clémentes" (i.e. avec des contraintes peu importantes) ou habituelles autorisant
une certaine liberté au niveau du contrôle moteur dans le choix des différentes stratégies
disponibles pour la réalisation d’un mouvement donné.
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Une illustration possible de la notion de vicariance. Ici, le facteur qui crée les changements d'action est la distance. Les
canards marchent sur une courte distance (en haut à gauche), nagent, marchent ou volent sur une distance moyenne (en
haut à droite) et volent tous sur une longue distance (bas) (d'après Ohlmann, 1993). Ces vicariances mettent en jeu ce
que Gibson (1979) appelaient des affordances, c'est-à-dire des perceptions des actions que les propriétés de
l'environnement permettent, ces affordances étant pilotées par l'environnement, la situation et les propriétés de
l'organisme.
Le cerveau est donc susceptible de modifier de façon très flexible, en tolérant éventuellement
une certaine marge d'écart par rapport à sa norme habituelle de fonctionnement tout en
continuant d'assurer l'exercice correct de la fonction, le système de référence qu'il utilise.
Cette sélection de référentiel s'opérerait de façon automatique. Chaque individu possède une
sensibilité différentielle (nous sommes par exemple plus ou moins visuel) à l'égard de chacun de
ces référentiels, et fait appel généralement plus facilement à un référentiel donné. Par exemple,
dans des situations mettant en jeu des conflits entre la vision et la posture, on observe des
différences interindividuelles quant à la perception de la verticale. Ces différences
s'interpréteraient en termes de processus vicariants puisque parmi les référentiels principaux
(visuel, gravitaire, égocentré), un seul des trois, suffisant et non nécessaire, serait sélectionné de
manière stable par le sujet. Certaines situations tendent à l'activation de processus particuliers.
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Il existerait, selon Reuchlin, un lien probable de causalité entre l'efficacité d'un processus et sa
probabilité d'activation, le processus de vicariance étant d'autant plus efficace pour faire face à
une situation donnée que la résolution du problème posé fait appel de façon préférentielle au
processus habituellement utilisé par le sujet.
B- La notion d'affordance
Le choix du référentiel ou de la modalité sensorielle pourrait, lorsque l'on prend en compte la
singularité de l'individu, s'interpréter en termes d'affordance, c'est-à-dire en perception par
l'organisme d'une utilité ou d'une possibilité (la "montabilité" d'un escalier) en fonction des
paramètres individuels et de la situation. Ce terme d'affordance a été créé par Gibson (1979) à
partir du verbe to afford (procurer, fournir). Il désigne la possibilité pour un organisme inséré
dans un environnement d'effectuer une action finalisée. Les affordances sont de véritables
perceptions non pas des propriétés physiques, mais des actions que ces propriétés physiques
permettent (les propriétés utiles à l'action : c'est lisse et dur, je peux roller ; c'est liquide et
mouvant, je peux surfer). Des situations apparemment identiques sont très différentes parce
qu'elles suscitent en fait des affordances différentes (l'herbe pour la vache ou pour le chat). Les
affordances peuvent être indirectes, c'est-à-dire secondaires (ainsi, un sol dur permet la marche
et la bipédie, entraînant la libération de la main pour le toucher, la saisie, etc.). Les affordances
dépendent de trois paramètres : la situation (perçue comme une boucle perception-action),
l'organisme (celui-ci ne retient de l'environnement que le stimulus utile. L'air permet ainsi la
locomotion à certains organismes, mais évidemment pas à d'autres) et l'environnement. Enfin, les
affordances permettent de vérifier la présence des vicariances. Il faut nécessairement de
nouvelles contraintes situationnelles pour qu'un processus vicariant, jusqu'ici masqué, soit activé
et conduise à de nouvelles affordances (Ohlmann, 1990).
Nous terminerons l'évocation de cette notion de substitution sensorielle en précisant qu'un
certain nombre de facteurs détermine la possibilité de la mise en œuvre des qualités de plasticité
du système (l'âge du sujet, la nature et le degré d'atteinte ou de gravité de la lésion). Comme le
rappelle Vital-Durand (1974), "la plasticité est un processus dont les modalités varient avec l'âge
mais qui tend toujours à réaliser une meilleure adéquation de l'organisme à son environnement,
sans pour autant y parvenir systématiquement".
