ENTRER EN PHILOSOPHIE AVEC DESCARTES
lesquelles il fait synthèse nécessairement, sans qu’il puisse les
prendre pour « objet ». Il y a donc déjà toute une série d’actes de
pensée, dont je ne puis douter, lorsque j’use du « doute-r ».
2. En deuxième lieu ce terme peut désigner les raisons
que j’ai de douter, les motifs de ma suspension de jugement, les
causes intellectuelles de ma décision de douter. Son sens n’est
plus verbal, mais substantif, ainsi qu’on peut l’entendre dans les
expressions : “ avoir un doute, avoir des doutes ”. Entre le fait
d’avoir des doutes ou de juger certaines choses douteuses, c’est-
à-dire d’avoir des motifs de douter au sujet des opinions que j’ai
à propos de ces choses, et le doute-r lui-même, il faut la décision
volontaire de suspendre mon jugement. N’importe quel motif de
douter n’entraîne pas de soi et nécessairement la suspension du
jugement. Comme le terme “ doute ” au sens de motif de douter
est un substantif et peut se mettre au pluriel (s), nous
l’affecterons de l’exposant : « -s », soit : « doute-s » ou raison de
douter.
3. Le doute-r, motivé ou non et même valablement
motivé, ne peut être tenu pour « le tout » de l’activité spirituelle
de l’homme, ni pour son unique activité intellectuelle possible,
comme le prétendaient illusoirement les Sceptiques. La
suspension motivée de jugement(s) peut et doit s’inscrire dans
une créativité diversifiée d’intelligibilité propre à l’esprit. Le
doute suspensif y joue alors un rôle instrumental, s’il est utilisé à
l’image d’une technique « objective », artisanale ou industrielle
par exemple.
Il sert alors à tester, dans leurs déterminations « objectives » la
valeur de véritél de certaines de nos opinions. Il peut aussi servir
à tester, en leur exercice, la valeur de « rationalité » de nos
méthodes mêmes de penser, c’est-à-dire de nos manières fonda-
mentales d’acquérir nos connaissances. Pour cela, il faut
« réfléchir » les conduites de doute-r, c’est-à-dire en user en
sachant « réflexivement » tout ce que nous faisons, lorsque que
nous « doutons ». Le doute peut devenir par là une occasion de
connaissances réflexives, à condition d’être compris comme un
acte du sujet, par lequel celui-ci se révèle sa propre essence.
De même qu’on peut tester l’absence ou la présence, ainsi que
les variations, d’une propriété physique d’un corps, naturel ou
artificiel, en le soumettant de façon appropriée à une épreuve de