Enfin, nous avons déjà souligné, en rappelant la conception épigénétique du développement de
l'individu, le rôle déterminant des interactions du sujet avec son environnement. Neville et
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Bavelier rappellent que durant les processus du développement, "les aires cérébrales spécialisées
passent par une période sensible pendant laquelle la mise en place de la fonction, génétiquement
déterminée, est influencée par les conditions de l'environnement. Nos études indiquent que les
prédispositions génétiques qui influent sur le développement normal peuvent s'adapter quand les
conditions environnementales diffèrent de l'ordinaire. Ainsi, des aires corticales normalement
spécialisées dans le traitement de stimuli auditifs participent au traitement de l'information
visuelle chez les sourds congénitaux. Cette plasticité du développement n'est pas générale, mais
affecte certains systèmes plus que d'autres. Autrement dit, les rôles respectifs des facteurs
génétiques et de l'expérience dans le développement sont spécifiques de chacun des systèmes."
VIII- Le cerveau, un système complexe auto organisé
Nous avons vu que le développement était le fruit d'échanges entre l'individu et son milieu, que
l'organisation de la "machine cérébrale" représentait finalement un mélange entre le déterminé
et le hasard (stochastique). L'apprentissage et le développement se caractérisent par une
augmentation de la différenciation et une baisse de la redondance. L'évolution du cerveau traduit
une augmentation de la complexité du système. Le système est complexe, et même hyper
complexe pour certains auteurs, parce que s'y joue en permanence une réorganisation, amenant
tout à la fois souplesse et liberté d'action. Pour Morin (1973), "dans un sens, un système
hypercomplexe est un système qui diminue ses contraintes tout en augmentant ses aptitudes
organisationnelles, notamment son aptitude au changement".
On peut considérer les systèmes vivants comme des systèmes auto organisateurs. Déjà, Hebb
proposait en 1949 l'idée d'autorégulation, rappelant que la mise en place de l'ensemble des
connexions du système nerveux central est aussi réglée par l'activité des différents circuits. De
ce point de vue, le cerveau, bénéficiant d'une redondance et d'une fiabilité suffisantes, peut
également être considéré comme un système dynamique qui s'auto organise en utilisant ces
propriétés du système nerveux. Ce qui est visé au travers de cette auto organisation formalisée
par l'émergence de nouvelles configurations (sensorielles, motrices), c'est la permanence de
l'existence du système, le maintien d'une certaine homéostasie. Plus le système est redondant,
plus il est capable de produire des régulations fortes. Il n'existe de ce point de vue aucune
ambiguïté, le système est organisé pour la survie de l'espèce.
Cette redondance, cette fiabilité permettent à l'organisme de fonctionner avec continuité
malgré les désordres, les agressions ou les impotences passagères. Pour Morin (1973), le désordre
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définit "tout phénomène qui, par rapport au système considéré, semble obéir au hasard et non au
déterminisme dudit système, tout ce qui n'obéit pas à la stricte application mécanique des forces
selon les schèmes préfixés d'organisation'". Ces désordres, les contraintes de certaines
situations constituent ce que Von Foerster (1960) a appelé du "bruit". Dans la théorie des
communications, le bruit se définit par la survenue d'une perturbation qui altère ou brouille la
transmission d'une information (pour reprendre l'expression populaire, "il y a de la friture sur la
ligne"). L'organisme vivant fonctionne avec du bruit (la concurrence entre les différents systèmes
modalités sensorielles peut constituer une source de bruit) malgré le désordre. Il faut d'ailleurs
rappeler la nécessité de l'existence de perturbations de façon à permettre au système de
s'adapter à toute situation mettant en jeu des modes de fonctionnement différents du mode de
fonctionnement habituel. Il existerait ainsi une "loi de la variété indispensable", évitant au
système de se figer, lui permettant de développer ses facteurs d'adaptation et finalement de
survie. C'est une idée que l'on retrouve largement dans la nécessaire variété des échanges entre
l'individu et son environnement, dans les variabilités des conditions d'apprentissage mises en
place de façon à développer optimalement ou à actualiser les potentialités du sujet. Dans certains
cas, le bruit enrichit l'information, permet l'innovation et la création d'un principe d'ordre
nouveau. Pour reprendre la formule d'Atlan (1972, 1974) "le temps apporte avec lui un capital de
nouveauté et de création". Selon cet auteur, c'est Von Foerster "qui le premier a exprimé la
nécessité d'un principe d'ordre à partir du bruit pour rendre compte des propriétés les plus
singulières des organismes vivants en tant que système auto-organisateurs, notamment de leur
adaptabilité". Ce bruit, cette perturbation, jouent un rôle réorganisateur à partir d'une
désorganisation initiale (notion d'entropie d'un système : tout ce qui, selon le degré de cette
entropie, entraîne la dégradation, la dégénérescence, la désorganisation d'un système). Cette
réorganisation se produit à un niveau de complexité plus élevé, source d'une richesse plus grande,
mettant en place des modalités de fonctionnement différentes, adaptées. "Ainsi, tout système
vivant est menacé par le désordre et en même temps s'en nourrit".
IX- Les maladies neuro dégénératives
Si l'organisme peut pallier les effets de certaines affections par réorganisation, il existe de
nombreuses affections, dont les maladies dites neuro-dégénératives, pour lesquelles la guérison
n'existe pas encore. Nous en évoquerons rapidement ici quelques-unes.
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A- La sclérose en plaques
a) définition
La sclérose en plaques est une maladie neurologique grave caractérisée par une démyélinisation
partielle, élective et chronique du système nerveux central. Le rôle de la gaine de myéline est de
nourrir et de protéger les fibres nerveuses, afin d'assurer une bonne transmission des messages.
Lorsqu'une plaque de démyélinisation apparaît, l'axone se trouve dans l'impossibilité de
transmettre l'information. Cette démyélinisation entraîne de nombreuses lésions dans le cerveau
et la moelle épinière. La substance grise, le système nerveux périphérique ne sont pas touchés
par cette dégénérescence.
Les origines de cette maladie demeurent à ce jour inconnues. Elle touche les sujets entre vingt
et quarante ans, dont soixante pour cent de femmes (et, pour celles-ci, au cours de la période
privilégiée pour la grossesse). Les conclusions de certaines études permettent de penser qu'il
existe bien une relation entre cette affection et les hormones sexuelles. Les différentes études
sur des hormones sexuelles (oestrogènes, progestérone, testostérone) ont montré que celles-ci
avaient
une
action
déterminante
sur
le
système
nerveux
central
(neurotrophisme,
immunomodulation). L'augmentation de ces hormones lors de la grossesse explique la forte
diminution des poussées tout comme la chute des hormones sexuelles après la grossesse explique
leur forte réactivation.
b) caractéristiques
Dans la plupart des cas, les atteintes de cette maladie se manifestent par des poussées plus ou
moins réparties dans le temps en fonction du degré d'affection et des sujets. Les symptômes
initiaux sont en général transitoires, ne durant que quelques heures ou quelques jours. Ils peuvent
ensuite disparaître, pendant de longues périodes de rémission, avant de réapparaître et de
disparaître à nouveau, complètement ou partiellement. Il se produit alors lors de ces crises soit
une réactivation de plaques anciennes, soit l'apparition de nouvelles plaques. Mais il se peut
également que la maladie connaisse une progression lente et régulière.
c) différents symptômes
Cette maladie se traduit souvent par la manifestation de nombreux symptômes tels que :
- des problèmes visuels : vision en double (diplopie)
- des pertes d'équilibre (vertiges, instabilité), des troubles de la locomotion (la démarche se
révèle parfois spastique), de la motricité (difficulté à enchaîner rapidement certains mouvements
– adiadocinésie), ou de la coordination (ataxies)
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- des difficultés d'élocution (dysarthries) par paralysie faciale
- des problèmes urinaires (miction fréquente)
- des paresthésies se traduisant par des sensations de picotements, une impression d'eau
chaude ou froide coulant sur les membres du sujet.
Cette évocation très rapide et superficielle de cette maladie laisse apparaître des
symptômes multiples. Il est difficile à l'heure actuelle de formuler un pronostic sur l'évolution
de cette atteinte neuro-dégénérative. Les traitements existants réduisent la fréquence des
poussées, mais ne sont pas curatifs.
B- La maladie de Pick
Les causes de cette maladie demeurent à ce jour inconnues. Elle montre des lésions situées au
niveau des lobes frontaux et pariétaux antérieurs (atrophie fronto-temporale), et porte sur des
sujets âgés d'au moins 50-60 ans. Des modifications importantes de la personnalité apparaissent,
signées par des comportements inadaptés dont le sujet n'est pas conscient. Cette maladie se
caractérise également par une perte progressive des capacités intellectuelles du sujet, avec au
tout début de la maladie des déficits mettant en jeu les processus attentionnels, avec
l'installation progressive d'une attitude apathique (un désintérêt), mutique, apragmatique.
Paradoxalement, certains patients répètent inlassablement les mêmes gestes ou les mêmes
propos, avec une tendance à l'écholalie ou à la palilalie (répétition systématique de la dernière
partie de la phrase). En fin de tableau, les sujets deviennent prostrés, grabataires.
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C- La maladie de Parkinson
a) définition
Elle est une des maladies chroniques neurodégénératives les plus répandues et se traduit par
une destruction lente et progressive des neurones de la substance noire, région située dans le
tronc cérébral du cerveau (prolongement de la moelle épinière comprenant le bulbe, le pont et le
mésencéphale). Ces neurones émettent des prolongements connectés à une région sous-corticale,
le striatum, impliqué, entre autres, dans le contrôle de la motricité, notamment la marche ou la
saisie d'un objet. Les neurones de la substance noire libèrent dans le striatum un messager
chimique (neurotransmetteur), la dopamine. Lorsque ces neurones meurent, de moins en moins de
dopamine parvient au striatum, limitant ainsi peu à peu les capacités motrices du sujet.
Identifiée par James Parkinson en 1817, cette "paralysie agitante", pour reprendre ses
propres termes, touche en France près de 100 000 personnes. Elle débute généralement entre 55
et 65 ans, elle est rare avant 40 ans. Son évolution peut être lente ou rapide, selon les personnes
atteintes.
b) caractéristiques
Les causes de la destruction des neurones de la substance noire demeurent encore inconnues à
l'heure actuelle. Certaines hypothèses évoquent la possibilité d'un processus d'autodestruction
des neurones, un véritable suicide, dénommé apoptose. Il semblerait qu’entrent en jeu également
des facteurs liés à l'hérédité. Enfin, une cause externe, comme la prise de certains médicaments
(neuroleptiques), la répétition de traumatismes crâniens (boxeurs) peuvent être à l'origine de la
maladie de Parkinson.
c) différents symptômes
Trois symptômes moteurs sont principalement identifiés :
- tremblements des membres au repos : signe précoce de la maladie, ce tremblement est lent,
présentant de 4 à 7 ou 8 oscillations par seconde, augmentant sous l'effet de l'émotion, de la
fatigue, de l'effort intellectuel. Il concerne principalement les membres supérieurs, avec parfois
des gestes caractéristiques, comme celui d'émietter du pain ou de rouler une cigarette entre le
pouce et l'index. Parfois les membres inférieurs sont également touchés.
- akinésie : se signale par l'impossibilité d'initier des mouvements (notamment au moment de
l'initiation de la marche, ou le parkinsonien semble cloué au sol, incapable de produire le premier
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pas) ou par un ralentissement (bradykinésie) de ces mouvements, une maladresse, une écriture
petite, en pattes de mouche (micrographie), la difficulté à conserver son équilibre
- rigidité ou hyper tonicité musculaire, souvent décrite par les patients en termes de raideur
musculaire. Les membres opposent une résistance à leur mobilisation passive. Cette résistance se
renforce progressivement, se traduisant par de petits à-coups suivis de période de relâchement,
constituant ce qui est appelé le phénomène de la roue dentée. La rigidité parkinsonienne se
traduit par une perte du réflexe de posture, avec un tronc fixé en flexion du fait de la
contraction permanente des muscles fléchisseurs du tronc, et une tête semi-fléchie, une
démarche à petits pas.
Outre les symptômes moteurs apparaissent aussi, parfois, des atteintes intellectuelles, comme
la détérioration de la mémoire, des difficultés d'idéation, la difficulté à adapter son
comportement au changement de situation.
d) traitement
Les premiers traitements, et les plus courants, ont consisté dans les années 1960 à
administrer un précurseur de la dopamine, la L-dopa (ou lévodopa), capable de franchir la barrière
hématoencéphalique qui protège le cerveau de la pénétration intempestive de certaines molécules
circulant dans le sang et qui se transforme en dopamine dans le cerveau. Malheureusement, ce
médicament crée une alternance de phases d'amélioration des possibilités motrices et de phases
de rigidité, d'immobilité, la plupart du temps imprévisibles et pénibles. En outre, les variations
métaboliques de ce médicament provoquent d'autres effets secondaires, comme des mouvements
anormaux involontaires, souvent violents et très douloureux. L'idéal serait de faire en sorte que
la substance noire sécrète assez de dopamine pour empêcher les symptômes d'apparaître ou les
faire disparaître. Le problème rencontré ici est que les premiers signes de cette maladie se
manifestent alors que 70% environ des neurones ont déjà été détruits (ou que le taux de
dopamine a diminué d'au moins 70-80 %). Il s'avère donc impossible de porter un diagnostic
précoce. Les recherches actuelles s'orientent vers la thérapie génique qui consiste à introduire
dans le cerveau un gène codant la synthèse de la dopamine dans des neurones du striatum, vers la
greffe de cellules embryonnaires, ou vers la greffe de cellules génétiquement modifiées.
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C- La maladie d'Alzheimer
a) définition
La maladie d’Alzheimer est une démence, au sens médical du terme, c’est-à-dire une altération
sévère de plusieurs fonctions cognitives, comme la pensée et l’intelligence. Lors d'une réunion de
psychiatres allemands à Tübingen en 1906, Alzheimer évoque le cas d'une femme de cinquante et
un ans, qui a présenté un délire de jalousie suivi d'une " désintégration " des fonctions
intellectuelles. A la suite de cette première observation, c'est Kraepelin lui- même qui, en 1912,
dans son traité de psychiatrie parle pour la première fois de la " maladie " définie alors comme
une démence du sujet jeune, rare et dégénérative.
b) caractéristiques
La prévalence de cette maladie, c'est-à-dire le nombre de sujets atteints à un moment donné
dans une population donnée, passe de 1 % entre 65 et 69 ans à plus de 15 % au delà des 85 ans.
C'est donc essentiellement une maladie touchant les personnes âgées. Elle peut également, mais
plus rarement, survenir à un âge plus jeune. Il n'existe pour l'instant, aucun marqueur
diagnostique fiable de la maladie d'Alzheimer. Seule l'étude anatomo pathologique du cerveau
permet le diagnostic de certitude, en mettant en évidence des lésions dont les caractéristiques
sont typiques de la maladie d'Alzheimer. Celles-ci consistent en une perte neuronale et
synaptique, entraînant une diminution de 10 à 20% du poids du cerveau. Cette perte ne se répartit
pas également à l'intérieur du cerveau, touchant principalement les cortex temporal et frontal
après l'âge de 75 ans. A cela s'ajoute des lésions dégénératives, comprenant des plaques séniles,
des
dégénérescences
neurofibrillaires
intra-neuronales,
formées
par
l'accumulation
de
neurofilaments anormaux dont le principal constituant est une protéine tau anormalement
phosphorylée. Ces lésions précèdent la mort neuronale.
c) symptômes
Les premières manifestations de cette affection sont discrètes et portent sur la mémoire.
Celle-ci présente des déficits de plus en plus marqués. Un second symptôme apparaissant
rapidement, en liaison avec les problèmes mnésiques, est le "manque du mot", déjà évoqué à propos
des aphasies. Les noms, les moments, les lieux, pour ne citer que cela, sont oubliés. Les fonctions
cognitives sont peu à peu touchées également, avec des agnosies, des apraxies, une baisse
importante des capacités attentionnelles, la difficulté à se repérer dans l'espace, à retrouver son
chemin ou son lieu d'habitation (les malades se perdent fréquemment). La progression du déficit
intellectuel semble liée à l'extension de l'affection à de nouvelles aires corticales. Les premières
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lésions commencent dans le cortex enthorinal, région qui sert d'interface entre les aires
associatives et le centre de la mémoire (hippocampe). L'apparition de la démence signe la
progression des lésions qui s'étendent aux aires d'associations multimodales, puis aux aires
primaires.
d) traitement
Rien à l'heure actuelle.
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Bibliographie succincte (en français)
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A venir
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